Alice et l’homme-perle – Valérie Cohen
EN PARTENARIAT AVEC LES EDITIONS LUCE WILQUIN
Sméraldine
Editions Luce Wilquin
14 x 20,5 cm, 192 pages
ISBN 978-2-88253-479-8
EUR 19.-
RESUME
Alice, Juliette et Gisèle partagent leur quotidien dans une Résidence pour sexagénaires argentés de Saint-Germain-en-Laye. Lorsqu’elle commence à oublier la couleur des yeux d’un ancien amant, Alice sombre dans une profonde mélancolie. Hormis son époux décédé, Diego est le seul homme qu’elle ait jamais aimé. Pourquoi vivre encore si l’essentiel lui échappe ? Ses amies lui organisent alors un voyage surprise à Séville avec l’objectif inavoué de retrouver Diego. Un professeur de dessin taiseux, un juge vieux garçon et la sulfureuse directrice de la Résidence les accompagnent. Un périple cocasse, durant lequel leur propre histoire s’invite. Tout comme leurs désirs, leur envie d’oser de nouvelles routes. Leurs peurs aussi…
MON AVIS
Un tout grand merci aux Editions Luce Wilquin pour ce magnifique partenariat. C'est un véritable cadeau que la découverte de ce troisième roman de Valérie Cohen.
Après Double vie d'un papillon 2010 Dorval
Nos mémoires apprivoisées 2012 Luce Wilquin
Alice Romain est à l'aube de ses 66 ans. Voilà à peu près six ans qu'elle a décidé de quitter Paris pour le calme de la Résidence "Les eaux douces" à Saint-Germain-en-Laye.
Elle est veuve. Depuis peu, elle a des petits trous de mémoire, oeuvre du temps; elle oublie certains détails et cela l'énerve.
Chaque jeudi elle se rend à l'aéroport pour voir les passagers qui débarquent et se donner un peu de rêve et d'évasion.
Elle y récupère aujourd'hui son amie Gisèle Noiret, qui pour oublier les effets du temps, s'est donné quelques coups de bistouri pour conserver une certaine jeunesse. Gisèle est riche, célibataire et sans enfant.
A la résidence, Alice partage le quotidien avec son autre amie, Juliette Doutremont, une mamy comme on les aime, un peu rondelette, maman et grand-mère, bavarde, toujours de bonne humeur, positive, tournée vers les autres.
Il y a aussi Simon qui donne des cours de dessin et Jean-Louis un ancien juge, ami de Juliette , et miss Létiquette (on la surnomme ainsi car elle aime montrer qu'elle porte des marques).
Tout ce beau monde est encadré par Sylvie Joris, la directrice. La quarantaine, célibataire sans enfant -elle ne pourra jamais en avoir -, elle se cherche au niveau sentiment.
Un jour au cours de dessin, Simon leur demande de dessiner le modèle présent. Alice préfère en dessiner un de tête, son Diego ancien amant, amour de sa vie, perdu de vue depuis plus de 25 ans. Mais, catastrophe, sa mémoire, bon Dieu, elle ne se rappelle plus son regard, la couleur de ses yeux lui échappe. Elle claque la porte du cours de dessin et devient encore plus nostalgique.
Un peu plus tard, avec la complicité de Sylvie, se met en place un voyage à l'initiative de Juliette qui a tout compris pour retrouver "l'homme-perle" d'Alice.
Un très beau récit, une plume magnifique très fluide, remplie de tendresse nous entraîne dans ce périple. Le livre est émaillé des différents courriers ou petits mots laissés jadis par Diego et nous décrit à merveille la passion qui fut entre Diego et Alice.
Le personnage de Sylvie n'est pas anodin, elle s'embarque sans réfléchir à la recherche du bonheur passé d'Alice avec "ses aînés". Son parcours est intéressant, interpellant et va lui faire prendre conscience de son chemin vers le bonheur.
Un récit qui nous dépeint avec humour et tendresse, l'approche de la vieillesse avec ses réalités, la maladie, la mort qui n'est plus très loin mais aussi le fait que tout est toujours permis. La vie avance certes mais tout est toujours possible, les projets sont présents et doivent être vécus. Chacun peut encore surprendre l'autre,- n'est-ce pas Juliette?- l'amour peut toujours être au rendez-vous.
Un livre lumineux qui nous parle de l'approche de la vieillesse avec de l'espoir, de l'humour et de la tendresse. Il faut continuer à vivre, à être heureux, se réaliser, s'assumer, être heureux , il n'est jamais trop tard.
Merci Luce Wilquin, ce livre est un cadeau.
Ma note 9/10
LES JOLIES PHRASES
Vieillards,
ce mot la terrifiait. Mourir était un concept acceptable. Vieillir,
impensable. Mille pensées
contradictoires l’avaient envahie.
…St Germain-en-Laye est devenu son port d’attache, un sentiment tardif et apaisant. Une bouée à laquelle se raccrocher quand la
vie a des airs de naufrage.
Le futur,
pour elle, ne peut être qu’une succession de parenthèses ensoleillées.
Une envie de
le secouer, et de lui faire mal. De lui
hurler que rêver n’est pas un délit punissable comme le croit sa fille Sylvie,
mais une manière comme une autre, sa manière, de survivre au quotidien.
Nos muscles
fondent, nos cheveux tombent et notre mémoire s’épuise. Mais crois-moi, notre
cœur ne prend pas une ride.
Vivre un
jour à la fois. Je n’ai rien trouvé de
mieux pour supporter l’absence.
Un dimanche
par an, ses proches lui rappellent que durant des décennies, sa vie n’a été
qu’une succession de fabuleux métiers peu lucratifs ; puéricultrice,
infirmière de nuit, psychologue, chauffeur de taxi, cuisinière, réparatrice de
portes trop fortement claquées, de pantalons troués et de cœurs brisés. Mère.
Ce n’est pas
grave de tomber et d’avoir mal. Fais-moi
confiance, les regrets mettent plus de temps à cicatriser que les plaies.
Ecrire c’est
sa façon de voyager. Son antioxydant lui
permettant, depuis des années, de s’inventer mille vies et de se couler dans la sienne avec la certitude que demain elle pourra être institutrice, femme d'affaires ou princesse en pantoufles de vair.
La Folie.
Douce folie. Aimer à la folie. Être
folle, fol dingue, folle à lier. Ce mot,
elle l’apprécie de plus en plus, et Juliette se met à regretter d’avoir attendu
tant d’années pour en comprendre pleinement le sens.
Lucie se
sent un peu comme une superbe résidence secondaire sans jardin à la campagne.
Jolie, mais inutile.
Tu m’as appris à rêver ; mais c’est douloureux, les rêves qui ne prennent jamais
vie.
L’homme-bonbon.
"Le premier
se déguste comme une friandise, d'où son nom. Une fois l'emballage ôté et le bonbon consommé, il ne reste pas grand-chose. Du léger, du tendre, du doux, un arrière-goût, voire rien. Ou si peu que la mémoire en garde un souvenir pastel et gentil, parfois même vaguement ennuyeux. Vous comprenez ce que je veux dire par là?"
L’homme-perle
"Qu'il soit père, mari, frère, amant, poursuit Gisèle, l'homme-perle laisse en nous une trace indélébile, et celle-ci nous habite pour toujours, au-delà de l'amour, du plaisir, des blessures ou de la tristesse. De la mort aussi. Peu importe que nous ayons eu mal à en crever, cet homme nous a fait grandir, a grandi en nous, avec nous. Il devait croiser notre route. une évidence, un cadeau de la vie. Le karma, diront certains. Il nous a laissé une empreinte. C'est important, l'empreinte. vous comprenez ce que j'essaie d'expliquer, Lucie?"
Toi et moi
nous le savons : un chagrin d’amour ne tue pas, même si on le souhaite de
toute notre force. La vie trouve
toujours le chemin pour nous ramener à elle.
Centenaire,
à quoi bon ? Serais-je capable de
vivre sans rêver ? Et si c’était
cela, le début de la vieillesse : accepter de ne plus rêver et
attendre ?