mardi 15 août 2017

L'adieu à la femme rouge - Vénus Khoury-Ghata

L'adieu à la femme rouge

Vénus Khoury-Ghata





















Mercure de France
176 pages
Collection Bleue
Parution : 04-05-2017
ISBN : 978-2-7152-4581-5
Prix : 16.80 €


Présentation de l'éditeur

Le photographe ne voyait que la mère qui lavait ses cheveux rouges puis les nattait sous l'œil de verre qui suivait ses bras nus levés haut pour fixer la masse de tresses au sommet du crâne. Clic clac malgré les regards désapprobateurs des voisins. Ne voyait qu'elle et ses cheveux mélangés à l'argile rouge. La boîte noire retombée sur la poitrine de l'homme, la mère n'aurait pas dû sourire mais rentrer chez elle, refermer sa porte, dérouler sa natte.

Après le passage d'un photographe occidental, la femme aux cheveux rouges disparaît brutalement de la palmeraie où elle vivait, laissant derrière elle ses deux enfants bouleversés. Le mari et les enfants suivront les traces de la mère de ville en ville, et la retrouveront des mois plus tard sur les murs de Séville, devenue top model célèbre grâce au photographe. Ascension rapide suivie d'une chute brutale : l'engouement de l'Occident pour l'étrangère est de courte durée ; les mannequins noirs ne sont plus à la mode, remplacés par les Slaves éthérées... Misère et maladie rattrapent la reine d'hier.
Avec son incroyable talent de romancière, Vénus Khoury-Ghata nous entraîne dans les rues et les faubourgs de Séville, et livre un roman tragique et drôle sur l'exil, la famille et la condition des migrants.


L'autrice

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photo Catherine Hélie / Editions Gallimard

Romancière et poète, Vénus Khoury-Ghata est l’auteur d’une œuvre importante, dont Le Moine, l’Ottoman et la Femme du Grand Argentier (Prix Baie des Anges 2003), La Maison aux orties et Quelle est la nuit parmi les nuits, Les Obscurucis. Au Mercure de France, elle a publié Sept Pierres pour la femme adultère et La fille qui marchait dans le désert. Elle a reçu le Grand prix de poésie de l'Académie française 2009 pour l'ensemble de son oeuvre poétique et le Goncourt de la poésie 2011.


Elle nous présente son roman :





Mon avis

Elle vient d'un pays d'Afrique.  Elle vit là-bas dans la palmeraie avec son mari et ses deux enfants; les jumeaux Zina et Zeit.  Elle travaille l'argile rouge avec ses mains et en enduit ses cheveux et son corps qui prennent la couleur rouge.

Un jour, un homme blanc aux cheveux jaunes vient photographier le désert.  Il la voit et envoûté prend des photos d'elle jusqu'à la nuit tombante.  Pour la première fois de sa vie, elle se sent exister, vivre.  

Elle partira, suivra l'homme aux cheveux jaunes en Europe pour vivre son destin.

Le mari et les enfants vont entreprendre le grand voyage pour la retrouver et la ramener au pays. Six mois de désert jusqu'à Tarifa, trois mois de plus pour arriver à Séville.

En arrivant, ils découvrent sa photo partout sur les murs de Séville.  

Avec l'aide de Baobab, un africain migrant, ils vont prendre contact avec le photographe pour retrouver sa trace et renouer le contact.

Choqué par sa nudité dévoilée, le père avec l'aide de Baobab, passeront leurs nuits à habiller le corps de sa bien aimée.

Mais les codes changent, la couleur de peau des mannequins aussi et du jour au lendemain, tout bascule.  Elle, adulée hier, posera pour des pubs de produits ménagers, elle ira même jusqu'à se mutiler pour rendre une plus grande authenticité de son image, au détriment de sa santé.

Père et enfants ont migré dans l'espoir de la ramener à la maison, mais arrivés sur place il faudra déchanter car au pays elle serait lapidée, répudiée.  Ils vont donc survivre avec d'autres migrants trouvant par-ci par-là de petits jobs pour être là où elle se trouve.

Zina, mendiante est attirée par la foi.  Zeit prendra lui peu à peu la place qu'occupait sa mère sur les murs de la ville en y faisant des graffitis....un autre destin l'attend.

Une femme jouera un rôle important auprès de la famille et des enfants : Amalia.

Il y a beaucoup de choses à dire dans et sur ce magnifique récit : un autre regard sur les migrants, la notion de racisme, la force de l'amour du mari ...  mais je ne veux pas vous gâcher le plaisir de la lecture.

Enormément de jolies phrases relevées car l'écriture de Vénus Khoury-Ghata est somptueuse.  Le phrasé est particulier, très sensuel, très poétique.  C'est un peu comme un conte oriental à l'écriture ciselée.  Une plume magnifique que je vous recommande très particulièrement.

Ma note :  un immense coup de ♥

Les jolies phrases

Elles sont nombreuses, présentes à toutes les pages, en voici quelques unes....

Rien de précis dans tout ce qu'il dit.  L'homme qui a atterri sur leur trottoir est de la race des escargots.  Il se retire dans sa coquille pour ne pas se livrer et ce n'est pas la bave laissée derrière lui qui va expliquer ses motivations.

Elle parle de lui au passé, à l'imparfait comme s'il était mort alors qu'il respire derrière la mince cloison qui les sépare.

A-t-on besoin d'écrire quand on sait parler ?  L'écriture n'est utile qu'aux muets.  Personne n'écrivait au ksar, tous parlaient mais avec d'autres mots.  Ceux qu'il entend sont plus longs, plus étroits, ont d'autres sons.  Zeit a beau les tordre dans un sens puis dans un autre, ils ne sont pas faits pour sa bouche.

Son explication est simple : ces gens veulent nous rabaisser.  La race blanche se venge.  Revanche des incolores sur les colorés.

Elle s'interdit tout sentiment, toute émotion, ne demande rien à personne, ne cherche pas à revoir ses jumeaux qu'elle sait dans la même ville.  Elle a échoué à faire d'eux de vrais enfants et ils ont échoué à faire d'elle une vraie mère.  Culpabilité partagée.  Ils sont quittes.  Inéluctable la séparation.

Désirée hier, rejetée aujourd'hui.  Elle voulait avoir un destin, devenir un personnage.  Le sort en a décidé autrement.  La mode aussi.  Les africaines remplacées par les lituanniennes, les slovènes éthérées, les sombres passées de mode.

L'art ignore les races et les appartenances.  Même planète pour tous, les frontières, les barbelés, une invention d'hommes à l'étroit dans leur imagination.

Il a besoin d'avoir peur pour créer, la quiétude ne vaut rien pour l'artiste.


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