dimanche 28 août 2022

Manifestante - Hélène Aldeguer

 Manifestante     -   Hélène Aldeguer














Futuropolis
Parution : le 17 août 2022
Pages : 120
ISBN : 9782754832588
Prix : 19.5 €

Présentation de l'éditeur

Anna a 29 ans. Elle cherche du travail et sous-loue un appartement en colocation à Paris, aime aller au musée, au cinéma et prendre des bières en terrasse avec ses amis. Tous les dimanches, elle rend visite à sa grand-mère, en Ephad, à qui elle se confie, et qu’elle écoute. Sa vie se déroule ainsi, sans trop se préoccuper du bruit du monde. Le hasard la fait un jour croiser un cortège. Curieuse, elle l’intègre. Cette première expérience la fait réfléchir et en amène une autre. Elle croise dans cette manifestation Leïla, une amie d’enfance qu’elle avait perdue de vue. Leïla lui avoue s’être éloignée de leur bande d’amis qui ne s’engagent sur rien et ne pensent qu’à leur petit confort. La manifestation dégénère quand la police charge après avoir lancé des grenades lacrymogènes. Elles en échappent de peu. Pour Anna, c’est l’épreuve du feu. Mais bientôt Leïla va lui présenter d’autres manifestantes qui vont l’entraîner encore un peu plus loin dans la contestation…
Comment en vient-on à passer le pas, et à sortir dans la rue pour exprimer sa révolte ? À une époque où les raisons de contestation sont multiples - écologie, féminisme, antiracisme, anticapitalisme et justice sociale, droits des migrants, droits LGBT, violences policières - quels peuvent être les événements, les rencontres, les coïncidences et les prises de conscience qui font qu’un individu rejoint une foule en colère ?
Le troisième livre d’Hélène Aldeguer, qui signe un récit d’une grande modernité et d’une grande maturité. Le parcours d’une jeune femme qui, intriguée par les contestations régulières qui secouent le pays, va s’engager grâce à la rencontre de plusieurs femmes militantes.

Hélène Aldeguer

Diplômée en illustration à l’école Estienne, Hélène Aldeguer réalise une bande dessinée sur les élections législatives d’octobre 2014 à Tunis et à Tabarka où elle se rend régulièrement.
En 2016, elle est sélectionnée au Concours des Jeunes Talents au festival d’Angoulême.
En 2017, elle publie Un chant d’amour. Israël-Palestine, une histoire française avec le journaliste du Monde diplomatique Alain Gresh.
En 2018, elle publie son premier livre chez Futuropolis, Après le printemps, pour laquelle elle a obtenu le Prix de la Fondation Raymond Leblanc et le Prix étudiant de la BD politique -France Culture 2019.

Source Futuropolis

Mon avis

Anna prend un verre avec son amie Maeva dans un beau quartier de la ville.  Derrière la vitre, des gens manifestent.  Anna va passer de spectatrice à actrice.

S'engager, manifester pour dénoncer les problèmes de notre société.

Hélène Aldeguer décrypte dans cette bd, les motivations des militants, ce qui pousse à manifester, à s'engager.

Elle dresse des profils différents qui se cotoient, la solidarité, la lutte qui profite à chacun pour un monde meilleur.  Les différentes façons de s'engager, de se rendre utile dans notre société, de changer les comportements et attitudes.

Anna va se transformer, découvrir le combat de sa grand-mère avant elle en Italie, oeuvrer pour la collectivité.

Les sujets de contestation sont nombreux : écologique, féministe, antiraciste, anticapitaliste, demandant l'égalité des races, des genres...

Le récit est très agréable à lire, le graphisme est en quadrichromie, très plaisant.

Ma note : 8.5/10

Les jolies phrases

Et pourquoi le problème ça serait d'être en colère et pas de ne jamais l'être?

C'est facile de justifier sa flemme ou son indifférence en disant que ça ne sert à rien.

Tout me rend folle, j'ai l'impression qu'on sait tous que rien ne va et que le monde est à l'envers, et que l'on ne peut rien changer... Moi, c'est pour ça que je vais en manif. 

Et pourquoi est-ce qu'on continue malgré les claques et les échecs ?  Parce qu'on pense à celles et ceux qui ont réussi... et peut-être aussi pour se dire que, face à ce qui est en cours, on aura au moins un peu essayé de lutter.

"Tu vas voir ! Faire un truc tranquille et créer un lien solidaire.. contre la déprime, c'est ce qui est le plus efficace ! "



jeudi 25 août 2022

Le livre des soeurs - Amélie Nothomb

 Le livre des soeurs - Amélie Nothomb












Albin Michel
Parution : 17/08/2022
Pages : 198
Ean : 9782226476364
Prix : 18.90 €




Présentation de l'éditeur


"Les mots ont le pouvoir qu'on leur donne."

Amélie Nothomb



Mon avis

"Les mots ont le pouvoir qu'on leur donne" dit la quatrième de couverture de ce nouvel opus d'Amélie, et en effet cette phrase prend tout son sens à la découverte de ce roman.  

Les mots que l'on trouve dans la littérature ou dans l'écriture..  un thème cher à Amélie  qui a sa place dans ce roman, la découverte d'auteurs, des échanges épistolaires à un moment du récit.

Mais le thème principal du roman à mon sens est l''amour' dans toutes ses formes, mais surtout et peut-être avant tout l'amour "fraternel"  plus précisement "sororal" si le terme existe.

Florent et Nora vivent un amour passionnel, un de ses amours de toute une vie, que rien ne dérange même pas l'arrivée d'un enfant.  C'est dire !

Tristane, leur fille, le comprendra bien vite, son père lui ayant dit une nuit réveillée par ses pleurs : "Maman t'aime, je t'aime tout va bien"

Cela lui avait fait comprendre, tout bébé, qu'il ne fallait pas déranger ...

Seule, Tristane a développé de grandes capacités d'apprentissage : la parole (intérieure), la lecture et l'écriture.  Bref, elle a très vite compris qu'il fallait laisser ses parents vivre pleinement leur bonheur !

Cinq ans plus tard, c'est l'arrivée de Laetitia, sa soeur.  Tristane va tout naturellement s'occuper d'elle et lui donner un amour infini au point de s'effacer. Laetitia brille, Tristane semble terne, par manque d'amour?

Mais dans cette famille il y a aussi Bobette, la soeur de Nora, tante de Tristane et ses enfants avec qui vont s'établir de jolis liens, en particulier avec Cosette.

Un roman sur l'amour et le désamour.  Je n'ai pu dès le début m'empêcher de penser à la relation que pourrait avoir Amélie avec sa soeur Juliette car très souvent quand on en voit une, on voit l'autre ☺.  On les voit souvent ensemble et on ressent entre elles un sentiment profond, c'est aussi je pense une belle manière de rendre hommage à Juliette.

C'est un roman sombre, on y retrouve la plume et le style si particuliers d'Amélie.  Des phrases courtes, une ambiance, son univers avec des dialogues percutants au vocabulaire bien choisi.  

L'amour des livres mis en évidence, le pouvoir des mots, de l'écriture, les ingrédients d'un bon cru.  La musique et le rock trouvent également écho dans cet opus et un clin d'oeil à la Belgique avec le célèbre festival de Torhout-Wechter !

Comme toujours, un excellent moment, ma petite friandise littéraire de la rentrée.

Ma note : 9/10



Les jolies phrases

Rien de tel qu'un moutard pour arrêter la lune de miel.

Les adultes détenaient la vérité et avaient le pouvoir de calmer les enfants.

L'amour entre les deux soeurs n'était aucunement une transposition de l'amour entre Florent et Nora. Ce dernier appartenait à une catégorie, l'état amoureux, qu'il ne s'agit pas d'amoindrir. Entre Tristane et Laetitia se produisit l'amour au sens absolu, l'amour hors catégorie, un phénomène d'autant plus puissant que non répertorié. A la fois tout l'amour et toute la liberté, il échappait à l'altération des classifications.
Ainsi, Laetitia naquit dans la plénitude, quand Tristane la découvrit à l'âge de quatre ans et demi. Laetitia ignora que le cœur pouvait crever de faim, Tristane ne put jamais l'oublier. En même temps que leur amour apparut un hiatus: Laetitia n'aurait jamais l'angoisse de ne pas être aimée, Tristane la conserverait éternellement.

Rien ne sied tant à l'amour qu'un sommeil partagé.

Chaque âme a sa blessure.

Quand comprendras-tu que les mots ont juste le pourvoir qu'on leur donne.

Les paroles et l'écrit se relaient et ne se recoupent jamais.

Si on ne croit pas à cent pour cent à ce que l'on fait, c'est fini.

Ce qui crève les yeux se dérobe toujours.

La mort n'était pas la cessation de l'amour.

Comment est-il possible qu'un amour aussi grand que celui de nos parents ait abouti à un désastre pareil ? interrogea-t-elle.
Il n'a pas abouti qu'à ce désastre.  Il nous a donné naissance. Notre amour vaut mieux que le leur.


Qu'est-ce qu'habiter un lieu ?  C'est lui insuffler son âme.  Un enfant peut s'attacher au logement le plus inepte par sa capacité à spiritualiser n'importe quoi.  

Une chose est d'éprouver la jalousie, une autre de lui donner de la valeur.  Si tu laisses passer la jalousie sans la retenir, elle s'en ira. 

Du même auteur j'ai lu et chroniqué


Cliquez sur la couverture pour avoir accès à l'article

dimanche 21 août 2022

Peine des faunes - Annie Lulu ♥♥♥♥♥

Peine des faunes - Annie Lulu












Julliard
Parution : 25 août 2022
Pages : 320
Isbn : 9782260055037
Prix : 21 €


Présentation de l'éditeur


Peine des Faunes nous plonge dans la vie quotidienne d’une famille tanzanienne en 1986. Rébecca élève huit enfants. Sa fille aînée, Maggie, rêve d’étudier à l’université. Mais Rébecca entre en lutte contre une compagnie pétrolière sur le point d’exproprier les habitants de son village natal. Son départ précipité fait brutalement basculer le destin de Maggie et pose la première pierre d’une tragédie familiale s’étirant sur cinq générations.
De la Tanzanie des années quatre-vingt à l’Écosse contemporaine, Peine des Faunes est une ode poétique à la fragilité de la condition humaine et un urgent plaidoyer pour le vivant. Tissant ensemble les thématiques féministe et environnementale, Annie Lulu brosse une galerie de portraits de femmes inoubliables, dont le combat pour la liberté et la justice finira par être récompensé.


Annie Lulu














Crédit photo:
©Francesco Gattoni


Annie Lulu est née à Iasi, en Roumanie, d’un père congolais et d’une mère roumaine. Arrivée très jeune en France, elle étudie la philosophie, puis se consacre pleinement à l’écriture. La mer Noire dans les Grands Lacs est son premier roman.

Mon avis

Tout commence en Tanzanie en 1986 pour se terminer en Ecosse en 2047.  On voyage avec cette saga qui nous raconte l'histoire de cinq générations.  Dans son deuxième roman, Annie Lulu nous réserve bien des surprises tant par le fond que par la forme.  C'est la confirmation de cette écriture flamboyante, magnifique que j'avais découverte avec "La mer Noire dans les grands lacs"

Rebecca est une villageoise illettrée qui a épousé un marchand, elle est mère de huit enfants.  Sa fille aînée, Margaret, lui a appris à lire.  Maggie termine le lycée avant d'étudier à l'université, chose très rare pour une fille en Tanzanie.  Elle est fiancée à Jay.  Tout semble tracé pour elle mais malheureusement tout va basculer car Rebecca doit absolument se mettre en route pour rejoindre son village d'origine et porter main forte à sa mère Omra.

En effet, ses terres natales sont menacées par une compagnie pétrolière qui veut expatrier les habitants pour y faire passer "le serpent" , un oléoduc qui détruirait tout sur son passage, la faune en particulier.  Elle doit prêter mains fortes dans ce combat.

Durant son absence, son mari rentre de voyage avec un collègue négociant en épices et son fils Samuel.  C'est lui que le père donnera en mariage à Margaret, voyant pour elle un beau parti, le confort et la sécurité, le meilleur qu'un père puisse donner à sa fille.  C'est sans appel malgré les protestations de Margaret qui un peu trop impatiente à brûler les étapes avec Jay en l'absence de sa mère faisant basculer son destin et c'est une tragédie familiale qui s'étirera sur cinq générations.

J'ai envie de vous parler de Jina, la première fille de Rebecca, de sa soeur Viviane qui naîtra quatre ans plus tard et des autres mais je préfère vous laisser découvrir leur histoire, préférant vous exposer les différentes thématiques du roman.

C'est un récit engagé, un plaidoyer pour le vivant, l'écologie et le changement climatique mais pas que.  Annie Lulu met en avant la maternité, l'amour maternel, les conséquences de nos actes provoquant l'effet papillon, la culpabilité enfuie en soi, la foi dans l'animal et notre rapport à lui.

Une réflexion revenant à plusieurs reprises m'a fait beaucoup réfléchir :

"Je suis mère.  Je ne mange pas les enfants des autres mères.  Je ne peux rien manger qui a eu une mère"

L'idée que si on mange du sang, de la viande engendre la violence.  Un vrai combat que d'être en phase avec la nature.

Il y a aussi les réflexions sur le pouvoir des hommes sur le corps des femmes, les violences conjugales, la destruction de la culture matriarcale et la domination masculine, ce désir de possession en lien avec la violence animale.  

L'urgence écologique a également une grande place dans ce récit.  L'urgence de prendre des mesures radicales pour sauver nos espèces, c'est là que le récit prend une allure de dystopie qui déstabilise un peu mais apporte son sens pour la suite du récit.

C'est un combat pour la liberté et la justice.

L'écriture d'Annie Lulu est très belle, différente de son premier opus mais tout aussi addictive.  Elle nous montre ici un autre registre très réussi.

Oh je pourrais encore vous dire beaucoup de choses sur ce magnifique roman de la rentrée que je vous invite à découvrir au plus vite.

Vous l'aurez compris, c'est un gros coup de ♥



Les jolies phrases

Je suis une mère.  je ne mange pas les enfants des autres mères.  Je ne peux rien manger qui a eu une mère.

Ecoute-moi bien, ma fille : personne n'a à m'autoriser quoi que ce soit, tu m'entends ? Quoi que ce soit ! Si tu te laisses faire par un homme, l'amertume et la laideur s'empareront de toi.  

L'alphabet romain apprivoisé était pour elle une nurserie stellaire d'où sortaient des colonnes de gaz ardent, prêtes à former la concrétion de matière qui serait une étoile, un livre, une naissance.  

Prendre ce dont on a besoin pour subsister, c'est une chose, Rébecca, contre laquelle personne ne peut aller.  Mais ce n'est pas ce que font les hommes et encore moins leurs femmes. Tu es partie vivre à la ville.  Tu sais de quoi je parle. 

Si tu n'aimes pas le prix de la liberté, ma fille, tu ne mérites pas d'être libre.

Elle voulait rétablir l'équilibre.  Changer le scénario de toutes ces grandes narrations où la femme meurt à la fin, se tue puisqu'elle n'est bonne qu'à mourir et qu'au fond si Mouchette meurt noyée, si Jeanne de Domrémy terrible pucelle d'Orléans meurt sur le bûcher, si Ophélie meurt suicidée, comme Virginia Woolf, comme Sylvia Plath ou bien meurt libre aux côtés d'un homme qui n'est pas son mari, comme cette Bessie Smith dont parlait tout le temps Jina, c'était un peu de leur faute, comme c'était un peu de celle de Margaret.  Tout à coup, tout lui apparut clairement.  Les histoires du soir de Nynaya pointaient dans la même direction onirique.  Viviane regarda autour d'elle, scruta le monde dans lequel elle vivait.  Qui donc y meurt ?  Et qui les tue ?  La réponse fut sans hésitation. 

Le monde ne change pas, ma fille.  Le fermier aime sa vache de tout son coeur.  Il lui donne un nom et des caresses, il la soigne quand elle est malade, il l'éduque et la domestique, la laisse manger dans sa propre écuelle, l'exhibe fièrement devant ses voisins.  Pourtant chaque année il égorge ses veaux pour être le seul à pouvoir boire du lait de sa vache et se fabrique des sandales avec leur peau.  Et quand elle n'en peut plus d'enfanter pour rien ou simplement quand il est pris d'un caprice, c'est elle qu'il tue, il la mange et distribue des morceaux de sa femelle bien-aimée à tous ceux qui paient le prix.  Aucune différence.

Les hommes sont les êtres les plus cruels qui aient jamais été créés.  Où que tu regardes dans ce monde, s'il y a du sang ou de la souffrance, c'est qu'il y a un homme.  Ils nous tuent, ils nous violent, ils nous battent, ils nous mentent, ils nous humilient, ils font la même chose à toutes les femelles qui habitent sur terre, qu'on soit leur vache, leur mère, leur fille ou leur femme.  Et il est rare que des femmes tuent comme les hommes, très rare, Jina. Partout où des gens ont été exterminés, c'était d'abord par des hommes.  Partout où des villages ont brûlé, c'était par des hommes.  Et notre grand malheur, ma fille, c'est que nous avons besoin d'eux pour faire des enfants...


.. L'irréparable ne doit pas nous pousser à mourir, mais à vivre et à vivre radicalement différemment.  Vivre est la seule garantie d'anéantir un jour ce qui nous tue ou bien a failli nous tuer. Vivre est le seul moyen que, quelqu'un, une femme, ait un jour la possibilité de tuer la mort. 


Aucun homme n'est une île, un homme c'est tous les hommes, nous avons besoin les uns les autres.

vendredi 19 août 2022

Trois soeurs - Laura Poggioli ♥♥♥♥♥

Trois soeurs   -   Laura Poggioli  ♥♥♥♥♥























L'Iconoclaste
Parution : 18 août 2022
Pages : 320
Isbn : 9782378803018
Prix :20 €

Présentation de l'éditeur




Un portrait saisissant de la Russie d’aujourd’hui


Un parricide devenu symbole de la violence domestique russe

Assises côte à côte dans l’entrée d’un appartement moscovite, trois jeunes filles, âgées de dix-sept, dix-huit et dix-neuf ans, attendent l’arrivée de la police, à quelques mètres du corps inerte de leur père, Mikhaïl Khatchatourian. Depuis des années, il s’en prenait à elles, les insultait, les frappait, nuit et jour. « S’il te bat, c’est qu’il t’aime », dit un proverbe russe. Alors, en juillet 2018, les trois sœurs l’ont tué. Une vague d’indignation inédite déferle, les médias s’enflamment.

Deux histoires en résonnance

Les visages insouciants des trois gamines, dissimulant les supplices endurés pendant des années, questionnent l’autrice. Elle se souvient de sa jeunesse moscovite où elle rencontra Marina, son amie la plus chère, et Mitia, son amour. Il lui donnait parfois des coups, mais elle pensait que c’était peut-être aussi de sa faute. Laura Poggioli reconstitue la vie de ces trois sœurs, et son histoire personnelle ressurgit.



Laura Poggioli nous interroge sur nos désirs, nos héritages culturels, familiaux et sur les violences systémiques. À travers une narration intime, elle nous plonge au coeur de la Russie : son rock, ses ombres, son charme brut, et le mystère de ces hommes doux quand ils sont hors de chez eux, violents dès que la porte se referme.


L'autrice


Née à Angers, d’origine italienne par ses grands-parents, Laura Poggioli tombe en amour de la langue russe au lycée. Elle poursuit son apprentissage à l’université en parallèle à ses études à Sciences-Po. Comme une évidence, son premier livre s’inscrit sur ce territoire-là. À son chevet, les recueils de Anna Akhmatova et Marina Tsvetaeïva, les deux grandes poétesses russes qu’elle aime autant pour leurs vers que pour leurs vies. Comme Marina Tsvetaeïva, elle fait reposer la sienne sur trois piliers : l’amour, la création, la famille. Âgée de 37 ans, elle est mère de trois enfants et vit à Boulogne- Billancourt. Bien sûr, Emmanuel Carrère est l’un de ses maîtres en écriture, avec, tout particulièrement, Un roman russe et Limonov.

Source : L'iconoclaste

 



Mon avis



Attention ! Claque littéraire !

Un premier roman indispensable, à lire de toute urgence !

C'est un docu-roman se basant sur un fait divers qui a secoué la société russe et son histoire personnelle, que nous propose Laura Poggioli. Un portrait saisissant de la situation en Russie.
Un livre qui permet de comprendre ce qui se passe réellement en Russie concernant l'attitude de Poutine et des dirigeants russes par rapport au sort des femmes vivant pour la majorité la violence conjugale et familiale.

C'est un récit dur, difficile mais tellement essentiel !

Le 22/07/2018, les trois soeurs Khatchatourian - Krestina 19 ans, Angelina 18 et Maria 17 -  tuent leur
père Mikhaïl.  Ce parricide est devenu le symbole de la violence domestique en Russie. 

En effet, il faut savoir qu'en Russie, la violence domestique - sujet tabou - a été dépénalisée, si une femme demande de l'aide auprès de la police, on lui répond que l'on ne peut rien faire ! mais qu'on enverra une équipe sur place si elle meurt !  C'est vraiment interpellant, révoltant !  Aucune structure n'existe pour les femmes victimes de violence et l'auteur des faits sera soumis au pire à une amende administrative en cas de récidive !  A vomir !

Un proverbe russe ne dit-il pas  "Biot znatchitlioubit "  'S'il te bat, c'est qu'il t'aime ! '

Stupéfiant non !

L'originalité de ce roman est que Laura Poggioli reconstitue la vie des trois soeurs et ce qui les a conduites à ce parricide en parallèle à son histoire et l'effet cathartique que l'affaire Khatchatourian aura eu sur le peuple russe mais aussi pour l'autrice qui se libère de son rapport aux hommes.

Laura a étudié le russe, a vécu dix-huit mois en Russie un pays et une culture qu'elle a aimés, elle y a rencontré Mitia, un amour toxique.

On remonte le temps pour comprendre la réalité, le quotidien des violences psychologiques, verbales, physiques et sexuelles vécues par les victimes que la société russe présente toujours comme coupables.
Aucune structure n'existe pour les femmes et familles victimes de violence, aucune loi n'est mise en place, même aujourd'hui Poutine ne veut changer d'attitude estimant que l'on ne peut rien faire à l'intérieur des foyers, que ce serait contraire à la culture du pays !

Laura nous interroge sur les héritages culturels, familiaux, sur l'influence des secrets familiaux que l'on porte en soi.  Elle nous raconte la Russie, sa différence de culture, la corruption, la vision des choses par rapport au mouvement #metoo, à la libération de la parole.  Il y a des contradictions énormes dans ce pays comme par exemple le fait de se sentir complètement en sécurité dans la rue et ce déferlement de violences habituelles, une fois la porte refermée.

Elle nous parle aussi de son amour pour la littérature et les autrices russes qu'elle affectionne comme Anna Akmatova, Marina Tsvetaïeva et d'autres.

L'écriture est d'une grande justesse.  C'est bien construit.  C'est parfois dur à lire car la réalité dépasse la fiction.  Il y a encore tant de choses à lire, un livre qui marque, le plus simple pour vous est de le découvrir d'urgence.

Un livre indispensable dont on parlera beaucoup à cette rentrée.

Un coup de ♥


Les jolies phrases


Mais beaucoup voyaient d'un mauvais oeil tout ce qui ressemblait de près ou de loin à ce qui se pratiquait à l'Ouest. La libération de la parole autour des violences faites aux femmes, le mouvement #Metoo, cétait le symbole de la faillite de l'autorité morale qui menait à leur perte les sociétés occidentales. En Russie, il y avait ce proverbe qui disait "Biot - znatchit lioubit - s'il te bat, c'est qu'il t'aime ", et les proverbes, c'est comme le passé : quand on ne sait plus où on va, on s'y agrippe pour se persuader qu'on est du bon côté.

Pour beaucoup, un meurtre restait un meurtre et une victime de violences avait toujours la possibilité de partir. Les foyers d'accueil sont inexistants, les associations submergées, mais qu'à cela ne tienne: quand on veut, on peut.

La prison vaut mieux que de vivre avec lui.  Dix ans de coups, quatorze ans de harcèlement...

Il ne faut surtout pas que le chagrin dépasse, même s'il brûle très fort la gorge, parce que le chagrin c'est comme la peur : quand on le veut vraiment, on peut le garder à l'intérieur.


Dans le débat autour des violences domestiques, il ne fallait pas sous-estimer le refus d'imiter l'Europe et les Etats-Unis, la crainte de voir se diluer la culture russe. L'explosion à l'Ouest des mouvements féministes dénonçant les violences faites aux femmes apparaissait pour beaucoup de Russes comme un phénomène dangereux, ridicule ou tout simplement inintelligible.

Selon un des experts interrogés, le corps judiciaire souscrivait aux stéréotypes qui estimaient qu'« une femme avait toujours une part de responsabilité», que si elle n'acceptait pas la violence, elle pouvait très bien partir, car quand on avait été battue plusieurs fois, il fallait «une autre raison» pour prendre un couteau.

Etre victime, c'est être seule contre une famille qui n'accepte pas qu'on lave son linge sale en public, seule contre la police qui intervient rarement, seule contre ses amies qui disent que son mari la bat parce qu'elle est une mauvaise épouse ou une mauvaise mère», se désolait dans un reportage Aliona Eltsvo, la directrice de Kitej, l'un des rares centres d'accueil pour femmes, qui ne disposait que de cinq chambres dans une maison de campagne.

C'est sûrement enfin parce qu'il les aimait que Mikhail Khatchatourian s'en est pris à ses trois filles. Les douleurs physiques et psychiques infligées par le père pendant des années sont considérées comme des circonstances atténuantes mais on ne peut pas affirmer qu'elles constituent le mobile de l'attaque. Elles ne suffisent donc pas à justifier la prise en compte de la légitime défense.» Les conclusions de l'enquête ont été rendues le 14 juin 2019 près d'un an après le crime: Krestina et Angelina, majeures au moment des faits, devraient être jugées pour «meurtre commis en groupe avec préméditation », un crime passible de huit à vingt ans de prison.

Mais pour les soeurs Khatchatourian comme pour toutes les femmes victimes de violences, on interroge avant toute chose leurs fautes, leurs erreurs, leurs manquements.

La messe du dimanche après-midi, c'est comme les icônes accrochées au-dessus du buffet dans l'entrée  : ça recouvre toutes les saletés.

C'est simple la tendresse, les rires, les cheveux qui se mêlent, les mains qui se tiennent, les bras que l'on serre, les baisers que l'on se colle sur les joues.  C'est tout simple d'être légères quand on s'aime. 

On sait aujourd'hui combien les traumatismes vécus par un peuple, une communauté, une famille, peuvent avoir un impact sur les descendants, sur ceux qui portent d'une façon ou d'une autre cette histoire, même éparpillés sur d'autres continents.  

La rapidité à laquelle les médias russes ont repris le titre de la pièce de Tchekhov pour parler des trois soeurs Khatchatourian prouve que leur histoire dépasse de loin le fait divers: elle donne à voir la société russe du début du XXIème siècle, les failles de ses lois. de sa police, de son système juridique. L'affaire questionne la place des femmes et contribuera, je l'espère, à la transformer.

mercredi 17 août 2022

Quelque chose à te dire - Carole Fives ♥♥♥♥♥

 Quelque chose à te dire   -   Carole Fives  ♥♥♥♥♥










Gallimard
La Blanche
Parution : 18 août 2022
Pages : 176
Isbn : 9782072989780
Prix : 18 €


Présentation de l'éditeur

Elsa Feuillet, jeune écrivaine, admire l’œuvre de la grande Béatrice Blandy, disparue prématurément. Cette femme dont elle a lu tous les livres incarnait la réussite, le prestige et l’aisance sociale qui lui font défaut. Lorsque Elsa rencontre le veuf de Béatrice Blandy, une idylle se noue. Fascinée, elle va peu à peu se glisser dans la vie de sa romancière fétiche, et explorer son somptueux appartement parisien — à commencer par le bureau, qui lui est interdit…

Jeu de miroirs ou jeu de dupes ? Carole Fives signe avec Quelque chose à te dire un thriller troublant.

Mon avis

Attention pépite !  Gros coup de  ♥♥♥♥♥

Béatrice Blandy, grande romancière, incarnait pour Elsa Feuillet, notre narratrice la réussite, le prestige, l'aisance sociale.  Elle vient de disparaître prématurément emportée par un cancer laissant derrière elle cinq romans. 

Elsa une jeune romancière, admirait son écriture. Elle a lu et relu à plusieurs reprises ses courts romans qui à chaque fois, lui permettait  tant de s'identifier.  Pour Elsa, c'est un peu son modèle qui s'éteint.  

Lorsqu'elle publie son roman "Forum", elle est surprise car elle reçoit via sa maison d'édition, un courrier de Thomas Blandy, grand amateur d'art, travaillant dans le milieu du cinéma, il n'est autre que le mari de Béatrice !  Il lui propose de la rencontrer à Paris car il a beaucoup aimé son livre. 

Béatrice va le rencontrer, découvrir l'appartement de son héroïne ou de sa muse ??? et peu à peu se glisser dans la vie de sa romancière favorite, suivre ses traces...

Un roman en quatre parties : Admirer, explorer, imaginer et quelque chose à te dire.

Un magnifique roman monté comme un thriller.  Quelle claque !  Je n'ai pas vu venir la chute ! mais chut je n'en dirai pas plus, à vous de le découvrir !

Une plume fluide, dynamique que j'aime lire de plus en plus.

Le thème central est la création, le statut de l'oeuvre d'art.  On y parle littérature, cinéma et art. Elle glisse également un petit clin d'oeil à ses ouvrages précédents. 

Quelques indices "Rebecca" de Daphné du Maurier et "Vertigo" d'Alfred Hitchcok !

Vraiment un gros coup de coeur pour moi, une écrivaine qui s'affirme de plus en plus et qui me donne un très grand plaisir de lecture.

A lire très vite.

Ma note : ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases



Elsa ressentait chaque phrase écrite par Béatrice au plus profond d'elle-même: elle nommait ce qui ce qui ne l'avait jamais été, et à travers ses mots, c'était une vision du monde profonde, neuve, qui affleurait à la conscience. Elle avait le don de vous révéler des parties de vous-même dont vous ne soupçonniez pas l'existence jusqu'alors, des zones inexplorées qui ne demandaient qu'à surgir, à s'affirmer enfin.

Elle était libre, vivante et libre.  Elle pouvait tout aussi bien continuer là où Béatrice avait dû s'arrêter, oui, elle le réalisait à présent, chaque jour de gagné, chaque jour était une victoire, vieillir n'était pas une défaite, bien au contraire, c'était une conquête !  Qu'allait-elle faire de cette liberté ?  

Eh bien si les femmes de quarante ans sortent avec les hommes de soixante, celles de cinquante avec ceux de soixante-dix, on leur laisse qui à nos mères ?  Les cadavres ?

Où se termine l'influence, l'admiration d'un écrivain pour un autre ?

Il croit la suivre, mais en fait, c'est elle qui mène le jeu !

Quand on admire trop les gens, on est souvent déçu.

- Admirable cette histoire d'une femme qui cherche l'amour absolu, qui forcément subit, qui forcément -souffre !

- L'amour n'a jamais été une garantie de ne pas souffrir...  Vous connaissez cette phrase d'Ophüls, "le bonheur n'est pas gai"?

Les notes de Béatrice étaient comme un tremplin sur lequel elle s'appuyait pour aller de l'avant.  Elles lui donnaient des ailes.  Á chaque fragment, elle comprenait un peu plus profondément le texte, jusqu'à parfois ne plus faire qu'un avec les intuitions de Béatrice, 

Béatrice expliquait que pour elle, la littérature était une aventure. L'écrivain vivait cette aventure en explorateur, lampe torche à la main, contrairement au lecteur, qui lui emboîtait le pas.


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mardi 16 août 2022

Café littéraire du 15 septembre avec Sébastien Ministru

 Café littéraire du 15 septembre avec Sébastien Ministru





















Pour démarrer la nouvelle saison des cafés littéraires,  c'est Sébastien Ministru qui sera mis à l'honneur.

Vous êtes tous les bienvenus c'est gratuit, il suffit d'envoyer un petit mail de réservation à bibliocareme@wavre.be ou de téléphoner au 010/230415 pour signaler votre présence.

Comme à chaque fois, la rencontre en toute convivialité sera suivie d'une séance de dédicaces et d'un verre de l'amitié.

La librairie Claudine sera présente et vous permettra d'acquérir les deux romans dont nous allons parler.



La garde-robe Sébastien Ministru






Grasset
Parution : 13 octobre 2021
Pages : 192
EAN : 9782246826354
Prix : 18 €


Présentation de l'éditeur

Vera vient de mourir. Elle avait fui sa famille quand elle était jeune, et deux nièces sont chargées de vider le dressing de cette tante qu’elles n’ont pas connue.De vêtement en vêtement, de tailleur en écharpe et d’écharpe en robe du soir, chaque pièce de la garde-robe de Vera raconte un épisode de sa vie. Chanteuse de variétés dans les années 1970 ayant connu un grand succès puis l’oubli, elle épouse un riche industriel dont les nièces vont découvrir le secret, un secret que Vera a protégé jusqu’à la mort de son mari. Elle-même transporte la blessure de son enfance sans rien pardonner à son milieu d’origine. L’armure des vêtements se fend parfois : quand un réalisateur l’approche pour les besoins d’un film sur les corons de son village natal, les images reviennent, les sens vibrent, et la peau se fait plus tendre.

En reliant les pointillés que forment les habits de Vera, Sébastien Ministru reconstruit la biographie d’une femme qui a traversé les époques, fière, blessée, combative et ne regardant jamais un passé que ses nièces découvrent avec bien des surprises. Elle avait fait de l’élégance un rempart contre la violence du monde. Au fur et à mesure que les siens surgissent de son vestiaire, les faits se redessinent, et se précise l’itinéraire de celle qui avait tout fait pour renoncer à ses origines. Puisque aussi bien elle était “partie sans dire au revoir à son père et à son frère qui, partenaires dans la monstruosité des hommes, lui avaient fait mal sans réussir à la blesser.” Elle a porté sa souffrance comme ses vêtements, avec grâce.
Un personnage de femme dans la lignée des grands personnages féminins de Tennessee Williams.


Apprendre à lire - Sébastien Ministru




Grasset
Collection Le Courage
Parution le 10/01/2018
Pages : 160
Ean 9782246813996
Prix : 17 €


Présentation de l'éditeur


Approchant de la soixantaine, Antoine, directeur de presse, se rapproche de son père, veuf immigré de Sardaigne voici bien longtemps, analphabète, acariâtre et rugueux. Le vieillard accepte le retour du fils à une condition : qu’il lui apprenne à lire. Désorienté, Antoine se sert du plus inattendu des intermédiaires : un jeune prostitué aussitôt bombardé professeur. S’institue entre ces hommes la plus étonnante des relations. Il y aura des cris, il y aura des joies, il y aura un voyage.
Le père, le fils, le prostitué. Un triangle sentimental qu’on n’avait jamais montré, tout de rage, de tendresse et d’humour. Un livre pour apprendre à se lire.


Premier roman


Rappel des modalités pratiques


C'est le 15 septembre prochain à 19h.


Adresse du jour: Bibliothèque Maurice Carême
Rue de l'Ermitage 65
1300 Wavre


Parking à proximité (La Sucrerie)




C'est gratuit mais il faut s'inscrire en envoyant un petit mail à l'adresse suivante : bibliocareme@wavre.be ou de téléphoner au 010/230415


Au plaisir de vous y retrouver nombreux j'espère !

lundi 15 août 2022

Méfiez-vous des corvidés - Régine Heindryckx

 Méfiez-vous des corvidés    -     Régine Heindryckx















Auto édition via Amazon
Parution : 18/06/22
Pages : 238
Isbn : 979-8637121878
Prix : 15 €
Existe en ebook via Amazon
Lien Amazon pour achat 

Présentation de  l'éditeur

Dans la neige, en pyjama et les pieds nus, Manon, petite fille de huit ans déboule chez sa voisine Cassandra, adolescente : « Il faut que tu sauves ma maman ! » sanglote-t-elle. Cet instant va bouleverser la vie de la jeune fille. Pourquoi sa mère, décédée douze ans auparavant, revient-elle la hanter ? Quel lien s’est établi entre elle et les gens d’à côté qui pourtant ne l’ont jamais connue ? Quelle est l’identité de ce « corbeau » qui terrorise la maman de Manon et de son petit frère Manuel ? Quel secret cache chaque protagoniste ? Il s’établit un face-à-face dont personne ne sortira indemne ! Et lorsque le passé refera surface, tout explosera…


Régine Heindryckx




Régine Heindryckx vit en Picardie. Passionnée de littérature depuis son enfance. Créatrice du Salon du Livre de la mairie du 7e à Paris. Animatrice d’un club de lecture. Déjà auteure du roman « Ces mains sur mon corps ». Avec « Méfiez-vous des corvidés », Régine Heindryckx signe son deuxième ouvrage.










Mon avis

Régine Heindryckx est passionnée de lecture, elle a créé un salon littéraire à Paris, il est donc tout à fait logique qu'un jour, elle devienne elle aussi auteure.  Un premier roman érotique en 2017 "Ces mains sur mon corps", elle change complètement de genre et nous propose un thriller psychologique très réussi.
Elle n'a pas de maison d'édition et a décidé de s'auto-publier, son roman est disponible sur amazon

Manon et son petit frère Manuel découvrent le corps inerte, ensanglanté de leur maman Aline.  La petite Manon à peine âgée de 8 ans court chercher de l'aide chez sa voisine - sa baby-sitter Cassandra, une adolescente de 17 ans.

À partir de ce jour, des visions d'Isabelle, la maman de Cassandra, disparue tragiquement vont naître de façon de plus en plus fréquente.  Comme c'est étrange, mais quel est le lien avec ses voisins arrivés quelques années plutôt?

Cassandra vit seule avec son père, un officier de police fort occupé.  Cela fait 12 ans que sa maman a perdu la vie dans un accident de voiture, c'est un sujet tabou à la maison qui met toujours son père en colère ou de mauvaise humeur.  Ce trauma aurait enfui des choses en elle ?

Cassandra va essayer de comprendre pourquoi Aline, sa voisine a tenté de mettre fin à ses jours. Un corbeau la menace, elle a reçu des lettres anonymes lui confie Christophe le mari d'Aline avec qui elle va mener l'enquête.  

Cassandra va découvrir la famille de ses voisins sous un autre angle, étrangement, plus elle les cotoie, plus elle a de visions, comme si sa maman voulait lui dire quelque chose.  Cassandra va peu à peu quitter le monde de l'adolescence et devenir adulte.

Un thriller psychologique qui vous happe d'emblée.  Une fois commencé, impossible de le lâcher.  La tension grimpe au fil des pages, les questions s'accumulent et au final c'est la grosse surprise.  Bravo, une totale réussite !

L'écriture est fluide, dynamique.  Le suspense est garanti.  C'est très bien construit avec des flash-back qui permettent peu à peu d'assembler les pièces de ce puzzle et à Cassandra de trouver les réponses à toutes ces questions dont elle n'obtenait jamais de réponse.  À noter, la fine analyse psychologique des personnages.

On retrouve un peu de l'auteure dans son roman; ses chanteurs préférés, son amour des fleurs, de la nature et de la bonne cuisine mais aussi celui des papillons.

Les thèmes centraux : secrets de famille, vie de couple, amitié et découverte de l'amour.

Soyez curieux , découvrez-le !

Ma note : 9/10

Les jolies phrases

Toi, tu as tes deux parents, moi, je suis bancale, comme amputée d'un membre.

Je comprends que grandir, devenir adulte n'est pas un chemin facile.

Tout est envisageable... La haine peut faire commettre l'irréparable... Suis-je aveuglée par mon amour pour lui ?

Des secrets, Cassandra, nous en avons tous.
Quelquefois, il est bon de crever l'abcès et parfois... Ne rien savoir... Ne pas remuer le purin est plus judicieux...  
Déterrer le passé n'est pas toujours une bonne chose, des révélations peuvent t'anéantir !

Est-ce le piment de notre relation?  L'interdit fait-il monter le plaisir des sens ?

Le ciel est bleu, sans aucun nuage, les nuages, eux, sont dans mon coeur, cette vapeur invisible se transforme en gouttelettes si légères qu'elles restent en suspension au fond de mon être...  Lorsque l'orage éclatera, elles se déverseront et formeront un torrent, j'espère ne pas m'y noyer!

dimanche 14 août 2022

Partir sur les chemins de Compostelle - Lili Sohn ♥♥♥♥♥

 Partir sur les chemins de Compostelle     -  Lili Sohn






















Casterman
Parution : 25 mai 2022
Pages : 296
Isbn : 9782203221918
Prix : 22 €



Présentation de l'éditeur



2 mois pour rejoindre Saint-Jacques de Compostelle depuis Cajarc et le Mas de Jantille.
2 mois et 1250 km, seule et le strict nécessaire dans un sac à dos.
2 mois pour se réapproprier l'espace et le mouvement entre deux confinements.
2 mois de marche, de réflexion et d'initiation.
2 mois pour questionner son rapport au corps, aux autres, à la nature.


Lili Sohn





Après des études en arts appliqués et arts visuels, Lili Sohn s’installe à Montréal où elle travaille en tant que graphiste dans le milieu du jeu vidéo. En 2014, suite au diagnostic de son cancer du sein, elle ouvre le blog « Tchao Günther » où elle raconte sa maladie avec humour et en couleur. Son premier album, La Guerre des tétons (Michel Lafon) est tiré de ce blog. En 2015, Lili se lance à plein temps dans la bande dessinée et l’illustration. En juin 2018 paraît Vagin Tonic, un guide décontracté de l’anatomie féminine. En 2019, animée par un grand changement dans sa vie, la maternité, Lili poursuit son étude des grands sujets féminins avec Mamas, petit précis de déconstruction de l’instinct maternel publié chez Casterman. Lili Sohn vit aujourd’hui à Marseille.





En route avec Lili Sohn






Mon avis

En novembre 2019, l'éditeur de Lili Sohn - hyperconnectée aux réseaux - lui suggère un projet sur les Chemins de Compostelle à réaliser sans téléphone !  L'occasion de se "désintoxiquer" des réseaux, de se prouver aussi qu'elle peut le faire seule.

Cela lui parle, ses parents l'ont fait, ils possèdent un gîte sur le site :  le mas de Jantille. 

Elle pense à la préparation physique, au matériel, aux chaussures à "entraîner", au fameux "crédentiale" - le passeport indispensable pour préparer le pélerinage, à fixer une coquille sur son sac à dos - le signe des pélerins.

Le covid passe par là et le départ est reporté au 1er septembre 2020.  45 jours de marche pour plus de 1250 kms.  

On va vivre avec elle, non sans humour, la préparation et le voyage, les émotions, le vide, plus exactement comment s'approprier le vide et le silence, la marche, la fatigue et les rencontres.

On suit son parcours magnifique.  On suit ses conseils et prend aussi conscience de l'empreinte humaine laissée sur le circuit.

Après le recentrement sur soi, le vide, le réconfort d'être ensemble, de se livrer facilement à des inconnus. Une expérience humaine forte.

C'est un voyage émouvant, très riche qui lui permettra de ralentir, d'être moins dans l'urgence du quotidien, retrouver la lenteur des choses, être autonome, s'épanouir et donner un sens à la vie, au bonheur !

Cela se dévore, les photos et dessins sont super chouettes.  C'est super beau et cela donne envie de prendre le large, si pas avec ses chaussures de rando, dans la tête au moins !

Je suis fan, j'ai passé un excellent moment ♥

C'est un nouveau coup de ♥





  
Les jolies phrases

Être seule, sans aucun lien virtuel.

Ça n'a pas du tout été une parenthèse, plutôt un révélateur?  Ce confinement ajoute un éclairage et une nécessité en plus à ma démarche.  Le besoin de se réapproprier l'espace, la liberté de mouvement, l'envie de solitude, mais aussi de relations humaines, la lenteur, le vide, et les questionnements écologiques.

C'est un rapport à la nature réinventé qui m'ancre dans le concret, dans le "ici et maintenant".  Il n'y a plus de montre au poignet pour donner un horaire strict désormais, c'est mon ressenti qui prime.  Mon corps face à la faim, à la fatigue, au soleil qui se lève ou qui se couche, aux intempéries.  je deviens ce que je fais. 

Je veux sortir de ma zone de confort et trouver des sensations nouvelles. Je veux me déstabiliser dans cette zone non routinière et donc inconfortable parfois.  Mais la douleur sera ma frontière. Ça sera la règle de mon chemin de Compostelle. 

On ne se connaît pas, et pourtant on parle de choses très intimes.  C'est fou comme on peut se confier facilement à des inconnus.  Est-ce qu'il y a moins de jugements ?  Je ne crois pas. Mais, il y a surtout moins d'implication, plus de spontanéité et moins de bagage.
Parler avec des inconnus, c'est aussi la possibilité de se réinventer.  Je peux être qui je veux, au dosage que je veux.  je peux changer tous les jours.  Cette possibilité me permet peut-être même d'être encore plus moi-même, sans contrainte de coller à l'image que les gens qui me connaissent se font de moi. 






jeudi 11 août 2022

Tableau final de l'amour - Larry Tremblay

 Tableau final de l'amour   -    Larry Tremblay












La Peuplade
Parution : 19 août 2021
Pages : 216
Isbn : 9782924898987
Prix : 18 €


Présentation de l'éditeur



Librement inspiré de la vie du peintre Francis Bacon, Tableau final de l’amour fait le récit d’une quête artistique sans compromis, viscérale, voire dangereuse. Dans une Europe traversée par deux guerres s’impose la vision d’un artiste radical dont l’œuvre entière, obsédée par le corps, résonne comme un cri. S’adressant à l’amant qui lui a servi de modèle – ce « petit voleur inexpérimenté » qui, en pleine nuit, s’est introduit dans son atelier –, le narrateur retrace les errances de leur relation tumultueuse. Avec ce roman, rappelant l’érotisme de Bataille ou de Leiris, Larry Tremblay poursuit son œuvre de mise à nu de l’être humain.

Il ne fallait pas peindre la surface des choses, mais ce qu’elle cachait. Ne pas peindre l’espace, mais le temps. Ne pas peindre ton corps, mais sa mort.


L'auteur











Larry Tremblay est écrivain québecois , metteur en scène, acteur et spécialiste de kathakali, danse-théâtre qu'il a étudiée lors de nombreux voyages en Inde.

Il a publié plus d'une vingtaine de livres comme auteur dramatique, poète, romancier et essayiste.

Grâce à une succession ininterrompue de nouvelles pièces (Leçon d'anatomie, Ogre, The Dragonfly of Chicoutimi, Le génie de la rue Drolet, Les mains bleues, Téléroman, Cornemuse, Le ventriloque, Panda panda, L'histoire d'un cœur…), son oeuvre est aujourd'hui reconnue au Québec et à l'échelle internationale.

En plus de sa production artistique, il enseigne le jeu et l'écriture dramatique à l'École supérieure de théâtre de l'Université du Québec à Montréal.

Mon avis

C'est un roman inspiré de la vie du très grand Francis Bacon, un peintre majeur dont l'oeuvre m'a toujours fasciné.  Un peintre que l'on sent torturé, qui déstructure les corps, les rendant "mous", déformés.

Ce roman car c'est tout l'art de la plume de Larry Tremblay, est une fiction inspirée d'interviews de Bacon.  Il met en lumière et en mots son art de peindre.

Écrit à la seconde personne du singulier, ce qui rend l'intensité encore plus forte, il s'adresse à George Dyer, personnage majeur de son oeuvre. Il nous permet de comprendre sa quête personnelle, artistique et amoureuse.  

George Dyer est arrivé dans sa vie comme un voleur, une tentative de cambriolage qui se termine dans le lit de l'artiste.  Il est celui avec qui il est en recherche, d'amour, de sexe, de violence , son modèle et au final son grand amour.

En partant des traumatismes de son enfance, de la violence des rapports avec son père et les hommes, on peut comprendre ce besoin de peindre, ses tableaux "torturés", lui qui enfant était rejeté et a beaucoup souffert.

En manque d'amour, son besoin de se détruire pour trouver la lucidité dans sa peinture.

Au fil du roman, on va découvrir une partie de son oeuvre, son processus de création et en parallèle de destruction.  On suit également sa relation intense et complexe avec George Dyer jusqu'à sa disparition à deux jours de la grande rétrospective de Paris au Grand Palais.

C'est un texte à la fois cru et poétique, parfois déstabilisant tout comme les oeuvres du peintre.  La plume est fluide et élégante, très belle.  C'est une prouesse de mettre en mots tout l'art du peintre.

J'ai lu ce roman en admirant en parallèle les oeuvres du peintre et en relisant les faits majeurs de sa vie.

Á lire.

Ma note : ♥♥♥♥  8/10



Les jolies phrases

Tu as ébranlé ma vie comme un coup de poing que je n'ai pas eu le temps de voir arriver.

J'ai su avant même de te connaître que je serais ta perte.  J'avais besoin de ta déchéance pour peindre ce que j'avais  dans le sang depuis les affres de mon enfance.  J'étouffais. 

Mais c'était de la chair d'enfant qui recevait la morsure des coups répétés.  Et cette chair n'était pas en mesure de comprendre réellement ce qui se passait.  Elle confondait le chaud et le froid, la douleur et le plaisir, elle les mariait, les fusionnait et accouchait d'une chose innommable, motte d'existence qui n'était pas tout à fait humaine.

Il ne fallait pas peindre la surface des choses, mais ce qu'elle cachait.  Ne pas peindre l'espace, mais le temps.  Ne pas peindre les corps, mais sa mort. 

..Avoir été mon modèle avait constitué le seul accomplissement valable de ton existence.  C'était ta plus grande fierté, tout le reste ne comptait pas.  Ça te permettait de survivre, que des milliers d'inconnus à travers le monde regardent ton corps nu, déformé, tordu, vibrant, en slip, tourmenté, fracturé comme un miroir, cravaté, ta beauté coupée en deux, ouvert comme un oeil.  Parce que tu avais le sentiment que toi aussi, tu pouvais les voir te regarder.  Tu te sentais plus vivant dans mes tableaux que dans ta propre chair.

Du même auteur j'ai lu

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mardi 9 août 2022

Hors de lui - Nathan Delie

 Hors de lui   -   Nathan Delie





















Le livre en papier
Parution : 2022
Pages : 227
Isbn : 978-2-8083-1736-8
Prix : 18 €

Présentation de l'éditeur

Quentin est un lycéen de seize ans au caractère calme et au mode de vie sain. Il partage son temps entre sa passion pour le sport, des sorties entre amis et une scolarité sans accroc. Derrière cette apparence ordinaire se cache toutefois une personnalité atypique que la découverte inopinée d’un don pour le moins déstabilisant viendra révéler.
Cette capacité hors norme aux multiples implications bouleversera ses habitudes, sollicitera à l’extrême son sens de l’empathie et le mènera à de nombreux questionnements.

"Une touche de science-fiction, un zeste de philosophie et une once d’introspection ". Voici quelques-uns des ingrédients de cette recette subtile aux parfums délicats.

L'auteur




Après avoir publié Loin des regards indiscrets en 2019, Nathan Delie, lauréat de plusieurs concours de textes, signe son second roman avec Hors de lui, une nouvelle histoire captivante dont il a démarré l’écriture à l’âge de vingt ans. Ce jeune auteur passionné de littérature poursuit ainsi un rêve très ancien.


Nathan Delie est un jeune auteur de 22 ans originaire de Wavre, il publie en auto-édition, son second roman "Hors de lui". 

Quentin a 16 ans, un étudiant qui aime être avec ses amis et pratiquer du sport, la natation en particulier pour décompresser.

Ce matin, Liam, son meilleur ami est arrivé en retard à l'école, il avait l'air étrange.  Quentin était préoccupé, inquiet et en le fixant intensément, s'est évanoui.  Un étrange malaise durant lequel Quentin a vécu une expérience particulière. 

Perturbé, il passe par la piscine pour évacuer son stress.  Il va revivre sa journée par une rétrospection mentale pour essayer de comprendre ce qui s'est passé. 

Peu à peu il va se rendre compte qu'il possède un don particulier, qu'il va peu à peu développer, apprivoiser, le rendre plus solitaire et l'éloigner de ses amis. 

Don ou malédiction ?  Intrusion dans des mondes intérieurs cela l'enrichit, lui permet de vivre des expériences, de sonder des cultures, de se sentir puissant  mais jusqu'où aller ? Quelle barrière ne pas franchir? Quels choix effectuer ?  Une expérience qui l'amène à l'introspection, à l'éthique, aux choses essentielles.

Je suis mystérieuse, ne peux en dire plus, à vous de le découvrir dans ce récit au style agréable, une plume érudite, bien construite.  Il y a du rythme, un suspense ressenti qui fait tourner les pages car on a envie de savoir, la seconde partie est plus philosophique, un brin de science-fiction qui amène à un  questionnement. 

Un livre agréable à découvrir.

Une jolie phrase

De nombreuses bonnes  idées valaient-elles plus qu'une seule erreur ?