lundi 29 novembre 2021

Caillasses - Joëlle Sambi ♥♥♥♥♥

Caillasses - Joëlle Sambi










L'arbre de Diane
Collection : les deux soeurs
Parution : septembre 2021
Pages : 120
Isbn : 9782930822198
Prix : 12 €


Présentation de l'éditeur

Caillasses, c’est un Big Bang existentiel, une poésie à la criée, un battement de cœur. Avec son premier recueil de poèmes, Joëlle Sambi tisse une étoffe. Elle assure la protection des vivant.e.s et le passage des mots. Une plume affilée, aussi profonde et pleine que la forêt équatoriale. Tel un manifeste poético-politique, elle y déploie les cicatrices d’un corps-âme mâtiné de violences raciales, sexistes et homophobes. Sa langue se pare de mille éclairs afin de partager les raisins mûrs de la colère.

Illustrations : Maïc Batmane

L'auteure























De Joëlle à Sambi.

Née le cul sur une frontière linguistique entre Bruxelles et Kinshasa, Joëlle Sambi dit, crie, écrit, crée des nouvelles, romans, slams, poèmes, documentaires, espaces radiophoniques, lieux militants. Cette liste non exhaustive des traces qu’elle arpente est un lacis de luttes-désirs-nécessités. Meuffe-nomade qui soulève, relève, enlève des strates aux cases de l’identité normative en ponçant du texte, huilant de l’image, savonnant la scène. D’avant à en avant.

De terreau post-colonial en terres d’origines, Joëlle mélange les langues, pénètre le monde dans la ferveur et la rigueur de travail. Viscères et réaction. De Je à d’Elles.

Sa voix de migrante, lesbienne, afroféministe, exilée permanente écrit non pas pour en vivre, mais pour en abuser, jusqu’à s’entendre vivre.

Colères, Fusion(s) et Créations.

Illustrations : Maïc Batmane

Source L'arbre de Diane




A écouter

Un podcast à écouter créé par Bela et Aurore Engelen





Mon avis

Difficile d'écrire sur de la poésie contemporaine, plus encore quand presque trois semaines se sont écoulées après la lecture.  Voici ce qu'il en reste !

C'est un texte fort entre poésie et slam, j'ai d'ailleurs éprouvé le besoin de l'oralité à certains moments pour entendre la langue qui claque, qui vibre, qui crie, murmure ou revendique.

Un recueil en trois parties autobiographique, très personnel me semble-t-il.  Revendicatif, exprimant la colère, les cris ou l'amour en réponse à la violence.

La première dénonce la colère, la violence des non-dits des appartenances raciales ou sexuelles, la minorité congolaise par exemple ou le rejet et l'intolérance des genres et des sexes.  Joëlle Sambi revendique sa sexualité, lesbienne féministe engagée, slameuse, elle mène par sa plume et sa voi.x.e
un combat collectif, militant dans la lignée de Black Lives Matter pour défendre le droit de l'égalité des sexe(s), des minorités non respectées par le colonialisme et le suprématisme.

La seconde partie c'est exister, trouver une place dans ce monde, vaincre encore les préjugés, arrêter de toujours subir au travail, de correspondre à une certaine vision de la société.  Elle aborde les minorités du Congo son pays d'origine, dénonce le racisme mais aussi le sort des Sans-papiers. C'est sans tabou qu'elle parle de sa sexualité et dénonce l'homophobie.

La troisième partie est plus optimiste et parle d'amour, d'acceptation.  Aimer c'est souffrir, c'est parfois une douleur immense mais l'on vit avec. J'ai particulièrement aimé "Soeur".

Une plume acérée, profonde, magnifique qui dénonce avec poésie les maux de notre société.

Il y a encore beaucoup à en dire, le mieux c'est de le découvrir.

Ma note : 9.5/10  ♥♥♥♥♥

Les jolies phrases

La question qui me taraude est : où est-on lorsqu'on n'est pas là ?

Nos existences tout entières sont des révolutions, nos vies des poings serrés, nos voix, colères orageuses, crient "non"

Nos vies, toutes nos existences de sable et de trous, se décomposent comme s'effrittent les murs des prisons.

Il ne peut être question de paix sans justice
La paix est une illusion en Belgique
La justice, une inconnue
Que dire de l'amour, alors ?

De quoi avons-nous besoin aujourd'hui?
Congolaise? Belgo-Congolaise ?  Belge d'Afrique du Nord?
Racisée vivant en Belgique ?
que ça pète; Que ça explose.
Que la rouille oxyde les chaînes du racisme,
de l'antisémitisme, du capitalisme, du sexisme, de la lesbophobie.
NOUS,
nous avons la mémoire aussi longue
que la multitude des violences sur nos corps.

Ce n'est pas mourir qui me dérange, c'est de crever
comme un chien à l'indifférence royale du monde
Même les chiens meurent en paix.
Ce n'est pas partir qui me fait peur, c'est de ne jamais
sentir sur ma peau le souffle léger du vent qui tourne
face à l'impossible

Aimer c'est plonger ses doigts dans ses propres faiblesses,
construire son malheur, volontairement.  C'est bâtir ses
contradictions comme sa potence.  Mais elle avait choisi
de l'aimer, de perdre la bataille et la guerre.

Ce n'est pas passer qui fait frémir de froid.  Ce n'est pas frémir mais l'oubli.
Mourir c'est oublier.
Ce n'est pas mourir qui est effrayant, c'est de vivre seul.
La solitude n'est pas l'absence d'amour et de cul, 
c'est l'absence des regards.

dimanche 28 novembre 2021

Alineas le podcast

 Alinéas  le podcast

#lisezvouslebelge bat son plein c'est peut-être le moment de vous parler d'un nouveau podcast créé par la plateforme Bela.








Le projet

Pourquoi et comment décide-t-on de devenir auteur ou autrice ? Et est-ce plutôt une décision ou le résultat d’une pulsion ou d’un processus irrépressible ? Et puis c’est quoi finalement la vocation ?

Avec « Alinéas », un podcast créé par Bela, Aurore Engelen part à la rencontre d’auteurs et d’autrices francophones qui se confient sur leur rapport à l’écriture, ses origines et la place que celle-ci prend dans leur quotidien. L’objectif ? Mettre en lumière un acte profondément personnel et résolument mystérieux à travers une série de conversations intimes sur l’espace mental mais aussi logistique que l’écriture prend dans une vie. Inaugurée avec Joëlle Sambi, Anne Herbauts, Céline Delbecq et Philippe Marczewski, la première saison d’« Alinéas » compte 4 épisodes d’environ 20 minutes et sera diffusée progressivement sur toutes les applications de podcast à partir du 5 novembre 2021.


Le nom

Dans un texte, alinéa désigne le retrait de la première ligne d’un paragraphe. C’est ce recul sur ses propres pratiques que nous avons voulu explorer dans ce podcast afin d’offrir aux auteurs et autrices interrogé·es une occasion de donner sens à des gestes parfois mécaniques qu’il·elles ne questionnent pas toujours.

Le dispositif

L’interview se fait à distance, sans se voir, via un coup de téléphone, à l’ancienne. L’absence de contact physique, de recours au visuel peut dans un premier temps dérouter, mais amène rapidement une réflexivité et une intimité face à soi-même qui permettent de laisser aller la pensée, et d’emmener plus loin la discussion, l’introspection comme la rétrospection. Jusqu’à surprendre, parfois, l’écrivain·e en personne. 

Ce n’est pas un podcast d’interview in extenso. On offre aux intervenant·es la possibilité de se tromper, de s’égarer, de se reprendre, et c’est souvent dans ces moments que surgit l’inattendu, la confession qui change tout. Si l’idée est que la discussion semble naturelle, avec ses hésitations, ses lapsus ou ses bafouillages, le podcast fait néanmoins l’objet d’un gros travail de montage pour concentrer et éclaircir le propos. 

« Alinéas » est un podcast qui prend le temps. Il se veut atemporel dans sa diffusion, dans la mesure où il ne se raccroche pas à la promotion des écrivain·es invité·es. On s’extrait donc d’un discours promotionnel parfois formaté, pour se tourner vers des récits plus intimistes. C’est une autre façon de donner la parole aux auteur·rices, et de les libérer de leurs œuvres. C’est aussi une façon de ne pas être contraint par l’actualité pour dicter les sujets.


Les épisodes

Pour lancer le podcast, 4 auteurs et autrices représentatif·ves de la diversité des lettres belges francophones sont interviewé·es par Aurore Engelen. Ce qui relie chacune des interviews, c’est l’écriture, et les doutes qui animent chacun·e des écrivain·es qui s’interroge sur sa pratique. Ce qui les différencie, c’est bien sûr les histoires, les petits et grands stratagèmes pour faire entrer l’écriture dans leurs vies, ou faire de l’écriture leur vie. 



Le casting


Programmation : Antoine Neufmars, Anne-Lise Remacle, Flo Vandenberghe, Charlotte Heymans, tous membres du comité éditorial de Bela.

Enregistrement, réalisation, mixage et montage : Aurore Engelen, rédactrice en chef de la plateforme Cinevox dédiée à l’actualité du cinéma belge. Fascinée depuis toujours par celles et ceux qui prennent la plume en leur nom, c’est à ce titre qu’Aurore a lancé en mars 2020 le podcast « Les Rituels » consacré aux habitudes d’écriture des cinéastes belges. Avec « Alinéas », l’idée est de déployer ce concept pour l’adapter au domaine de la littérature belge francophone. En cette année, elle signe également le podcast « Hors cadre » réalisé pour le compte de l’Académie André Delvaux (Les Magritte du Cinéma) sur les métiers de l’ombre du Neuvième Art. 

Musique : boucle « Cry and Hope » (AudioHub) Identité graphique : William Togni (Take shape studio)

Production et communication : Bela, site qui valorise et promeut la création et ses métiers en Fédération Wallonie-Bruxelles. Bela tient son expertise en culture belge francophone du relais quotidien d’opportunités pro à destination des créateur·rices belges, des choix éditoriaux du Belazine (contraction de Bela et de webzine) entièrement dictés par les réalités concrètes vécues par le secteur culturel et des nombreux contacts pris avec les auteurs et autrices qui disposent d’une fiche biographique sur le site.

Voici les deux premiers numéros  Abonnez-vous : : https://podcast.ausha.co/alineas



Joëlle Sambi


Céline Delbecq







samedi 27 novembre 2021

Ellis Island Tome 2 Le rêve américain - Philippe Charlot/Miras

 Ellis Island Tome 2  Le rêve américain    -    Philippe Charlot/Miras
















Grand Angle
Parution : 09 juin 2021
Scénario : Philippe Charlot
Dessin : Miras
Pages : 56
ISBN 978-2-81896-785-0
Prix : 14.90 €


Présentation de l'éditeur



Tu y débarques un Italien, un Allemand, un Irlandais, un Juif, un Russe et il en sort un Américain…!”
Que faire quand vous vous retrouvez coincé, à la merci d’une administration inhumaine ? Que faire quand tout un village a misé sur vous et n’a plus pour espoir que l’argent que vous pourrez lui envoyer ? Que faire quand la femme que vous aimez désespère de venir vous rejoindre ? Que faire quand, la seule personne qui vous tend la main est un avocat véreux et sans scrupules ? Que faire quand, pour vous laisser survivre, on vous oblige à tuer ? Que faire…?

Philippe Charlot









Philippe Charlot vient du monde de la musique qu'il parcourt professionnellement au travers de multiples expériences. On peut le croiser actuellement sur les routes au sein de "La Fabrique à Swing", un trio dédié au swing européen des années 30/40.
Après sa participation à quelques albums collectifs (Game Over T4 et 5 chez Dupuis/Mad Fabrik, A vous Cognacq-Jay T1 et 2 chez Delcourt), il rejoint Grand Angle avec Bourbon Street, son premier projet au long cours dans lequel il réunit ses deux passions : musique et écriture.


Source : Grand Angle


Miras

Né au sud de la Pologne en 1965, il commença à s’intéresser très jeune au 9e art. Au vu des difficultés quant au statut d’auteur de bande dessinée dans son pays, il prit la décision de se tourner plutôt vers l’illustration et fut diplômé par l’Académie des beaux-arts. Véritable toucheà- tout artistique, il multiplie les expériences diverses, de directeur artistique à illustrateur jeunesse. Il signe finalement sa première bande dessinée aux Éditions Caravelle avec l’album Un western dans la poche et rejoint l’équipe Grand Angle en 2020 avec l’album Ellis Island avec son compère Philippe Charlot au scénario. Philippe et Miras avait déjà collaboré chez Glénat sur l’album « Harmonijka » avec Greg Zlap.


Source : Grand Angle

Mon avis

C'est le second volet qui termine ce dyptique qui nous parle de la vie sur Ellis Island à l'arrivée des migrants. Il n'est en effet pas simple d'accéder au rêve américain.

On retrouve Tonio sur l'île, il est sous la coupe de Vitto un avocat véreux, membre actif de la mafia.
Tonio espère toujours que Nadia, celle qu'il aime le rejoindra, il fait ce qu'il faut pour envoyer de l'argent au village jusqu'au jour où on l'oblige à tuer !  Que va-t-il faire ? C'est tout l'enjeu , rester soumis ou devenir maître des lieux ?  Faire changer les choses.

Tonio n'est pas au bout de ses surprises, il va voir débarquer des personnes qu'il n'attendait pas et comprendre qui tire réellement les ficelles.

C'est de la mafia dont on parle dans ce cadre hors du commun où l'attente est complexe pour les migrants.  Pas facile déjà à l'époque le statut de migrant....

Belle surprise cet album qui nous conduit dans une direction autre que je ne l'imaginais.  Un graphisme coloré, "des gueules" dont on s'attache au final.

Ma note 7.5/10



Des mêmes auteurs j'ai lu

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dimanche 21 novembre 2021

Ils ont rejoint mon Himalaya à lire

 Ils ont rejoint mon Himalaya à lire


Voici les derniers arrivés dans ma Pal , du belge et un roman que je lirais en décembre, celui de Brigitte Hache qui nous a malheureusement quittée en septembre dernier, j'avais beaucoup aimé "Un vrai miracle" le précédent.




Tout le ciel est nécessaire   -   Brigitte Hache


















Eyrolles éditions
Parution : 11 novembre 2021
Pages : 224
Isbn : 9782416002816
Prix : 16 €

Présentation de l'éditeur



Gloria a guéri miraculeusement d'une terrible maladie. Mais qu'a-t-elle fait de cette seconde chance offerte par le destin ? Aujourd'hui, ses rêves d'enfant se font plus pressants, l'ap­pellent à choisir enfin une voie qui lui corresponde vraiment.

Arrivée orpheline en France, Yên a eu, à 5 ans, la chance d'un nouveau départ auprès de Marie, sa mère adoptive. Quand Marie tombe dans le coma, son monde menace de s'écrouler encore. Mais Yên entend Gloria témoigner à la télévision et n'a alors plus qu'une idée en tête : rencontrer cette femme aux cheveux rouges qui seule peut sauver sa mère.

Pour Gloria et Yên, une même interrogation : comment retrou­ver l'élan de la vie quand celle-ci vous met au défi ? Lumineux roman sur les rencontres qui guérissent nos blessures inté­rieures, Tout le ciel est nécessaire est une ode à la résilience.

Du belge pour suivre  aux éditions F Deville que je remercie

Songe de cèdre  -   Anna Laura Rucinska




















Editions F Deville
Traduit du polonais par Krystyna Bourneuf
Parution : 25 novembre 2021
Pages : 360
Isbn : 9782875990471
Prix : 23 €

Présentation de l'éditeur

Songe de cèdre nous entraîne à suivre deux générations de femmes libanaises, mère et fille, entravées par les traditions du Moyen-Orient et la guerre civile. Leurs destins se frottent à d’autres cultures et d’autres pays, de la Côte d’Ivoire à Paris.

Enfin la joie de retrouver la plume de Martine Rouhart pour un témoignage, merci aux éditions MEO

Les ailes battantes  -  Martine Rouhart


















M.E.O.
Parution : 01/12/2021
Pages : 68
Isbn : 9782807003057
Prix : 10 €

Présentation de l'éditeur

Le cancer. Le monde vacille, se teinte de couleurs incertaines. Pourquoi cela m'arrivait-il, pourquoi moi ? La souffrance réclame son lot d'explications mais parfois, il n'y en n'a pas. Depuis, les mots me tiennent lieu de mémoire et de guide, ce sont eux qui me font avancer. Ce récit, écrit comme un journal de bord, dans l'urgence de l'instant, est un appel à la vie, un message de joies toujours possibles, un petit pas vers une certaine sérénité. Un chemin de réflexion personnel et spirituel face à la maladie... Après des études de droit à l'Université Libre de Bruxelles, Martine Rouhart est devenue juriste dans une compagnie d'assurances. Outre des articles de nature juridique, elle publie depuis 2010 une oeuvre littéraire (romans, poèmes, nouvelles, récits) qui a retenu l'attention de la critique et des lecteurs.

samedi 20 novembre 2021

Debout dans l'eau - Zoé Derleyn

 Debout dans l'eau - Zoé Derleyn













Rouergue
La Brune
Parution : 05 mai 2021
Pages : 144
Isbn : 9782812621963
Prix : 16 €


Présentation de l'éditeur

La narratrice, une enfant de onze ans, vit chez ses grands-parents, dans le Brabant flamand. Sa mère l'a abandonnée des années auparavant. C'est l'été dans cette vaste maison bordée d'un étang et d'un magnifique jardin. Le grand-père est en train de mourir dans une des chambres à l’étage, visité chaque jour par une infirmière. Cet homme autoritaire, distant, intimidant, est l'ombre manquante dans le jardin, espace de prédilection où sa petite-fille l'assistait dans ses occupations. Alors que la mort approche, autour de la fillette prennent place les différents protagonistes de ce lieu où la nature est souveraine : ses grands-parents bien sûr, les trois chiens, un jeune homme qui s'occupe des gros travaux, une baleine qui un jour a surgi dans l'étang. Elle rêve aussi d'un ailleurs qui pourrait être l'Alaska, la mer des Sargasses ou les Adirondacks.
Dans ce premier roman qui impressionne par sa sobriété et sa maîtrise, Zoé Derleyn interroge avec subtilité la manière dont se construit une filiation.

Zoé Derleyn


Zoé Derleyn a publié en octobre 2017 aux éditions Quadrature un recueil de nouvelles, Le Goût de la limace, lauréat du prix Franz De Wever 2018, décerné par l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. En 2021 paraît son premier roman, Debout dans l'eau, dans la brune au Rouergue.



© Cyrus Pâques






Mon avis

La narratrice a 11 ans et demi et nous raconte les liens qui se tissent avec la nature protectrice.  Abandonnée par sa mère alors âgée de trois ans elle nous parle de son univers, de l'étang entourant la maison dans le Pajottenland, du jardin dans lequel elle aidait son grand-père aujourd'hui mourant.

Elle apprend à vivre avec elle-même, on immerge avec elle dans son intime, dans le récit de son enfance solitaire.  L'étang est son refuge, elle y nage, y pêche, c'est la vie mais c'est aussi le reflet de ses peurs, de ses cauchemars, de la mort de son grand-père.  C'est l'héritage, l'amour du jardin, des chiens qui l'accompagnent sous le vent, sous la pluie.

C'est un premier roman d'ambiance, du temps qui passe.

Les thèmes abordés sont l'abandon, la colère, l'angoisse face à la mort mais aussi un monde hanté d'imaginaire.

J'ai pris énormément de plaisir à la lecture.  L'écriture est d'une grande finese, subtile, poétique et sobre.

Ma note : 8.5/10

Les jolies phrases

Nous sommes ici pour les mêmes raisons, notre propriétaire précédent ne voulait plus de nous.  Et aucun de nous n'a de pedigree, lui n'est ni un labrador noir comme Baron ni de la race dont j'ai oublié le nom comme Tempête, qui est gigantesque et de couleur fauve et qui ressemble à un lion qui aurait une tête noire, et  moi, je suis à peine la fille de ma mère.  Mais je ne me sens pas proche de lui.  C'est juste un chien, haut sur pattes, noir et touffu, et qui sent mauvais quand il pleut, exactement comme les autres.

Mon grand-père a cessé de rétrécir.  Hier soir, Inge a dit qu'il avait mangé avec beaucoup d'appétit.  Je l'ai entendue en parler avec ma grand-mère.  J'ai essayé, une fois de plus, de faire barrage aux mots, mais ça ne les a pas empêchés d'entrer dans ma tête.  C'est une chose très difficile d'arriver à ne pas entendre.
- Souvent, juste avant la fin, on dirait qu'ils guérissent, a dit Inge.

C'est vrai qu'il a de l'appétit.  Je me demande comment son corps fait pour avaler toute cette nourriture, comment il est encore capable de la mettre quelque part.  Il est plat comme le loup du dessin animé après qu'un énorme rocher lui est tombé dessus.  Bip bip !

Je ne sais pas ce qui se passera, quand mon grand-père sera dans son cercueil.  Je ne sais pas ce que son absence changera.  Peut-être que ce sera comme quand un arbre tombe, après une tempête.  Au début, ça fait un trou dans le paysage et puis on s'habitue.  On oublie que la vue était différente avant. 

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lundi 15 novembre 2021

L'ivresse des livres - Jean Jauniaux

 L'ivresse des livres  -  Jean Jauniaux






















Zellige 
Collection "Vents du Nord"
Parution : août 2020
Pages : 168
Isbn : 9782914773942
Prix : 16.50 €

Présentation de l'éditeur



Dans cet ouvrage, le lecteur vivra le coup de foudre entre une libraire et un client, qui vont passer la nuit à se lire mutuellement des extraits de livres. Il entendra une juge condamner de jeunes néonazis à lire des romans plutôt que de les envoyer en prison. Il suivra une jeune SDF réfugiée dans un abri entre deux aiguillages de la gare du Midi à Bruxelles et qui passe ses journées à dévorer les œuvres complètes du Che. Il apprendra qu’au xxiie siècle, où règnent lunettes virtuelles et implants de puces, un vieillard atteint de démence sénile a découvert un effet inespéré de la lecture des romans sur la plasticité du cerveau. Il verra comment, dans un pays à la liberté bafouée, où sont enfermés les esprits libres et brûlés les livres, un écrivain bagnard sauvera la littérature.


Les douze histoires qui jalonnent L’ivresse des Livres mêlent réalité et imaginaire comme aime à le faire Jean Jauniaux. On y retrouve ce «mélange de gravité et d’ironie douce» qu’évoquait à son propos le prix Nobel de littérature Jean-Marie Gustave Le Clézio.


“Un recueil qui célèbre la lecture,
les libraires, les bibliothécaires...
et les livres !”

L'auteur







Photo : Christian Lambiotte

Jean Jauniaux est né en 1954 à Haine-Saint-Paul (Hainaut, Belgique). Il a a passé son enfance à Ecaussinnes d’Enghien, village situé au cœur d’une région en déclin économique. Après des humanités gréco-latines à l’Athénée Royal de Mons, il a effectué des études de traduction et d’interprétariat à l’Ecole d’Interprètes Internationaux de l’Université de Mons. Il a choisi d’y étudier les langues russe (« pour lire « Crime et châtiment » en version originale)et espagnole (il a consacré son mémoire de fin d’études aux adaptations de « Don Quichotte », un ouvrage de plus de 300 pages d’analyse et un répertoire de plus de 700 adaptations dans tous les genres : théâtre, radio, roman, opéra, musique etc). Il a ensuite effectué à l’Institut National des Arts du Spectacle, une licence en réalisation Film-Radio-Télévision, se spécialisant dans le documentaire de création et ce qui s’appelait à l’époque le « cinéma vérité ». Il a consacré son mémoire de fin d’études au cinéaste Jean-Jacques Péché et à ses émissions « Faits-Divers ». Il a été réalisateur d’émissions de télévision à la télévision belge (dans le service « histoire » notamment) et responsable de programmes européens de soutien à l’audiovisuel et à la culture.

Il écrit des nouvelles, romans et scénarios de bande dessinée et de films documentaires. Il se consacre au journalisme culturel, à l’animation d’une revue littéraire et de rencontres littéraires. Il organise des ateliers d’écriture de nouvelles et de formation à l’interview radio. Il a publié trois recueils de nouvelles et un roman.

En juin 2009, le Secrétaire Perpétuel de l’Académie de langue et littérature de Belgique, Jacques De Decker lui demande de devenir le rédacteur en chef de la revue littéraire « MARGINALES », revue créée par le poète et romancier Albert Ayguesparse en 1945.

« Entre les lignes » : De septembre 2006 à septembre 2011, il crée et anime l’émission généraliste « Entre les lignes », une heure consacrée à l’actualité à travers le livre, la littérature, les essais, les rencontres avec des écrivains, des essayistes, des acteurs du monde culturel et de la société. L’émission a été diffusée tous les dimanche de 9h00 à 10h00 sur deux radios de proximité en Communauté Française de Belgique.

Depuis janvier 2009, il anime avec son complice Edmond Morrel un blog « web-radio » consacrée au livre et composée d’interviews exclusives d’écrivains, d’essayistes et d’auteurs de bandes dessinées, de metteurs en scène, de scénaristes, d’acteurs du monde culturel. A ce jour, plus de 800 rencontres sont en ligne à l’adresse www.espace-livres.be avec des interlocuteurs aussi variés que Michel Serres, Jean d’Ormesson, Tahar Ben Jelloun, Ken Follett, Gisèle Halimi, Albert Jacquart, Eric Orsenna, Stefan Hessel, Jacques De Decker, Amin Maalouf, Anne Nivat, Chékéba Hachémi, Gérard Chaliand, Matthieu Ricard etc.

Source : Ker éditions


Mon avis

Ce sont douze histoires célébrant le livre, la lecture, le pouvoir des mots que nous propose Jean Jauniaux dans son dernier recueil de nouvelles "L"ivresse des livres" que l'on pourrait traduire par l'ivresse délivre, on parle bien entendu de l'ivresse littéraire.

On y rencontre deux amoureux des mots dans une librairie lisant à voix haute des passages de classiques oubliés. J'aime cela l'oralité de la lecture, entendre la puissance des mots, leur musicalité pour être emporté au plus profond des textes.  

"Que justice soit faite" nous démontre que sans la lecture nous perdons la capacité de créer, de nous réfugier dans l'imaginaire, on prend conscience de l'importance pour un enfant, un ado de lire très tôt pour pouvoir se projeter dans le monde.  La lecture une façon de se reconstruire, à prescrire de gré ou de force ?

J'ai beaucoup aimé "Nagra" bien que cette nouvelle me fasse peur, je ne peux imaginer une seule seconde de ne plus pouvoir lire pour cause de cécité, ce serait je pense pour moi la pire des choses.

"Peine perdue" ou le pouvoir de l'évasion par les mots, en prison l'importance pour notre protagoniste d'une heure de lecture.  Pas n'importe quelle lecture, celle d'un auteur important pour notre pays, "Albert Ayguesparse" et "Simon la bonté".

Ce pouvoir des mots est aussi mis en avant dans "Medina". 

"Un jour viendra" m'a également beaucoup touchée, lorsque dans les tranchées un soldat écrit à son ancienne enseignante et se souvient d'un texte magnifique pacifique de Victor Hugo.  Magnifique.

Jean Jauniaux imagine également à plusieurs reprises un monde où le livre a disparu, les libraires sont amenés à disparaître suite à un régime totalitaire, sans mots, plus de liberté mais pour survivre au péril de sa vie un homme va petit à petit recréer un livre, l'objet bani indispensable en substituant des feuillets du précieux objet voué à la destruction.

Le livre ne serait-il pas aussi un remède pour notre mémoire, une manière de rester en éveil, de conserver la plasticité de notre cerveau, de le stimuler ?   Le livre nous apporte bonheur, imaginaire, empathie et compréhension de l'autre.  C'est le sujet de "Aloïs"  que j'ai beaucoup aimé.

L'auteur s'amuse et se promène dans le recueil sous son prénom ou de son double Edmond Morrel, pseudo qu'il utilise pour nous parler dans la vraie vie de littérature.  Il y laisse un peu de lui même, parfois nostalgique, triste ou en apportant des touches d'humour.  Il nous fait passer par de belles émotions lorsqu'il nous parle de son père et de son enfance.

Un très bon recueil qui suscite vraiment de belles réflexions sur le monde du livre.

Ma note : 9/10

Les jolies phrases

Et elle lut.  Je l'écoutais hypnotisé par sa voix et la grâce de ce qu'elle lisait, sans effet, sans jouer le texte comme l'aurait fait un acteur pédant.  Sa lecture à plat faisait résonner l'ampleur du texte.  

Le roman et la lecture excitent notre capacité à inventer, à nous représenter en dehors de nous-mêmes, à nous projeter dans un avenir idéal, à envisager la complexité de la nature humaine et à nous sentir moins seuls. L'apprentissage de l'Histoire nous donne à considérer que le monde réel peut produire aussi bien le Mal que le Bien, et à nous inscrire dans le monde réel, le monde social, le monde de l'autre.

Surtout n'essaie pas de jouer le texte.  La littérature est un organisme vivant, il ne faut pas artificiellement l'hypertrophier par des effets de théâtre...

Un roman, c'est un espace où l'on ne juge pas.

Le texte, même prononcé à voix basse, suffisait à faire trembler les murs de la ville bien davantage que les bombardements qui l'avaient détruite quand Soufiane était enfant.

Plus tard, les livres n'avaient plus eu d'images à partager avec le vieil homme.  Mais la voix du lecteur, la force des phrases, l'habilité de l'agencement des chapitres rendaient l'illustration inutile. 

Songeons à tout ce que la nature nous a offert à profusion tandis que nous la détruisions.


Du même auteur j'ai lu, 

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vendredi 12 novembre 2021

Aimer pour deux - Stephen Desberg /Emilio van der Zuipen

 Aimer pour deux      - Stephen Desberg /Emilio van der Zuipen















Grand Angle
Parution : 29/09/21
Scénario : Stephen Desberg
Dessin : Emilio van der Zuiden
Pages : 80
Isbn : 9782818978177
Prix : 16.90 €

Présentation de l'éditeur

Pour vivre son histoire d’amour, elle va renoncer à ce qu’elle a de plus cher.


Monique a 20 ans et ne rêve que de s’émanciper. En 1941, elle débarque dans un Paris occupé et découvre l’euphorie de la capitale. Elle fait la connaissance de Francis, l’épouse sur un coup de tête et donne naissance à Nicole. Mais Monique cherche à comprendre comment elle doit aimer sa propre fille, cette enfant innocente qui la prive de sa liberté…
À la Libération, Monique rencontre un officier américain et découvre le grand amour. Pour vivre sa passion, la jeune femme décide de renoncer à tous ses droits sur sa fille et l’abandonne à son père. Dorénavant, la mère et la fille sont faites pour se chercher, se rater, se retrouver. Une histoire bouleversante inspirée de la vie de l’auteur.


Stephen Desberg - scénariste

Né à Bruxelles en 1954, Stephen Desberg débute dans la bande dessinée en écrivant, dès 1976, de courtes histoires complètes pour le journal Tintin. À partir de 1980, il assure la continuité des aventures de Tif et Tondu dessinées par Will dans Spirou, puis crée successivement les personnages de 421, Billy the Cat, Mic Mac Adam et Jimmy Tousseul. En 1989 et en 1990, il publie deux albums chez Dupuis : Le Jardin des désirs et La Vingt-septième Lettre. En 1996, Le Sang noir avec Bernard Vrancken, dessinateur avec qui il signe également IR$. Parmi ses autres grands succès, on peut citer notamment Black Op, L'Étoile du désert, Le Scorpion et Empire USA. Avec Sienna, il inaugure la collection Focus de Grand Angle.

Source . Bamboo

Emilio Van der Zuiden - dessinateur

Emilio Van der Zuiden est un dessinateur et scénariste de bandes dessinées, né en 1968. Il ne sera révélé au grand public qu’avec Le Mystère de la Traction 22 (scénario de Olivier Marin, éditions Paquet) en 2009. Une deuxième aventure, Les Déesses de la route, est publiée en septembre 2010. L’année suivante, il publie Les Filles de l’oncle Bob (scénario Metapat éditions Paquet, 2011), une bio romancée du pilote de rallye Robert Neyret. En 2014, il signe dessins et scénario du polar McQueen (2014 et 2017, éditions Paquet). Inspiré par l’univers du roman policier, Emilio adaptera dans la foulée le premier épisode des Beresford Mr Brown (éditions Paquet), personnages issus de l’univers de la romancière anglaise, Agatha Christie.
Depuis 2020, il collabore avec le scénariste Stephen Desberg avec Les Anges d’Auschwitz (éditions Paquet). Il sort en octobre 2021 un second album avec Stephen Desberg Aimer pour deux . Les deux hommes travaillent actuellement à leur troisième album.

Source : Bamboo éditions




Mon avis

Stephen Desberg s'est inspiré de l'histoire de sa famille pour cet album. Les secrets de famille finissent toujours par éclater.

Nicole la petite fille de l'album est sa soeur, et c'est de leur mère Monique dont nous allons suivre l'histoire.  

Monique a 20 ans lorsqu'elle arrive à Paris en 1941 et elle n'a qu'une seule envie, vivre, s'émanciper mais elle tombera enceinte de Francis, éperduement amoureux, elle se mariera et naîtra Nicole...

Monique est incapable d'aimer pleinement, toujours éprise de liberté et va nous faire vivre un Paris aux deux visages; celui des fêtes clandestines, des caves aux airs de jazz en compagnie de son ami Gin, noir et homosexuel et celui des rafles, de l'horreur de l'occupation.

A la libération, Monique rencontrera un américain et le véritable amour.  Un choix difficile s'imposera à elle, abandonner sa fille de trois ans en divorçant, renonçant à ses droits et retrouver sa liberté.

Un album au trait semi-réaliste d'Emilio van der Zuiden, des dessins expressifs qui rendent bien l'ambiance et l'atmosphère de l'époque.  J'ai beaucoup aimé le découpage sortant un peu de l'ordinaire.

Un personnage m'a particulièrement touchée dans cet album, c'est celui de Manon qui offre ses charmes à l'ennemi par amour pour son enfant.

Ma note : 8/10

Les jolies phrases

L'amour de mon enfant n'a pas besoin de la moindre réflexion. Il est absolu, indiscutable, éternel.  Je te promets que tu comprendras le jour où cela t'arrivera.

Aimer d'une manière ou d'une autre.  Aimer passionnément.  Ne jamais avoir peur de ça.

On ne peut regretter ce qu'on n'a jamais connu.  On peut refuser ce qui nous fait peur, ou accepter ce qui nous détruit.







jeudi 11 novembre 2021

Couvrez-les bien, il fait froid dehors... Sophie Pirson

 Couvrez-les bien, il fait froid dehors...     Sophie Pirson

Entretiens avec Fatima Ezzarhouni





























Editions du Cérisier
Collection : Faits et gestes
Parution : septembre 2021
Pages : 112
ISBN 9782872672325
Prix : 12 €


Présentation de l'éditeur



C’est à l’été 2018 que Sophie Pirson rencontre Fatima Ezzarhouni dans un groupe qui rassemble des proches de jeunes radicalisés, des personnes victimes ou proches de victimes des attentats et des intervenants de première ligne.
Le 22 mars 2016, la fille de Sophie a été blessée dans l’attentat du métro Maelbeek. Le fils de Fatima est parti combattre en Syrie le 16 juin 2013.
Ces deux mères que tout devrait opposer vont se parler, se découvrir, se construire ensemble une amitié et une intimité fortes, à partir de leurs déchirures et au-delà de l’horreur.
Sophie Pirson peint d’une écriture sensible ce récit croisé où les deux voix se répondent en harmonie.
Pour conclure son ouvrage symboliquement le 22 mars 2020.

David Van Reybrouck, dans sa belle préface écrit :
« Cet ouvrage est plus qu’un livre sur les attentats et les combattants en Syrie. (…) C’est le récit d’une amitié nouvelle, inattendue et improbable entre deux femmes fortes, marquées par la vie, mais pas captives. (…) C’est un livre empli de douceur, sur le pouvoir de la vulnérabilité et le réconfort de la beauté. »

Sophie Pirson écrit les chemins qui se croisent, l’amitié partagée, les larmes et les rires rassemblés.
« Nous goûtons à la chaleur de nos élans avec bonheur. Je te lis les pages écrites. Tu complètes, corriges, acquiesces, précises. Nous nous sommes approchées et rapprochées avec notre passé et notre présent. Aujourd’hui, à travers nos échanges, nous nous efforçons d’inventer un futur. »

Une écriture limpide où la narration se tisse dans l’entrelacs de la conversation, de la réflexion et de la poésie.
Une fenêtre largement ouverte sur un monde qui respire.

L’ouvrage est conjointement publié dans sa traduction néerlandaise (Alle moeders wenen dezelfde tranen) aux éditions EPO, avec la même préface de David Van Reybrouck.

La traduction en néerlandais est de Marijke Persoone.
Pour la version originale en français, la préface de David Van Reybrouck est traduite par Catherine Martens.

Mon avis

Dans le cadre de "lisez-vous le belge",  je pars à la découverte des éditions du Cerisier et d'un témoignage que j'avais envie de lire suite à une écoute en radio.

À l'origine, un programme permettant de rencontrer des proches de jeunes radicalisés et des proches ou victimes des attentats de Bruxelles en 2016. L'une Sophie dont la fille fut victime à Maelbeek, l'autre Fatima dont le fils est parti en Syrie le jour de ses 18 ans en 2013 dans le but d'aider là-bas.

La première est belge, bruxelloise parlant français, la seconde d'origine marocaine, anversoise, néerlandophone.  Beaucoup pouvait les séparer et pourtant dès le départ, elles refusent de basculer dans la haine et immédiatement c'est la compassion, l'amitié qui va les réunir.

Ce sont deux femmes, deux mères qui souffrent pour leur enfant, réunies par le chagrin.

"Les larmes des mères sont les mêmes.  elles nous relient."
"Le pardon est une valeur fondamentale, si on n'accepte pas, si on ne donne pas, on devient malade"

Dans ce récit, ce sont leurs rencontres, leurs discussions autour de la transmission, de leur enfance. Ce sont deux femmes qui se livrent, se racontent, partagent autour d'un morceau de chocolat leur histoire.

"L'amitié c'est comme l'amour.  On peut tout se dire en confiance."

Ce sont aussi deux grands-mères, l'une a ses petits-enfants près d'elle mais pour l'autre c'est difficile d'imaginer et supporter l'absence, les conditions de vie difficiles de ceux-ci.  

Elles parlent de liberté, de beauté, de joie, de cadeau.  

Ce petit livre est dense, riche d'enseignement.  Le ton est juste, c'est fluide, limpide.

La préface est de David van Reybrouck et ce livre a également été publié en néerlandais.

Ma note : 9/10

Les jolies phrases

Lorsque tu es directement touché, tu vis un tel séisme que tu veux aller vers la beauté et l'humanité et non vers la haine. 

Si des mots comme accueil, humanité, amour, résistance, curiosité, hospitalité, liberté, amabilité, audace, franchise, joie, beauté...  ou, encore, lire, écouter, marcher, explorer, cuisiner, aimer... viennent spontanément, il est plus compliqué d'exprimer d'où ils viennent et comment ils doivent se vivre.  Nous déploierons ce rôle de passeuses en partant de l'expérience sensible de nos vies.  

On vivait ensemble sans se préoccuper de la nationalité ou de la religion.  On ne demandait pas à celui qui entrait quel dieu il priait.  Ils m'ont appris la tolérance, l'accueil et l'hospitalité.

Il mélangeait deux cultures en cuisine comme il les mélangeait dans ses amitiés.  Le plat était à son image, généreux et réconfortant.

Générosité, amour et hospitalité sont des valeurs importantes que je désire transmettre.  Je voudrais, comme mon grand-père, pouvoir accueillir celui qui arrive sans savoir d'où il vient. Tu appuies ces mots en précisant que lorsque tu rencontres quelqu'un, c'est à la personne que tu t'adresses.  Peu t'importe qui il prie ou ne prie pas...  Pour toi, la religion relève de l'intime.  Croire en un dieu et prier est un acte qui se passe de soi à soi.

Le plus important est que nous sommes des humains et que nous devons chercher les manières de vivre ensemble pour leur préparer un autre monde.

Mon enfant est parti à la mort alors que sa vie commençait.

Le pardon est une valeur fondamentale : si on n'accepte pas, si on ne pardonne pas, on devient malade.

L'amitié c'est comme l'amour.  On peut tout se dire en confiance. 

Si la beauté peut faire alliance avec la gravité, elle voisine, aussi, avec la joie.  La joie arrive sans crier gare avec une perpétuelle légèreté.  Elle jaillit, dans un éblouissement soudain, comme une pluie d'étoiles.  On la reconnaît quand le coeur vibre et quand les yeux se mouillent.  Il lui arrive de serpenter la lisière de la tristesse pour lui donner un instant de lumière.  Et, si fragile soit-elle, elle allège le poids du monde.




mardi 9 novembre 2021

Le loup m'a dit Tome 2 - Servais ♥♥♥♥♥

 Le loup m'a dit  Tome 2        -     Servais   ♥♥♥♥♥















Editions Dupuis - Aire Libre
Parution : 01/10/21
Pages : 88
Coloriste : Raives
Isbn : 9791034753390
Prix : 17.50 €

Présentation de l'éditeur

Ambre, dite « La Loba », et que certains considèrent comme une vieille sorcière, vit seule dans la forêt. Son objectif : retrouver les os de son loup assassiné, qu'elle espère ressusciter grâce à d'antiques secrets... Mais l'arrivée dans sa montagne d'une jeune chercheuse vient troubler l'équilibre de sa vie diurne. Sa vie nocturne, elle, est comme toujours rythmée par ses souvenirs. Ambre se rappelle ainsi comme elle succéda à la précédente « Loba », échappant à un déséquilibre entre l'Homme et la Nature, incarnée par Charles, son ami d'enfance, détestable chantre du « modernisme »... Elle se rappelle aussi les grandes étapes qui rythmèrent la rupture définitive entre les humains et leur environnement, au nom du « progrès ». Et dans tous ces souvenirs, le loup, toujours, comme le symbole de cette part animal crainte et niée... Toujours plus beau, toujours plus habité : la fin d'un puissant plaidoyer humaniste et écologiste signé Servais.





L'auteur



Source le site de l'auteur


Né le 22 septembre 1956 à Liège, Jean-Claude Servais suit de 1974 à 1976 des études à l'Institut Saint-Luc de Liège en section Arts Graphiques.

En 1975, il voit ses premières planches publiées, sous le pseudonyme de Jicé, dans la rubrique "Carte Blanche" du journal de SPIROU avant qu'il livre trois épisodes des voyages temporels de "Ronny Jackson", scénarisés par Terence et Jean-Marie Brouyère, et deux histoires de "L'Oncle Paul" (signées cette fois Gil Verse et scénarisées par Octave Joly).

En 1977, il se tourne vers l'hebdomadaire TINTIN où il signe une série d'histoires authentiques sur des scénarios de Bom et d'Yves Duval.

Epurant son graphisme, il s'attaque en 1980, à un cycle d'histoires courtes sur le thème de la magie et de la sorcellerie : elles seront reprises dans l'album "La Tchalette" en 1982. Toujours dans TINTIN, il dessine "Isabelle", en 1983.

Le mensuel à SUIVRE lui tend les bras. Avec l'aide du scénariste Gérard Dewamme, il y propose les récits fortement régionalistes de "Tendre Violette", puis "Les Saisons de la vie" au Lombard et "Les Voyages clos" chez Glénat.

En 1989, avec le barde wallon et chanteur Julos Beaucarne, il entreprend une tentative onirique intitulée "L'Appel de Madame La Baronne".

Servais décide ensuite de voler seul, de ses propres ailes, et rode son talent d'auteur complet dans quelques albums sans prolongations : "Iriacynthe" chez Jonas, "L'Almanach" et "La Petite Reine" pour Casterman, "Pour l'amour de Guenièvre" dans JE BOUQUINE, puis chez Helyode..

En 1992, il s'attaque aux deux volets de "Lova", l'histoire d'une fillette élevée par les loups, pour la prestigieuse collection "Aire Libre". Il y reviendra en 1998 avec "Fanchon".

En parallèle, il anime une passionnante série de récits presque complètement authentiques, inspirés de faits-divers historiques, pour sa série "La Mémoire des arbres" dans la collection "Repérages Dupuis".

Ils évoquent des drames humains situés dans la Gaume et les Ardennes belges, une région sauvage et somptueuse qu'il affectionne plus que tout et qui lui vaut son surnom "d'homme des bois" !

Dessinateur réaliste et sensible, dans la tradition des grands graveurs du XIXème siècle, amoureux de la nature, Servais est un merveilleux conteur.


Source : éditions Dupuis

Mon avis

C'est la suite et fin de l'album paru en octobre 2020, on retrouve Ambre, la Loba qui vit seule dans la forêt à la recherche des os de la louve assassinée. 

Ambre et ses souvenirs douloureux, son fils Louis, amoureux de la nature et Charles l'industriel sans scrupules et son nouveau projet, implanter un parc éolien en bordure d'une zone de nature protégée.

À travers cet album, Servais nous fait prendre conscience de la place du loup dans notre système écologique, c'est un cri d'alerte sur ce que l'on fait de notre planète, sur l'importance de revenir aux sources, c'est aussi l'histoire de l'Humanité et son rapport à la nature.  La réintroduction du loup a vraiment un sens en fonction de la nature et de sa biodiversité.  À lire et à méditer !

Le trait de Servais est comme à chaque fois extraordinaire, rien que la couverture vous en donne un aperçu.  

Lire un album de Servais, c'est apprendre car un dossier pédagogique accompagne la majorité de ses albums, c'est réfléchir et se régaler avec les yeux de ses dessins somptueux.  Il croque la nature et les animaux de façon exceptionnelle.

Ma note : ♥♥♥♥♥

Une jolie phrase

Il faut que la nature fonctionne comme elle l'a toujours fait, et non comme les hommes en ont décidé. 

Du même auteur j'ai lu et adoré




Cliquez sur la couverture pour avoir accès à l'article

J'ai en lu beaucoup d'autres, la liste est trop longue car j'adore cet auteur , suivez ce lien pour tout voir : ici




samedi 6 novembre 2021

Archie - Alia Cardyn ♥♥♥♥

 Archie    -    Alia Cardyn   ♥♥♥♥





















Robert Laffont
Parution : 14 octobre 2021
Pages : 288
Isbn : 978-2221249369
Prix : 18.50 €


Présentation de l'éditeur




L'histoire bouleversante d'un jeune qui marche mille kilomètres en quête d'humanité

Archie, seize ans, est placé en institution. Sa mère, toxicomane, est incapable de s'occuper de lui. Au lieu de consentir à ce quotidien qui l'enferme, Archie lutte. Un jour, un rêve se dessine. Tout quitter pour rejoindre à pied une école où les enfants sont libres d'apprendre ce qui les intéresse vraiment.
Archie entame ce périple sur le sentier des douaniers. À force de silence, son histoire se superpose au ciel, à la mer, à la falaise qui fond dans les flots. Le film de son enfance se déroule, brut et lourd de secrets. Mais aucune vie n'est perdue d'avance. Archie découvre le journal de Madeleine – l'infirmière qui l'a accueilli le jour de sa naissance –, et en chemin, ce jeune poète va se révéler.

Avec Archie, Alia Cardyn offre un récit lumineux et surprenant sur la construction d'un être et de ses rêves.

Alia Cardyn







Crédit photo:
©Astrid di Crollalanza



Ancienne avocate, Alia Cardyn consacre aujourd’hui son temps à l’écriture. Elle est l’autrice de plusieurs romans, dont Mademoiselle Papillon (Robert Laffont, 2020), et de deux albums jeunesse, Le Bébé le plus minuscule du monde (Robert Laffont, 2021) et Le Rêve de Mademoiselle Papillon (à paraître chez Robert Laffont, février 2022)

Mon avis

C'est l'histoire d'Archie que nous conte Alia Cardyn dans son cinquième roman, un personnage magnifique, sensible qui a besoin comme nous tous d'être aimé, d'avoir des repères pour s'en sortir. Il faut dire que sa vie un peu hors norme avait très mal commencé !

Archie a eu une naissance très difficile.  Sa mère, toxico a accouché par voie basse, tout à fait inconsciente...  Un passage douloureux, presque insoutenable mais très réaliste qui permettra de comprendre les souffrances et manques d'Archie.   Madeleine a une place importante, c'est l'infirmière qui s'est occupée de lui pour le sevrage et qui gardera le contact avec lui.  

Archie a été placé en institution car sa mère ne peut s'en occuper.  Archie écrit des poèmes pour s'évader et communiquer avec elle, renouer le contact mais à chaque fois c'est peine perdue, elle replonge continuellement.

Un jour, Madeleine lui parle de l' école démocratique, ce sera le déclic pour Archie qui décide de prendre son destin en main, il part sur le chemin des Douaniers pour parcourir 1200 kilomètres, son but : atteindre cette école, marcher, méditer face à la mer, à la beauté de la nature : être libre.

En partant il emporte le carnet remis par Madeleine, c'est son histoire qu'il découvrira...

C'est un personnage attachant très mature, en manque d'amour, qui a envie de s'en sortir que nous confie Alia Cardyn.  Archie a une âme sensible, il est touchant, poète, c'est un fils aimant depuis sa naissance qui aimerait tant retrouver celle qui lui a donné la vie.

C'est un très beau roman, touchant, rempli d'émotions et de surprises, mais aussi des sujets de réflexion sur notre société comme le sevrage des bébés et l'école démocratique. Des sujets bien maîtrisés et documentés.

L'enseignement n'est-il pas le fondement de notre société? L'école on le sait ne convient pas à tous dans sa forme actuelle, l'enfant a naturellement l'envie d'apprendre, de découvrir, il se sentirait plus libre et mieux armé s'il pouvait le faire à sa façon.  

Un très beau roman dur mais lumineux qui permet par la beauté de la nature de trouver la résilience.

Ma note : 9/10 


Les jolies phrases

On est ce que l'autre voit en nous.  C'est Jean qui m'a dit cela un jour pour me consoler.  Juste après, il s'est repris et a ajouté : Mais, en réalité, personne ne voit vraiment qui on est.  Il y a toujours ce flou et ces lunettes qui ne sont pas adaptées, cette vision qui est celle de l'autre mais reste tronquée. 

Le bonheur, c'est quand on se sent à sa place, qu'on a choisi une vie qui est juste pour soi, une vie qui a du sens pour soi.

La fuite exige une énergie que seuls la colère, la peur ou le désespoir peuvent nourrir.  Je me sentais mourir.  J'étais en train de mourir.  Et dans un dernier souffle, je suis parti. 

Cette histoire me montre combien l'on peut être double, une intention dans un sens et des gestes dans l'autre.  Je suis double comme ta mère.  Deux femmes en miroir, deux femmes qui voudraient faire mieux.


Il est difficile de dire, entre l'adulte et l'enfant, qui est le maître.  L'enseignement est un flux à double sens, il transforme ceux qui partagent un temps ensemble.  C'est là que réside la véritable école, dans un lieu qui ne connaît pas les rôles.  Dans un espace où il n'y a pas l'adulte qui sait et l'enfant qui ignore.  Là où l'on est convaincu que chacun dispose d'un savoir précieux.  Là où l'on regarde l'enfant autrement.  Un peu comme un dieu, une lumière qui enchante, une nouvelle énergie. 

C'est l'histoire des autres qui nous fait les aimer.  C'est la somme de leurs tragédies qui explique la prison qu'ils se sont construite. Ils sont ce qu'ils étaient capables de devenir avec cette vie là.

Lutter pour survivre, lutter pour aimer, lutter pour mourir.  Renoncer puis lutter à nouveau.  Elle n'avait pas baissé les bras lorsqu'on l'avait ramenée à la maison avec son manque.  Elle n'avait pas abandonné non plus face aux menaces et à la violence des adultes.  

Il ne faut pas grand-chose pour briser un être humain.  Lui offrir l'amour puis le lui retirer.  Lui offrir l'espoir puis le lui ôter.  Et recommencer ce cycle jusqu'à le faire craquer.

Oser aller vers un avenir.

Je ne savais plus quoi espérer de votre couple insolite, deux êtres qui ont besoin l'un de l'autre.  Une union bancale dont l'avenir dépendrait de son équilibre fragile. 

Aujourd'hui ma mère est forte.  Ma mère est une mère.  Je suis son enfant. 

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