dimanche 29 août 2021

Ils ont rejoint mon Himalaya à lire

 Ils ont rejoint mon Himalaya à lire

Les arrivées de la semaine
















Deux achats à l'Intime Festival , j'avais adoré son second roman "Les
billes du Pachinko", l'envie de découvrir les deux autres romans.


Hiver à Sokcho  -  Elisa Shua Dusapin















Folio 6512 - Gallimard
Parution originale : Zoé
Parution : 16/08/2018
Pages : 160
Isbn : 9782072771842
Prix : 6.90 €

Présentation de l'éditeur

«Il avait griffonné un buste de femme cambrée, seins nus, pieds à demi cachés par la courbe d’une fesse. La respiration de Kerrand s’est accélérée au rythme de son coup de plume. Il a fait couler toute l’encre du pot, la femme a titubé, cherché à crier encore, mais le noir s'est glissé entre ses lèvres jusqu’à ce qu’elle disparaisse.»

À Sokcho, petite ville portuaire proche de la Corée du Nord, une jeune femme rêve d’ailleurs dans une pension modeste. Chaque jour, elle cuisine pour les rares visiteurs venus s’isoler du monde. L'arrivée d’un Français, auteur de bandes-dessinées, vient rompre la monotonie de l’hiver. Ils s’observent, se frôlent, et à mesure que l’encre coule, un lien fragile naît entre ces deux êtres aux cultures si différentes, en quête d’absolu.

Je me suis également laissée tenter par le dernier paru en 2020

Vladivostok Circus  -    Elisa Shua Dusapin



























Zoé éditions
Parution : août 2020
Pages : 176
Isbn : 9782889278015
Prix : 16.50 €

Présentation de l'éditeur



A Vladivostok, dans l’enceinte désertée d’un cirque entre deux saisons, un trio s’entraîne à la barre russe. Nino pourrait être le fils d’Anton, à eux deux, ils font voler Anna. Ils se préparent au concours international d’Oulan-Oude, visent quatre triples sauts périlleux sans descendre de la barre. Si Anna ne fait pas confiance aux porteurs, elle tombe au risque de ne plus jamais se relever. Dans l’odeur tenace d’animaux pourtant absents, la lumière se fait toujours plus pâle, et les distances s’amenuisent à mesure que le récit accélère.

Dans ce troisième roman, Elisa Shua Dusapin convoque son art du silence, de la tension et de la douceur avec des images qui nous rendent le monde plus perceptible sans pour autant en trahir le secret.

Merci à Nathan Delie, un jeune auteur de ma région pour l'enfant de son premier roman

Loin des regards indiscrets -  Nathan Delie


























Le livre en papier
Pages : 239
Isbn : 9782808306850
Prix : 15 €

Présentation de l'éditeur 

Loin des regards indiscrets nous emmène dans les pensées et les émotions d’une femme dont on ne connaît ni l’identité ni le lieu de vie. Elle porte à son mari décédé quelques années plus tôt une dévotion sans faille. À l’inverse, elle entretient une relation difficile avec sa fille unique, Adriana.
Un événement particulier amènera cette dame à voyager, à remettre ses certitudes en question, et à évoluer dans une direction imprévue.

L’univers mental et la façon singulière d’être au monde de cette femme constituent le fil rouge de ce roman intimiste tout autant que sa quête de sérénité.



Rentrée littéraire pour la suite, merci à Sarah pour ces belles découvertes à venir.  Un premier roman chez Bouquins éditions.

Traverser la foule  -   Dorothée Caratini



















Bouquins éditions
Parution : 19 août 2021
Pages : 208
Isbn : 9782382920541
Prix : 16 €

Présentation de l'éditeur

« On traverse des foules toute sa vie, pour ne pas se perdre ou perdre des morceaux de soi. Je traverse la foule comme on traverse la vie, je contourne. »

Un jour comme un autre de décembre, Dorothée se confronte à l'indicible : le suicide de son mari, qui la laisse seule avec deux petites filles face à un gouffre d'incompréhension.

Tout ce qui entoure la mort est pénible, long, compliqué. Il faut attendre, répondre à des questions. Mais le deuil donne aussi le droit de s'affranchir des conventions. Dorothée veut qu'il éclate à la face du monde, elle veut rester qui elle est, une femme qui jouit. Pas seulement une veuve et une mère, mais une femme libre avec son imaginaire et son grain de folie. Alors, passés le choc, la colère et la doueur, elle prend ses émotions et ses enfants sous le bras, qui l'épuisent et la comblent. Les fantômes, elle les brûle.

Ecrit dans l'urgence de la peine avec la grâce des âmes sensibles, Traverser la foule balance entre le réalisme, le rock et la poésie. Aussi drôle qu'émouvant, il s'en dégage une force inouïe, qu'on peut aussi bien nommer la joie ou la vie.

Une auteure belge qui publie son premier roman chez Cent Mille Milliards.

Vent debout  -  Aurélie Giustizia



















Cent mille Milliards
Parution : septembre 2021
Pages : 162
Isbn : 9782850711732
Prix : 15 €

Présentation de l'éditeur



« Je passe pourtant incognito dans les rues de la ville, j’évite les crottes de chien et les crachats comme si j’étais une grande dame mais je laisse la place libre à qui veut s’asseoir, je dis pardon quand on me bouscule, je rentre en dernier dans le bus. Je ne suis pas faite pour vivre à la surface. Trop de règles à suivre, trop d’exceptions à suivre, trop de gens à suivre, trop de flèches à suivre, trop de marche à suivre. Trop d’alarmes, pour les portes mal fermées, pour la carte oubliée, trop de klaxons pour la voiture mal garée, pour le vélo trop lent dans la montée. Trop d’odeurs en même temps, de camions puants, de pipis flottants. Trop de lumières vertes pour beugler oui, de rouges pour brailler non, trop de marteaux piqueurs qui font trembler le cœur, trop de cris aussi. Vous comprenez, je n’ai pas la force pour feindre, pour arpenter la ville sans apparente blessure. »

Dessin couverture : © Pascal Valty.

Il vient d'obtenir le prix Maison Rouge Biarritz , il avait obtenu le prix Première pour son premier roman "Soeurs"

Le voyant d'Etampes   -  Abel Quentin



















L'observatoire
Parution : 18 août 2021
Pages : 384
Isbn : 979-10-329-0929-4
Prix : 20 €

Présentation de l'éditeur



« J’allais conjurer le sort, le mauvais œil qui me collait le train depuis près de trente ans. Le Voyant d’Étampes serait ma renaissance et le premier jour de ma nouvelle vie. J’allais recaver une dernière fois, me refaire sur un registre plus confidentiel, mais moins dangereux. »


Universitaire alcoolique et fraîchement retraité, Jean Roscoff se lance dans l’écriture d’un livre pour se remettre en selle : Le voyant d’Étampes, essai sur un poète américain méconnu qui se tua au volant dans l’Essonne, au début des années 60.


A priori, pas de quoi déchaîner la critique. Mais si son sujet était piégé ?


Abel Quentin raconte la chute d’un anti-héros romantique et cynique, à l’ère des réseaux sociaux et des dérives identitaires. Et dresse, avec un humour délicieusement acide, le portrait d’une génération.

Pour terminer deux titres de la rentrée chez Julliard, un premier roman 

Les confluents  -  Anne-Lise Avril



















Julliard
Parution : 19 août 2021
Pages : 208
Isbn : 9782260054788
Prix : 18 €

Présentation de l'éditeur

Tels deux cours d’eau donnant naissance à un fleuve, un confluent est un point de rencontre entre deux êtres qui se trouvent, s'attachent et apprennent à s’aimer.

Porté par une écriture d’une poésie rare, ce premier roman est à la fois une ode à la nature et un appel au réveil des consciences.

Liouba est une jeune journaliste qui parcourt le monde à la recherche de reportages sur le changement climatique. En Jordanie, elle croise la route de Talal, un photographe qui suit les populations réfugiées. Entre eux, une amitié se noue qui se transforme vite en attirance. D’année en année, le destin ne cessera de les ramener l’un vers l’autre, puis de les séparer, au gré de rencontres d’hommes et de femmes engagés pour la sauvegarde de la planète, et de passages par des théâtres de guerre où triomphe la barbarie. Liouba et Talal accepteront-ils de poser enfin leurs bagages dans un même lieu ?

Ce premier roman, grave et mélancolique, a pour fil conducteur l’amour lancinant entre deux êtres que les enjeux du monde contemporain éloignent, déchirent et réunissent tour à tour. Avec cet éloge de la lenteur et du regard, Anne-Lise Avril donne à la nature une place de personnage à part entière, et au fragile équilibre des écosystèmes la valeur d’un trésor à reconquérir.

On termine les arrivées de la semaine avec le roman d'Azouz Begag

L'arbre ou la maison   -  Azouz Begag




















Julliard
Parution : 19 août 2021
Pages : 304
Isbn : 9782260054887
Prix : 19 €

Présentation de l'éditeur

De retour en Algérie, deux frères redécouvrent la maison de leur enfance,
en même temps qu’un pays en pleine révolution démocratique.
Un voyage initiatique fait de chair, de larmes et de rires.



Après des années d’absence et la mort de leur mère, deux frères lyonnais, Azouz l’écrivain et Samy l’arboriculteur, binationaux franco-algériens, décident de rentrer quelques jours à Sétif, le temps de nettoyer les tombes de leurs parents et de vérifier l’état de la maison familiale. Tandis que Samy bougonne à l’idée de remettre les pieds dans cette ville où il n’a plus de repères, Azouz est impatient d’assister à la révolution démocratique qui secoue le pays. Par-dessus tout, il espère retrouver Ryme, la femme qu’il aime depuis toujours, son cordon ombilical avec la terre de ses ancêtres. Mais à Sétif, Samy et Azouz ne reconnaissent plus rien, et aux yeux des locaux, ils sont devenus des étrangers, des bi. Quant à Ryme, l’amour de la liberté lui a donné des ailes, comme à son peuple. L’aura-t-elle attendu ? Il n’y a que le bel arbre planté par leur père devant la maison, un demi-siècle plus tôt, qui n’a pas changé de place. Mais il a tellement grandi que ses racines en menacent les fondations. Les deux frères se retrouvent ainsi face à un dilemme : garder l’arbre ou la maison.

Dans ce roman pétri de tendresse et d’humanité, Azouz Begag confronte, avec un irrésistible sens de l’humour, la nostalgie de l’enfance à la réalité d’un pays en pleine effervescence, résolument tourné vers l’avenir.

Belles lectures, belles découvertes

jeudi 26 août 2021

Mahmoud ou la montée des eaux - Antoine Wauters ♥♥♥♥♥

Mahmoud ou la montée des eaux - Antoine Wauters











Verdier
Parution : 26 août 2021
Pages : 144
Isbn : 9782378561123
Prix : 15.20€


Présentation de l'éditeur

En Syrie, la construction du barrage de Tabqa en 1973 a entraîné la submersion d'un village par le lac el-Assad. Souhaitant revoir sa maison d'enfance engloutie, un vieil homme navigue sur l'étendue d'eau et plonge pour retrouver ses souvenirs, ses enfants, sa femme Sarah, passionnée de poésie ainsi que sa liberté et la paix du pays.

Mon avis

Mahmoud Elmachi est aujourd'hui un vieil homme.  Certains le surnomment le vieux fou.
Chaque jour inlassablement, il prend sa barque et son tuba et plonge au milieu du lac el-Assad.  Il y plonge de plus en plus profondément jusqu'à l'engloutissement.

Il s'enfonce sur ce qu'était son village, la terrasse du café Farah, la maison de son enfance, de ses amours.

L'eau monte un peu plus chaque jour, le sommet de la mosquée ne sera bientôt plus visible.

Ce lac créé artificiellement suite à la construction du barrage de Tabqa, non loin de Raqqa de 1968 à 1973, a englouti les souvenirs de la vie d'antan, une vie meilleure, celle de son enfance, les dattiers, les siestes, les nouvelles du monde écoutées à la radio.  Tout cela c'était avant !

Le barrage devait selon Hafez apporter à la Syrie, berceau des civilisations, la force, le travail et la prospérité.  Changer le cours du fleuve c'était pour irriguer les terres, donner à chacun la prospérité... de belles promesses... mais hélas ce barrage c'est aussi un enjeu stratégique et les combats font rage et l'eau monte chaque jour !

Mahmoud en plongeant se souvient et lâche prise. L'absence lui pèse plus que tout.

Il se souvient de sa jeunesse, de son travail, lui l'instituteur qui devait écrire les louanges du régime, muselé, se taisant jusqu'à manquer d'air et crier l'appel à la liberté !

Il se souvient de ses amours; Leila, Sarah.. et ses enfants partis en quête de liberté. Il pense à l'horreur, la répression mais aussi à l'espoir, celui du printemps...

Il reste seul avec son grain de beauté qui lui fait mal.... et les combats qui font rage.

C'est un roman magnifique écrit en vers libres d'une force incroyable.  Une pépite comme le reste de l'oeuvre d'Antoine Wauters.  Une écriture poétique qui dénonce la dérive de notre monde, qui donne voix aux victimes et aux opprimés du régime syrien.  

C'est puissant, émouvant.  Certains passages sont à lire à voix haute apportant encore plus de puissance, de force à un espoir, un cri de liberté.

Les larmes sont montées comme les eaux à la fin de ce récit magnifique.  

Un roman percutant de la rentrée, incontournable à mon sens.  Une claque ! Un récit qui permet de comprendre , de découvrir ou approfondir l'histoire du peuple syrien.

Il est dans la première sélection de trois prix : Prix du roman Fnac, Prix littéraire du journal Le Monde et Prix Marguerite Duras.

A ne rater sous aucun prétexte!

Enorme coup de coeur ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases

Quand on a perdu un enfant, ou plusieurs enfants,
ou un frère, ou n'importe qui comptant follement
pour nous, alors on ne peut plus avoir un buisson
de lumière dans le coeur. On ne peut plus avoir
qu'un ridicule morceau de joie.  Un fétu minuscule.
Et on se sent comme moi depuis tout ce temps :
séparé.
Détruit.

Bachar rentre au pays et il devient un autre.
Les monstres naissent dans la nuit. 

Il est toujours trop tard quand on ouvre les yeux.
Penchés au-dessus de nous, les monstres tiennent de
longs ciseaux glacés et les pointent en notre direction.
Tchack ! Voilà comment ils font.
Ils nous prennent nos rêves
et les coupent en menus morceaux.

Ecrire le dévorait.
Il y mettait sa vie.
Or écrire, je pensais, non, j'en étais sûre comme
on est sûr de porter la vie, doit être une chose simple, ou
alors elle est intenable.
Comme vivre et comme aimer.

La nostalgie est une chose pure.

À l'époque, je n'avais jamais vu autant de force chez
quelqu'un. Tu ne reculais devant rien.  Un miracle,
la liberté n'ayant rien d'un sport national
par chez nous.
Ailleurs, elle est sur toutes les bouches.
Chez nous, elle coud les lèvres de ceux
qui en parlent.

Il leur lit un de mes poèmes (oui, à moi, femme du poète
Elmachi) où je dis que les mots sont la main visible du
silence, la forme qu'il revêt pour être compris de nous.

Ce n'est pas moi qui observe le lac, mais lui,
lui qui fixe la surface du monde, ses plantes,
ses arbres fruitiers et les fourmis des sables.
Mon visage raviné.
Il écoute aux portes de nos vies.
Il comprend. 

Vieillir, c'est devenir l'enfant que plus personne ne voit.
L'enfant dont on dit qu'il a les cheveux gris.
Dont on attend des choses, promesses, gloires et
accomplissements, alors que tout ce qu'il souhaite,
c'est rester à jouer avec son bâton en regardant tomber la 
pluie, les mains couvertes de boue.

L'oubli est une seconde mémoire.

La vie, c'est d'être toujours mouillé.

Qui a dit que vieillir, c'est oublier ?
J'ai rejoint la mémoire des choses, Sarah.
Chaque jour, je nage jusqu'à me revoir enfant.

Est-ce cela, vieillir ?
Mieux voir hier qu'aujourd'hui ?
Mieux voir jadis que maintenant ?
Chercher à oublier mais voir tout revenir ?
Le passé est une bombe. Il explose. 
Eux, c'est cela qu'ils nomment oubli, qu'ils nomment
vieillir.

Moi, je ne suis jamais allée aussi loin, je ne me suis
jamais livrée comme toi au poème, mais je l'ai connue,
cette solitude.  La solitude de qui se risque à écouter
la voix des pierres,
l'isolement de l'eau,
je la connais.
C'est elle, à chaque fois que tu plonges,
ton vieux masque à la main, c'est elle que tu rejoins.
Le vide.
L'accession à l'oubli.
Ta main est solitude, Mahmoud.
Descend encore.
Plus bas.
Autrefois, les gens qui te lisaient disaient que tu avais le don
des images. Mais toi, tu me disais que tu ne voyais rien,
que tu étais aveugle.  Mon seul talent consiste à m'effacer,
disais-tu. M'effacer en traçant des signes... Eux voient le
poète Elmachi, et moi je ne vois que l'oiseau que j'étais hier,
je ne vois que la fourmi en quoi m'a transformé ce poème.
Une vie à écrire.  Tout ça pour me rendre compte que les
mots ne disent rien, qu'il n'y a rien au fond d'eux, qu'un peu
de silence. Et de paix.

Les mots ne sont que les bras armés du silence,
et je n'ai plus envie de me battre.

Toute ma vie, j'ai écrit parce que je souffrais de voir,
se briser ce pays : celui des rêveries de l'enfant.
Toute ma vie, je l'ai passée à me battre pour conserver 
le privilège de pouvoir respirer auprès de vous. 

Á Alep, un de nos amis avait cette image. Tu te souviens ?
Il disait que si on recouvrait une carte de la terre avec des
petites pastilles colorées indiquant l'endroit où se trouvent
nos livres, on aurait une vision plus sereine des choses,
davantage de confiance.
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mardi 24 août 2021

Un autre bleu que le tien - Marjorie Tixier

 Un autre bleu que le tien  -   Marjorie Tixier




















Fleuve éditions
Parution : 19 août 2021
Pages : 336
Isbn : 9782265155169
Prix : 18.90 €

Marjorie Tixier






Née en 1977, Marjorie Tixier vit en Savoie. Professeure agrégée de lettres modernes, elle écrit également de la poésie et puise son inspiration dans la musique, la peinture et les voyages. Paru en janvier 2020 chez Fleuve Éditions, Un matin ordinaire est son premier roman.  source : Fleuve Editions


Présentation de l'éditeur

« Je ne raconte ce rêve à personne alors il reviendra.
Ainsi vont les songes qui ne se laissent pas découdre. »

Restée mutique suite à un traumatisme dont elle n’a aucun souvenir, Rosanie vit à l’abri du monde depuis vingt ans, enfermée dans son univers feutré, protégée par son sauveur devenu son mari. Un jour, attirée par les thermes de la ville — elle qui craint pourtant l’eau — elle rencontre Félice, une femme sportive et volontaire, brisée par un tragique accident. Fascinée par sa force de caractère, Rosanie se résout à abattre le mur de silence derrière lequel elle s’est terrée pendant si longtemps.

Porté par un style poétique et envoûtant, Un autre bleu que le tien dresse le portrait, entre forces et fêlures, d’une femme qui se bat contre son propre silence pour retrouver sa vérité.

Mon avis

Rosanie est originaire de Bretagne, elle vit à Luchon dans les montagnes avec Antonin qui est aujourd'hui son mari.  Il y a 23 ans Antonin l'a sauvée de la noyade, Rosanie ne voulait plus de ce monde.   Un grave traumatisme lui a fait perdre la voix. Elle vit dans le mutisme depuis.  Antonin veille sur elle, c'est son amour mais parfois le silence pèse...  

Rosanie est correctrice, après avoir entièrement décoré et aménagé le chalet perdu dans la montagne, il fallait bien trouver une occupation pour remplir sa vie.  Le soir, elle brode  inlassablement  des roses sur des pochettes avant de s'endormir, cela l'apaise.  

Un manuscrit est arrivé, du travail en perspective mais sans savoir pourquoi, Rosanie n'a pas envie de s'y mettre, ses cauchemars sont revenus, l'eau l'attire à nouveau. C'est plus fort qu'elle, nécessaire.  Elle se rend aux thermes de Luchon et va y faire une rencontre qui va bouleverser sa vie sans le savoir.

Aux thermes, une autre femme, Felice.  Elle aussi a subi un énorme trauma, suite à un accident d'escalade, elle a perdu ses deux jambes et bien plus, son compagnon Eliott et sa vie d'avant.   Elle aussi enfouit son passé.

Chaque matin, Felice se rend aux aurores aux thermes, début du long chemin de sa rééducation et de l'acceptation de ses prothèses.  

Les deux femmes s'observent.  Rosanie admire sa force, sa détermination.  Felice admire ses jambes et est intriguée par le mutisme de Rosanie.  Mais qui se cache derrière ce prénom de conte de fées?   Felice va le savoir car les deux femmes vont rapidement devenir amies, trouver l'une dans l'autre, la force et le courage, la motivation pour avancer.

Elles ont tant de choses en commun.

Un manuscrit à traduire, une lettre reçue vont changer le cours des choses pour Rosanie.

D'autres personnages comme Estelle, une jeune femme et son fils viendront apporter une autre dimension au récit mais je ne vous en dis pas plus pour ne pas vous gâcher le plaisir de cette belle découverte.

C'est construit comme un thriller, un roman polyphonique où les femmes s'expriment tour à tour, le voile se levant petit à petit.  L'écriture est addictive, fluide, dynamique, imagée.  Les personnages m'habitaient et me tenaient compagnie durant la lecture, impossible de laisser le livre, l'envie de le finir, de connaître le fin fond de l'histoire.  J'ai vraiment passé un excellent moment de lecture, le plaisir était vraiment au rendez-vous.

Un roman qui parle des traumas, du passé, de l'acceptation de celui-ci mais aussi du regard des autres face à un handicap.  Un récit qui parle des bleus à l'âme, à vaincre, à surmonter pour trouver le chemin de l'acceptation, de la reconstruction et de la renaissance.  Une ode à la vie.

Ma note :  il n'a pas manqué grand chose pour être proche du coup de coeur 9/10

Les jolies phrases

Elle la regarde et elle s'oublie, comme si la vie s'imposait soudain, une vie plus forte que son désir de disparaître.

A force de vivre isolée, elle a fini par croire que tout lui était hostile, elle a fini par oublier que l'être humain peut parfois ouvrir des portes au lieu de les fermer. 

Elle la regarde et elle s'oublie, comme si la vie s'imposait soudain, une vie plus forte que son désir de disparaître.  On ne guérit pas d'une amputation, on met une prothèse, deux prothèses, et on fait comme si.  Comme si, à cela près.  A elle il ne manque rien, pourtant, toujours, il lui semble faire comme si, à cela près.

A force de fuir, on se fait une montagne de tout.  Tu ne sais même pas ce que tu crains et tu recules déjà.  J'imagine que ce texte t'apportera beaucoup plus que tu ne le crois quand tu n'auras plus d'autre choix que de le corriger. 

Il y a son manque à elle surtout, un manque si grand qu'elle n'a jamais eu le courage d'en prendre la mesure.

Chacun souffre à sa manière, chacun se bat, mais dans tous les cas, partout où l'on jette un regard, c'est du bleu que l'on voit.  au corps, à l'âme.  l'un ne va pas sans l'autre.  Et qu'importe que ce soit un autre bleu que le tien, c'est toujours une blessure profonde et définitive qui éloigne ou réunit sans se justifier.

Toute sportive qu'elle ait été, il lui semble que le silence est un frein pire que des jambes coupées.  Des jambes se remplacent.  (..)  Mais rien ne vient pallier une voix perdue, et c'est dans la pâleur des yeux absents que cette détresse se lit le mieux.

C'était plus que de l'amour; c'était tout pour eux.

Il sera le silence qui l'écoute mieux que personne.

Pour elle, la beauté n'a rien à voir avec la normalité, et son handicap peut également être un atout pour innover et se construire une identité propre.

L'art est capable, sinon de guérir, du moins de donner d'autres couleurs à l'existence. 




lundi 23 août 2021

Café littéraire du 9 septembre 2021

 Café littéraire du 9 septembre 2021 à 19 h


 

Petite nouveauté dans ma vie de blogueuse et passionnée de lecture.

A partir du 9 septembre prochain j'aurai le plaisir d'animer un café littéraire à la bibliothèque Maurice Carême de Wavre.  Le rythme sera bimestriel.

Envie de partager avec vous des auteurs de mon pays.


Le premier rendez-vous accueillera deux primo-romancières brabançonnes : Brigitte Peeters et Emilie Hamoir.

Toutes les deux publient un premier roman magnifique chez Academia éditions, une maison d'éditions située à Louvain-La-Neuve.  

Sidonie Maissin, éditrice, découvreuse de talents  nous accompagnera pour nous parler de la publication d'un premier roman.


Un le matin, un le soir













Pour fuir un mari infidèle, Victoire accepte de remplacer Hubert, le
pharmacien du village de son enfance.

Une nouvelle vie se reconstruit au rythme du quotidien où se croisent
Clovis, le petit-fils d'Hubert, Marius, un électricien particulièrement
attentionné, et les clients qui révèlent leurs blessures, leurs fêlures,
leurs manies. La boîte à livres accolée à l'officine se révèle
intrigante, entre les billets que lui laisse un admirateur inconnu et le
journal intime écrit en 1943 par une jeune fille de quinze ans, séduite
par un soldat allemand. Le destin d'une femme peut-il bouleverser celui
d'une autre ?
Un le matin, un le soir est l'histoire de la réinvention d'une femme
entre présent et passé, drames et passions, racontée avec humour et
tendresse.



Soleil bas





Il y a vingt ans, Rose a disparu, laissant ses enfants, Anna et Paul,
seuls avec leur père Léo. Un jour de canicule, la sonnette de
l'appartement d'Anna retentit. Son frère Paul, qui a coupé les ponts
avec sa famille depuis longtemps, vient lui annoncer la mort de leur
père. Anna revient dans la maison de son enfance, au bord de la forêt.
Passé et présent s'entrecroisent. Qui étaient réellement ses parents et
qu'est-il arrivé à Rose ?



Réservation obligatoire !

L'adresse du jour : Bibliothèque Maurice Carême, rue de l'Ermitage 65 1300 Wavre

Venez-y nombreux , c'est à 19h.


Infos & réservations : bibliocareme@wavre.be
                                     tel. : 010/230415 
                                     https://bibwavre.be

Merci à la Librairie Claudine qui sera présente si vous souhaitez acquérir les livres des auteurs présents.







Courte rue des Fontaines, 74, 1300 Wavre

le site de la librairie : ici


dimanche 22 août 2021

Ils ont rejoint mon Himalaya à lire

 Ils ont rejoint mon Himalaya à lire





Rentrée littéraire oblige, voici les derniers arrivés dans ma PAL. Merci aux éditeurs pour leur confiance. 4 titres chez Grasset


La carte postale  - Anne Berest














Grasset
Parution : 18 août 2021
Pages : 512
Isbn : 9782246820499
Prix : 24 €

Présentation de l'éditeur 

C’était en janvier 2003.

Dans notre boîte aux lettres, au milieu des traditionnelles cartes de voeux, se trouvait une carte postale étrange.

Elle n’était pas signée, l’auteur avait voulu rester anonyme.

L’Opéra Garnier d’un côté, et de l’autre, les prénoms des grands-parents de ma mère, de sa tante et son oncle, morts à Auschwitz en 1942.

Vingt ans plus tard, j’ai décidé de savoir qui nous avait envoyé cette carte postale. J’ai mené l’enquête, avec l’aide de ma mère. En explorant toutes les hypothèses qui s’ouvraient à moi. Avec l’aide d’un détective privé, d’un criminologue, j’ai interrogé les habitants du village où ma famille a été arrêtée, j’ai remué ciel et terre. Et j’y suis arrivée.

Cette enquête m’a menée cent ans en arrière. J’ai retracé le destin romanesque des Rabinovitch, leur fuite de Russie, leur voyage en Lettonie puis en Palestine. Et enfin, leur arrivée à Paris, avec la guerre et son désastre.

J’ai essayé de comprendre comment ma grand-mère Myriam fut la seule qui échappa à la déportation. Et éclaircir les mystères qui entouraient ses deux mariages. J’ai dû m’imprégner de l’histoire de mes ancêtres, comme je l’avais fait avec ma sœur Claire pour mon livre précédent, Gabriële.

Ce livre est à la fois une enquête, le roman de mes ancêtres, et une quête initiatique sur la signification du mot « Juif » dans une vie laïque.

Un roman très attendu, celui de Sorj Chalandon

Enfant de salaud   -  Sorj chalandon






















Grasset
Parution : 18 août 2021
Pages : 336
Isbn : 9782246828150
Prix : 20.90 €

Présentation de l'éditeur 

Depuis l’enfance, une question torture le narrateur :
- Qu’as-tu fait sous l’occupation ?
Mais il n’a jamais osé la poser à son père.
Parce qu’il est imprévisible, ce père. Violent, fantasque. Certains même, le disent fou. Longtemps, il a bercé son fils de ses exploits de Résistant, jusqu’au jour où le grand-père de l’enfant s’est emporté : «Ton père portait l’uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud ! »
En mai 1987, alors que s’ouvre à Lyon le procès du criminel nazi Klaus Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son père sommeille aux archives départementales du Nord. Trois ans de la vie d’un « collabo », racontée par les procès-verbaux de police, les interrogatoires de justice, son procès et sa condamnation.

Le narrateur croyait tomber sur la piteuse histoire d’un « Lacombe Lucien » mais il se retrouve face à l’épopée d’un Zelig. L’aventure rocambolesque d’un gamin de 18 ans, sans instruction ni conviction, menteur, faussaire et manipulateur, qui a traversé la guerre comme on joue au petit soldat. Un sale gosse, inconscient du danger, qui a porté cinq uniformes en quatre ans. Quatre fois déserteur de quatre armées différentes. Traître un jour, portant le brassard à croix gammée, puis patriote le lendemain, arborant fièrement la croix de Lorraine.

En décembre 1944, recherché par tous les camps, il a continué de berner la terre entière.
Mais aussi son propre fils, devenu journaliste.

Lorsque Klaus Barbie entre dans le box, ce fils est assis dans les rangs de la presse et son père, attentif au milieu du public.

Ce n’est pas un procès qui vient de s’ouvrir, mais deux. Barbie va devoir répondre de ses crimes. Le père va devoir s’expliquer sur ses mensonges.

Ce roman raconte ces guerres en parallèle.

L’une rapportée par le journaliste, l’autre débusquée par l’enfant de salaud.

J'ai très envie de découvrir la plume d'Ananda Devi

Le rire des déesses  -  Ananda Devi






















Grasset
Parution : 1 septembre 21
Pages : 240
EAN :
9782246827146
Prix : 14.90 €

Présentation de l'éditeur

Au Nord de l’Inde, dans une ville pauvre de l'Uttar Pradesh, se trouve La Ruelle où travaillent les prostituées. Y vivent Gowri, Kavita, Bholi, ainsi que Veena, et Chinti, sa fille de dix ans. Si Veena ne parvient pas à l'aimer, les femmes du quartier l'ont prise sous leur aile, surtout Sadhana. Elle ne se prostitue pas et habite à l’écart, dans une maison qu’occupent les hijras, ces femmes que la société craint et rejette parce qu’elles sont nées dans des corps d’hommes. Ayant changé de sexe et devenue Guru dans sa communauté, Sadhana veille sur Chinti.

Leurs destins se renversent le jour où l’un des clients de Veena, Shivnath, un swami, un homme de Dieu qui dans son temple aime se faire aduler, tombe amoureux de Chinti et la kidnappe. Persuadé d’avoir trouvé la fille de Kali capable de le rendre divin, il l’emmène en pèlerinage à Bénarès. Comment se douterait-il que sur ses pas, deux représentantes des castes les plus basses, une pute et une hijra, Veena et Sadhana, sont parties pour retrouver Chinti, et le tuer ?

Des bas-fonds de l’Inde où les couleurs des saris trempent dans la misère à sa capitale spirituelle, Ananda Devi nous entraîne dans un roman haletant et riche pour fouiller, à sa manière, les questions brûlantes de notre époque : la place des femmes et des transsexuels, le règne des hommes et la sororité ; les folies de la foi, la pédophilie ; la religion, la colère et l’amour. Avec son style incisif et poétique, elle brise le silence des dieux pour faire entendre et résonner le cri de guerre des femmes – le rire des déesses.

et pour terminer chez Grasset que je remercie vivement la plume de Léonor de Récondo

Revenir à toi    -  Léonor de Récondo
























Grasset
Parution : 18 août 2021
Pages : 180
EAN : 9782246826828
Prix : 18 €

Présentation de l'éditeur

Lorsqu’elle reçoit un message lui annonçant qu’on a retrouvé sa mère, disparue trente ans plus tôt, Magdalena n’hésite pas. Elle prend la route pour le Sud-Ouest, vers la maison éclusière dont on lui a donné l’adresse, en bordure de canal.

Comédienne réputée, elle a vécu toutes ces années sans rien savoir d’Apollonia. Magdalena a incarné des personnages afin de ne pas sombrer, de survivre à l’absence. Dès lors que les retrouvailles avec sa mère approchent, elle est à nu, dépouillée, ouverte à tous les possibles.

Revenir à toi, c’est son voyage vers Apollonia. Un voyage intérieur aussi, vers son enfance, son père, ses grands-parents, ses amours. Un voyage charnel, parenthèse furtive et tendre avec un jeune homme de la région. Lentement se dévoile un secret ancien et douloureux, une omission tacitement transmise.
Revenir à toi, c’est aussi un hommage à Antigone et aux grands mythes littéraires qui nous façonnent. Magdalena a donné vie à des personnages, elle est devenue leur porte-voix. Devant Apollonia, si lointaine et si fragile, sa voix intérieure se fait enfin entendre, inquiète mais déterminée à percer l’énigme de son existence.

En l’espace de quelques jours, dans cette maison délaissée, Magdalena suit un magnifique chemin de réconciliation avec l’autre et avec elle-même. Vie rêvée et vie vécue ne font désormais qu’une.

J'ai lu et adoré "La plus précieuse des marchandises" - que je vous conseille vivement - du même auteur, hâte de retrouver sa plume

Jacqueline  Jacqueline   -  Jean-Claude Grumberg






















Seuil
La librairie du XXI siècle
Parution : 19 août 2021
Pages : 352
ISBN : 9782021486155
Prix : 20 €

Présentation de l'éditeur

C’est durant la réception internationale de La Plus Précieuse des marchandises que Jean-Claude Grumberg perd Jacqueline son épouse.

Depuis, jour et nuit, il tente de lui dire tout ce qu’il n’a pas pu ou pas osé lui dire. Sans se protéger, ni rejeter ce qu’il ne peut ni ne veut comprendre, il dialogue avec la disparue.

Incrédulité, révolte, colère se succèdent. Dans ses propos en cascades, réels ou imaginaires, qui évoquent la vie de tous les jours, Grumberg refuse de se raisonner, de brider son deuil. Les jeux de mots, l’humour, l’ironie, l’autodérision n’y changent rien.

Dans ce livre, où alternent trivialité et gravité, entre clichés et souvenirs, l’auteur dit la difficulté d’exprimer ce qu’il ressent.

Jean-Claude Grumberg fait son livre « pour et avec » Jacqueline, exaltant l’amour et l’intimité de la vie d’un couple uni pendant soixante ans.

J'ai envie de tester un audio livre , autant le faire avec un livre de la rentrée, j'ai choisi le dernier Jean-Baptiste Del Amo

Le fils de l'homme  -   Jean-Baptiste Del Amo






















Ecoutez lire
Gallimard
Parution : 19 août 2021
Lu par Mathurin Voltz
Contient 1 CD audio au format mp3.
Durée d'écoute : env. 7h30 min
Isbn : 9782072951411
Prix : 21.90 €
version papier : 19 €
Pages : 240

Présentation de l'éditeur

Après plusieurs années d’absence, un homme resurgit dans la vie de sa compagne et de leur jeune fils. Il les entraîne aux Roches, une vieille maison isolée dans la montagne où lui-même a grandi auprès d’un patriarche impitoyable. Entourés par une nature sauvage, la mère et le fils voient le père étendre son emprise sur eux et édicter les lois mystérieuses de leur nouvelle existence. Hanté par son passé, rongé par la jalousie, l’homme sombre lentement dans la folie. Bientôt, tout retour semble impossible.

Mathurin Voltz nous emporte avec un talent rare dans ce roman sauvage et ensorcelant, qui interroge la filiation de la fureur.


vendredi 20 août 2021

Seule en sa demeure - Cécile Coulon ♥♥♥♥♥

Seule en sa demeure - Cécile Coulon ♥♥♥♥♥










L'iconoclaste
Parution : 19 août 2021
Pages : 336
Isbn : 9782378802400
Prix : 19 €


Présentation de l'éditeur

Au XIXe siècle, Aimée, 18 ans, épouse Candre Marchère et s'installe au domaine de la Forêt d'Or. Très vite, elle se heurte au silence du riche propriétaire terrien du Jura et à la toute puissance de sa servante, Henria. Elle cherche sa place dans cette demeure hantée par le fantôme d'Aleth, la première épouse. Jusqu'au jour où Emeline, venue donner des cours de flûte, fait éclater ce monde clos.


Dans le cadre du Prix Filigranes


Cécile Coulon










Originaire de Clermont-Ferrand, Cécile Coulon publie son premier livre à seize ans. Depuis, elle ne cesse de nous surprendre, de nous émerveiller. En quelques années, elle a publié sept romans dont Une bête
au paradis, un grand succès de librairie, récompensé par le prix littéraire du Monde, et deux recueils de poèmes dont l’un, Les Ronces a reçu le prix Apollinaire en 2018. Cécile Coulon est également éditrice à l’Iconopop, une collection de textes brefs et poétiques à l’Iconoclaste.


Mon avis


Après le formidable "Une bête au paradis", j'étais impatiente de retrouver la plume de Cécile Coulon et pour cause c'est un coup de coeur pour ce récit.


Nous sommes au 19ème siècle dans les forêts du Jura, deux familles vont lier leurs destins.


D'une part, Candre Marchère, propriétaire sylviculteur du domaine d'Or. Un jeune homme pâle, malingre, particulier à l'humeur toujours triste. Il faut dire que le destin ne l'a pas épargné.


Il avait cinq ans lorsque sa mère s'est écroulée sous les yeux de tous à l'office de l'église Saint Frères. C'est Henria, la servante qui l'a pris sous son aile et l'a élevé comme son propre fils Angelin. Elle lui a tout donné en n'oubliant pas le rang dû à chacun.


Candre a 26 ans, il est veuf, sa belle épouse Aleth étant décédée quelques mois après son mariage. Depuis, il a le visage fermé, marqué par le malheur, par sa peine.


D'autre part, Aimée Deville, fille d'Amand, un général revenu de la guerre sans ses jambes, époux de Josephe. Aimée a été élevée avec son cousin Claude, arrivé chez eux à peine âgé d'un an, il devait rester deux mois, il y est resté vingt ans. Avec Amand, très vite il montre son intérêt pour les armes et la guerre, il sera considéré comme le fils de la maison, c'est l'inséparable d'Aimée, un frère de coeur, protecteur ayant une sacrée répartie.


Aimée et Candre vont se marier? C'est un homme très pieux, généreux, attentionné, amoureux qui va peu à peu retrouver son sourire grâce à Aimée qu'il veut combler.


Aimée va chercher sa place dans ce domaine, une grande demeure au milieu de la forêt, une forêt dense, un écrin protecteur d'apparence mais aussi menaçant, donnant le sentiment d'emprisonnement par moment. Candre va tout faire en apparence pour que sa douce se sente heureuse mais il y a des ombres, des doutes, des mensonges et des secrets qui planent. Ce mal-être, ce sentiment d'être prisonnière en sa demeure, c'est l'ombre d'Aleth.


Aimée veut savoir.. Et puis il y a Emeline, la prof de musique venant de Genève qui l'attire tant, le mystère des sentiments, l'attitude d'Angelin, le frère de lait étrange et muet...


Que se passe-t-il dans cette forêt jurassienne ?


L'écriture de cécile Coulon est magnifique, fluide. Elle nous décrit la forêt comme un personnage à part entière, nous égarant, laissant monter peu à peu la tension. J'ai très fort pensé à l'écriture de Carole Martinez pour les ambiances dégagées, j'ai eu le sentiment de vivre avec Aimée ce qu'elle ressentait.


J'étais imprégnée par les protagonistes, un roman addictif, dévoré.


Un coup de coeur  ♥♥♥♥♥



Les jolies phrases


Sans le savoir, sans un mot, sans un geste. C'était cela, sa grande beauté : être là.


Les femmes sont meilleures en ce monde que les meilleurs des hommes.


Claude et Aimée grandirent sous l'oeil d'un soldat brisé et d'une mère dévouée, qui tenait sa maison et ses habitants comme des chiots dans un torchon, nouant sur eux les quatre coins pour qu'ils n'en tombent jamais.


En elle, deux émotions la tinrent éveillée toute la nuit : le soulagement d'avoir pour elle un lieu qu'elle occuperait seule, et la détresse de ne pas avoir envie d'être prise par cet homme, ni par aucun autre, et de devoir bientôt, souffrir sous l'amour qu'il faudrait bien accomplir, sans désir et sans feu.


Le soleil la cuisait pendant que les paroles de son époux infusaient en elle : voilà ce qui lui importait, le bonheur et l'enfant. Pour l'instant elle n'avait ni l'un ni l'autre.


En pénétrant ce bureau, elle devenait à son tour véritablement sa femme, plus seulement un ventre à remplir, une robe à plisser, une vierge à déflorer.


Votre cousin et moi-même sommes séparés par Dieu : je crois, et lui non. Mais s'il est un homme qui vous apporte de la joie, alors il m'en apporte aussi, car je suis heureux de vous savoir heureuse.


La nuit, Candre se transformait : dans l'ombre il n'était plus l'homme d'Eglise, à la peau si blanche qu'on devinait le trajet du sang sous elle, il n'atait plus le fils Marchère, orphelin, de minable corpulence, sauvé par son argent et son nom. Il venait contre elle et son torse était chaud, ses cuisses solides. Aimée le sentait se déployer en elle et derrière elle, elle avait peine à croire que c'était le même homme, son souffle était différent et ses gestes certains. La caresse passait, tantôt une brise, tantôt comme une gifle, elle se sentait tenue et emportée, et malgré les semaines de retrouvailles impossibles, de sexe fermé, elle aimait cela, cette bête qui se glissait dans son lit et allumait en elle des feux vivants jusqu'au petit matin, elle aimait cela et elle en voulait encore, cette nuit et la suivante.


Claude avait perdu plus que son oncle ; sa vie, déjà mutilée, s'effritait un peu plus, et dans ces saccades Aimée voyait comme les hommes restaient, à jamais, des garçons, vifs, chahuteurs, déséquilibrés par la perte. En elle, le chagrin creusait des galeries : Amand était parti, elle avait vécu à ses côtés des jours forts et heureux, dont elle emplissait ces chemins intérieurs. Dans sa douleur, une voix apaisée lui murmurait qu'elle avait eu de la chance : elle aimait son père mort autant qu'elle l'avait aimé vivant.


Aimée s'engouffra dans la douleur qu'elle s'infligeait, impeccable, postée dans un rayon de soleil, chaque muscle jouait sous la peau; elle souffrait, du père enterré, de la mère silencieuse, du mari absent. Elle souffrait du désir d'être là, absolument là alors qu'il aurait fallu être ailleurs, elle souffrait d'être abandonnée dans cette pièce sans pouvoir s'abandonner à cette envie que son ventre nourissait autant qu'il la réclamait.


La douleur était une couverture gelée jetée sur elle, et qui, seconde après seconde, paralysait ses membres, empêchait sa pensée, obstruait sa voix.


Le bien et le mal se mélangeaient dans sa pensée comme des jumeaux monstrueux, liés par un seul et même membre, dansant dans son âme , tarentulant presque, à la manière des danseurs malades, fiévreux.


Il marchait sans la regarder. Son visage, paisible et blanc, semblait pris dans les couleurs des arbres et des mousses, des écorces et des herbes. Il réglait son pas sur celui d'Aimée, prenant soin de ne pas la dépasser ni de la ralentir, mais une partie de lui-même s'échappait de leur conversation et filait dans les feuillages comme un écureuil.


Dans son cœur, la peine avait fait place à un grand vide, son corps semblait rempli de coton sec et noueux. Son âme flottait à côté de son corps. Dans cet écrin d’air frais, de rosées tardives et d’odeurs apaisantes, elle se livrait à sa part la plus douce, la plus tendre.


Du même auteur j'ai lu


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mercredi 18 août 2021

Premier sang - Amélie Nothomb ♥♥♥♥♥

 Premier sang   -  Amélie Nothomb   ♥♥♥♥♥





















Albin Michel
Parution : le 18 août 2021
Pages : 180
Isbn : 9782226465382
Prix : 17.90 €

Présentation de l'éditeur



« Il ne faut pas sous-estimer la rage de survivre. » Amélie Nothomb



Amélie Nothomb est née à Kobé en 1967. Dès son premier roman Hygiène de l’assassin paru en 1992, elle s’est imposée comme une écrivaine singulière. En 1999, elle obtient avec Stupeur et tremblements le Grand Prix de l’Académie française.

Premier sang est son 30e roman.

Mon avis


C'est le centième manuscrit d'Amélie et son trentième roman publié.  Un roman un peu particulier, différent.  C'est un hommage, un cri d'amour à son père décédé durant la pandémie.  Un père à qui, elle n'a plu dire au-revoir, ni l'accompagner.

C'est un roman émouvant, magnifique, très personnel raconté à la première personne par son père Patrick Nothomb.  Il revient sur un fait historique réel qui s'est soldé le 5 août 1964.


Arrivé pour représenter la Belgique, une semaine avant l'arrivée des rebelles, à Stanleyville (aujourd'hui Kisangani dans la République du Congo).  Patrick Nothomb est jeune consul, il est à peine âgé de 28 ans en 1964.  Il va négocier durant quatre mois avec les rebelles dans ce qui a été la plus grande prise d'otages - 1600 personnes- dont il faisait partie.  Il va par son courage et l'intervention des paras belges permettre de sauver la vie de la majorité des otages.  

Le livre commence a un moment crucial où il a été mis en joue par un peloton d'exécution de 12 soldats.

A ce moment précis, il peut enfin se taire, arrêtant de négocier et en égrennant les secondes, il repense à sa vie qu'il nous raconte.

Une vie difficile qui n'avait pas commencé sous les meilleurs auspices.  Difficile au niveau affectif, orphelin de père à l'âge de huit mois, une mère triste, éplorée, ébranlée par le chagrin qui l'aimant assurément n'a jamais pû être démonstrative de cet amour heureusement remplacé par celui de ses grands-parents maternels qui l'ont élevé.

Arrive la rencontre de la tribu Nothomb, une aristocratie désargentée, une tribu de sauvage courant dans des haillons, crevant de faim au château du Pont d'Oye.  Il découvrira la poésie de son grand-père et malgré la rudesse de ces séjours, une certaine bienveillance.  

Comme à chaque fois, c'est passionnant, l'écriture m'emporte.  Beaucoup d'émotions dans ce roman personnel dont je ne déflore rien d'autre pour vous laisser le plaisir de la découverte.

Pourquoi "Premier sang" ?  me direz-vous ?    Cela coule de source parlant de son père, les autres raisons je vous les laisse découvrir par vous-mème.

Un roman qui parle de filiation, de racines, d'absence et de recherche du père.

Un énorme coup de ♥


Les jolies phrases

Les douze hommes me mettent en joue.  est-ce que je revois ma vie défiler devant moi ?  La seule chose que je ressens est une révolution extraordinaire : je suis vivant.  Chaque moment est sécable à l'infini, la mort ne pourra pas me rejoindre, je plonge dans le noyau dur du présent.

Par la fenêtre, je le vis trotter jusqu'à une dame endimanchée, devant laquelle il exécuta des parades qui ressemblaient aux gonflements du jabot et aux courbettes du pigeon tentant le coup avec une pigeonne.

Rien n'importe autant que la poésie .

La poésie, comme le mauvais temps, les jours fériés ou les soldats de plomb, existait.  Elle était une réalité avec laquelle il fallait composer.

C'est un homme merveilleux, tu sais. Il vit dans une espèce de conte où les femmes sont des princesses qui se nourissentt de rosée et où les enfants sont les frères et soeurs du Petit Poucet.

Je me frayai un chemin parmi ces poèmes escarpés.  J'avais l'impression qu'on me proposait des ascencions trop difficiles. Il n'empêche que je me promis d'escalader ces hauteurs quand je serais alpiniste.

On nous apprend à tous le fameux Carpe Diem.  Nous avons beau l'approuver, nous ne l'appliquons jamais.  A Stanleyville, il m'a été donné de le vivre corps et ême.  De me couvher à terre, sous le ciel, de jubiler de respirer, de sentir l'odeur forte des fientes d'oiseaux, de regarder le réel, d'écouter l'air.
Pourquoi avoir d'autres désirs ?

Tout à l'heure, j'ai déploré de mourir en pleine santé.  Maintenant, je trouve bon de mourir ainsi.  Je vais pouvoir vivre la mort à fond, l'embrasser de ma jeunesse.  J'ai enfin atteint l'état espéré : l'acceptation.  Mieux : l'amour du destin.  J'aime ce qui m'arrive.  J'aime jusqu'à l'absolu de mon ignorance.  N'est-ce pas le juste manière d'entrer dans la mort ?

Du même auteur j'ai lu et chroniqué

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