mercredi 30 août 2023

J'ai 8 ans et je m'appelle Jean Rochefort - Adèle Fugère ♥♥♥♥♥

 J'ai 8 ans et je m'appelle Jean Rochefort  -  Adèle Fugère  ♥♥♥♥♥














Buchet Chastel
Parution : 17/08/2023
Pages : 177
ISBN : 978-2-283-03855-0
Prix : 13.50 €

Présentation de l'éditeur



Le lendemain matin, je me suis levé. Je devais aller à l'école. Mais j'avais un truc qui me chatouillait au-dessus de la bouche. J'ai touché. Ca piquait un peu. Mais c'était doux aussi. Je suis allé dans la salle de bain. Je suis monté sur le rehausseur pour voir dans la glace. Et je me suis vu. Avec une moustache. J'ai souri. Je n'avais plus l'air de ce que j'étais. Je me suis dit : "Jean, ça te va bien."

Rosalie Pierredoux, 8 ans, sent toute la tristesse du monde peser sur ses épaules. Un matin, sans prévenir, Jean Rochefort et sa moustache vont changer son regard.

Poétique, inventif, drôle, J'ai 8 ans et je m'appelle Jean Rochefort est le premier roman d'Adèle Fugère.


Adèle Fugère


Née en 1976, Adèle Fugère est journaliste. Elle écrit aussi, dessine à la main, à la ligne claire ou en détournant les objets. Elle vit à l'Ouest. Elle aime l'absurde, la malice, le bancal, le fil qui dépasse, Bill Murray, l'humour anglais et Dr Feelgood.









Mon avis

Attention pépite !  

Voilà ce que j'aime en littérature, tomber sur des petits livres inclassables comme celui-ci, un roman qui sort des sentiers battus.

Un petit préambule pour expliquer que Jean Rochefort est partout dans le livre, quelques éléments importants pour les non-initiés afin de savourer ce premier roman.  Savourer est le terme adéquat en ce qui me concerne 😉.

C'est l'histoire de Rosalie Pierredoux, une petite fille dépressive qui aime son papy - son allié d'une autre génération - et son unique ami, Simon.

Rosalie est pourtant rigolote, elle aime faire des blagues mais c'est un petit clown triste, désespéré, timide et incompris.

Un matin, elle se lève avec une moustache et annonce à ses parents et à son entourage qu'elle est Jean Rochefort...

Cette moustache va changer sa vie, lui donner de l'assurance et lui faire prendre conscience qu'elle peut enfin dire ce qu'elle pense.

Avec beaucoup d'humour et de poésie, ce court roman universel parle de la différence, dénonce l'injustice et parle d'amitié. 

J'ai vraiment adoré retrouver le côté loufoque, sarcastique de Jean Rochefort et ses références.  Je l'entendais dans la bouche de Rosalie.  Un moyen génial de lui faire prendre confiance.

C'est malin, attachant, drôle et sérieux à la fois, et tellement universel.

Lisez-le, je vous dis, savoureux, ce livre se dévore.  Un petit bonheur !


Intensité du coup de coeur : ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases

Quand on est dans la même génération, on a des pudeurs comme on dit ! C'est pour cela que j'aime bien mon papy.

Et je préfère rire de l'absurdité de la vie pour ne pas trop souffrir.


Ça fait du bien de tout sortir de temps en temps.

Je suis timide, mais la timidité donne de l'imagination.  Et elle donne l'audace du désespéré.  Le coup de boutoir en somme. 

Le succès et le pouvoir rendent souvent stupide et arrogant...

- Papy, toi qui as déroulé du câble, ça se passe toujours comme ça les histoires d'amour ? 
- Comment ça ?
- Ben, tomber amoureux comme un fou. 
- Être déçu.  Econduit.  Avoir envie de se pendre.
- Non. Pas toujours. Un jour tu tombes sur celui ou celle ...
- ...qui te ramène à la surface de la vie ?




lundi 28 août 2023

Psychopompe - Amélie Nothomb

Psychopompe   -   Amélie Nothomb












Albin Michel
Parution : 23/08/23
Pages : 162
EAN : 9782226485618
Prix : 18.90 €



Présentation de l'éditeur




"Ecrire, c'est voler."

Amélie Nothomb

Mon avis


 Déroutant ! c'est le premier mot qui me vient !

J'ai écrit une chronique et elle ne me plaisait pas, c'est sous forme de lettre adressée à Amélie que j'ai envie de vous parler de ce dernier opus d'Amélie Nothomb.


Chère Amélie,


Envie de vous écrire pour partager mon ressenti au sujet de votre dernier roman. Sachez que vous m'avez complètement déroutée.

Ce conte qui ouvre le roman, une espèce de "Barbe Bleue" à l'envers m'a enchantée et je me suis dit que c'était très prometteur, et puis, comment dire j'ai eu l'impression que le soufflé était retombé, je n'ai pas compris de suite où vous vouliez nous emmener. Je vous avoue que cela m'a même un peu ennuyé toutes ces descriptions aviaires mais en même temps votre style si particulier m'a donné envie de continuer.  Je sentais que vous vous dévoiliez, que votre manque du père m'émouvait.

J'ai suivi vos voyages, d'ambassade en ambassade - Chine, Bangladesh, Birmanie, ... - et puis soudain j'ai compris le cheminement de l'écriture, la difficulté de trouver votre voie, votre place en littérature, la difficulté réelle tout comme le vol d'un oiseau.

Votre récit, c'est un peu votre testament littéraire, la naissance d'une écrivaine mais aussi et surtout la recherche de sa légitimité.

Psychopompe, ce lien vers les âmes disparues qui a conduit à l'écriture de deux romans - "Soif" en 2019 et "Premier sang" 2021 - cette force c'est le chemin.

Le dernier tiers du roman m'a émue, ce lien, cet amour profond au père, dire "je t'aime" aux gens qu'on aime est difficile surtout pour la génération de nos parents..  C'est ce geste fort qui a ouvert une porte où s'est engouffré votre amour mutuel.

Au fil de vos romans, vous prenez de l'épaisseur, votre plume devient pour notre bonheur plus philosophique.  Ne changez rien Amélie, on vous aime et vos mots nous touchent.

Bien cordialement.


Nathalie


Les jolies phrases


Désormais, écrire, ce serait voler.

Le rossignol du Japon est un oiseau somptueux.  Vêtu d'un kimono multicolore, il chante comme une diva. On se doute que je ne parvins pas à lui ressembler.  Je tiens davantage du merle, de par la noirceur de mon plumage mais aussi au côté expérimental de mon chant. Singulier artiste que le merle, capable du meilleur comme du pire. 

pp106 et 107

Je voulais vivre au présent, comme lui.  Je lui empruntai sa stratégie : effectuer au quotidien ce qui vous semble aussi improbable qu'impossible. Plusieurs heures par jour, il me fallait aller au-delà de mes forces, atteindre cette allure où l'écriture s'évade de tout ancrage, se déploie et renouvelle à chaque seconde le miracle qui lui permet de tenir un instant supplémentaire.  Celui qui vit un danger aussi permanent connaît le présent absolu. 

Le chant du matin d'hiver échappait à l'invitation amoureuse, il était chant de survie.  Ce merle transi de froid inventait une beauté plus haute pour détourner ses sens de la souffrance.  Chanter pour apprivoiser le gel, quel héroïsme !

Si l'oiseau symbolisait la liberté, ce devait être une erreur.  Il ne devait pas être si libre qu'on se le représentait.  Et surtout, ce n'était pas la cause de ma métamorphose. Celle-ci resterait inconnue.  La liberté, je la convoitais, certes.  Mais j'avais l'instinct qu'elle n'était pas ce que l'on croyait.  L'oiseau en vol donne une puissante image de liberté, mais cette liberté, il devait la conquérir au prix d'efforts terribles.

Qu'est-ce que voler sinon s'adonner à l'ivresse du vide ?

Les aspirants écrivains ont tous connu cela : relire le lendemain ce que la veille on avait tracé en proie à l'extase et s'apercevoir que le sillon de la charrue ne porte aucune marque de l'élévation vécue. Pire : que ce n'est pas l'utile sillon d'une charrue, que ce n'est rien, littéralement rien. 

Pouvoir différencier le détail qui compte de celui qui leste, le mot puissant du mot encombrant : un art qui prend des années.


Du même auteur j'ai lu et chroniqué



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dimanche 27 août 2023

Café littéraire du 21 septembre 2023 : Brigitte Guilbau

 Café littéraire du 21 septembre 2023  :  Brigitte Guilbau














C'est parti pour une troisième saison de cafés-littéraires !

C'est Brigitte Guilbau qui sera mon invitée le 21 septembre prochain à 19h à la Bibliothèque Maurice Carême de Wavre.


Brigitte Guilbau





« Petite fille, née en hiver d’un père d’origine bretonne et d’une mère ardennaise, j’ai affiché très rapidement un caractère trempé. Enfant, je voulais devenir Chef Apache, puis, en comprenant les spécificités ethniques et donc les limites à mes souhaits, j’ai voulu être cow-boy (genre Danse avec les loups ou Little Big Man). A l’adolescence, je voulais partir avec le Commandant Cousteau. Trente années après St Germain des Prés, je revendiquais l’Existentialisme… Aujourd’hui, je suis professeur de cours philosophiques. Active et engagée, mes objectifs pédagogiques et mes travaux d’écriture sont tous tournés vers la réflexion humaniste, certains avec force et désespoir, d’autres avec l’ironie propre aux vrais sensibles, mais toujours avec le même dénominateur commun : la condition de l’Homme, ses espoirs et ses doutes. Cet engagement citoyen m’a valu la reconnaissance de mes pairs avec le prix de la Fondation Reine Paola pour l’enseignement, le prix de la CommunautéFrançaise de Belgique et le prix Condorcet-Aron. En 2003, j’ai été Namuroise de l’Année et reconnue « Enseignant Entreprenant ». Certaine que les actes prévalent sur les paroles, j’affiche une attitude résolument anti-tartuffe en disant qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une face de Carême pour défendre la vie car défendre la vie c’est l’aimer. J’apprécie cette réflexion de Zola qui dit qu’il faut savoir où on veut aller, que c’est bien…mais que c’est encore mieux de montrer qu’on y va et il m’arrive d’ajouter « Tu veux du bonheur? Donne du bonheur… »

Source  : Lilys éditions.


On découvrira son univers et en particulier ces deux romans :

Murmures sous la surface - Brigitte Guilbau  ♥♥♥♥♥


  

Présentation de l'éditeur

Isabelle est une petite fille sage, douce et réfléchie. Elle a des parents formidables qui l’aiment, la protègent et la chérissent. La preuve ? Ils lui ont organisé une fête d’anniversaire géniale et elle étrenne sa nouvelle chambre.

Mais que sont ces murmures qui montent de la cave par le conduit de cheminée ?

Des fantômes ? Des araignées géantes ? Son imagination ?


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Un papillon sur la banquise - Brigitte Guilbau




Présentation de l'éditeur

Frédérique part pour l’Afrique avec la dernière lettre de son fils Manuel.

Pourquoi s’envole-t-elle au pays des maisons sans adresse ?

Pour que les mots du mal qui la ronge sortent enfin.

Elle a appris trop tard le harcèlement qu’il vivait dans son établissement scolaire. Elle ignorait que le cauchemar commençait pour lui dès le réveil et que l’horreur prenait l’apparence de ses copains de classe. Que faire lorsque ces lieux de savoir et de vivre ensemble que sont les écoles deviennent ceux qui nous tuent ?

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Modalités pratiques


Adresse du jour : Bibliothèque Maurice Carême
Rue de l'Ermitage 65
1300 Wavre


Parking à proximité (La Sucrerie) à l'arrière c'est gratuit !


C'est gratuit mais il faut s'inscrire en envoyant un petit mail à l'adresse suivante : bibliocareme@wavre.be ou téléphoner au 010/230415


La librairie Claudine sera sur place avec des livres. Une séance de dédicaces aura lieu et on aura l'occasion de prendre un verre ensemble pour terminer la soirée.

Au plaisir de vous y retrouver nombreux j'espère !


samedi 26 août 2023

Le grand incident - Zelba ♥♥♥♥♥

 Le grand incident   -   Zelba   ♥♥♥♥♥

















Futuropolis
Musée du Louvre éditions
Parution : 23/08/23
Pages : 128
ISBN : 9782754834438
Prix : 23.5.€

Présentation de l'éditeur

Paris aujourd’hui. La crise du Covid n’a pas eu lieu. Mais une autre crise, localisée au Louvre et appelée par les initiés « Le grand incident », va imposer une fermeture du musée, inédite depuis la seconde guerre mondiale. Sculptures, peintures, toutes les femmes nues dans les œuvres se dérobent au regard des visiteurs car elles ne supportent plus les réflexions, voire les attouchements, dont elles sont victimes au quotidien.
Le président-directeur du musée, Charles Darlin, doit se résoudre à fermer le musée le temps de trouver une explication rationnelle à cette situation irrationnelle. La solution viendra de Teresa, femme de ménage depuis 30 ans, devenue la confidente des œuvres. Leur revendication, pour réapparaître aux yeux des visiteurs, va changer à jamais la vie du Louvre…

Un conte « fantasticomique », qui porte un regard critique sur la sexualisation du corps féminin et, en particulier, de la nudité féminine à travers l’histoire de l’art. Récit à la fois drôle et léger sur la place de la femme dans notre société, le harcèlement de rue et le traumatisme des confinements avec la fermeture des lieux culturels. C’est aussi un hommage au Louvre et aux œuvres d’art, aux artistes exposés comme à celles et ceux qui travaillent au quotidien dans le plus grand musée du monde.

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Zelba





Wiebke Petersen, alias Zelba, est née en ex-RFA en 1973.
Avant de devenir illustratrice, elle est championne de monde junior d’aviron (en deux sans barreur).
En 1999, elle intègre l’agence berlinoise « Hirschpool ».
Depuis 2006, elle publie des bandes dessinées aux éditions Jarjille et Marabulles avant de rejoindre Futuropolis. Avec Dans le même bateau, elle revient sur sa pratique de l’aviron à haut niveau à la fin des années 80 en Allemagne au moment de la chute du mur de Berlin.




Mon avis

Á lire absolument ! C'est drôle, très drôle et pourtant le sujet est très sérieux.  C'est le troisième album de Zelba, une autrice que je vous invite vraiment à découvrir !

C'est un conte "fantasticomique" qui nous est proposé dans cet album copublié dans la collection Louvre.  Il porte un regard critique à la sexualisation du corps féminin.

Le Louvre doit fermer ses portes pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale.  En cause : le grand incident !

Teresa, femme de ménage depuis plus de trente ans avait bien essayé de mettre en garde la direction du musée et de faire passer un message à Charles-Henri Darlin ! Mais en vain, sa seule réponse avait été d'être virée sur le champ.   Elle leur avait expliqué pourtant qu'une révolte des statues féminines se préparait car elles en avaient marre du manque de respect et des attitudes et regards lubriques.
On n'avait pas daigné l'écouter.

Mais le souci est que les statues sont passées à l'action, rejointes par toutes les représentations féminines dévêtues... En effet, elles disparaissent littéralement de tout regard, elles sont devenues invisibles.  

Que faire pour y remédier ?  Teresa apportera sans doute la solution...

Original comme scénario, n'est-ce pas ?

Zelba aborde avec beaucoup d'humour et de légèreté la place des femmes dans notre société à travers l'histoire de l'art de la nudité fénminine.

Pourquoi au fil du temps, dans l'art, la femme est-elle représentée soumise, offerte aux regards des visiteurs et parfois pires non consentantes ce qui pourrait être exposé dans une salle de "viols"? Pourquoi la nudité féminine est-elle si souvent sexualisée?  Pourquoi aujourd'hui une femme se fait encore siffler dans la rue et est comparée à un objet ?  Oui pourquoi systématiquement y a-t-il un jugement et confond-t-on nudité et sexualité ?   Une autre question soulevée, pourquoi y a-t-il si peu de femmes peintres exposées ?  Au Louvre , elles ne sont que 29.

Zelba a peut-être trouvé une solution cocasse pour renverser ce schéma de la nudité ... 

J'adore le dessin et le trait pour ses personnages.  En rouge ou en bleu, on retrouve le Louvre, les oeuvres fidèlement représentées, le trait noir reprend le récit fictionnel.  Á noter l'idée intéressante des "frères" Charles-Henri et Charline-Henriette Darlin.

Beaucoup de drôlerie, des dialogues savoureux.  Une très belle réussite.

Énorme coup de coeur ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases


Cacher les femmes nues ne fera pas évoluer le regard des hommes.

Avant d'être historienne d'art je suis une femme.  Et en tant que femme, je ressens parfois un malaise face à la nudité féminine telle qu'elle est représentée dans l'art ancien. Contrairement au corps masculin dont la nudité est, la plupart du temps, un signe de courage et de force virile... le nu féminin est fréquemment abandonné aux poses de soumission ou d'humiliation.  

Du même auteur j'ai lu

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jeudi 24 août 2023

Les dragons - Jérôme Colin ♥♥♥♥♥

Les dragons  - Jérôme Colin ♥♥♥♥♥ 




















Allary
Parution : le 24 août 2023
Pages : 192
ISBN : 978-2-37073-470-9
Prix : 18.90 €

Présentation de l'éditeur



Jérôme a quinze ans. Il est en colère contre ses parents qui sentent le vieux. Contre le monde qui le rejette. Contre les monstres qui l’empêchent de dormir. Contre lui surtout. Sur décision de justice, il est interné dans un centre de soins pour adolescents. Là, il rencontre les dragons, ces enfants détruits par leur famille, l’école ou l’époque. Parmi eux, il y a Colette. Crâne rasé, bras lacérés, noir sur les yeux. Elle veut mourir. Il veut l’embrasser. L’emmener loin d’ici.

Les Dragons est l’histoire d’un coup de foudre entre adolescents plus normaux qu’il n’y paraît.

Un cri d’amour pour ces enfants que notre société cache, mais qui disent tant de nous.

L'auteur

Jérôme Colin est journaliste à la RTBF où il anime « Entrez sans frapper » et « Hep Taxi ». Il est l’auteur de Éviter les péages (Allary Éditions, 2015) et Le Champ de bataille (Allary Éditions, 2018), adapté au théâtre et en cours d’adaptation au cinéma. Pour écrire Les Dragons, il a fait une immersion de 4 mois dans un centre de soin psychiatrique pour adolescents âgés entre 12 et 18 ans.

Source : Allary éditions  


©Crédit Photo : Ganaëlle Glume





Mon avis

Quelle claque ! Quel récit bouleversant ! Cela faisait vraiment très longtemps qu'un livre ne m'avait pas autant retournée.  Je l'ai terminé les yeux embués, le coeur serré.

Merci Jérôme Colin de mettre en avant les dragons, ces jeunes en souffrance, sans espoir, pour qui notre société ne fait pas assez.

C'est un réel fait de société qui est mis en avant.  Les dragons, ce sont les enfants détruits par la famille, par l'école ou par notre société dans laquelle ils ne se sentent pas à leur place.

Jérôme a 15 ans, il est en décrochage scolaire, violent avec son père, accro à l'alcool ou l'herbe pour s'évader. Il est interné dans un centre de soins pour adolescents, c'est là qu'il va rencontrer Colette, le crâne rasé, les bras lacérés, les yeux noirs.  Il tombe instantanément amoureux, il veut l'aimer, l'embrasser...   Colette, elle a presque 18 ans et elle ne veut qu'une chose, mourir.

Cette rencontre va changer sa vie et être à l'origine de ce récit, un cri d'amour. 

Autour de lui, Jérôme voit la souffrance, tous souffrent comme lui qui le soir est assailli de ses démons, de la peur, ses cauchemars.

Il va découvrir le pouvoir des mots, de la littérature et surtout un livre qui va changer sa perception et le rapprocher de Colette ; "Les raisins de la colère" de Steinbeck.  Il va découvrir la force des livres et de l'écriture qui permet de comprendre qu'il n'est pas seul, de se libérer.

"Donne toi pour mission de te frotter aux autres.  C'est la seule façon de combattre ce monde qui ne te plaît pas".

Jérôme Colin décrit le mal-être, la souffrance, la dépression et le délire mélancolique. Il nous fait prendre conscience que grand nombre de jeunes se mutilent pour ne plus sentir leur mal-être et se demandent "Comment réparer le fait d'être né".   C'est un vrai problème de société dont on ne parle pas assez. Trop de jeunes ne sont pas en phase avec notre société, ses règles de performance à l'école, au travail, le capitalisme qui prévaut, notre planète qui n'est pas respectée, ce qui n'offre aucun idéal pour la jeunesse.

Un livre poignant, qui retourne, dur quand on est parent mais tellement indispensable.  L'écriture est fluide, c'est beau, tellement vrai.

A lire absolument.

Immense coup de coeur.


Les jolies phrases

Avoir un enfant, c'est accepter de vivre dans la peur pour le restant de tes jours.

Ecrire, c'est essayer de dire comment la vie vous affecte.

Aux enfants, ne pas dire arrête mais explique.  Ne pas dire tais-toi mais raconte. Ne pas dire ne fais pas l'intéressant mais fais l'intéressant.

Donne toi pour mission de te frotter aux autres.  C'est la seule façon de combattre ce monde qui ne te plaît pas. 

Le viol est un assassinat.  Sauf que le cadavre respire encore.

Je ne comprends pas comment il faut faire pour réparer le fait d'être né.

Parce qu'un enfant ne devient jamais exactement ce que tu espérais de lui.  Ça pousse de travers ces choses-là.  

Tu verras, ça n'existe pas la normalité.  Tout le monde a des choses à réparer.

En m'ordonnant de m'en tenir à la place qui m'était assignée, on m'emmenait tout droit vers la vie de mes parents.  Vers l'acceptation bête et docile du petit monde normal.  C'est cela que j'ai refusé quand, un soir, en rentrant de l'école, j'ai annoncé à mes parents que je n'irais jamais plus.  Pour avoir envie de s'asseoir au premier rang, il faut y croire.  Il faut avoir confiance en ce monde et envisager de pouvoir y trouver sa place.  Or, je n'avais pas confiance.  Et la place qu'ils avaient prévue pour moi, je n'en voulais pas.  J'ai détesté l'école parce que je maudissais ce qu'elle me promettait. 

L'écriture, ce n'est pas un concours de beauté.  C'est avant tout un moyen de s'examiner et de dire aux autres : voyez ce qui m'émeut et me bouleverse.  C'est rencontrer l'autre et lui dire : tu n'es pas seul.  Nous sommes légion. 

Ce n'est pas ta faute si tu t'isoles.  Tu ne fais qu'obéir à la marche du monde.  Mais une fois l'ennemi identifié, il faut trouver le courage de le combattre. Parce qu'on n'a pas le choix.  Parce que l'avenir arrive.

"Quand l'incroyable viendrait enfin à advenir" . J'ai trouvé la formule bouleversante.  Ça m'a chamboulé que le mec triste affiché au mur de ma chambre (*) parvienne à transmettre une idée si forte avec des mots si simples.     (*Steinbeck)

"Tu sais, a-t-il ajouté, notre société, elle fait des gosses.  Mais elle ne prend plus le temps d'avoir des gosses.  C'est un problème structurel.  Je ne dis pas qu'il faut que tout le monde se transforme soudainement en hyperparents ou en hyperprofs.  Juste en adultes qui prennent le temps de penser à cela.  Mais l'accélération de la vie ne le permet pas.  Comme si on n'avait plus le temps.  C'est ça aussi la société de consommation.  On produit.  On abandonne.  Pour produire plus encore.  Dans ta radio, tu dois parler du désespoir et de la souffrance des adolescents;  De notre incapacité, à nous les adultes, de leur proposer un autre monde.  On les gave de médicaments car on est incapables de les gaver d'espoir.  Et bientôt, ça nous explosera au visage, crois-moi.


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mardi 22 août 2023

Le plus court chemin - Antoine Wauters ♥♥♥♥♥

Le plus court chemin   -   Antoine Wauters  ♥♥♥♥♥



 
















Verdier
Collection jaune
Parution : 24 août 2023
Pages : 256
Isbn : 978-2-37856-177-2
Prix : 19.50 €

Présentation de l'éditeur


Que se passe-t-il lorsqu’un auteur, qui a beaucoup écrit sur l’enfance, remonte le fil d’argent de sa propre enfance ?

Le Plus Court Chemin est un hommage aux proches et la tentative de revisiter avec les mots ce vaste monde d’avant les mots : les êtres, les lieux, les sentiments et les sensations propres à cette époque sur le point de disparaître, les années d’avant la cassure, d’avant l’accélération générale qui suivra la chute du mur de Berlin.

Raconter l’existence dans les paysages infinis de la campagne wallonne, dire l’amour et le manque. Car écrire, c’est poursuivre un dialogue avec tout ce qui a cessé d’être visible. Par-delà la nostalgie.


Mon avis

C'est un livre très personnel que nous propose Antoine Wauters qui revient sur son enfance mais il est tout autant universel en nous ramenant à la nôtre, à ce qui est perdu, ce qui a été, ce qui nous constitue mais n'existe plus qu'en souvenir.

Antoine se souvient de son enfance dans un petit village des Ardennes belges, il nous parle de ses terrains de jeux avec son frère Charles, de la ferme, de la connexion très forte à la nature qui le nourrit.

C'était rigueur et sobriété, amour mais aussi silences, silence du grand-père, silence du père , silence qui lui ressemble.

Il nous parle d'amour, de manque, de ses doutes, de sa nostalgie , de la recherche du bonheur par l'écriture qui le lie à la vie.

Il décrit sa peur viscérale de la mort de sa maman mais aussi son mal être qui l'en approchait, de ce qui l'a tenu en vie, ce fil ténu qui est l'écriture.  L'écriture est le plus court chemin qui mène aux autres, celui qui permet depuis tout petit, d'être "plusieurs dans sa tête", de le relier à son enfance, à ce qui n'est pas mort de l'enfance.  Le pouvoir de l'écriture qui lui permet de dépasser ce mal-être, à ne pas être soi et l'être à la fois avec certains personnages.

Ces souvenirs, comme des polaroïds de l'époque nous ramènent avec nostalgie à ce qui n'est plus, à une ère révolue, aux années 80.

Avec beaucoup de sensibilité, une écriture poétique, magnifique, on retrouve  avec bonheur ces temps oubliés, ce qu'il a été, ce qui l'a construit et fait ce qu'il est aujourd'hui.

A découvrir !

Ma note : 9.5/10

Les jolies phrases

Questions : poursuit-on par nos propres silences des silences entamés plus tôt ? Y a-t-il une communication invisible des silences ? Dans quelle mesure sommes-nous, ou non, l'amplification des fatigues, blessures et "noeuds" de nos ancêtres ? 

En écrivant ces lignes, je ne fais que poursuivre cette création-là, comme un funambule sur le fil de ces voix emmêlées remontant du passé, à moitié effacées et pourtant toujours là.  L'écriture est ce fil posé sur l'oubli.  Et le risque, je crois, est peut-être moins de chuter dans l'oubli que dans la mémoire. De ne plus en revenir.  Ce serait alors une autre forme d'oubli.  Echouer dans le souvenir par refus d'oublier.  Descendre dans l'écriture sans pouvoir en remonter.  Être piégé.

J'ai longtemps vécu, et vis encore, avec le sentiment que les mots sont la seule vraie présence en moi. (...) C'est un pays, un lieu qui me devance et vers lequel je tends.  Le seul endroit où l'on peut me trouver - et le seul où je me trouve.  Partout ailleurs, je n'y suis pas.  Je n'ai lieu que là.

On marche pour entendre de qu'il y a avant soi.

L'art se pratique au dos du monde, toujours.  Et que l'envers est l'endroit le plus précieux.

Nous ne sommes pas nés heureux, nous avons appris à l'être.

L'écriture m'a beaucoup donné et elle m'a beaucoup pris.  Ce qu'elle m'a donné de meilleur ? Une voie parallèle.  Ce qu'elle m'a pris de plus précieux ?  La voie principale, celle qui menait aux autres.

Parfois, j'en veux aussi à mes livres, au fait que, une fois imprimés, je deviens otage de ce qui devait me rendre si libre, otage de la parole, alors que je tente seulement de cultiver un peu de silence. 

L'idée folle de tout type qui écrit ?  Être heureux sans le secours des mots.

Je sais qu'écrire, c'est se traverser de part en part en acceptant tout ce que l'on croisera, tout ce que l'on touchera du doigt et que l'on entendra.  Même ce qu'il y a de plus terrible.  Car cela, il faudra parvenir à l'aimer.

Avant d'être un acte d'expression, écrire est un acte d'écoute.  Il faut longtemps se taire et apprendre à entendre, puis seulement parler.

Je regarde le mur, je respire la glycine et je comprends, à cette seule impossibilité de me détruire, que je suis tenu à moi comme un chien à une laisse, et que cette servitude s'appelle vivre. J'ai cessé d'être un enfant ce jour-là.

Du même auteur j'ai lu

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samedi 19 août 2023

Les nageurs de la nuit - Tomasz Jedrowski ♥♥♥♥♥

 Les nageurs de la nuit  -  Tomasz Jedrowski  ♥♥♥♥♥





















Editions La croisée
Parution : 08 mars 2023
Traduit de l'anglais par Laurent Bury
Pages : 224
Isbn : 9782413078241
Prix : 20 €


Présentation de l'éditeur

Pologne, 1980. Ludwik et Janusz, étudiants, tombent amoureux autour d’un roman interdit de James Baldwin. Mais à Varsovie, sous le joug d’un Parti soupçonneux, leur relation doit rester clandestine. Alors que Janusz veut rentrer dans le rang du Parti, Ludwik s’insurge contre la politique injuste de son pays. Chacun d’eux se trouve confronté au choix d’une vie : faut-il trahir ou se trahir pour protéger ceux que l’on aime ?Au fil d’une plume élégante, tour à tour sensuelle, mélancolique et inquiétante, Tomasz Jedrowski nous plonge dans une bouleversante éducation sentimentale et politique derrière le Rideau de fer.

Tomasz Jedrowski






TOMASZ JEDROWSKI est né en 1985 en Allemagne et a étudié le droit à Cambridge et Paris. Les Nageurs de la nuit est son premier roman, traduit et acclamé dans plus de dix pays.

source : La croisée

















Mon avis

C'est un magnifique premier roman que nous propose Tomasz Jedrowski. 

Ludwik, le narrateur a 22 ans en 1980, il termine ses études de lettres à l'université de Varsovie.  Il participe à un camp d'été, un camp de travail obligatoire où il devra arracher des betteraves ... pour valider son cursus ...  

C'est dans ce camp qu'il va rencontrer Janusz, à qui il adresse ce récit rédigé à la seconde personne.

Ludwik raconte son enfance.  Élevé par sa mère et sa grand-mère, refoulant en lui sa nature, il se souvient déjà enfant son attirance pour Beniek.

C'est lors de cet été 80, à la campagne q'il va enfin devenir lui-même, tomber amoureux de Janusz.

Un livre interdit en Pologne les réunit ; "La chambre de Giovanni" de James Baldwin publié en 1956.

Cette rencontre se passe dans les annés 80, période où la Pologne, dictature communiste impose des pénuries et de longues queues de rationnement, c'est la période de l'émergence de l'opposition, de Solidarność et de la répression.

On va suivre l'histoire de Ludwik et Janusz avec en filigranes l'Histoire de leur pays.  Ils ont des points de vue diamétralement opposés, Janusz voulant s'inscrire dans la ligne du parti, Ludwik étant révulsé par les injustices de son peuple.

C'est magnifiquement écrit. La plume est élégante, mélancolique, envoûtante. J'ai beaucoup aimé les scènes au bord du lac où la nature est excessivement bien décrite.  

Un très beau récit qui nous raconte une éducation sentimentale et politique, un climat social extrêmement tendu, la honte et le poids d'un secret, la peur mais aussi la recherche de la liberté.

Coup de ♥



Les jolies phrases

L'égoïsme. Devenir soi-même n'est rien d'autre.

La façon dont tu me regardais m'a fait comprendre que tu ne jugeais pas.  Dans la vie, on ne rencontre pas tant de gens qui nous donnent cette impression. 

La liberté, c'est avoir ce dont on a envie, ai-je dit avec soin.  C'est choisir par soi-même. 

Quand j'avais terminé, une fois mon corps déchargé, je chassais ces pensées, loin dans les recoins de mon cerveau.  Et pourtant je me réveillais avec les mêmes images fixées dans ma tête, comme des mouches attrapées au ruban collant.  Des années de désir comprimé comme un muscle à la pulsation impitoyable.  J'étais comme une flamme laissée allumée sans raison sur la gazinière. 

Ce n'était pas du divertissement, du dépaysement : c'était un livre qui paraissait avoir été écrit pour moi, qui m'emportait dans son monde pour m'unir à quelque chose qui semblait être là depuis toujours et dont je semblais faire partie.  J'avais l'impression que les mots et les pensées du narrateur - malgré leur souffrance, malgré leur tourment - guérissaient un peu de ma souffrance et de mon tourment, par le simple fait de leur existence. 

C'est ainsi que je vivais à l'époque : à travers les livres. Je m'enfermais dans leur histoire, je rêvais de leurs personnages la nuit, je me prenais pour eux. Ils étaient mon armure contre les arêtes dures de la réalité. Je les emportais partout avec moi, comme un talisman dans ma poche, et ils me semblaient presque plus réels que les personnes autour de moi, qui parlaient et vivaient dans le déni, destinées à ne jamais rien faire qui mérite d'être raconté, pensais-je.

Certaines choses ne peuvent être effacées par le silence. Certaines personnes ont ce pouvoir sur nous, que cela nous plaise ou non. Je commence à le comprendre. Certains êtres, certains événements peuvent nous faire perdre la tête. Comme une guillotine, ils coupent notre vie en deux, ils séparent le vivant et le mort, l'avant et l'après.

Le pire est peut-être de n'avoir personne à qui parler, personne qui puisse ouvrir la fenêtre pour renouveler l'air de ces interrogations qui sentent le renfermé.  Je sais que je finirai par avoir besoin de trouver quelqu'un à qui me confier. 

Peu importe ce qui se produit dans le monde, si brutal ou dystopique que soit l'événement, tout n'est pas perdu s'il y a des gens qui risquent leur vie pour en rapporter un témoignage.  Les petites étincelles causent elles aussi des incendies.

Je pense que c'est le désespoir qui l'a tuée.  Á force de ne faire que des choses en lesquelles elle ne croyait pas, elle devait être morte à l'intérieur depuis des années avant que son corps ne finisse par renoncer à son tour. 

Nous faisons simplement la queue pour une possibilité, pour quelque chose, peut-être pour rien, a-t-elle dit avec son sourire triste et affectueux.  Mais ça passera, mon petit.  Même la plus longue file d'attente finit par se dissoudre.  

Tu ne peux pas forcer les gens à t'aimer comme tu le voudrais.

Et pourtant, il me vient maintenant à l'esprit que nous ne pouvons jamais faire durer nos mensonges indéfiniment.  Tôt ou tard, nous sommes forcés d'affronter leurs ténèbres.  Nous pouvons choisir quand, mais pas si. Et plus nous attendons, plus ce sera douloureux et incertain.  Même notre pays fait cela à présent - il affronte les archives de ses mensonges, il patauge dans le bourbier dans l'espoir d'atteindre une vérité vivable.



mercredi 16 août 2023

Le grand feu - Léonor de Récondo

 Le grand feu  -  Léonor de Récondo














Grasset
Parution : 16 août 2023
Pages : 224
Ean : 9782246834793
Prix : 19.50 €


Présentation de l'éditeur

« Le grand feu, c’est celui qui m’anime, et me consume, lorsque je joue du violon et lorsque j’écris. »
Léonor de Récondo

En 1699, Ilaria Tagianotte naît dans une famille de marchands d’étoffes, à Venise. La ville a perdu de sa puissance, mais lui reste ses palais, ses nombreux théâtres, son carnaval qui dure six mois. C’est une période faste pour l’art et la musique, le violon en particulier.
À peine âgée de quelques semaines, sa mère place la petite Ilaria à la Pietà. Cette institution publique a ouvert ses portes en 1345 pour offrir une chance de survie aux enfants abandonnées en leur épargnant infanticides ou prostitution. On y enseigne la musique au plus haut niveau et les Vénitiens se pressent aux concerts organisés dans l’église attenante. Cachées derrière des grilles ouvragées, les jeunes interprètes jouent et chantent des pièces composées exclusivement pour elles.
Ilaria apprend le violon et devient la copiste du maestro Antonio Vivaldi. Elle se lie avec Prudenza, une fillette de son âge. Leur amitié indéfectible la renforce et lui donne une ouverture vers le monde extérieur.
Le grand feu, c’est celui de l’amour qui foudroie Ilaria à l’aube de ses quinze ans, abattant les murs qui l’ont à la fois protégée et enfermée, l’éloignant des tendresses connues jusqu’alors. C’est surtout celui qui mêle le désir charnel à la musique si étroitement dans son cœur qu’elle les confond et s’y perd.
Le murmure de Venise et sa beauté sont un écrin à la quête de la jeune fille : éprouver l’amour et s’élever par la musique, comme un grand feu.

Léonor de Récondo

Léonor de Récondo est née en 1976 dans une famille d’artistes, mère peintre et père sculpteur. Violoniste, elle a enregistré de nombreux disques et s’est produite en France et à l’étranger, en particulier dans des ensembles dédiés à la musique baroque. Elle a fondé l’ensemble L’Yriade, spécialisé dans le répertoire des cantates des XVIIe et XVIIIe siècles. Écrivaine, elle est l’autrice de huit romans dont Amours (2015, Grand Prix RTL-Lire et Prix des Libraires), Point cardinal (2017, Prix du roman des étudiants France Culture-Télérama), La Leçon de ténèbres (2020, prix Ève Delacroix de l’Académie française), et Revenir à toi, (Grasset, 2021, LGF, 2022).
Source : Grasset

© JF PAGA



Mon avis

Le 31 mai 1699 Ilaria Taglianotte voit le jour à Venise, elle est issue d'une famille de marchands de tissu.  Sa mère Francesca aime écouter la musique et les chants merveilleux derrière les grilles de la Pieta, une institution destinée aux orphelines qui donne un enseignement musical de haut niveau.  Les enfants de riches viennent y apprendre à chanter plusieurs fois par semaine.

Ilaria sera confiée à la Pieta à l'âge de 3 mois.  Elle y grandit fascinée par le chant de Maria qui l'embrase et lui permet de tout oublier.  A l'âge de 8 ans trop jeune pour le chant, c'est "une voix d'or dans les bras d'un enfant" qui lui sera confié, un violon. Un nouveau maître de musique est arrivé ; Antonio Vivaldi.

Prudenza Leoni également âgée de 8 ans vient prendre des cours quatre fois par semaine, c'est le début d'une amitié qui lui ouvrira le monde et lui laissera ressentir et imaginer la Sérénissime, mais aussi à l'âge de 15 ans découvrir l'embrasement de l'amour pour Paolo, le frère de son amie.

C'est par ce roman que je découvre la jolie plume de Leonor de Recondo.  Une écriture poétique, incandescente, au choix des mots ciselés.  Le style est élégant.

Elle décrit à merveille l'embrasement, la découverte de l'amour, ce feu intérieur qui dévore Ilaria pour sa passion à la musique.  Vivaldi est bien présent, Ilaria devient sa copiste mais il occupe un rôle secondaire.  C'est surtout une ambiance qui est décrite.  Venise est un également un personnage du roman et j'ai aimé le contexte historique en arrière plan.

C'est un très beau voyage dans le temps mais aussi dans l'émotion et le ressenti de la musique. 

Ma note : 9/10


Les jolies phrases

Elle ne se sent pas chargée d'une mission divine, non, mais d'une mission féminine.

Chaque violon est un monde qui s'ouvre. 

Une fenêtre sur l'extérieur, protégée par de la ferronnerie martelée.  Métaphore de son monde.  Regarder sans être vue, jouer sans être vu, vivre sans que personne ne le sache.  Là, elle se sent tranquille.  Inattaquable, elle peut rêver à sa guise de départs, de voyages fabuleux. Les barreaux la protègent, aussi bien qu'ils l'empêchent.

Avant de fermer les yeux pour l'écouter, Ilaria regarde ses cheveux couleur braise.  Elle se demande si Venise est une ville d'eau parce que justement tout s'y enflamme.  L'instant d'après, elle se laisse porter par la phrase suspendue du violon.

La musique est une suite de notes, un assemblage de chiffrages qu'il faut maîtriser et qui sont les tuteurs de l'émotion. 

Elle invente, contourne, orne, diminue avec grâce, sa manière n'est jamais ostentatoire, démonstrative. Quand elle joue, la musique qu'il compose est un miroir qui éveille une couleur inattendue, un recoin de paysage inaperçu jusque-là.

Sentiments, imprégnations, annihilations, exfiltrations.  Matière vivante que ces émotions, par strates, ressenties parfois, souvent évanescentes, d'une épaisseur à vous étouffer, qui vous retournent comme un gant, jusqu'à exposer aux yeux des autres leur mille-feuille à vif.  Rouge brillant. 

Elle répond qu'en matière de flammes, elle s'y connait.  Parfois, elle brûle, quand elle joue du violon.  Ça part de son coeur, jamais de son esprit, elle insiste : de son coeur et ça se propage jusqu'à ses mains, elle a l'impression que tout s'enflamme, la touche, le violon, les cordes qui s'entortillent sous la chaleur, alors elle s'enfuit où elle peut, elle plongerait volontiers dans la lagune.

Pourquoi n'as-tu pas eu la sagesse de m'apprendre nos propres failles ? 

mardi 15 août 2023

Passion simple - Annie Ernaux

Passion simple   -    Annie Ernaux


 














Gallimard la blanche
Parution : 14/01/1992
Ecoutez lire
20/02/2023
Lu par Juliette Binoche
ISBN 9782073020949
Prix : mp3 cd  9.99€

Présentation de l'éditeur


"À partir du mois de septembre l'année dernière, je n'ai plus rien fait d'autre qu'attendre un homme : qu'il me téléphone et qu'il vienne chez moi." Annie Ernaux.Juliette Binoche interprète avec sensibilité cette œuvre essentielle d’Annie Ernaux, prix Nobel de littérature 2022.

Annie Ernaux




Née le 1er septembre 1940 à Lillebonne, en Seine-Maritime, Annie Ernaux a grandi à Yvetot, en Normandie, où ses parents tenaient un café-épicerie. Issue d’un milieu modeste, elle poursuit cependant des études supérieures et devient agrégée de lettres. Elle enseignera à Annecy, puis au Centre National d’Enseignement à Distance. Son premier roman, Les armoires vides (1974), met en scène Denise Lesur, sorte de double de l’auteur, héroïne confrontée à un avortement. En 1984 elle obtient le prix Renaudot pour La place, où elle revient sur la vie de son père. Annie Ernaux renonce très rapidement à la fiction pour s’attacher à l’autofiction, son écriture étant marquée par la présence du « Je ». Ainsi, elle évoquera son adolescence dans Ce qu’ils disent ou rien (1977), son mariage dans La femme gelée (1981), sa mère dans Une femme (1988) et la maladie d’Alzheimer de celle-ci dans Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), ses parents dans La honte (1997), l’attente amoureuse dans Passion simple (1992), son avortement dans L’événement (2000) (suite des Armoires vides ), la jalousie d’une femme dans L’occupation (2002), son cancer dans L’usage de la photo (2005). Une partie de son œuvre est marquée par le clivage entre le milieu modeste et populaire dans lequel elle a grandi et le milieu bourgeois, "socialement supérieur" : "Pour moi écrire est profondément lié à ma situation sociale en tant qu’individu". Ses ouvrages parlent aussi du féminin, sous l’angle de la sexualité et de l’intime.


Mon avis

"A partir du mois de septembre de l'année dernière, je n'ai plus rien fait d'autre que d'attendre un homme, qu'il me téléphone et qu'il vienne chez moi."


Annie Ernaux nous livre la chronique d'une passion suite à la rencontre , celle que l'on ne choisit peut-être pas ; physique, émotionnelle, temporelle.

La passion qui dirige tout dans sa vie à cette période où Annie a rencontré un homme marié d'origine des pays de l'Est qu'elle nommera A.

Une passion dévorante qui lui fait oublier le rationnel, le sens critique, elle ne vit que pour et par cette passion, ce désir brûlant qui l'assaille.

Commence alors continuellement l'attente d'un coup de fil, l'angoisse, la douleur qui la consume pour cet amour inconditionnel non partagé, car ce qui l'intéresse, lui, c'est juste de faire l'amour avec elle.

Cette passion, c'est le sexe, le désir mais ensuite il y a la post-passion, la douleur, le deuil difficile à faire.

L'écriture est très belle, j'ai entendu l'économie de mots, l'essentiel , oui entendu car c'est avec la version audio que j'ai découvert ce livre édité chez "écoutez lire" lu avec brio par Juliette Binoche.

Intensité du coup de coeur : ♥♥♥♥♥


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