La chair des autres - Claire Berest
Parution : 2 mai 2025
Pages : 224
EAN : 9782226503572
Prix : 18.90 €
Présentation de l'éditeur
« Trouver la bonne distance est une question qui vous obsède quand vous écrivez. Mais quand vous écrivez sur une tragédie réelle et non fictionnelle, advenue à d’autres, cette réflexion vous harcèle. Rien ne peut être parfaitement honnête, ni le proche ni le lointain.
Pour se donner le droit de parler de l’autre, la politesse serait de dévoiler d’où l’on parle. De faire corps, sans s’effacer. »
Depuis toujours, Claire Berest ausculte le point de bascule de nos vies, que ce soit dans l’espace du couple ou dans l’espace social. En 2024, elle a suivi les audiences du procès des viols de Mazan pour Paris Match.
De cette expérience et de son obsession du fait divers, dans un subtil jeu de miroir entre introspection et enquête, elle signe un récit fascinant sur les coulisses du mal et sur une femme devenue l’emblème du combat féministe.
Claire Berest
Source : Albin Michel
Trouver la bonne distance est une question qui vous obsède quand vous écrivez et quand vous écrivez sur une tragédie réelle et non fictionnelle, advenue à d'autres, cette réflexion vous harcèle. Rien ne peut être parfaitement honnête, ni le proche ni le lointain.
Mon avis
Claire Berest a assisté pour Paris Match au procès de Mazan. A l'issue de celui-ci, l'irrépressible besoin d'écrire s'est emparé d'elle et cela nous donne ce récit sensible et poignant rédigé à la première personne.
Claire Berest est une habituée de l'horreur et a une passion pour les faits divers depuis son enfance, ce n'est d'ailleurs sans doute pas sans lien avec son histoire personnelle ! Petite, elle avait accès à la bibliothèque familiale sans restriction, elle a lu beaucoup de polar et de livres sur la Shoah ce qui a forgé en elle très rapidement l'image du mal. Mais ce qui s'est passé à Mazan surpasse de loin l'horreur et l'imaginable.
Ce fait divers horrible dépasse ce stade et devient un fait de société. Claire Berest décortique le mal, analyse la situation et cherche le point de bascule qui a fait que ces 51 inculpés deviennent des coupables.
Comment est-ce possible d'imaginer et mettre en place ce scénario ! Cela faisait 10 ans que Dominique Pelicot sédatait son épouse et recrutait des inconnus pour filmer des hommes en train de violer sa femme ! Plus de 200 viols en 10 ans !
Comment peut-on imaginer une horreur pareille et comment ces hommes recrutés via coco.fr se sont-ils laisser entraîner ?
Elle décortique les différents éléments du procès en s'appuyant sur des réflexions sur le mal, des digressions philosophiques se basant sur Simone Weil, Hannah Arendt, Emmanuel Carrère.
Elle analyse pour comprendre. Pelicot à la différence de Epstein, P Diddy, Weinstein était seul et n'avait pas de structure pour le couvrir !
Elle s'interroge sur la notion de viol pour les accusés, pour eux viol signifie avec violence, prendre quelqu'un de force et oublie l'existence de la notion de consentement. J'aimerais comprendre comment quelqu'un de sédaté donne son consentement !
Comment se procurer autant de Temesta, de Viagra et ne pas utiliser de préservatif !
Comment comprendre que 7 personnes contactées sur 10 acceptaient la proposition de Pélicot ?
Un constat interpellant, 30 des 51 accusés étaient victimes de trauma durant l'enfance ce qui pose question sur l'inculture du viol.
Claire Berest rend hommage à Gisèle Pélicot, cette femme forte, courageuse qui a accepté que ce procès soit public et que les vidéos glaçantes soient vues pour que les victimes osent sortir de l'ombre, que la honte change de camp.
Un récit dur, indispensable car il faut absolument éduquer pour combattre l'inculture du viol, revoir la notion de viol et apporter la notion de consentement.
A lire absolument ♥
Les jolies phrases
Le viol est le seul crime dont l'auteur se sent innocent et la victime coupable.
On ne nait pas pervers, on le devient.
Madame Pelicot l'a fait, on pourra le faire !
Le cœur noir du fait divers, c'est la bascule. Mécanisme qui réussit le paradoxe d'être sidérant et si humain à la fois. Toute bascule est une déflagration, un renversement de l'ordre établi, un bal des fous. Ce qui nous questionne, et peut entraîner le sentiment de fascination, c'est la violente discontinuité qu'elle représente. La discontinuité est comme une coupure franche qui nous plonge dans l'inconnu. Elle déconcerte. C'est un endroit où il n'y a plus de causalité.
Gisèle Pelicot n'est pas tombée amoureuse de son bourreau. C'est l'amour de toute sa vie qui s'est transformé en bourreau. Cet amour brûlé ne cesse pas d'exister, il vit dans ses cendres. C'est tout le vertige de cette affaire de Mazan.


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