jeudi 31 août 2017

Survivre - Frederika Amalia Finkelstein

Survivre

Fréderika Amalia Finkelstein























Gallimard
L'arpenteur
144 pages,
Parution 17/08/2017
ISBN : 9782072741241
Prix :

Présentation de l'éditeur


«Le soir du 13 novembre, j’ai compris que la guerre pouvait éclater en bas de chez moi – une forme inouïe de guerre. La peur et la méfiance sont devenues normales : je vis en attendant le prochain attentat. 

Le soir du 13 novembre, ma génération s’en est prise à elle-même : les assassins avaient le même âge que les assassinés. 

Survivre est un hommage à cette génération, née avec les écrans, ultraconnectée, et pourtant en proie à une immense solitude. 

Nous voulons être libres : parfois pour le meilleur, parfois pour le pire.» 


Frederika Amalia Finkelstein.

Mon avis

Merci aux éditions Gallimard et à Babelio pour cette découverte de la rentrée littéraire.

Un livre dont on ne sort pas indemne.  Quelle claque !  On en sort un peu secoué, dérangé et on réfléchit.

Je vous avoue que j'ai dû m'accrocher au début de la lecture car cela dérange, c'est dur, difficile.

La narratrice est jeune, elle est marquée par la soirée du 13 novembre 2016. Elle ne peut s'empêcher, fascinée, d'observer continuellement, obsessionnellement la photo des corps dans la fosse du Bataclan.

Lorsqu'elle court, elle se passe en revue mentalement les victimes des attentats, des diverses catastrophes du genre dans le monde.  Elle est continuellement angoissée et attend avec méfiance et peur le prochain attentat.

C'est la peur au ventre qu'elle prend les transports en commun.

C'est l'histoire d'une génération des 23-28 ans, qui depuis sa plus tendre enfance vit dans un monde virtuel, dans la violence des jeux vidéos "GTA ... etc..", et qui banalise au final le sang et la mort.

Elle fait partie d'une génération "inter-connectée" et reçoit des notifications à chaque fois qu'il se passe un acte terroriste ou tout acte glauque (un suicide en direct) partout dans le monde, car il se passe toujours quelque chose dans le monde, à chaque seconde, alimentant encore plus sa peur et son trauma.

Sa grand-mère est morte, elle devrait prendre l'avion pour se rendre à l'enterrement avec sa soeur et sa mère.  Elle se questionne, ira-t-elle les rejoindre ?

Je ne vous en dis pas plus car petit à petit les choses s'interconnectent, apporte un sens plus profond.

Le début de lecture m'a au départ un peu perturbé mais la magnificience de l'écriture qui porte littéralement le récit, m'a happée et emmenée rapidement au terme de celui-ci.

Un récit qu'il faut laisser "descendre", qu'il faut "digérer" et qui prend tout son sens après la lecture.

Ma note : 7.5/10

Les jolies phrases

Quand la mort se lève devant vous et qu'elle vous frôle, ne demeure qu'un mot : survivre.

Faites attention avec ça : le doute est un cancer, il se répand invisiblement dans votre corps jusqu'à exterminer vos rêves.

...cela ne finira pas , mon mur, comme ma mémoire, ne sont pas assez vastes pour contenir toutes les catastrophes, il faut donc sans cesse faire preuve d'humilité et d'organisation : la plupart des atrocités me fileront entre les doigts.  Il est de mon devoir de ne pas les retenir.

Le monde occidental les a élevés dans un climat de violence économique très fort.  Partir faire la guerre peut leur procurer un sentiment de liberté inouïe, ils se sentent enfin utiles, liés à une cause absolue, défenseurs d'une voix qui rompt avec tout ce qui leur a été imposé.  En réalité, ce n'est pas une guerre de religions, c'est une guerre économique et morale.

Car être beau c'est être mince.  Et être mince, c'est aller à l'essentiel.  Je suis obsédée par la minceur : au moins autant que par le sport. Être mince, c'est être pur - au moins tendre vers une forme de pureté.

Il y a des jours instables, menaçants, où le peu de choses devraient être sûres et acquises ne l'est absolument plus : ce jour est un de ces jours où tout se met à trembler.  Où l'on se trouve nu dans le vertige du monde.  Il n'y a pas de paix. Pas d'autre rive à rejoindre : tout n'est qu'un seul monde, pas de versant surlequel trouver refuge.

Si Dieu a créé le monde, il a créé le mal.

Je n'ai pas connu la faim.  Je n'ai pas connu la drogue.  Je n'ai pas connu la torture.  Pour moi la violence se limite aux images, et à l'endurance dont je dois faire preuve pour chaque jour les ingurgiter : ne pas succomber aux écrans. Garder un lieu dans ma tête, si infime soit-il, un lieu dénué de bruit, d'agitation, un lieu dépourvu de haine.  Pour l'instant les livres me protègent.

Le monde saigne et nous comptons nos morts.  La haine se répand nuit et jour, il n'y a pas de trêve aux attentats et aux massacres, elle se déverse et nourrit le noyau de la terre. Marre de voir la déchéance triompher, de voir le monde en lambeaux, de voir le monde au bord de mourir éclaté en millions de petits corps sacrifiés pour rien.  La paix n'existe plus.

La violence a métastasé le monde tel un cancer pourrissant un corps en secret.  Nous avons laissé faire.  Nous n'avons rien compris.  Et voilà qu'elle se venge.


challenge rentrée littéraire 2017


mardi 29 août 2017

Les délices de Tokyo - Durian Sukegawa ♥♥♥♥♥

Une LC avec Julie


Les délices de Tokyo   -  Durian Sukegawa

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Albin Michel
Traducteur : Myriam Dartois-Ako
Parution : 3 Février 2016
240 pages
EAN13 : 9782226322883
Prix : 17.50 €

Présentation de l'éditeur



« Écouter la voix des haricots » : tel est le secret de Tokue, une vieille dame aux doigts mystérieusement déformés, pour réussir le an, la pâte de haricots rouges dont sont fourrés les dorayaki, des pâtisseries japonaises. Sentarô, qui a accepté d'embaucher Tokue dans son échoppe, voit sa clientèle doubler du jour au lendemain, conquise par ses talents de pâtissière. Mais la vieille dame cache un secret moins avouable et disparaît comme elle était apparue, laissant Sentarô interpréter à sa façon la leçon qu'elle lui a fait partager.

Magnifiquement adapté à l'écran par la cinéaste Naomi Kawase, le roman de Durian Sukegawa est une ode à la cuisine et à la vie. Poignant, poétique, sensuel : un régal.


L'auteur





Durian Sukegawa, nom de plume de Tetsuya Sukekawa, est un romancier et poète japonais. Homme atypique, diplômé de philosophie, musicien et artiste de rue, il a de nombreuses fois défrayé la chronique, notamment avec son groupe l'Association des poètes qui hurlent - groupe de punk rock déclamant de la poésie contemporaine - ou une émission de radio prisée des jeunes qui trouvent en lui un interlocuteur à qui se confier.

Son second roman est paru chez Albin Michel en mai dernier  "Le Rêve de Ryôsuke"

Source : Albin Michel

Mon avis


Merci à Julie de m'avoir proposé de la rejoindre dans sa lecture et d'en faire une LC. J'avais acheté ce titre à sa parution et il attendait sagement son tour.

C'est un joli coup de coeur.

Sentarô est gérant de DORAHORU, il est marchand de "dorayaki" , une pâtisserie japonaise. Il s'agit de deux crêpes (genre pancake) renfermant l'ân, la pâte de haricot rouge azuki.

Sa boutique se trouve devant un cerisier marquant le fil des saisons.

Un jour au printemps, il rencontre une vieille dame ; Tokue Yoshii qui lui demande de travailler avec lui. Elle revient plusieurs fois avec la même question . Elle a 76 ans, les doigts tordus, abîmés. Elle finira par le convaincre en lui faisant goûter sa pâte de haricot rouge azuki, un vrai délice.

Sentarô finira par céder séduit par la pâte et le maigre salaire réclamé. Il l'engagera. Un bon choix car la clientèle augmentera et se pressera pour déguster les "dorayaki".

Tokue et Sentarô sont très différents pourtant ils ont beaucoup plus qu'ils ne le pensent en commun : une grande solitude et un secret lourd à porter.

La première partie du roman est très "gourmande", l'auteur ayant reçu une formation de pâtissier ne se prive pas de nous faire saliver, on a vraiment envie de les goûter ces fameux "dorayaki".

La seconde partie, elle , nous livrera les secrets de nos deux protagonistes et un pan de l'histoire insoupçonné du Japon.

Avec beaucoup de sensibilité, de délicatesse, un récit qui partage l'amour de la cuisine mais aussi l'amour de la vie, la résilience. Un récit qui nous parle avec poésie et émotion des souffrances du corps et du coeur, de la honte mais aussi de la solitude, de l'enfermement.

La nature et le cerisier qui évoque le passage des saisons sont fort présents. Une plume moins épurée qu'à l'habitude pour ceux qui craignent la littérature japonaise, une plume poétique qui nous interpelle sur l'écoute et le sens de la vie. Délicatesse et émotions au rendez-vous.

C'est un immense coup de coeur. ♥♥♥♥♥


Voici l'avis de ma binôme Julie des Petites lectures de Scarlett.

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Les jolies phrases

Faire semblant de ne rien voir, certes, c'est un comportement adulte. Mais est-ce que c'est bien, ou vaut-il mieux poser franchement la question...

A l'époque, on n'avait pas d'autre plaisir que d'imaginer ce qui se cachait derrière les mots.  J'aimais faire travailler mon imagination.

S'il prenait parti pour l'une, il faisait du tort à l'autre.  S'il aidait la seconde, il portait préjudice à la première. Pour commencer, c'était lui qui ne valait pas grand chose.

Bien qu'incapable d'expliquer clairement pourquoi, il sentait que le témoignage de ceux qui avaient subi une existence de souffrances l'avait enrichi. Mais ce témoignage avait aussi planté en lui le germe d'un vertige continu, qu'il garde les yeux ouverts ou fermés.


Du moment que le commerce marche, on peut vendre n'importe quoi.  Il s'agit de gagner sa vie, c'est tout.


Mais au fil des années que j'ai passées dans cet endroit, j'ai fini par comprendre quelque chose.  C'est que quoi qu'on perde, quoi qu'on subisse, nous sommes des êtres humains.  Même privé de ses quatre membres, puisque cette maladie n'est pas mortelle, il faut continuer à vivre.


Et si ni moi ni les humains n'existions, qu'en serait-il ? Pas seulement les humains, si le monde était privé de tous les êtres doués d'émotion, qu'en serait-il ?  Ce monde quasiment infini disparaîtrait entièrement.  Vous ne trouvez peut-être mégalomane, patron.  Mais cette façon de penser m'a transformée. Nous sommes nés pour regarder ce monde, pour l'écouter.  C'est tout ce qu'il demande .  Et donc, même si je ne pouvais pas devenir professeur, ni travailler, ma venue au monde avait un sens.





Bonus  : la recette des "dorayaki"

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Pour 6 dorayaki de 9cm de diamètre

Préparation: 25 minutes.


2 œufs
100g de sucre
1 ½ cuillère à soupe miel
1 cuillère à soupe d’huile
1/3 cuillère à café de bicarbonate de soude (mélangé à autant d’eau)
1 cuillère à soupe de mirin
150g de farine
40-60cc d’eau
300g d’azuki en boîte


  1. Battez à la main les œufs dans un saladier et ajoutez y progressivement le sucre, miel, l' huile, le bicarbonate de soude et enfin le mirin.
  2. Ajoutez la farine tamisée en deux fois en remuant bien.
  3. Ajoutez de l’eau en mélangeant jusqu’à avoir une pâte lisse.
  4. Recouvrez avec un film et laissez reposer 15 minutes dans le frigo.
  5. Chauffez la poêle à feu moyen, une fois la poêle chaude, retirez la et baissez le feu. Une fois la poêle refroidie, remettez la au feu et huilez à l’aide une serviette.
  6. Versez 2/3 de louche de pâte dans la poêle en forme de rond. Couvrez immédiatement.
  7. Cuire à feu doux jusqu'à ce que des bulles apparaissent sur la surface de la pâte.
  8. Tournez la pâte et cuire l’autre face.
  9. Mettez 50g d’azuki entre deux pâte. 
Source : Satsuki 


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vendredi 25 août 2017

Qui ne dit mot consent - Alma Brami ♥♥♥♥♥

Qui ne dit mot consent

Alma Brami

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Gallimard
Mercure de France
Collection La Bleue
Parution : le 24 août 2017
176 pages
ISBN : 9782715245358
Prix ; 16.80 €

Présentation de l'éditeur

Émilie a suivi son mari à la campagne quand les enfants étaient encore petits, depuis ils ont grandi et quitté la maison. Dehors, il y a une vigne qui donne des raisins, il y a aussi une table en bois, des chaises, un banc, pour les petits déjeuners copieux, il y a des tommettes rouges dans le salon, un grand escalier qui mène à l'étage, et à l'étage, une chambre d'amis.


Chaque famille a ses secrets.

Que se passe-t-il dans cette maison au bout de la route du grand chêne?

Dans ce terrible huis clos, Alma Brami dresse brillamment le portrait d'une femme meurtrie pour qui le couple est devenu un piège.

Alma Brami



Comédienne, Alma Brami a été révélée comme romancière à l'occasion de la rentrée littéraire 2008 avec Sans elle, couronné par de nombreux prix. Depuis, elle a publié Ils l'ont laissée là en 2009 et Tant que tu es heureuse en 2010. Ces trois romans ont été publiés en Chine en septembre 2011. C'est pour ton bien, son 4e roman, a été publié au Mercure de France en 2012. En janvier 2013, elle a publié Lolo, aux éditions Plon. Elle écrit également pour les enfants ; son premier album jeunesse Moi, j’aime pas comme je suis est paru aux éditions Albin Michel en 2011.
J'aurais dû apporter des fleurs est son sixième roman.

Source : Mercure de France

Mon avis


Premier gros coup de coeur de la rentrée. Une plume que je ne connaissais pas et que j'ai bien envie de relire. C'est le septième roman d'Alma Brami.

Elle nous propose un huis clos psychologique. Quelle claque !

Emilie est tombée dans le piège de son couple. Quelle belle écriture ! La tension est palpable au fil du récit, elle monte. Une lecture addictive, Emilie, l'héroïne du roman restait au coeur de mes pensées et j'avais hâte de la retrouver pour connaître la suite, voir jusqu'où il est possible d'aller par amour..

Emilie a suivi son mari Bernard à la campagne avec ses deux enfants. La citadine qu'elle était a tout laissée tomber car "Il" avait décidé que ce serait chouette, la maison avec la vigne, sa table en bois, les tomettes rouges du salon et la chambre d'amis. Elle l'a suivi car quand Bernard décide, c'est bien. Il l'aime et c'est le principal, il sait lui ce qui est bon pour elle.

Bernard a ensuite décidé que ce serait chouette qu'elle ait une amie, quelqu'un pour lui tenir compagnie. Alors Emilie et Bernard vont accueillir leur invitée Sabine à la gare. Il dit à Emilie que ce sera top, une copine, quelqu'un pour l'aider...

Emilie se souvient, la première fois : Elsa - la jument -, lorsque les enfants étaient petits..., ils ont quittés la maison aujourd'hui.

Mais que se passe-t-il vraiment dans cette maison ?

Je ne vous en dirait pas plus. C'est passionnant, tendu, flippant, interpellant. J'avais envie à plusieurs reprises de secouer Emilie, de lui dire "Remue-toi, fais quelque chose, réagis ..." mais l'amour, l'admiration, non que dis-je l'emprise de son mari, de son couple est tellement forte. Emilie est aveuglée par l'amour qu'elle porte à Bernard.

Un roman qui nous démontre les effets pervers d'un manipulateur. Cela m'a secouée. Quelle force dans la manipulation.

C'est magnifiquement écrit, cela tient en haleine, l'autrice nous parle avec beaucoup de réalisme de ce qui était inimaginable pour moi mais qui malheureusement existe plus souvent que l'on ne le pense.

Le déni de la situation, l'impossibilité d'agir, cette emprise trouvant toujours une belle excuse au bourreau.


Un livre choc qui ne laisse pas indifférent.

Immense coup de coeur. ♥


Les jolies phrases


J'aurais aimé qu'il redevienne l'homme fragile qui s'agrippait à moi, comme un radeau de fortune. J'aurais aimé qu'il craigne de me perdre, qu'il soit jaloux à son tour, la même jalousie que j'éprouvais, celle qui consume, qui détruit.

Il était si gentil, si aimant, il ne me manquait rien. Je devenais une femme pathétique, il avait raison, il fallait que je me reprenne. Après ce serait trop tard.

Plus les enfants étaient bruyants, moins j'avais peur. Il m'abandonnerait peut-être mais ne les abandonnerait jamais, eux. J'avais de précieux otages, il reviendrait forcément, je pourrais me racheter.

Ma chérie, la clef d'un mariage réussi, c'est la politique des petits singes, on fait semblant de ne pas voir, de ne pas entendre, et on ne pose aucune question, m'avait enseigné ma belle-mère.

Mon mari me rapportait ses proies, comme un chat victorieux qui dépose aux pieds de son maître un oiseau, un lézard ou un mulot.




mercredi 23 août 2017

Minuit, Montmartre - Julien Delmaire

Minuit, Montmartre     -  Julien Delmaire

Minuit, Montmartre

Grasset
Parution : 23/08/2017
Pages : 224
Prix : 18.00 €
Prix du livre numérique: 12.99 €
EAN : 9782246813156



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Présentation de l'éditeur

Montmartre, 1909. Masseïda, une jeune femme noire, erre dans les ruelles de la Butte. Désespérée, elle frappe à la porte de l’atelier d’un peintre. Un vieil homme, Théophile Alexandre Steinlen, l’accueille. Elle devient son modèle, sa confidente et son dernier amour. Mais la Belle Époque s’achève. La guerre assombrit l’horizon et le passé de la jeune femme, soudain, resurgit…
Minuit, Montmartre s’inspire d’un épisode méconnu de la vie de Steinlen, le dessinateur de la célèbre affiche du Chat Noir. On y rencontre Apollinaire, Picasso, Félix Fénéon, Aristide Bruant ou encore la Goulue… Mais aussi les anarchistes, les filles de nuit et les marginaux que la syphilis et l’absinthe tuent aussi sûrement que la guerre.
Ce roman poétique, d’une intense sensualité, rend hommage au temps de la bohème et déploie le charme mystérieux d’un conte.



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Mon avis

Une belle découverte, celle de l'écriture de Julien Delmaire qui nous emmène sur la butte de Montmartre.

Nous sommes en 1909, Montmartre compte encore des petites ruelles, des cabanes en planches, ateliers de peintre.  Monttmartre qui s'allume le soir grâce aux allumeurs de réverbères.  Montmartre et ses bistrots, ses filles de joie, un monde d'artistes parfois désenchantés.

Un Montmartre où l'absinthe faisait des ravages, la siphylis en daisait d'autres..

Un matou se promène, c'est Vaillant le chat de Théophile Alexandre Steinlen.  Une femme noire, convoîtée pour sa beauté et sa voix magnifique, Masseida essaie d'oublier son passé.  Elle est désenparée et finira par trouver refuge chez le maître de Vaillant.

Théophile Alexandre Steinlen est le dessinateur de la célèbre affiche "Le chat noir".  Les chats sont ses principaux modèles, il changera ses habitudes avec Masseida qui posera pour lui.

Ce sont les belles années, Théophile deviendra son amant...

Le rythme est lent pour nous permettre de savourer l'ambiance régnant à l'époque à Montmartre.  On se promène au "Lapin Agile" , au "Moulin de la Galette", on y rencontre "La grande Goulue", Aristide Bruant, Apollinaire, Toulouse Lautrec..

C'est la découverte de Montmartre avant l'assainissement, avant l'arrivée de l'électricité, on y croise des prostituées, des macs,  et on boit un verre ou plus d'absinthe pour oublier.

J'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture, une écriture poétique.

Ma note : 8.5/10


Les jolies phrases

Le visage de Masseïda était noyé de larmes.  Avec précaution, comme l'on suture une plaie, la main dispersa les pleurs de part et d'autres des joues.

Elle était lionne et ne s'enfuirait plus. Dût-elle griffer, égorger un à un les fantômes et les bruits.  Aucun flic, aucun mac, aucun mâle ne pourrait l'arrêter.  La lionne de Montmartre s'avançait dans la nuit.

Sur la table, au milieu d'une surface claire et granuleuses, une femme noire dormait.  Sa peur, sa fatigue, son destin, reposaient dans la trame blanche du papier.

Le pinceau courbait les paysages, pliait les chairs.  La chevelure de Massa.  Noir corbeau.  Cordages silencieux.  Le front de Massa. Oued paisible. Noix de cajou. Le ventre de Massa.  Vésuve clandestin.  Terre brûlée.  La couleur encadrait la silhouette mais ne l'enfermait pas.  Les seins de Massa.  Bijoux de la Terre.  Ocre sombre. Ebonite.  La couleur n'existait plus, pure condensation de l'obscur, elle ruisselait sur la toile comme sur le toit d'une prison.

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lundi 21 août 2017

La ferme (vue de nuit) - Anne-Frédérique Rochat

La ferme (vue de nuit)

Anne-Frédérique Rochat

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Luce Wilquin
Collection Sméraldine
Parution : 18 août 2017
208 pages
Isbn 9782882535351
Prix : 20.00€


Présentation de l'éditeur



En réalité, la ferme n'avait rien d'une ferme, sauf peut-être l'éloignement, la campagne, le silence. Sous un soleil de plomb, Annie monte un interminable escalier pour aller retrouver l'homme avec qui elle a vécu sa première grande histoire d'amour. Mais est-il seulement possible de reprendre le fil là où il s'est cassé, de passer par-dessus les blessures, d'oublier les rancoeurs ? Dans la chaleur étouffante de l'été, Annie continue d'avancer, marche après marche, un pied devant l'autre, dans des sandales trop étroites, pour rejoindre cet homme dans sa curieuse maison, faite de grandes baies vitrées et de stores automatiques. Que pensera-t-il en la voyant ? La trouvera-t-il vieillie après toutes ces années ? Remarquera-t-il qu'elle n'est plus la même, plus la petite Annie d'autrefois ? Et s'il ne la reconnaissait pas ?


Mon avis

C'est avec beaucoup de bonheur que je retrouve la plume d'Anne-Frédérique Rochat qui nous propose son sixième roman.

Il y a quelques jours, Annie a reçu un courrier.  Elle a reconnu l'écriture d'Etienne, son premier amour, sur l'enveloppe.  Celle-ci ne contenait qu'un simple carton blanc.

Elle arrive aujourd'hui à la "ferme", une construction faite de grandes baies vitrées et de stores automatiques, moderne à l'époque.  Elle se nomme "la ferme" mais n'a rien à voir avec cela, elle évoque  la campagne, la nature, l'éloignement.   Cette maison particulière est en quelque sorte un personnage à part entière du roman.  Elle génère un malaise pour Annie qui se sent vue de tous.  Mais de qui ?  rétorque Etienne, il n'y a personne qui passe par ici...   Un sentiment de protection pour Etienne mais  revenons à nos moutons.... euh enfin je veut dire à notre lama, Lucien...(animal de compagnie d'Etienne qui prendra aussi sa place dans le récit )  qui fera connaissance avec Annie .... je m'explique

Annie escalade péniblement le grand escalier.  C'est l'été, il fait torride.  Elle n'est pas venue de puis quinze ans et l'ascension  de cet escalier est interminable.  Arrivée au sommet, elle perd connaissance et est "réveillé" par Lucien - la lama - (vous me suivez) qui lui lèche le visage.  Voilà vous avez fait sa cnnaissance...


Elle qui voulait faire bonne impression à Etienne, est toute "chiffonnée", en sueur, décoiffée, plaine de salive du lama.... c'est pas vraiment ce qu'elle espérait mais bon.

Elle va sonner, retrouver Etienne quinze ans plus tard, mais pourquoi est-elle là ?  Peut-on tout recommencer ?, reprendre les choses où on les avait laissées ?

Annie se souvient de leur rencontre, du début de leur histoire.  Elle avait à peine 20 ans, elle venait de perdre sa mère et ne connaissait pas son géniteur  !

Un très beau récit empreint comme toujours de beaucoup de sensibilité, au profond des sentiments de chacun.  Anne-Frédérique Rochat nous parle de l'attirance physique, de l'accord parfait entre Annie et Etienne mais aussi de la parentalité, du choix de devenir parents, de l'absence.   Elle nous parle des blessures intimes, d'un amour infini, d'un malaise à la proche de sujets intimes.

Il y a une question qui fâche entre eux, qu'en est-il des années plus tard ?  Change-t-on ?

Un très beau récit, une écriture qui nous propose des allers-retours dans le passé, qui pose aussi question sur la solitude, sur le sens à donner à la vie, sur l'amour exclusif...

J'ai eu envie de secouer Etienne, un peu bourru, fermé parfois et de lui dire mais qu'est ce que tu attends, vas-y fonce.

Un joli coup de coeur.

N'hésitez pas ce roman est vraiment touchant.


Les jolies phrases


C'est normal de s'ennuyer, ça fait partie de la vie, et c'est le meilleur moyen d'apprendre à rêver.

Cet endroit n'a de maison que le nom.  En réalité, c'est une boîte à bonbons, Tic Tac et compagnies ; un cube transparent entre les arêtes duquel on pourrait, s'il en existait de suffisamment grandes, glisser des photos souvenirs.  Ce qui aurait le mérite de nous abriter du monde extérieur.

Et alors, j'aimais mon métier, je n'en avais pas honte, c'est un beau métier : être au service des autres, tout le monde n'en est pas capable, il faut être fort et humble à la fois !

C'était un trésor qu'elle portait en son sein, un trésor plein de chagrin, mais un trésor quand même.  A ne partager qu'avec quelqu'un qui serait à la hauteur de sa douleur.

L'aimer a été la chose la plus extraordinaire, la plus importante de mon existence, elle restera mon grand amour.

Les mots peinaient à sortir, comme s'ils étaient trop gros pour une si petite bouche, ou alors trop acides, trop brûlants, si tranchants qu'ils seraient capables en remontant de lui déchirer l'oesophage.

Il y en avait d'autres de jolies phrase mais mon pc a bugger et je les ai malheureusement perdues....


Du même auteur :

Cliquez sur la couverture pour retrouver mon petit billet


Couverture Le chant du canari




samedi 19 août 2017

Il est temps de suivre un régime et d'apprendre à voler

Il est temps de suivre un régime et d'apprendre à voler

Michelle Ballanger



Editions Rouergue
mai 2017
288 pages
20,00 €
ISBN
978-2-8126-1277-0

Présentation de l'éditeur

Adam est écrivain public. Tous les après-midi, il écrit pour les habitants de sa petite ville posée au pied des montagnes de Dracula. Des lettres anonymes, des lettres d’amour, des lettres pour ceux qui sont tout près, ou bien ceux qui sont partis en France, partis et jamais oubliés. Dans sa maison où ne vivent plus depuis longtemps sa femme et sa fille, parties et jamais revenues, Adam héberge depuis l’hiver dernier Dragos, vieux, sale, gros et vendeur de poids de son état. Et Adam a finalement peu de temps pour penser à lui-même. C’est une bonne chose. Penser à lui, c’est penser à celles qui lui manquent. Il ne veut pas. Mais alors qu’Adam écrit des lettres en poste restante, des poèmes, des testaments, alors que chacun raconte son histoire et que les mots suivent leur chemin, le moment vient où les forces sont réunies, où les choses sont prêtes à basculer. Oui, il faut parfois vingt ans pour écrire une lettre, mais il est grand temps de suivre un régime et d’apprendre à voler, il est grand temps pour Adam, et pas seulement pour lui.


Avec grâce, avec douceur et légèreté, Michelle Ballanger nous emporte dans un premier roman aussi chatoyant que le chapeau d’un magicien dont sortiraient un jeune homme qui tricote des écharpes, une femme qui a bien vécu de l’amour des hommes, une princesse qui fait la manche, et bien d’autres encore, chacun avec sa vie glissée dans celle des autres.


C'est notre LC avec Julie

Mon avis

Une couverture magnifique et un titre en apparence léger pour un premier roman adulte proposé par Michelle Ballanger.

Nous sommes en Roumanie, en Transylvannie au pied de la montagne Dracula.

Adam est professeur de français mais aussi écrivain public.

Les après-midis, les gens défilent et il écrit des lettres qu'ils classent dans des fardes de couleur en fonction du thème des courriers.  Il aime coordonner son pull à la couleur de la lettre : lettres anonymes, lettres d'amour, testaments, poèmes ...

Adam vivait seul depuis le départ de sa femme et de sa fille en France, en 1984.  Depuis l'an dernier il a accueilli Dragos, un vendeur de poids, vieux, sale.   Dragos et les lettres lui permettent d'oublier sa solitude et celles qui l'ont quitté.

Au fil des lettres, nous découvrons des personnages parfois hauts en couleur qui vont animer sa vie. Peu à peu, les vies se glissent les unes dans les autres, se tissent des liens.

Natacha une petite princesse gitane et Corneliu, un tricoteur d'écharpes multicolores vont changer un peu le cours de sa vie. Il y a aussi Stella, la vendeuse d'amour, Victor et son héritage, Gheorge qui voudrait récupérer sa femme partie en France.


A travers ces vies et ces personnages nous découvrirons en filigrane l'histoire de la Roumanie, le régime de Ceaucescu, les premières élections, les privations et le changement.

Nous sommes en 2008, il faut parfois du temps pour comprendre les choses, pour faire éclater une rancoeur et enfin réagir.

Un très beau roman qui nous est présenté de façon originale par le biais de ces échanges épistolaires.  Il se compose de trois parties : "Les bagages" - "Les voyages"  et "Aller-retour".

Un récit qui permet de comprendre l'envie de vivre ailleurs, l'espoir d'une vie meilleure.  La vie des gitans aussi est traitée et nous donne un autre regard sur cette communauté. Des femmes qui prennent leur destin en main.


Une belle pioche pour notre lecture commune avec Julie des "Petites lectures de Scarlett"

Ma note :  8.5/10


L'avis de Julie se trouve ici  



Les jolies phrases

Adam se dit que c'est l'odeur qui montre la misère, bien plus que les vêtements et les bijoux en toc.

On ne tue pas la honte en la refilant à quelqu'un. Ça marche pas.
- On fait comment alors ?
- On la tue en la nommant.  On la regarde dans les yeux et on lui dit ses quatre vérités.  Y a pas d'autres solutions.  Après ce n'est plus elle qui est la plus forte.  On ne tue pas la honte avec une lettre anonyme.

L'important c'est le silence et le souffle.  Pas besoin de mots pour le désir.  C'est le mouvement qui met ensemble les corps qui compte. Je connais quelques mots, je peux vous les confier mais il faudra écrire le mouvement et ça je ne sais pas le dire.  Le faire oui.  Pas le dire.  Je montre avec mon corps.  J'ai toujours fait les deux ensemble. C'est ainsi le désir.  Une danse.  Je peux vous dire et vous montrer. Mais vous ferez les phrases.

Dans le bleu nu des yeux de Dragos, Adam ne voit plus que l'infini chagrin qui s'y est logé.  Un chagrin comme une pierre qui empêche de voir quoi que ce soit d'autre, qui prend toute la place et ne laisse rien passer autour de lui.

On ne peut pas changer la couleur des yeux de quelqu'un, on ne peut pas non plus se retenir au bord d'un regard. On est forcer d'y plonger.  Au moins pour un moment.  On est forcé d'être touché.  Adam se dit qu'il lui était plus aisé de vivre de l'odeur de Dragos qu'avec le regard de Dragos.  Mais qu'à cela ne tienne, il apprendra.  Tout s'apprend.




vendredi 18 août 2017

Ils ont rejoint mon Himalaya à lire

Ils ont rejoint mon Himalaya à lire

Un petit article avant les tentations nombreuses de la rentrée littéraire.  Trois entrées dans ma PAL cette quinzaine :


Un de la rentrée grâce aux Editions Grasset et Net Galley que je remercie.  J'ai hâte de la découvrir :

Le jour d'avant   -   Sorj   Chalandon

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Grasset
Parution : 16/08/2017
Pages : 336
EAN : 9782246813804
Prix : 20.90 €

Présentation de l'éditeur

« Venge-nous de la mine », avait écrit mon père. Ses derniers mots. Et je le lui ai promis, poings levés au ciel après sa disparition brutale. J’allais venger mon frère, mort en ouvrier. Venger mon père, parti en paysan. Venger ma mère, esseulée à jamais. J’allais punir les Houillères, et tous ces salauds qui n’avaient jamais payé pour leurs crimes.


Didier van Cauwelaert est un de mes auteurs favoris, après Jules il me semblait évident d'acquérir celui-ci

Le retour de Jules    -   Didier van Cauwelaert

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Albin Michel
Parution : 03 mai 2017
Pages : 176
EAN13 : 9782226398932
Prix : 16.50 €

Présentation de l'éditeur

« Guide d’aveugle au chômage depuis qu’Alice a recouvré la vue, Jules s’est reconverti en chien d’assistance pour épileptiques. Il a retrouvé sa fierté, sa raison de vivre. Il est même tombé amoureux de Victoire, une collègue de travail. Et voilà que, pour une raison aberrante, les pouvoirs publics le condamnent à mort. Alice et moi n’avons pas réussi à protéger notre couple ; il nous reste vingt-quatre heures pour sauver notre chien. »

Le suivant me tente depuis un moment et je ne vois passer que des avis positifs alors j'ai craqué.

La tresse     -   Laetitia Colombani

La tresse

Grasset
Parution : 10/05/2017
Pages : 224
EAN : 9782246813880
Prix : 18 €

Présentation de l'éditeur

Trois femmes, trois vies, trois continents. Une même soif de liberté.

Inde. Smita est une Intouchable. Elle rêve de voir sa fille échapper à sa condition misérable et entrer à l’école.

Sicile. Giulia travaille dans l’atelier de son père. Lorsqu’il est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée.

Canada. Sarah, avocate réputée, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est gravement malade.

Liées sans le savoir par ce qu’elles ont de plus intime et de plus singulier, Smita, Giulia et Sarah refusent le sort qui leur est destiné et décident de se battre. Vibrantes d’humanité, leurs histoires tissent une tresse d’espoir et de solidarité.

mercredi 16 août 2017

Encore vivant - Pierre Souchon

Encore vivant       -   Pierre Souchon


Rouergue
La Brune
août 2017
288 pages
19,80 €
ISBN
978-2-8126-1434-7


Présentation de l'éditeur


Alors qu’il vient de se marier avec une jeune femme de la grande bourgeoisie, l’auteur, bipolaire en grave crise maniaco-dépressive, est emmené en hôpital psychiatrique. Enfermé une nouvelle fois, il nous plonge au cœur de l’humanité de chacun, et son regard se porte avec la même acuité sur les internés, sur le monde paysan dont il est issu ou sur le milieu de la grande bourgeoisie auquel il se frotte. Il est rare de lire des pages aussi fortes sur la maladie psychiatrique, vue de l’intérieur de celui qui la vit. Ce récit autobiographique est le premier livre publié par Pierre Souchon, journaliste au Monde diplomatique et à L’Humanité.

Mon avis

C'est réfugié sur une statue de Jaurès que Pierre est emmené pour l'Hôpital Psychiatrique, un endroit qu'il connaît malheureusement trop bien car il y avait fait un séjour lorsqu'il avait 20 ans.

A l'époque, il avait été diagnostiqué bi-polaire.

Pierre n'a aucune envie d'être là, il ne comprend d'ailleurs pas pourquoi il s'y trouve entouré de paranos, d'alcooliques, de toutes ses vies délitées, de cette misère humaine ..

Tout allait pourtant bien pour lui, il avait remonté la pente, était devenu journaliste, s'était marié à Garance, une fille de la grande bourgeoisie, lui; le fils de la terre, le paysan d'Ardèche.

Tout allait bien, il était stable et le toubib l'avait progressivement libéré de son traitement.  On n'a rien vu venir et une grosse rechute, une phase maniaco-dépressive avant d'en arriver là.

Pierre est un révolté social, attaché à ses origines, une famille pauvre de paysans de Serre de Barre, se retrouvant dans sa belle-famille riche, il va péter un câble et tout rejeter.

Il a la rage en lui, il se livre à nous, se met à nu pour nous faire vivre l'intérieur de sa maladie, sa bipolarité.  Il nous décrit avec humour souvent, sur un ton vif son quotidien mais aussi sa rage d'être toujours comme l'épiphyte du parc, le chêne vert sur le séquoia : SEQUOIA SEMPERVIRENS :  encore vivant !

Il nous parle abondamment de la lutte des classes, de la guerre sociale qu'il a fait sienne.  Ce n'est pas pour rien qu'il s'est réfugié sur la statue de Jaurès..

Les entretiens avec son père sont très touchants, il nous parle de l'histoire des paysans en train de mourir, des châtaigniers, des sangliers , de la nature beaucoup, mais aussi de ses ancêtres soldats de guerre du vingtième.

Il nous fait comprendre l'ambivalence existante entre la prise de conscience et le besoin de traitement et sa reconstruction mais aussi le rejet de l'institution psychiatrique.  Il attire l'attention sur l'étiquette que l'on colle ou le regard que l'on porte en général sur les maladies psychiatriques que l'on stigmatise.

C'est fort, c'est prenant, un premier récit autobiographique qui secoue et que je vous recommande.

Ma note : 8.5/10

Les jolies phrases

C'était terrible, d'être passé du côté d'une drôle de barrière dont on n'avait même jamais songé qu'elle existait.  La barrière des fous.  Celle qui nous séparait des autres, les normaux, eux dont la vie était belle.

Ca veut dire que si tu es toi-même, si tu exprimes vraiment ce que tu as en toi, ce que tu sens, tes projets, tes énergies, ben ça peut changer le monde.  Je crois vraiment qu'il faut d'abord commencer par soi avant de penser à changer le reste.  Si on n'arrive pas à se changer soi-même, à être soi-même, on ne peut pas avoir des projets pour des autres.

Parce que toi, et vous tous, ici les déchirés, vous la tenez trop serrée entre vos mains brisées, vous la portez, l'humanité.

L'urgence, c'est de travailler mieux plutôt que de travailler plus.

...  -Acceptez votre maladie, et ce qu'elle implique.
- Mais, c'est justement là que ça ne va pas, madame Ducis.  Je me suis entièrement construit sur l'inverse, c'est-à-dire contre l'acceptation.  Quand on milite, c'est pour changer les choses. Donc ça suppose qu'on croie au changement, à la possibilité de la trsnformation, et qu'on ne fige rien en l'état.  Qu'est-ce qu'on fait avec l'ordre social ?  On l'accepte ?  Je le vomis, l'ordre social.  Donc je me bats pour le transformer.

L'amour de ton fils comme refuge, la seule chose que ton mari ne pouvait pas te voler.  Il avait tout pris.


challenge rentrée littéraire 2017

mardi 15 août 2017

L'adieu à la femme rouge - Vénus Khoury-Ghata

L'adieu à la femme rouge

Vénus Khoury-Ghata





















Mercure de France
176 pages
Collection Bleue
Parution : 04-05-2017
ISBN : 978-2-7152-4581-5
Prix : 16.80 €


Présentation de l'éditeur

Le photographe ne voyait que la mère qui lavait ses cheveux rouges puis les nattait sous l'œil de verre qui suivait ses bras nus levés haut pour fixer la masse de tresses au sommet du crâne. Clic clac malgré les regards désapprobateurs des voisins. Ne voyait qu'elle et ses cheveux mélangés à l'argile rouge. La boîte noire retombée sur la poitrine de l'homme, la mère n'aurait pas dû sourire mais rentrer chez elle, refermer sa porte, dérouler sa natte.

Après le passage d'un photographe occidental, la femme aux cheveux rouges disparaît brutalement de la palmeraie où elle vivait, laissant derrière elle ses deux enfants bouleversés. Le mari et les enfants suivront les traces de la mère de ville en ville, et la retrouveront des mois plus tard sur les murs de Séville, devenue top model célèbre grâce au photographe. Ascension rapide suivie d'une chute brutale : l'engouement de l'Occident pour l'étrangère est de courte durée ; les mannequins noirs ne sont plus à la mode, remplacés par les Slaves éthérées... Misère et maladie rattrapent la reine d'hier.
Avec son incroyable talent de romancière, Vénus Khoury-Ghata nous entraîne dans les rues et les faubourgs de Séville, et livre un roman tragique et drôle sur l'exil, la famille et la condition des migrants.


L'autrice

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photo Catherine Hélie / Editions Gallimard

Romancière et poète, Vénus Khoury-Ghata est l’auteur d’une œuvre importante, dont Le Moine, l’Ottoman et la Femme du Grand Argentier (Prix Baie des Anges 2003), La Maison aux orties et Quelle est la nuit parmi les nuits, Les Obscurucis. Au Mercure de France, elle a publié Sept Pierres pour la femme adultère et La fille qui marchait dans le désert. Elle a reçu le Grand prix de poésie de l'Académie française 2009 pour l'ensemble de son oeuvre poétique et le Goncourt de la poésie 2011.


Elle nous présente son roman :





Mon avis

Elle vient d'un pays d'Afrique.  Elle vit là-bas dans la palmeraie avec son mari et ses deux enfants; les jumeaux Zina et Zeit.  Elle travaille l'argile rouge avec ses mains et en enduit ses cheveux et son corps qui prennent la couleur rouge.

Un jour, un homme blanc aux cheveux jaunes vient photographier le désert.  Il la voit et envoûté prend des photos d'elle jusqu'à la nuit tombante.  Pour la première fois de sa vie, elle se sent exister, vivre.  

Elle partira, suivra l'homme aux cheveux jaunes en Europe pour vivre son destin.

Le mari et les enfants vont entreprendre le grand voyage pour la retrouver et la ramener au pays. Six mois de désert jusqu'à Tarifa, trois mois de plus pour arriver à Séville.

En arrivant, ils découvrent sa photo partout sur les murs de Séville.  

Avec l'aide de Baobab, un africain migrant, ils vont prendre contact avec le photographe pour retrouver sa trace et renouer le contact.

Choqué par sa nudité dévoilée, le père avec l'aide de Baobab, passeront leurs nuits à habiller le corps de sa bien aimée.

Mais les codes changent, la couleur de peau des mannequins aussi et du jour au lendemain, tout bascule.  Elle, adulée hier, posera pour des pubs de produits ménagers, elle ira même jusqu'à se mutiler pour rendre une plus grande authenticité de son image, au détriment de sa santé.

Père et enfants ont migré dans l'espoir de la ramener à la maison, mais arrivés sur place il faudra déchanter car au pays elle serait lapidée, répudiée.  Ils vont donc survivre avec d'autres migrants trouvant par-ci par-là de petits jobs pour être là où elle se trouve.

Zina, mendiante est attirée par la foi.  Zeit prendra lui peu à peu la place qu'occupait sa mère sur les murs de la ville en y faisant des graffitis....un autre destin l'attend.

Une femme jouera un rôle important auprès de la famille et des enfants : Amalia.

Il y a beaucoup de choses à dire dans et sur ce magnifique récit : un autre regard sur les migrants, la notion de racisme, la force de l'amour du mari ...  mais je ne veux pas vous gâcher le plaisir de la lecture.

Enormément de jolies phrases relevées car l'écriture de Vénus Khoury-Ghata est somptueuse.  Le phrasé est particulier, très sensuel, très poétique.  C'est un peu comme un conte oriental à l'écriture ciselée.  Une plume magnifique que je vous recommande très particulièrement.

Ma note :  un immense coup de ♥

Les jolies phrases

Elles sont nombreuses, présentes à toutes les pages, en voici quelques unes....

Rien de précis dans tout ce qu'il dit.  L'homme qui a atterri sur leur trottoir est de la race des escargots.  Il se retire dans sa coquille pour ne pas se livrer et ce n'est pas la bave laissée derrière lui qui va expliquer ses motivations.

Elle parle de lui au passé, à l'imparfait comme s'il était mort alors qu'il respire derrière la mince cloison qui les sépare.

A-t-on besoin d'écrire quand on sait parler ?  L'écriture n'est utile qu'aux muets.  Personne n'écrivait au ksar, tous parlaient mais avec d'autres mots.  Ceux qu'il entend sont plus longs, plus étroits, ont d'autres sons.  Zeit a beau les tordre dans un sens puis dans un autre, ils ne sont pas faits pour sa bouche.

Son explication est simple : ces gens veulent nous rabaisser.  La race blanche se venge.  Revanche des incolores sur les colorés.

Elle s'interdit tout sentiment, toute émotion, ne demande rien à personne, ne cherche pas à revoir ses jumeaux qu'elle sait dans la même ville.  Elle a échoué à faire d'eux de vrais enfants et ils ont échoué à faire d'elle une vraie mère.  Culpabilité partagée.  Ils sont quittes.  Inéluctable la séparation.

Désirée hier, rejetée aujourd'hui.  Elle voulait avoir un destin, devenir un personnage.  Le sort en a décidé autrement.  La mode aussi.  Les africaines remplacées par les lituanniennes, les slovènes éthérées, les sombres passées de mode.

L'art ignore les races et les appartenances.  Même planète pour tous, les frontières, les barbelés, une invention d'hommes à l'étroit dans leur imagination.

Il a besoin d'avoir peur pour créer, la quiétude ne vaut rien pour l'artiste.


dimanche 13 août 2017

Les thermes du Paradis - Akli Tadjer

Les thermes du Paradis

Akli Tadjer







JC LATTES
EAN : 9782709638166
Parution : 26/02/2014
314 pages
18.00 €

Présentation de l'éditeur

Adèle Reverdy est une jeune femme pleine de complexes et, pour comble de malheur, les hommes la fuient dès qu’elle avoue son métier de croque-morts.

Mais sa vie va changer le jour de ses trente ans. Parmi les invités venus à la fête organisée par sa sœur, il y a Léo, ancien trapéziste devenu aveugle à la suite d’un accident puis masseur aux Thermes du Paradis. Un soleil noir dans la vie d’Adèle qui, aidée de sa meilleure amie Leila, talentueuse thanatopractrice, va tout faire pour conquérir le cœur de Léo.

Un roman plein d’humour et de tendresse où l’on découvre que l’on ne voit bien qu’avec le cœur et que l’essentiel est invisible pour les yeux.

Mon avis

Adèle Breguet est croque-mort, un drôle de métier me direz-vous pour une femme de 30 ans.  Drôle de métier, oui mais elle l'assume et l'aime.

Adèle va fêter son anniversaire et sa soeur Rose désespère de la voir heureuse, de la voir vivre une vie amoureuse normale car oui, Adèle est célibataire.  Vous pensez bien que ce n'est pas simple pour elle d'annoncer sa profession, chaque prétendant fuit lorsqu'il l'apprend...

Claire partage son appartement avec Leila qui exerce elle un autre métier pas facile, elle est thanatopractrice.  Thanato quoi ?  Elle est esthéticienne dit-elle quand on lui demande sa profession , oui mais une esthéticienne un peu particulière, elle rend un visage humain à ceux qui sont morts.
Beaucoup plus sûre d'elle, elle a des aventures amoureuses et souhaiterait que sa copine en vive aussi.

Le problème de Claire, c'est son manque de confiance en elle et sa multitude de complexes.

Le soir de son anniversaire, elle va enfin connaître le coup de foudre, il se nomme Léo, il est masseur aux thermes du Paradis.  C'est un beau black, magnifique, il était trapéziste et a malheureusement perdu la vue suite à un accident.  Adèle est sous le charme, oublie ses complexes et est prête à tout pour conquérir le coeur de Léo.

C'est une histoire d'amour que nous propose Akli Tadjer qui avec beaucoup d'humour, de sensibilité mais aussi de dérision nous présente des personnages attachants.  Le style est fluide, c'est rempli de vie (ben oui, il n'y a pas que des morts même si le sujet est omniprésent).  Avec beaucoup de tendresse, de délicatesse, il nous fait découvrir les failles des protagonistes.  Une Adèle emplie de générosité, de bienveillance.

J'ai vraiment passé un super moment de détente pour un roman d'apparence léger mais en réalité pas tant que cela. En filigrane de vraies questions sur le regard des autres, sur ce qui pourrait changer une vie.


Ma note : 9/10



Les jolies phrases

Hélas, ma soeur a cent fois raison : une vie amoureuse sans feu ni affection suffirait à me donner l'illusion de ne plus être un corps mort.

Devenir aveugle, c'est ne plus pouvoir se regarder dans la glace, ne plus savoir si on est beau ou laid, c'est être dans le vide absolu puisque plus rien n'arrête votre regard. Devenir aveugle, c'est être dans le vide absolu puisque plus rien n'arrête votre regard.  Devenir aveugle, c'est ne plus pouvoir déceler dans les yeux de sa mère une émotion, un sourire, une tristesse, une larme.  Devenir aveugle, c'est perdre un à un tous ses amis mais c'est surtout perdre celle qu'il avait aimée et, au final, c'est vivre dans la plus haute des solitudes.


J'ai aussi aimé :

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