jeudi 4 mai 2017

Article 353 du Code Pénal - Tanguy Viel

Article 353 du code pénal

Tanguy VIEL





Editions de Minuit
2017
176 pages
ISBN : 9782707343079
14.50 €

Présentation de l'éditeur


Pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur vient d'être arrêté par la police. Au juge devant lequel il a été déféré, il retrace le cours des événements qui l'ont mené là : son divorce, la garde de son fils Erwan, son licenciement et puis surtout, les miroitants projets de Lazenec.
Il faut dire que la tentation est grande d'investir toute sa prime de licenciement dans un bel appartement avec vue sur la mer. Encore faut-il qu'il soit construit.

L'auteur nous en parle



Mon avis


Coup de coeur en puissance. Ce livre est génial.


Martial Kermeur vient d'être arrêté par la police pour avoir jeté à la mer un promoteur immobilier, Antoine Lanzac. Le juge écoute attentivement son parcours.

Comment Kermeur en est-il arrivé là ?


C'est à la première personne qu'il racontera sa vie au juge.


Tout commence environ sept années plus tôt. Nous sommes dans une presqu'île de la région de Brest. Kermeur est conseiller communal socialiste et il vient de se faire licencier de l'arsenal en empochant une prime équivalente à un achat immobilier ou à un bateau. Sa femme France l'a quitté et il vit avec son fils Erwan âgé de dix ans à l'époque. Le maire lui proposera de le loger dans une petite maison vide attenante au parc du "Château" appartenant à la commune. En contrepartie, il entretiendra la propriété.


Arrive Lanzenac avec un projet immobilier; une station balnéaire. Le projet sera voté, le "château" sera détruit pour permettre le développement économique de la région. Lanzenac joue le grand prince, toute la région y croit.


Socialiste d'origine et de conviction, il est impensable pour Kermeur à l'époque d'investir sa prime dans de l'immobilier, il succombera pourtant à un appartement trois chambres avec vue sur mer. Cependant l'appartement tarde à sortir de terre.


Un roman magnifiquement construit qui décortique les tréfonds de l'humain. Manipulation, à la recherche de la faille de l'humain. Une plume dynamique, agréable. La tension monte progressivement au fil du récit. Il y décrit la noirceur de l'être et ce jusqu'à l'impensable.


Au plus profond de l'âme humaine.


Je l'ai lu d'une traite, retenant mon souffle à l'approche du dénouement final. Excellent roman. Un très grand livre couronné par le Grand Prix Lire de RTL.


Un gros coup de ♥


Les jolies phrases

On aurait dit qu'on le regardait en souriant piétiner nos plates-bandes, ces mêmes plates-bandes où nous tous on avait cultivé nos vies sans même connaître son existence, et où c'est sûr qu'on n'avait pas besoin d'engrais pour que ça pousse plus vite.

Et maintenant je dis : si on pouvait seulement entrevoir le démon dans le coeur des gens, si on pouvait seulement voir ça au lieu d'une peau bien lisse et souriante, cela se saurait n'est-ce pas ?

Peut-être que c'est Le Goff qui avait raison, que j'étais trop isolé ces derniers temps, alors le premier qui s'approche et rompt la solitude, on s'en fiche de savoir qui c'est, pourvu que tout s'engouffre et s'encastre en vous comme une pièce de puzzle que vous auriez découpée exprès pour qu'elle épouse les contours de votre âme.  Voilà.  C'est peut-être ça, la principale chose que j'ai apprise ces dix dernières années : qu'on finit toujours par aimer qui nous aime.

Ce soir j'ai eu le sentiment que tout s'enveloppait d'un seul mouvement, comme un tissu très serré dont on ne verrait plus les mailles, à cause de la façon dont ses paroles ont fini par sédimenter comme des alluvions au fond d'un fleuve.

J'ai refait cent fois le chemin dans ma tête, je vous jure que j'ai cherché quand les choses avaient basculé entre lui et moi et tout ce que j'ai trouvé six ans plus tard, là, devant vous, j'ai dit au juge, tout ce que j'ai trouvé, c'est d'ajouter "pour ainsi dire".  Parce que c'est un problème insoluble, de savoir quand quelqu'un comme lui s'approche de vous, de savoir à quel instant la piqûre a eu lieu.

C'est comme si le capitaine qui était censé habiter avec moi dans mon cerveau, c'est comme s'il avait déserté le navire avant même le début du naufrage.  Et peut-être d'un lointain rocher, les yeux hagards, le capitaine qui a habité mon corps pendant plus de cinquante ans sans jamais trébucher, d'un coup il s'est éclipsé et alors, depuis la rive, il a regardé le bâtiment sombrer.

C'est vrai, il a bien fallu que tout tombe en même temps, vu que dans la vie si on regarde bien, tout converge en quelques points et puis le reste du temps rien, ou plutôt si, le reste du temps on paye les pots cassés.

Je sais que tu n'achèteras rien, je sais que tu n'as jamais su prendre une décision, mais n'oublie seulement pas qu'un jour il y en a une qui saura en prendre pour toi, de décisions, et celle-là, elle ne te demandera pas ton avis.


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