samedi 12 juillet 2014

Sylvia Antoine Wauters ♥♥♥♥♥




Auteur : Antoine Wauters
Editeur : Cheyne
Collection : Grand Fonds
Date de parution : 28/02/2014
EAN13 : 9782841161966
Genre : POESIE Grand Format
Langue : français
Format : 225x145x11
Poids : 225g
Nombre de page(s) : 96


Quatrième de couverture

" Maintenir vos yeux, comme clarté pure ou diffuse joie, je dois. " C'est de ses grands-pères, décédés quasi simultanément, que parle ainsi Antoine Wauters et le devoir qu'il s'impose d'en garder la mémoire éclairée malgré la maladie et la mort est, autant que dette ordinaire de l'amour, effort de la conscience pour ne pas se laisser submerger par le désaveu et la perte. Car la vie est l'expérience crue des contraires : au moment où meurent les deux grands-pères, un enfant vient au monde.
De cette expérience à vif, la poésie est la mesure exacte. Celle, ici, de Sylvia Plath dont l'écriture extrême et sans compromis accompagne l'auteur dans ces heures critiques où l'existence douloureusement se tend entre perte et joie. Lire Sylvia, sa soeur dans l'âme, aide alors Wauters à saisir au coeur des circonstances ces vérités intenses que promet à tous la poésie qui ne ment pas : la vie tombe dans sa nuit et la joie demeure.


Mon avis

Je vous ai déjà parlé abondamment d'Antoine Wauters en février dernier , lauréat du Prix Première avec "Nos mères" que j'avais adoré (d'ailleurs en lice actuellement pour le prestigieux Prix des Cinq Continents)  Rencontre ici avec son premier registre, celui de la poésie.

Tiré à 800 exemplaires sur un papier bouffant, Sylvia n'est pas seulement un bel objet (livre j'entends) mais un coup de coeur magistral. Oeuvre en 3 volets.

1. Maintenant que vous êtes nus

Lorsque l'on parle de Sylvia, c'est bien de Sylvia Plath, grande poétesse qui ne supportant plus la vie s'en est allée nous laissant en autre "Ariel" , recueil posthume, livre qui a accompagné longuement Antoine Wauters.  Livre qui l'a aidé à vivre la fin de vie et la mort de ses deux grands-pères.

Je ne suis pas spécialement adepte et spécialiste en poésie, mais je peux vous dire que d'emblée je suis entrée dans ce récit où tour à tour mort et vie se côtoient, se rejettent l'un vers l'autre : la mort, la vie, l'agonie, le souvenir, "Ariel", l'écriture enfin salvatrice.

"Et la vie ne se souvient pas, tu dis, ma vie s'écrit pour s'éprouver elle, comme clarté, comme calme, rendue à elle. Nouvelle manière d'être heureuse, tu dis que l'écriture peut, d'un pôle des bronches à l'autre, en l'espace du mot pôle et bronche, faire passer de la jachère au plein jeu de chaleur. Au blanc lacté. A la mamelle d'où expirer viendrait un jour et repartirait le lendemain. Nous laissant vivre. Nous laissant. Nous."

2. Charles

Une vie bien remplie, né en 1924, parti l'hiver 2009.  Une maladie naissant en 2002, Alzheimer se déclarant en 2005. Facteur durant 40 ans, à la retraite s'occupant de son potager et de sa belle famille, et petit à petit les cartes se brouillent, le passé, les disparus resurgissent avant d'aller vers l'oubli, jusqu'à l'oubli de sa propre image.

"...de la brume et du brouillard flottant sur toi, plus ton esprit abandonnera ton corps et son environnement. Et nous abandonnera."

"Ce que tu auras pourtant achevé, tu penseras ne pas l'avoir entamé, et l'entameras donc - couper du pain.  Ce que tu n'auras pas entamé encore, tu penseras l'avoir achevé déjà, et ne l'entameras pas - couper du pain.  Et ainsi peu à peu, comme un fruit pourrit ou comme une chose lentement arrive - la nuit après le jour, l'ennui, la maladie -, tu oublieras tout. Et tout en toi se mélangera. S'oubliera."

"Dans tout l'oubli, tout se vaut : gagner ou perdre, agir ou pas, parler ou pas, et que les jours passent et que la vie continue ou pas."

"L'ancien deviendra le nouveau, le passé, le présent, et les morts, tous les morts, auront ressuscité"

Arrive alors l'impuissance et la détresse, la culpabilité et la souffrance des proches, la perte des repères.  Les décisions douloureuses à prendre pour le protéger de lui-même.  L'accompagnement difficile. Tout devient du vent, de la poussière.

"Le 8 janvier au soir, avant le repos, avant le sommeil, je passerai te voir en coup de vent. Mais toi tu me verras à peine me diriger vers toi, m'asseoir sur le rebord du lit et te prendre la main doigt après doigt, lentement, comme chapelet de chair que je voudrais humer, garder ou même plonger en moi comme souvenir que je refuse de perdre.  Ou bonheur que je refuse d'offrir à l'oubli - comme tout ce que je refuse d'offrir à l'oubli - comme tout ce qui cesse d'être nouveau en ce monde."

3. Armand

Armand qui refuse de vivre, perdant du poids, perdant la parole, emportant avec lui ses secrets dans son agonie.

"Le secours ne pourra venir que de l'écriture, dis-tu en serrant les dents et des cheveux dans les yeux, Sylvia, toi qui chaque jour voulus la perfection mais ne ressentis que vide, frustration et manque ; mère à moitié et à moitié poète, même pas romancière, pffft, même pas écrivain.  Et le secours, pour moi, viendra de là aussi, Sylvia, plus ma famille rentre sous terre, un grand-père après l'autre, hier Charles et maintenant toi, Armand : trente-trois kilos pesant, épuisé, décharné, à bout."

"Ecrire dis-tu, mais à mi-mots, tout bas, pour qu'entre nous quelque chose soit, quelque chose reste qui, lui, ne mourra pas. Un lien. Une mémoire fragile."

"Corps que tu veux simplement quitter, d'où tu veux simplement sortir, comme d'un sablier triste dans lequel depuis toujours tu étoufferais.  Sortir lentement, par la soif et la faim, kilo après kilo et grain de sable après grain de sable, jusqu'à retrouver la parfaite transparence. Ou corps que tu veux lisse, lavé, vieille masse que tu veux voir absoute de ses excès - de colère et de rage - et de ses manques aussi - de tendresse et d'amour."

Un recueil fort, puissant écrit avec tellement de souffrance mais aussi avec tellement de tendresse et de pudeur. Un deuil très difficile à vivre, mais les souvenirs restent et la vie est plus forte que tout.  Magnifique, splendide, je l'ai dévoré avec beaucoup d'intensité, j'ai été portée par cette émotion, aux larmes.. Merci Antoine.


Un bijou grand coup de coeur.

Antoine Wauters




Antoine Wauters (né à Liège en 1981) est philosophe de formation. Après Debout sur la langue (Prix Polak de l'Académie royale de langue et littérature françaises de Belgique) et Césarine de nuit, récit bien accueilli par la critique, plusieurs fois porté sur scène par Isabelle Nanty et plusieurs fois primé, c'est le roman Nos mères, Prix Première (RTBF) 2014, qui le révèle au public. Il dirige la collection iF aux éditions de l’Arbre à paroles et la collection Grise chez Cheyne, et est également scénariste pour le cinéma.

SES LIVRES

Nos mères (roman), éditions Verdier, Paris, janvier 2014.
Sylvia (récit), Cheyne éditeur, collection Grands fonds, mars 2014.
Césarine de nuit (récit), Cheyne éditeur, collection Grands fonds, mars 2012.
Ali si on veut (avec Ben Arès), Cheyne éditeur, collection verte, 2010.
Antioxydant (avec Tom Nisse), éditions Maelström, Bruxelles, avril 2012.
Debout sur la langue : éditions Maelström, Bruxelles, 2008.
Os : éditions Tétras Lyre, Liège, 2008.

OUVRAGES COLLECTIFS
Tonton, Les Etats Provisoires du poème XIII, Un vent des Caraïbes, hommage à Aimé Césaire, Cheyne éditeur, 2013
Poésie pour Cy Twombly : à l'occasion de l'exposition Cy Twombly à Bozar Bruxelles, février 2012. Avec des textes de Stéphane Lambert, Roland Jooris, Alfred Schaffer, Monika Rinck et Bernard Dewulf.
Trois poètes belges : éditions du Murmure, Dijon, 2010. (Avec Serge Delaive et Véronique Janzyk)

source blog de l'auteur

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