Impardonnable - Mathieu Menegaux
Parution : 08/01/2025
Pages : 234
Isbn : 9782246838708
Prix : 20 €
Présentation de l'éditeur
Lui s’appelle Paul Dufourcq. Jusqu’à peu, il avait une situation, une famille, un grand appartement dans le XVIème arrondissement de Paris, une vie. Mais un soir, il rentre en voiture après avoir bu, renverse un jeune homme à scooter et prend la fuite. L’accident tue l’adolescent et envoie Paul derrière les barreaux d’une prison. Elle s’appelle Anna. Elle a perdu sa fille, Lucie, dans des circonstances similaires, mais son coupable à elle s’en est sorti avec un bracelet électronique. Depuis, Anna va de rage en peine. La justice les a broyés tous deux, murant l’une dans la colère et l’autre dans la culpabilité. Pour les aider, on leur propose de participer à une autre forme de justice, dite restaurative. Anna devra rencontrer Paul, l’écouter, lui parler. De son côté, Paul pourra enfin s’excuser. Mais peut-on accorder son pardon à celui qu’on ne hait que par procuration ? Et peut-il affranchir de la culpabilité ?
On suit d’abord à tour de rôle les récits séparés d’Anna et Paul, revivant avec eux leur histoire, du procès aux murs de béton ou de rage entre lesquels ils vivent depuis deux ans. Jusqu’à leur rencontre, point d’acmé de ce roman tendu comme une corde sur laquelle Mathieu Menegaux, funambule attentif, évolue pour nous faire éprouver les sentiments qui rongent ses personnages, honte, rage, peur et désir de vengeance, et éclairer aussi bien les impasses d’une justice qui punit, que les espoirs d’une autre appelant au pardon. Un roman poignant que la tendresse habite.
Mathieu Ménégaux
Mathieu Menegaux est né en 1967. Il est l’auteur Je me suis tue (Grasset, 2015, Points 2017), primé aux Journées du Livre de Sablet, de Un fils parfait (Grasset, 2017, Points 2018), prix Claude Chabrol du roman noir, porté à l’écran en 2019, de Est-ce ainsi que les hommes jugent ? (Grasset, 2018, Points, 2019), prix Yourcenar, adapté lui aussi pour la télévision (Jugé sans justice – France 2), et dernièrement de Femmes en colère (Grasset, 2021) adapté au théâtre et au cinéma.
Mon avis
C'est le sixième roman de Mathieu Ménégaux et le sixième que je lis toujours avec autant d'intérêt et de plaisir.
Quelle claque! Mathieu Ménégaux n'en a pas terminé avec la Justice, cette fois c'est de la justice réparatrice qu'il nous parle.
Dans ce roman en écho deux personnages, deux visions diamétralement opposées en présence.
- Anna, une mère ayant perdu sa fille Lucie d'un accident de roulage avec délit de fuite. Elle va combattre pour que Lucie ne soit pas morte pour rien, il faut que le chauffard soit puni, privé de liberté. Elle est en colère. Le procès sera nécessaire pour lui permettre de faire son deuil, mais ne réparera rien, juste l'aider à accepter. Le coupable s'en sortira avec une peine dérisoire.
- Paul qui lui a tout perdu, privé de liberté écopant d'une peine exemplaire pour des faits similaires.
Ces deux voix sont enfermées l'une dans la colère, l'autre dans la culpabilité.
Au fil du récit, l'auteur décortique minutieusement les rouages de la justice et de la procédure, il se pose les questions sur cette justice punitive et aborde avec beaucoup d'humanité et d'espoir la justice restauratrice qui permet à des victimes et coupables de même faits de se rencontrer et d'échanger.
La construction est parfaite, les récits et introspection en miroir pertinents. Ce récit m'a interpellée car cette fiction pourrait un jour être réalité, nous ne sommes pas à l'abri d'un accident. Comme à chaque fois l'écriture est parfaite, remplie de justesse, d'émotion et de sensibilité même si par moment elle est très journalistique et tellement bien documentée.
Ma note : ♥♥♥♥♥
Les jolies phrases
Quand on dort, on ne pleure pas ; quand on dort, on peut encore voir sa fille, la toucher, la sentir, l'entendre, la serrer dans ses bras, la chatouiller, lui brosser les cheveux et l'embrasser encore et encore. Au lieu de devoir la mettre en terre.
Inspiration, expiration, l'air qui emplit les poumons, transmet l'oxygène au sang et se retrouve expulsé, bon à rien, chargé de dioxyde de carbone. Le cycle de la vie, si naturel que personne n'y prête plus attention. Jusqu'au jour où la mort d'un être cher nous pétrifie et remet au centre de nos vies ces mécanismes essentiels et invisibles.
C'est un des rôles du procès, de vous permettre de verbaliser, d'exprimer votre douleur et de confronter l'auteur aux conséquences de son acte.
Croyez-moi, j'en ai tant vu sortir d'un procès plus abîmés qu'ils n'y étaient entrés. Considérez le passage devant le tribunal comme une étape du deuil, une autre, mais rien de plus.
Tout sauf l'indifférence. Être honni, au moins c'est exister. Alors qu'être banni, c'est comme une mort, petit à petit, une longue agonie.
La prison abîme les auteurs d'infractions plus qu'elle ne sert son objectif initial, tel que le décrit le code pénal, qui consiste à favoriser leur amendement, leur insertion ou leur réinsertion.
À quoi sert de condamner un chauffard à la prison ? Il va y apprendre à mieux conduire ? À ne pas boire ? À ne pas abandonner un accidenté sur le bord de la route ? ..... Est-ce qu'il n'aurait pas mieux valu me condamner à une énorme amende, à une contribution à la sécurité routière, ou alors me forcer à travailler dans un service d'urgences, dans une unité de rééducation post-traumatique, je ne sais pas, quelque part où j'aurais l'impression de contribuer à réparer, au lieu d'être bêtement puni, isolé entre quatre murs, à coûter de l'argent à l'état ?
Ce ne sont pas des monstres. Ce sont des hommes, qui ont commis des actes monstrueux. Et c'est très différent.
Des existences cabossées qui retrouvent un sens, des plaies qui se pansent et l'espoir qui permet de sortir de la nuit noire.
Le droit qu'on ne peut retirer à personne, c'est le droit de devenir meilleur.
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