samedi 31 août 2019

BILAN DE LECTURE JUILLET-AOUT 2019


Bilan de lecture juillet-août

Pour cause de vacances, exceptionnellement le bilan mensuel est bimestriel.

Un peu moins de lecture car les vacances étaient sous le signe de la découverte de la Finlande, promenades et journées en plein air au quotidien donc moins de lecture au programme.

Un peu de culture générale, je ne l'ai pas lu mais j'ai retenu le nom d'un auteur finlandais  Johan Runeberg (1804-1877), c'est le poète national de la Finlande.

Un autre nom incontournable est celui de Tove Jansson  la créatrice des Moumines, une espèce de troll à la tête d'hippopotame

  Une comète au pays de Moumine / La comète arrive ...

Autre grand moment d'août, un rendez-vous devenu incontournable "L'intime festival" , c'était le chapitre 7 et à Namur du 23 au 25.  Comme toujours de grands moments , des lectures et entretiens, rencontres.

Les plus marquantes :

- Jérôme Olyslaeghers pour "Trouble" , une lecture magnifique par Johan Leysen , et une rencontre passionnante.

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- Bérengère Cournut et mon gros coup de coeur de la rentrée "De Pierre et d'os"  lu avec beaucoup d'émotions par Marianne Denicourt

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- Autre moment qui marque, la lecture de "Le lambeau" de Philippe Lançon, une heure trente d'émotions , merci Mathieu Amalric

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Mais l'intime festival c'est aussi des découvertes; merci à Lisa Harding, et merci d'avoir programmé un débat en l'absence de Ahmet Altan avec une lecture émouvante de Pietro Pizzuti

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Côté lecture, j'étais déjà en partie en mode préparation RL2019 ayant eu la chance d'avoir reçu des SP.

Voici mon bilan estival :

Cela faisait un moment que je voulais découvrir sa plume.  Je confirme, elle est magnifique.



C'est mon premier coup de coeur de la rentrée et je compte bien le défendre.  Ce livre est merveilleux, il m'a surprise et conquise.  Bienvenue chez les Inuits, un roman d'initiation hors pair. Lisez-le vous ne serez pas déçu.  ♥♥




Il est temps que je publie sa chronique , vraiment je  vous le recommande, le monde de Blake et Mortimer par de grands noms d'univers différents de mon plat pays.  ♥



Restons en Belgique avec ce récit touchant de ma compatriote Corine Jamar.




Ben oui, il y a beaucoup de talents dans mon pays.  Je n'ai toujours pas lu "Les déraisons" , cela ne saurait tarder mais je peux vous affirmer qu'Odile d'Oultremont a beaucoup de talent.  Un autre petit bijou de cette rentrée.




Un magnifique album qui confirme le talent de Timothé Le Boucher




Après la lecture de "Un certain Paul Darrigrand" j'ai eu l'envie de lire la suite et je suis toujours sous le charme de la plume de Philippe Besson




Autre belle découverte de la rentrée, j'ai comblé une lacune, j'ai enfin lu Jean-Paul Dubois ♥♥
Cette rentrée littéraire s'annonce vraiment très bien.




Longtemps que je n'avais plus lu Eric-Emmanuel Schmitt, contente de retrouver son écriture pour un sujet délicat, le deuil, celui de sa maman.



J'avais adoré le tout premier roman d'Emmanuelle PIrotte, partagée sur le second, je n'ai pas lu le troisième dont on dit beaucoup de bien .  Un récit différent qui se mérite, direction seizième siècle, on y parle d'amours et de littérature.


Oh c'est mon second gros coup de coeur de la rentrée , un très très beau récit qui nous parle de nos lâchetés ordinaires  ♥♥♥♥



Découverte d'un premier roman, direction Casamance, dépaysement garanti.

Second roman glaçant, angoissant pour Myriam Leroy qui nous parle du harcèlement.




Premier roman qui va faire parler de lui, je pense.  Une plume proche de l'oralité, visuelle qui claque.  Un roman rural noir à découvrir.




Sorj Chalandon me surprend à chaque fois.  J'ai beaucoup aimé ce roman où pour la première fois il nous parle de femmes.  Sensible, inattendu.



15 lectures au final, beaucoup d'autres qui m'attendent.  Je ne fais pas de prévisions pour septembre , ma pile de la RL19 est immense je piocherai dedans au gré de mes envies.

Comme à chaque fois, il suffit de cliquer sur la couverture pour avoir accès à l'article s'il est déjà publié.  Je mets à jour ma rubrique de façon mensuelle.


mardi 27 août 2019

Ceux qui partent - Jeanne Benameur *****

Ceux qui partent     -   Jeanne Benameur


Ceux qui partent

Actes Sud
Parution : 21 août 2019
Pages : 336
Isbn : 9782330124328
Prix : 21 €

Présentation de l'éditeur

Tout ce que l’exil fissure peut ouvrir de nouveaux chemins. En cette année 1910, sur Ellis Island, aux portes de New York, ils sont une poignée à l’éprouver, chacun au creux de sa langue encore, comme dans le premier vêtement du monde.

Il y a Donato et sa fille Emilia, les lettrés italiens, Gabor, l’homme qui veut fuir son clan, Esther, l’Arménienne épargnée qui rêve d’inventer les nouvelles tenues des libres Américaines.
Retenus un jour et une nuit sur Ellis Island, les voilà confrontés à l’épreuve de l’attente. Ensemble. Leurs routes se mêlent, se dénouent ou se lient. Mais tout dans ce temps sus pendu prend une intensité qui marquera leur vie entière.

Face à eux, Andrew Jónsson, New-Yorkais, père islandais, mère fière d’une ascendance qui remonte aux premiers pionniers. Dans l’objectif de son appareil, ce jeune photographe amateur tente de capter ce qui lui échappe depuis toujours, ce qui le relierait à ses ancêtres, émigrants eux aussi. Quelque chose que sa famille riche et oublieuse n’aborde jamais.

Avec lui, la ville-monde cosmopolite et ouverte à tous les progrès de ce XXe siècle qui débute.
L’exil comme l’accueil exigent de la vaillance. Ceux qui partent et ceux de New York n’en manquent pas. À chacun dans cette ronde nocturne, ce tourbillon d’énergies et de sensualité, de tenter de trouver la forme de son exil, d’inventer dans son propre corps les fondations de son nouveau pays. Et si la nuit était une langue, la seule langue universelle ?



“ Quand j’écris un roman, j’explore une ques­tion qui m’occupe tout entière. Pour Ceux qui partent, c’est ce que provoque l’exil, qu’il soit choisi ou pas. Ma famille, des deux côtés, vient d’ailleurs. Les racines françaises sont fraîches, elles datent de 1900. J’ai vécu moi-même l’exil lorsque j’avais cinq ans, quittant l’Algérie pour La Rochelle.

Après la mort de ma mère, fille d’Italiens émigrés, et ma visite d’Ellis Island, j’ai ressenti la nécessité impérieuse de reconsidérer ce moment si intense de la bascule dans le Nouveau Monde. Langue et corps affrontés au neuf. J’étais enfin prête pour ce travail.

Je suis partie en quête de la révolution dans les corps, dans les cœurs et dans les têtes de chacun des personnages car c’est bien dans cet ordre que les choses se font. La tête vient en dernier. On ne peut réfléchir sa condition nou­velle d’étranger qu’après. Le roman permet cela. Avec les mots, j’ai gagné la possibilité de donner corps au silence.

Sexes, âges, origines différentes. Aller avec chacun jusqu’au plus profond de soi. Cet intime de soi qu’il faut réussir à atteindre pour effectuer le passage vers l’ailleurs, vers le monde. Chaque vie alors comme une aventure à tenter, pré­cieuse, imparfaite, unique. Chaque vie comme un poème.

J’ai choisi New York en 1910 car ce n’est pas encore la Première Guerre mondiale mais c’est le moment où l’Amérique commence à refermer les bras. Les émigrants ne sont plus aussi bien­venus que dix ans plus tôt. L’inquiétude est là. Et puis c’est une ville qui inaugure. Métro, gratte-ciels… Une ville où les femmes seraient plus libres que dans bien des pays d’Europe. Cette liberté, chacun dans le roman la cherche. Moi aussi, en écrivant.

Dans ce monde d’aujourd’hui qui peine à accueillir, notre seule vaillance est d’accepter de ne pas rester intacts. Les uns par les autres se transforment, découvrent en eux des espaces inexplorés, des forces et des fragilités insoup­çonnées. C’est le temps des épreuves fertiles, des joies fulgurantes, des pertes consenties.

C’est un roman et c’est ma façon de vivre.”


JB

L'auteure



Portrait © Patrice Normand, 2015



Entre le roman et la poésie, le travail de Jeanne Benameur se déploie et s'inscrit dans un rapport au monde et à l'être humain épris de liberté et de justesse.
Une œuvre essentiellement publiée chez Actes sud pour les romans. Dernièrement : Profanes (2013, grand prix du Roman RTL/Lire), Otages intimes(2015, prix Version Femina 2015, prix Libraires en Seine 2016) ou L'enfant qui(2017).

Source : Actes Sud

Mon avis

Ceux qui partent, c'est l'histoire d'une poignée d'émigrants ayant fait le choix en 1910 de venir vivre en Amérique, mus par un sentiment d'espoir et de liberté.  Vivre une autre vie, reconstruire pour certains, s'épanouir et se révéler pour d'autres, vivre leurs rêves.

A l'arrivée sur le bateau, un jeune étudiant en droit; Andrew Jonsson les photographie.  Avec son objectif, il capte l'instant présent, et donne une émotion à ces photos.  Il est passionné par l'arrivée de ces émigrants et recherche sans doute un peu de ses origines, des émotions connues par son père et sa grand-mère arrivés bien des années plus tôt car il est islandais d'origine.  Il aime entendre la langue de sa grand-mère, sa langue.

Son père Sigmundur a épousé Elisabeth, il a réussi ici en quittant la pauvreté de son pays.

Elisabeth est obsédée par l'idée de marier son fils, elle aimerait qu'Andrew prenne la suite de son père mais il cherche autre chose, ses racines...  Il est lui hanté par l'image de Rosalind, la petite soeur de son père, décédée là-bas en Islande, elle n'a jamais connu ce pays.

Il a photographié Emilia l'italienne et son père Donato Scarpa.  Elle est peintre, elle enseignera aux enfants et est déterminée à être libre et vivre de sa passion.  Son père, lui est acteur de théâtre, il ne quitte jamais son livre talisman, c'est "L'énéide"  le livre dans lequel il trouve la force de mener cet exil.

Autre personnage important; Gabor et son violon et Esther Agakian, l'arménienne qui a tout perdu.

L'arrivée sur Ellis Island est difficile, ils sont plus de 5000 à attendre les formalités, traités de façon inhumaine.  Ils passeront la nuit sur l'île, une nuit d'introspection, à la découverte de leur intime, à la découverte aussi des plaisirs de la chair pour certains.

C'est un très beau récit tourné sur l'intime, partir c'est bien mais on laisse tant de choses derrière soi.  Chacun vit son exil à sa façon, dans sa tête, dans son coeur et dans son corps.  La découverte du plaisir charnel,  c'est de l'abandon mais aussi cette soif de liberté, d'espoir, de renaissance, de découvertes.

La langue aussi est essentielle, elle fait partie de nos fondations, comme son corps.  La langue étrange dans la bouche de l'autre.. Et si la nuit était une langue universelle.

Un récit profond, une langue magnifique, poétique.  Les mots extrêmement bien choisis.  Une plume juste, introspective, superbe.

J'ai aimé le parallèle avec "L'Enéide", Énée étant exilé lui aussi, la force des mots qui captivent, qui rassurent, qui guident dans le chef de Donato.

Un très beau roman, celui par lequel je découvre la plume de Jeanne Benameur, que j'avais envie de lire depuis très longtemps, deux de ses romans m'attendent dans ma PAL.

Ma note : 8.5/10

Les jolies phrases

Comme les grands oiseaux qui vont chercher l'asile propice pour faire leur nid, ils sont partis mais les hommes n'ont pas la liberté des ailes.  La nature ne les a pas pourvus pour se déplacer au-dessus des mers et des terres.  Il leur faut faire confiance à d'autres hommes pour être transportés.

Quand le vent attise un feu de forêt l'été, les gens luttent tous ensemble comme on élève des digues contre les crues des fleuves.  Mais quand ce sont d'autres êtres humains qui apportent la mort et la destruction, on est atteint au plus profond de soi parce qu'on est humain aussi.

L'ancienne vie avec ses douceurs, ses lenteurs et sa bonne sécurité connues est encore là, dans sa poitrine.  La nouvelle confuse, ignorée, toute confiée au rêve encore, cherche à prendre place.

Est-ce que toute sa vie désormais sera soumise aux deux envies contraires ?  C'est cela alors "émigrer".  On n'est plus jamais vraiment un à l'intérieur de soi.

Et lui même, Donato est seul, sur le rivage où l'on abandonne tous ceux qu'on a aimés et qu'il faut quitter.  Car émigrer, c'est laisser les ancêtres et ceux qu'on a aimés ans une terre où l'on ne retournera pas.

Les hommes cherchent leur vie ailleurs quand leur territoire ne peut plus rien pour eux, c'est comme ça.  Il faut savoir préparer les bateaux quand le vent souffle et que les présages sont bons.  Tarder c'est renoncer.

Le violon dit qu'émigrer c'est espérer encore.
Avec vaillance.
Avec la force de ceux qui n'ont plus rien que leur désir.
Le violon dit que le désir est tout.  Tout.  Et qu'avec le désir on peut vivre.  Il chasse le marasme de l'attente et de la peur de tout ce qui les guette, dans quelques heures, dans quelques jours.  Il dit que chacun a dans le coeur le souvenir de jours heureux, de ceux qu'on veut revivre de toute son âme quelque part : Ailleurs.  Et qu'importe que la terre soit aride et le regard des gens encore soupçonneux.
On émigre : on espère.

Parler sa langue c'est vivre avec soi-même, bien présent dans le monde.  Et c'est bâtir comme une chaude maison autour de soi et de celui avec qui on parle.

Que sommes-nous devenus pour que d'autres humains aient le pouvoir de nous ouvrir un pays ou de nous renvoyer là où il n'y a plus de "chez nous" ?  C'est quoi une frontière ?

Le temps parfois rassemble dans le même sablier tant de choses éparses.  On pourrait fermer le poing pour retenir les grains de sable mais on sait bien que rien ne se retient entre nos doigts.

Est-ce que la nuit est une langue ?  La seule langue que les corps ont tous en commun.  Celle que personne n'a besoin d'apprendre.  C'est le jour seulement que les langues des pays reprennent leur place et nous séparent.

Il a su acheter et vendre.  Il a su parler aux gens, les écouter et comprendre à demi-mot ce qu'ils voulaient.  Le commerce, c'est ça.  C'est apprendre à connaître le désir de quelqu'un. Et après tout, il en avait fait son art.

Doit-on tout avoir de celui qu'on aime? Doit-on accéder à son être tout entier ?  est-ce que l'amour ne peut pas accepter la part manquante ?


Les émigrants ne cherchent pas à conquérir le plus profond d'eux-mêmes parce qu'il n'y a pas d'autre façon de continuer à vivre lorsqu'on quitte tout.



samedi 24 août 2019

De pierre et d'os - Bérengère Cournut ♥♥♥♥♥

De pierre et d'os     -   Bérengère Cournut  ♥♥♥♥♥


couverture du livre De pierre et d'os

Le Tripode
Parution : 29 août 2019
Pages : 219
Isbn : 9782370552129
Prix: 19,00 €

Présentation de l'éditeur

« Les Inuit sont un peuple de chasseurs nomades se déployant dans l’Arctique depuis un millier d’années. Jusqu’à très récemment, ils n’avaient d’autres ressources à leur survie que les animaux qu’ils chassaient, les pierres laissées libres par la terre gelée, les plantes et les baies poussant au soleil de minuit. Ils partagent leur territoire immense avec nombre d’animaux plus ou moins migrateurs, mais aussi avec les esprits et les éléments. L’eau sous toutes ses formes est leur univers constant, le vent entre dans leurs oreilles et ressort de leurs gorges en souffles rauques. Pour toutes les occasions, ils ont des chants, qu’accompagne parfois le battement des tambours chamaniques. » (note liminaire du roman)

Dans ce monde des confins, une nuit, une fracture de la banquise sépare une jeune femme inuit de sa famille. Uqsuralik se voit livrée à elle-même, plongée dans la pénombre et le froid polaire. Elle n’a d’autre solution pour survivre que d’avancer, trouver un refuge. Commence ainsi pour elle, dans des conditions extrêmes, le chemin d’une quête qui, au-delà des vastitudes de l’espace arctique, va lui révéler son monde intérieur.

Deux ans après son roman Née contente à Oraibi, qui nous faisait découvrir la culture des indiens hopis, Bérengère Cournut poursuit sa recherche d’une vision alternative du monde avec un roman qui nous amène cette fois-ci dans le monde inuit. Empreint à la fois de douceur, d’écologie et de spiritualité, De pierre et d’os nous plonge dans le destin solaire d’une jeune femme eskimo.

Édition augmentée d'un cahier de photographies.

L'auteure

Bérengère Cournut



Bérengère Cournut est née en 1979. Ses premiers livres exploraient essentiellement des territoires oniriques, où l'eau se mêle à la terre (L'Écorcobaliseur, Attila, 2008), où la plaine fabrique des otaries et des renards (Nanoushkaïa, L'Oie de Cravan, 2009), où la glace se pique à la chaleur du désert (Wendy Ratherfight, L'Oie de Cravan, 2013). En 2017, elle a publié Née contente à Oraibi (Le Tripode), roman d'immersion sur les plateaux arides d'Arizona, au sein du peuple hopi. Dans la même veine, paraîtra en août 2019 De pierre et d'os, un roman sur le peuple inuit, pour lequel elle a bénéficié d'une résidence d'écriture de dix mois au sein des bibliothèques du Muséum national d'histoire naturelle, financée par la région Île-de-France. Entretemps, un court roman épistolaire lui est venu, Par-delà nos corps, paru en février 2019.

Mon avis

Attention pépite ♥

Une très très belle double découverte pour moi - merci Antony - les éditions Tripode  (voir Vigile) et cette pépite "De pierre et d'os".

Son écrin est superbe, une couverture qui invite au rêve, à l'évasion réalisée par Juliette Maroni.  A l'intérieur de cet écrin une plume enchanteresse, poétique qui nous emmène en Arctique à la découverte des Inuits et de leur mode de vie.

Bérengère Cournut nous propose de suivre le destin d'Uqsuralik, une jeune inuit qui suite à de fortes douleurs au ventre, sort de l'igloo en pleine nuit pour découvrir qu'elle est devenue femme.  C'est un bouleversement qui se déroule en elle, une étape.

Tout à coup, un immense craquement et la banquise se fendille en deux laissant d'un côté l'igloo familial, ses affaires, ses attaches.

Son père sort rapidement et lui lance une amulette - une dent d'ours pour la protéger - une peau d'ours et un harpon qui malheureusement se cassera en arrivant à proximité d'Uqsuralik.  C'est tout ce dont elle disposera pour survivre, enfin presque car trois chiots la regardent en grognant ainsi que sa chienne Iksaluk.

Commence alors une longue marche vers la survie, son apprentissage à la vie, sa quête d'identité.  Un magnifique roman d'initiation.

L'écriture est poétique, les différents chapitres entrecoupés de chansons, de complaintes magnifiques.  C'est beau, original, touchant, ce sont des respirations dans ce monde souvent hostile.

C'est l'Arctique, les conditions de vie  difficiles du peuple Inuit qui nous sont contées avec beaucoup de pudeur et de délicatesse.  L'écriture est superbe.

Ce voyage initiatique qui aborde la vie de tous les jours, la chasse, l'errance, la cueillette, les réserves, les constructions des maisons d'été et de glace, la vie communautaire mais aussi la difficulté d'être femme, de trouver sa place, la nécessité de la maternité, l'amour, la mort, la vie et ses traditions.

On vit au rythme des saisons, du temps qui passe, à la rencontre des gens, des tribus.  On découvre la beauté de la nature mais aussi les conditions extrêmes lorsque les éléments se déchaînent, ses dangers.

Un autre aspect très important et non des moindres est mis en avant, c'est le pouvoir des esprits, le monde obscur des chamanes.  C'est fascinant, éblouissant.

Un récit qui sort de l'ordinaire, que je n'ai pu quitter.  Une très belle découverte que je vous recommande vivement.

Un immense coup de coeur

Les jolies phrases

Un iceberg est un monde qui peut basculer à tout moment.

Nous allons loin parfois.  Au-delà de la baie, au pied des icebergs qui passent au large.  Ces géants de glace sont comme des montagnes posées sur l'eau.  Aux heures où le soleil monte dans le ciel, ils sont éblouissants, on ne peut pas les regarder sans se blesser les yeux.  Ils parlent une langue étrange - de succion, d'écoulements et de craquements.  Ils sont plus imprévisibles encore que la banquise.

Nous avons atteint la montagne.  L'homme guidait ses chiens entre les monticules, les crevasses.  La pente glissait sous leurs pattes comme un saumon bien gras dans la gueule d'un ours.  Des larmes de froid coulaient sur mes joues et la lumière s'intensifiait à mesure que nous montions.  D'où nous étions, le rivage apparaissait parfaitement blanc.  Il étincelait même, plus lumineux que la banquise encore grise par endroits.  Au loin, la mer était sombre.  Je ne me souvenais pas d'avoir déjà vu l'eau libre en cette saison.  Sans doute parce que je ne suis jamais montée si haut dans la montagne en hiver.

Ma vieille mère a d'ailleurs décrété qu'elle ne s'approcherait plus de l'eau ni de la glace lisse.  Elle ne veut plus voir son visage. "Quand on a une fille qui s'apprête à avoir des petits-enfants on ne doit plus essayer de regarder ses rides, assure-t-elle.  Ce sont des crevasses profondes dans lesquelles on tombe trop facilement."

Durant ma longue vie d'Inuit, j'ai appris que le pouvoir est quelque chose de silencieux.  Quelque chose que l'on reçoit et qui - comme les chants, les enfants - nous traverse .  Et qu'on doit ensuite laisser courir.



mercredi 21 août 2019

Baïkonour - Odile d'Oultremont ♥

Baïkonour -  Odile d'Oultremont  ♥♥♥



Les éditions de L'Observatoire
Parution : le 21 août 2019
Pages : 224
Isbn :  979-10-329-0432-9
Prix : 18 €

Présentation de l'éditeur


Anka vit au bord du golfe de Gascogne, dans une petite ville de Bretagne offerte à la houle et aux rafales. Fascinée par l’océan, la jeune femme rêve depuis toujours de prendre le large. Jusqu’au jour où la mer lui ravit ce père qu’elle aimait tant : Vladimir, pêcheur aguerri et capitaine du Baïkonour.

Sur le chantier déployé un peu plus loin, Marcus est grutier. Depuis les hauteurs de sa cabine, à cinquante mètres du sol, il orchestre les travaux et observe, passionné, la vie qui se meut en contrebas. Chaque jour, il attend le passage d’une inconnue. Un matin, distrait par la contemplation de cette jeune femme, il chute depuis la flèche de sa grue et bascule dans le coma.

Quelque part entre ciel et mer, les destins de ces deux êtres que tout oppose se croiseront-ils enfin ?



Odile d’Oultremont est scénariste et réalisatrice. Son premier roman, Les Déraisons, a reçu le prix de La Closerie des Lilas et le prix des lecteurs de Club.  Baïkonour est son deuxième roman.

L'auteure

Odile  d’Oultremont




Scénariste et réalisatrice, Odile d’Oultremont vit entre Bruxelles et Paris. Son premier roman "Les déraisons" est paru en décembre 2017. Prix des lecteurs de Club 2018 et Prix de la Closerie des Lilas.

© Barbara Iweins

Mon avis

C'est le deuxième roman de ma compatriote Odile d'Oultremont, le premier - honte à moi - dormant toujours dans mon Himalaya à lire a été couronné du prix de la "Closerie des lilas" et du "Prix des lecteurs de Club".

Direction, le golfe de Gascogne, Kerlé, une petite bourgade de Bretagne au bord de l'océan.

L'océan, un personnage à part entière du roman, celui qui fait partie depuis toujours de la vie d'Anka Savidan, car c'est ici qu'elle a vu le jour il y a 23 ans.  Cet océan qu'elle adore et qui la fascine changera de visage un jour de février 2017, jour où son père adoré Vladimir marin pêcheur capitaine du Baïkonour y sera englouti.

La disparition de Vladimir chamboule la vie d'Anka mais aussi celle de sa femme Edith qui refuse la nouvelle.  En plein déni, chaque jour elle confectionne des quantités de soupe et de réconfort pour les membres de la capitainerie.  C'est sa façon à elle de démontrer son amour et son espérance car chaque jour, elle confectionnait un thermos de ce breuvage pour Vladimir.

Il savait qu'en préparant ses soupes elle pensait à lui, elle savait qu'en les mangeant il pensait à elle.

Anka est coiffeuse, elle repense à son père et à l'océan qui l'attire depuis toujours, à la première fois à l'âge de dix ans où enfin elle avait pu grimper sur le Baïkonour, sa première pêche, la première fois qu'elle avait pris la barre et manoeuvré le bateau , à la complicité et l'admiration sans borne et l'amour infini  qu'elle avait pour son père Vladimir et son métier, des sentiments non partagés par Edith.

Marcus Bogat est grutier, un des meilleurs de France.  Il arrive du Sud ce 18 février 2017 à Kerlé pour un chantier qui devra durer un an et huit mois.  Il s'est forgé tout seul et adore son métier et voir la vie du haut de sa tour d'acier.

Ses parents se sont séparés lorsqu'il avait onze ans. Son père est mou, fade, porté sur le pastis, sans emploi, sans ambition.  Sa mère est morte lorsqu'il avait 17 ans.  C'est un solitaire, il assiste le 25 février du haut de son perchoir à l'hommage rendu à Vladimir.  Il remarque Anka se rendant chaque jour au salon de coiffure, elle le fascine et il tombe amoureux de cette inconnue.

Un jour, un accident survient, en voulant huiler les rails de sa grue, une bourrasque imprévue et le voilà suspendu les pieds dans le vide, son casque s'écrase au sol à 2 mètres d'Anka.  Marcus est dans le coma.

Deux destins que tout oppose, se croiseront-ils ?

L'écriture de ce roman est superbe, très travaillée.  Les phrases sont juste magnifiques et les mots excessivement bien choisis.  La plume est fluide, agréable, captive dès les premières lignes de part la qualité de l'écriture.

C'est l'histoire d'amours; celui de l'océan, celui d'Edith porté à son mari, celui d'Anka porté à son père, celui de Vladimir porté à sa fille, celui de Bernie pour son fils Marcus, l'amour pour une inconnue, un inconnu.., l'amour de la vie.  C'est l'histoire d'une renaissance, des différentes manières de faire son deuil, de se faire confiance en soi, en la vie, d'aller au bout de ses envies.

Un récit magnifique à découvrir bien vite.  Une lecture très agréable.


Ma note :  ♥


Les jolies phrases

Line soupire, personne ne le remarque mais elle hausse un rien les épaules, elle veut bien faire, se sent injustement traitée, car il arrive que la hiérarchie des douleurs engendre un abus de pouvoir contre lequel elle se sent impuissante.

De retour sur la plage, elle prend part aux chants dans un état semi-conscient, sa main coincée dans celle de Line, elle fixe le large, le hait, le défie, le conchie, l'Atlantique, son ami cher et ses cent mille moments de bonheur qui, d'un seul coup, et par la seule disparition d'un corps, devient l'ennemi contre lequel s'armer pour la guerre.

Au salon, les semaines qui suivent la mort de Vladimir s'enfilent mollement comme des perles en bois sur un gros fil de coton, à former bientôt un collier dont Anka a le sentiment qu'il est fixé autour de son cou, l'épaisseur du cordon enflant peu à peu.  Elle tente parfois de l'ôter, mais le tissu ballonne plus encore et bientôt elle manque d'air.

Elle pose des mains sur la barre, et la serre fort.  D'un coup, son coeur s'affole sous ses côtes, il lui semble que ses yeux, même fermés voient tout.  L'abîme, le manquement, la débâcle. Et la reddition obligatoire.  Et pour la première fois, elle pleure.

Elle a ravalé ses sanglots, ne laisse rien paraître, elle n'est pas venue pour flancher.  Elle ne veut rien dévoiler à l'ennemi.  Venir le saluer avec élégance et marquer ainsi sa chute, lui signifier qu'avoir avalé son père n'a rien d'une victoire, mais que, jamais elle ne pardonnera.
Et pourtant, par le passé, elle a tant aimé cette présence, l'addition phénoménale de ces litres d'eau en mouvement perpétuel, pérorant à l'infini d'une puissance que personne, jamais, ne contestait.
La surface de l'océan danse comme une ballerine.  Après toutes ces années, Anka est devenue, à force d'observation et de toute son attention, la spécialiste de ses chorégraphies.  La mer, comme les artistes, a ses périodes : son talent et sa virtuosité se situent au point de convergence entre la puissance des flots et leur lyrisme : l'un prenant la pas sur l'autre au fil des jours.

Enjoliver la réalité.  Or chez les vieux, l'inexorable flétrissure du corps cannibalise tout, les derniers vestiges de la jeunesse surtout, et à tenter d'y revenir, surgit alors en démons faisandés l'image d'un passé qui ricane.

La mer était sa maîtresse et y résider en solitaire demeurait son seul intérêt.

Ainsi, elle a le sentiment que la mer est seule à lui dispenser sa fierté.

Ce que l'on cherche dans les fonds marins, on le retrouve à la cime de tout et c'est ainsi que d'une extrémité à l'autre ondulent les mêmes mélodies.

Personne ne ressuscite personne.  Il se serait réveillé avec ou sans moi.  Il n'y a pas, il n'y a jamais de miracle, il n'y a que des vivants ou des morts.  Les morts on les enterre, les vivants on en prend soin.





lundi 19 août 2019

Challenge 1% de la rentrée littéraire 2019

Challenge de la rentrée littéraire 2019

challenge rentrée littéraire 2019

C'est vrai que les challenges, c'est toujours compliqué à tenir pour moi, mais s'il en est bien un que je fais depuis quelques années c'est celui proposé par Sophie Hérisson de Délivrer des livres, elle nous propose la dixième édition déjà. J'en suis pour ma part à la sixième participation je pense.


La rentrée 2019 c'est

 524 livres



(source Livres Hebdo) vont paraître lors de cette rentrée littéraire 2019C'est le nombre le plus bas depuis 20 ans mais rassurez-vous , il y a de quoi faire. Des découvertes à faire, des coups de cœurs inattendus, et comme chaque année elle nous invite à partager et échanger autour de vos lectures !


Quel est l'objectif ?


Il est simple lire au moins 1 % de la rentrée littéraire soit 6 livres d'ici au 31 janvier 2019.

Toutes les sorties comptent (bd, jeunesse) du moment que la parution soit entre le 14/08 et fin octobre.

L'an dernier j'en avais lu 27 ( mon bilan 2018 est ici)

Quelques « Règles » :


* Tout le monde peut participer, il suffit de s’inscrire ici en commentaire, et de publier son avis sur un espace public (blog, chaîne youtube, instagram…)


* tous les livres parus entre mi-août et fin octobre sont acceptés, dont bien sûr la littérature jeunesse et les BD.

* N’hésitez pas à partager vos listes de lecture, vos achats en librairie, vos billets, ici et sur le groupe facebook du challenge !


* Merci de mettre le logo et/ou le lien (http://delivrer-des-livres.fr/challenge-1-rentree-litteraire-2019) dans vos articles participants, afin qu’on repère plus facilement les livres!


* Il faudra aussi venir donner vos liens, dans le formulaire dédié -juste ici- au Challenge Rentrée littéraire 2019

Comme chaque année un onglet sera consacré au challenge où vous pourrez retrouver mes articles et coups de coeur.


Envie de participer ? Inscrivez-vous

Boy Diola - Yancoubé Diémé

Boy Diola   -  Yancouba Diémé


Boy Diola

Flammarion
Parution : 28 août 2019
Pages : 192
ISBN  : 9782081446182
Prix : 17 €

Présentation de l'éditeur

« Boy Diola », c’est ainsi qu’on appelait le villageois de Casamance venu à Dakar pour trouver du travail. Ce villageois, c’est toi, mon père, Apéraw en diola. À force de côtoyer de trop près la souffrance, tu as décidé de partir. Pendant des mois, tu t’es rendu au port jusqu’à ce que ton tour arrive, un matin de 1969. Tu as laissé derrière toi les histoires racontées autour du feu, les animaux de la brousse, les arachides cultivées toute ta jeunesse. De ce voyage tu ne dis rien. Ensuite, tout s’enchaîne très vite. L’arrivée à Marseille, l’installation à Aulnay-sous-Bois, la vie d’ouvrier chez Citroën, le licenciement, la débrouille.

Odyssée depuis le fin fond de l’Afrique jusqu’aux quartiers populaires de la banlieue parisienne, Boy Diola met en scène, avec une pointe d’humour et beaucoup d’émotion, cet homme partagé entre deux mondes et donne ainsi corps et voix à ceux que l’on n’entend pas.

L'auteur

Diémé Yancouba

Yancouba Diémé est né en 1990 à Villepinte, en banlieue parisienne. Diplômé du master de Création littéraire de l’Université Paris 8 en 2015, Boy Diola est son premier roman.


Mon avis

Diola : peuple d'Afrique de l'Ouest (Gambie, Sénégal, Guinée Bissau) essentiellement cultivateur, c'est aussi une langue nous dit Wikipédia.

Boy Diola, j'ai envie de le nommer "déraciné", celui qui vient de la Brousse et quitte tout pour un monde meilleur.

Le narrateur (l'auteur) nous raconte avec beaucoup de simplicité, de respect, d'amour et d'humour le destin de son père Apéraw, Boy Diola originaire de Kagnarou , un petit village de Casamance.

Ce premier roman débute en 2010, un bateau laisse des réfugiés sur une plage corse.  Dans les yeux des naufragés Apéraw voit ceux qui ont fait le voyage avec lui en 1969.  C'est une révélation pour son fils qui veut savoir et reconstituer le parcours de son père, lui qui croyait qu'il était arrivé en France par avion.

Il se souvient quand il avait onze ans, en juillet 2001, son premier voyage au pays natal d'Apéraw.  La découverte de ses origines, de ses racines, la case au village, la précarité, la chaleur, les moustiques.  Son père lui conte les us et coutumes et traditions, la rudesse de la vie d'agriculteur, d'un producteur d'arachides.

Apéraw est né en 1944. La date exacte, on l'ignore, c'est parfois le 31/12, le 01/01 ou encore le 08/04/44, c'est comme ça là-bas.  Apéraw a grandi au village mais très vite il a voulu autre chose.  Trouver du travail en ville, apprenti menuisier ou apprenti mécanicien, survivre à Dakar puis l'appel du large vers une vie meilleure.  Au port guettant chaque bateau qui l'emmènera ailleurs, il saisit sa chance, quitte tout, ce sera la France.

On voyage dans le temps et dans l'espace avec ce récit sans réelle chronologie entre Paris et La Casamance.  Arrivé en France, à Paris, Apéraw trouve du travail, d'abord manoeuvre puis ouvrier à la chaîne chez Citroën durant 14 ans jusqu'à son licenciement.  La vie est dure mais jamais il ne baisse les bras, il est vaillant et travailleur, rebondit et veut le meilleur pour ses enfants.

C'est un récit intimiste sur la vie d'un déraciné, un témoignage puissant sur une autre culture, la construction d'une identité.  

Une plume simple, fluide, proche de l'oralité non dénuée d'humour que nous propose Yacounba Diémé dans ce premier roman.

J'ai juste été un peu perturbée par le manque de chronologie, cela me semblait un peu décousu mais peut-être est-ce le but recherché, se créer une identité sur base d'éléments disparates.

Un joli témoignage qui nous permet l'ouverture sur une autre culture et un autre regard sur les déracinés.  Touchant de sincérité.

Ma note : 7/10

Les jolies phrases

Comment peut-il avoir vécu à la fois à l'époque où l'on faisait griller la viande de cochon et celle de l'école coranique ?  L'époque des accouchements dans la forêt et celle des premiers dispensaires ?  

Si tu as peur de la forêt, toi tu peux pas devenir un homme.  Le Diola il peut pas avoir peur de la forêt, si tu as peur comment tu vas faire pour vivre ?

Ne pas aimer nos produits ne revient pas à ne pas nous aimer.

Étudier pour aller où ?  "Est-ce qu'on a attendu quelqu'un pour apprendre à manger ?  Ils croient qu'on est bête mais laissez-les croire ce qu'ils veulent, nous on s'en four.  Ce qui est dans notre tête c'est ce qui était dans la tête de nos pères, la vie c'est comme ça.  Tu prends les choses dans la tête de ton père et tu augmentes.


Dans le temps, porter un costume c'était devenir quelqu'un.  C'était l'orée de l'indépendance, de promesses de développement et des chimères.

On peut pas retourner dans la souffrance.  C'est pour ça quand on sort on fait attention maintenant? ON peut pas retourner.  C'est beaucoup la souffrance.

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Merci à Flammarion et Babelio pour cette lecture dans le cadre de Masse Critique RL2019

jeudi 15 août 2019

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon - Jean-Paul Dubois

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon  -  Jean-Paul Dubois


Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon

Editions de l'Olivier
Parution : 14 août 2019
Pages : 256
EAN : 9782823615166
Prix : 19 €

Présentation de l'éditeur



Cela fait deux ans que Paul Hansen purge sa peine dans la prison provinciale de Montréal. Il y partage une cellule avec Horton, un Hells Angel incarcéré pour meurtre.

Retour en arrière: Hansen est super intendant a L’Excelsior, une résidence où il déploie ses talents de concierge, de gardien, de factotum, et – plus encore – de réparateur des âmes et consolateur des affligés. Lorsqu’il n’est pas occupé à venir en aide aux habitants de L’Excelsior ou à entretenir les bâtiments, il rejoint Winona, sa compagne. Aux commandes de son aéroplane, elle l’emmène en plein ciel, au-dessus des nuages. Mais bientôt tout change. Un nouveau gérant arrive à L’Excelsior, des conflits éclatent. Et l’inévitable se produit.

Une église ensablée dans les dunes d’une plage, une mine d’amiante à ciel ouvert, les méandres d’un fleuve couleur argent, les ondes sonores d’un orgue composent les paysages variés où se déroule ce roman.

Histoire d’une vie, Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon est l’un des plus beaux livres de Jean-Paul Dubois. On y découvre un écrivain qu’animent le sens aigu de la fraternité et un sentiment de révolte à l’égard de toutes les formes d’injustice.


L'auteur

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Photo via Babelio



Jean-Paul Dubois est né en 1950 à Toulouse où il vit actuellement. Journaliste, il commence par écrire des chroniques sportives dans Sud-Ouest. Après la justice et le cinéma au Matin de Paris, il devient grand reporter en 1984 pour Le Nouvel Observateur. Il examine au scalpel les États-Unis et livre des chroniques qui seront publiées en deux volumes aux Éditions de l'Olivier : L'Amérique m'inquiète (1996) et Jusque-là tout allait bien en Amérique (2002). Écrivain , Jean-Paul Dubois a publié de nombreux romans (Je pense à autre chose, Si ce livre pouvait me rapprocher de toi). Il a obtenu le prix France Télévisions pour Kennedy et moi (Le Seuil, 1996), le prix Femina et le prix du roman Fnac pour Une vie française (Éditions de l'Olivier, 2004).


Source : Editions de l'Olivier

    Ã‰glise de Skagen — Wikipédia Danmarks ytterpunkter – Wikipedia

Mon avis

C'est le premier Jean-Paul Dubois que je lis et c'est une très belle découverte de cette RL2019.  Je sens que je vais faire remonter "La succession" qui m'attend dans ma PAL.

Ce récit raconté à la première personne par Paul Hansen se déroule dans le milieu carcéral.  En effet, nous sommes au pénitencier de Montréal, a seulement quelques kilomètres de l'ancien habitat de Paul. Une prison où grouillent des rongeurs la nuit, où il fait très froid l'hiver, malgré le nombre important de couvertures.  Une cellule nommée ironiquement condo, "appartement' de 6 m2, deux lits superposés, deux tabourets scellés, deux tablettes, un lavabo et un siège de toilette.  Une cellule partagée avec Patrick Horton, un biker massif , tatoué, qu'il vaut mieux ne pas trop approcher ni contrarier.  Il est condamné pour meurtre et passionné de Harley Davidson.

Paul Hansen est l'opposé, un homme serviable, aimable, apparemment sans histoire, qui durant 26 ans a été super intendant à l'Excelsior, entendez par là, homme à tout faire, super concierge veillant corps et âme à l'entretien des 68 appartements de la résidence et sa piscine.  

Mais que fait-il là ?  Pourquoi est-il emprisonné depuis le 4 novembre 2008, date de l'élection d'Obama, presque deux ans ?  

Ah ben ça, pour le savoir faut lire ce savoureux récit.

Paul Hansen est Franco-Danois, il est né à Toulouse le 20 mai 1955.  Son père, Johannes, pasteur est né à Skagen, le point le plus au Nord du Jutland, un petit village de pêcheurs de harengs célèbre pour son école picturale et surtout pour son église ensablée dont ne reste visible que le clocher, c'est ce qui lui a donné la foi.

Son père Johannes épousera une française Anna en 1953.  Anna c'est aussi l'histoire du cinéma dont elle est passionnée.  Elle gérera le cinéma familial, le Spargo à Toulouse et le fera évoluer vers des films "art et essai". En 1975, changement de cap, elle programme "Gorge profonde".  Ce film et cette nouvelle orientation sonnera le glas pour le couple, les projections de plus en plus érotiques étant incompatibles avec la foi "perdue" de Johannes.

Johannes Hansen émigrera au Canada en 1975 dans une ville minière, un an plus tard, son fils viendra le voir et s'installera là-bas.  Après divers boulots il s'installera à l'Excelsior.

Ce récit, c'est l'histoire de Paul, l'amour d'un père, l'amour d'une femme, la sienne Wiwona, une indienne algondine, l'amour perdu pour sa chienne Nouk car il s'agit aussi de l'histoire de deuils.

Mais avant tout, c'est l'humanité, ce sont deux hommes opposés qui dans la promiscuité d'une cellule vont avoir l'un envers l'autre une solidarité, une certaine compassion.  C'est l'être humain qui se révèle et se met à nu.

J'ai aimé la plume de Jean-Paul Dubois, tendre, vive, drôle à la fois.  Le ton est souvent sarcastique, un roman dense, il se passe toujours quelque chose nous parlant de révolte, de l'impossibilité pour Paul de se résigner à l'injustice. 

Il nous donne une certaine vision du monde, de l'être humain.  Il décortique ce qui peut pousser un être ordinaire, serviable, travailleur à "péter un câble".  Il nous parle d'humanité ou du manque de celle-ci dans ce monde et nous emmène au coeur des sentiments de chacun.

Un roman audacieux qui vous promet un beau voyage sur un fonds historique, à la découverte de Skagen, des hommes et de leur profondeur d'âme.. Oui, tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon.

Je suis séduite, un très beau roman de cette rentrée.

Lisez-le !

Ma note :  9/10

Les jolies phrases

Voir ainsi ce colosse assassin donner le meilleur de lui-même pendant ces tâches puériles a un côté touchant, mais aussi sacrément angoissant, tant il interroge sur les méandres merdeux de l'âme humaine.

Débarrassés de toute contrainte, nous éprouvions alors le sentiment de flotter dans le temps, d'être pleinement propriétaires de nos vies, de secréter à chaque pas de l'insouciance et des molécules de bonheur ; tandis que la chienne roulait son pelage blanc dans des manteaux de neige.  Il m'arrive parfois de fermer les yeux et d'essayer de reconstituer le jardin d'Eden, mais à chaque tentative des voix sauvages jaillissant des couloirs et des cellules font s'écrouler la patiente et fragile reconstruction qu'on essayait d'opérer  ma mémoire.   C'est alors que l'on prend la mesure de ce qu'est une peine de prison.  Une incapacité chronique à s'évader , ne serait-ce que le temps d'une marche en compagnie des morts.  J'ai dit qu'eux pouvaient me visiter ici.  Mais jamais je n'arrive à les rejoindre dehors.

La foi, c'est fragile, ça repose sur trois fois rien comme un tour de magie.  Et qu'est-ce qu'il faut pour être un bon prestidigitateur ?  Un lapin et un chapeau.

La foi était passée à la trappe.  Une autre l'avait remplacée.  Mon père avait besoin de croire.

A la fin de l'été, la chute fut vertigineuse et les pertes à Trois-Rivières enflèrent de semaine en semaine.  Le pasteur était entré dans le vortex du vaincu, ce trou noir qui avale inexorablement celui qui a trop perdu pour renoncer, d'autant qu'il est, au fond de son coeur, convaincu que la chance et les chevaux finiront par tourner à nouveau dans le bon sens.  L'élixir, le cocktail de la catastrophe. 

De ces premiers temps d'apprentissage j'ai retenu une leçon tout simple : les immeubles d'habitation ressemblent souvent aux gens qui les habitent et qui aiment qu'on leur ressemble.

La vie, c'est comme les canassons, fils : si elle t'éjecte, tu fermes ta gueule et tu lui remontes dessus tout de suite.


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