samedi 29 août 2015

La petite communiste qui ne souriait jamais Lola Lafon

La petite communiste qui ne souriait jamais

Lola Lafon

La petite communiste qui ne souriait jamais

Actes Sud
Janvier, 20
11,5 x 21,7
320 pages
ISBN 978-2-330-02728-5
Prix indicatif : 21, 00€


Avis de l'éditeur

Parce qu’elle est fascinée par le destin de la miraculeuse petite gymnaste roumaine de quatorze ans apparue aux j.o. de Montréal en 1976 pour mettre à mal guerres froides, ordinateurs et records au point d’accéder au statut de mythe planétaire, la narratrice de ce roman entreprend de raconter ce qu’elle imagine de l’expérience que vécut cette prodigieuse fillette, symbole d’une Europe révolue, venue, par la seule pureté de ses gestes, incarner aux yeux désabusés du monde le rêve d’une enfance éternelle. Mais quelle version retenir du parcours de cette petite communiste qui ne souriait jamais et qui voltigea, d’Est en Ouest, devant ses juges, sportifs, politiques ou médiatiques, entre adoration des foules et manipulations étatiques ?
Mimétique de l’audace féerique des figures jadis tracées au ciel de la compétition par une simple enfant, le romanacrobate de Lola Lafon, plus proche de la légende d’Icare que de la mythologie des “dieux du stade”, rend l’hommage d’une fiction inspirée à celle-là, qui, d’un coup de pied à la lune, a ravagé le chemin rétréci qu’on réserve aux petites filles, ces petites filles de l’été 1976 qui, grâce à elle, ont rêvé de s’élancer dans le vide, les abdos serrés et la peau nue.



"C’est un dialogue fantasmé entre Nadia Comaneci, la jeune gymnaste roumaine de quatorze ans devenue, dès son apparition aux J. O. de 1976, une idole pop sportive à l’Ouest et « plus jeune héroïne communiste » à l’Est, et la narratrice, « Candide occidentale » fascinée, qui entreprend d’écrire son histoire, doutant, à raison, des versions officielles. L’histoire d’une jeune fille face à ses juges, qu’ils soient sportifs, politiques, médiatiques, désirée et manipulée également par les États, qu’ils soient communistes ou libéraux. L’histoire, aussi, de ce monde disparu et si souvent caricaturé : l’Europe de l’Est où j’ai grandi, coupée du monde, aujourd’hui enfouie dans une Histoire close par la chute d’un Mur.

Comment raconter cette « petite communiste » à qui toutes les petites filles de l’Ouest ont rêvé de ressembler et qui reste une des dernières images médiatiques non sexualisée de jeune fille sacralisée par un Occident en manque d’ange laïque ?

La Petite Communiste qui ne souriait jamais est l’histoire de différentes fabrications et réécritures : réécriture, par CeauŞescu, du communisme dans la Roumanie des années 1980, fabrication du corps des gymnastes à l’Est comme à l’Ouest, réécriture occidentale de ce que fut la vie à l’Est, réécriture et fabrication du récit par l’héroïne-sujet, qui contredit souvent la narratrice et, enfin, réécriture du corps féminin par ceux qui ne se lassent jamais de le commenter et de le noter…

C’est cette phrase-là, à la une d’un quotidien français, commentant Nadia Comaneci aux J. O. de Moscou, qui m’a décidée à écrire ce roman : « La petite fille s’est muée en femme, verdict : la magie est tombée. » Ce roman est, peut-être, un hommage à celle-là, qui, d’un coup de pied à la lune, a ravagé le chemin rétréci qu’on réserve aux petites filles, ces petites filles de l’été 1976 qui, grâce à elle, ont rêvé de s’élancer dans le vide, les abdos serrés et la peau nue."


Mon avis

C'est une lecture choisie par ma binôme Julie et je suis contente de l'avoir réalisée.

Nous sommes le 26 juin 1976 aux jeux olympiques de Montréal.  J'avais onze ans et demi à l'époque et je garde en mémoire ce prodige, cet exploit. Nadia Comaneci âgée d'à peine quatorze ans vient de réaliser l'incroyable.  Elle a même semé le trouble dans les ordinateurs car jamais ce n'était arrivé, elle réalise le score parfait, un 10.  La perfection est incarnée par cette petite roumaine qui renouvellera l'exploit tant aux barres asymétriques qu'au cheval d'arçon, à la poutre et au sol.  Elle éblouit le jury et conquit la planète.  Mais à quel prix réalise-t-elle ses exploits ?

C'est un peu l'enquête que va mener Lola Lafon.  Un procédé original et ambitieux : durant plus d'un an elle va échanger téléphoniquement et par mail avec Nadia et construire ce récit à la fois historique et journalistique. Chapitre après chapitre, au fil des échanges s'écrit ce récit sensible, juste, captivant et poignant pour nous conter le destin de cette petite fée adulée par son pays tout entier.

Je ne suis pas particulièrement férue de gymnastique et ce n'est pas nécessaire pour être embarqué dans ce récit magnifique. On y découvrira comment et par quels sacrifices, cette fillette d'Onesti est devenue ce qu'elle est.  C'est à l'âge de six ans qu'elle a débuté les entraînements longs et durs imposés par son coach et entraîneur Bela Karoly aux méthodes pas toujours orthodoxes.

On découvrira la détermination, le perfectionnisme de Nadia, mais aussi les rouages du communisme de Ceaucescu qui fit de Nadia sa chose , l'icône adulé de la nation, le symbole de la réussite roumaine.  Le rôle et la place prépondérante de la Securitate, la peur, les manques de nourriture, les magasins vides, la soumission, l'obéissance au régime seront également abordés.

Nadia deviendra l'image du pouvoir, soumise au régime, exhibée partout en compagnie du roitelet (le fils de Ceaucescu, elle vivra par procuration, à travers les autres même pour communiquer).  On la suivra jusqu'à sa fuite, la fin du régime et sa "mauvaise" entrée aux Etats-unis.

Un livre encensé souvent.  J'avoue avoir adoré le premier tiers, la force de l'écriture, l'écriture sensible, un texte intelligent et instructif.  Je me suis un peu perdue dans la seconde partie du récit même si je suis contente d'avoir fait cette lecture très instructive retraçant l'histoire d'un mythe, d'une reine déchue et l'histoire d'un peuple, d'un pays.

Ma note : 7/10


C'est ma lecture commune du mois avec Julie des Petites lectures de Scarlett, son avis est ici


Les jolies phrases

Ce qu'elle accomplit ce jour là, personne ne sera capable de le raconter, ne restent que les limites des mots qu'on connaît pour décrire ce qu'on n'a jamais imaginé.

Ces étages d'horaires, d'aliments immuables, de gestes et d'odeurs.  Et leur soumission tranquille à toutes les restrictions parce qu'elles savent que chaque poussière d'envie, chaque déviation possible, un samedi à flâner, à jouer dans la chambre, un goûter trop copieux, chacun de ces virages penche vers une autre vie, celles des enfants ordinaires, sans but ni avenir.

Nadia, elle est une plante carnivore de dangers dont il faut la gaver.

Tous les sportifs qui gagnent des symboles politiques.  Ils promeuvent des systèmes.  Communisme à l'époque, capitalisme aujourd'hui.

Barres, magnésie et sueur, ce mélange, la trilogie de son existence.

Sa vie, dure comme un vaillant train télécommandé, s'enraye.  L'obéissance n'est qu'une des pièces détraquées et manquantes du puzzle parfait de sa vie précédente, parmi celles-ci : cette faim permanente qui rend le sommeil difficile (rêver qu'on mange et s'éveiller à l'aube terrorisée d'avoir failli manger), les mains entamées d'ampoules et de minuscules coupures jamais refermées, les cuisses tatouées de bleus ancrés dans les veines et ces muscles dont les fibres lâchent, tendons claqués toujours rattrapés de justesse par les indispensables codéine et cortisone.

Je ne vais pas tourner le dos à ce qui me fait peur.  Je fais face, parce que la seule façon d'échapper à ma peur est de la piétiner.

Pendant les années 1990, il était de bon ton de haïr notre passé comme s'il n'y avait rien eu de bon du tout sous le régime communiste, comme si nous n'avions pas de passé!  On a existé ! On a même ri! Aimé ! Il n'y avait pas de farine ?  C'est vrai.  On était tous en uniforme ? Vrai! Vrai! On ne se moquait pas des enfants qui ne portaient pas la "bonne marque" de sweat-shirt, les vêtements étaient des vê-te-ments pas des symboles!

Mes parents sous Ceausescu, allaient à la montagne, au restaurant, au concert, au cirque, au cinéma, au théâtre ! Tout le monde gagnait plus ou moins la même chose, les prix n'augmentaient presque pas ! Ils avaient constamment peur, c'est vrai, peur qu'on ne les entende dire des choses interdites, aujourd'hui, on peut tout dire, félicitations, seulement personne ne nous entend....  255  et suite

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Un avis similaire :)
Nos LC récoltent généralement une même opinion chez nous 2 ! Nous nous sommes bien choisies !!!

Jean-Pierre Leroy a dit…

Merci pour vos commentaires. Voici les miens: la-petite-communiste.blogspot.com