lundi 15 juillet 2019

Donne-moi des fils ou je meurs - Maud Jan-Ailleret

Donne-moi des fils ou je meurs

Maud Jan-Ailleret

Donne-moi des fils ou je meurs

Grasset
Parution : 02/05/19
Pages : 208
EAN : 9782246821274
Prix : 18 €

Présentation de l'éditeur

Laure et Antoine s’aiment depuis la fac et suivent ensemble l’itinéraire tracé des couples heureux et bien lotis. Il est journaliste, elle travaille dans un cabinet de conseil, ils viennent d’acheter un appartement à Paris. Il a perdu son père jeune, comme elle sa mère, mais ils sont entourés par une famille nombreuse qui se réunit chaque été à Saint-Lunaire, dans la propriété de Laure, pour s’aimer, rire et se détendre. Tout bascule quand l’étape suivante de ce parcours leur est soudain barrée : avoir un enfant. Leur premier bébé meurt à trois mois in utero, le deuxième, quelques mois mois plus tard, au même âge, in utero encore, et sans explication. La toile commence à se déchirer : Laure s’enferme dans le silence, la culpabilité, l’incompréhension ; Antoine dans le travail. L’été à Saint-Lunaire, personne ne parle ; dans la maison du bonheur, les drames ne sont pas invités. Pourtant le couple tient, s’accroche pour avancer. Mais au troisième décès, à plus de quatre mois de grossesse, les analyses désignent une coupable : Laure. Elle apprend qu’elle est porteuse d’une maladie génétique et qu’elle n’a que peu de chances d’avoir un enfant en bonne santé. Le rideau tombe et Laure se retrouve seule face à elle-même, incapable de faire le deuil de son désir d’être mère. Alors commence un parcours du combattant bien loin de l’horizon de bonheur espéré.


Inspirée de sa propre vie, Maud Jan-Ailleret déroule ici l’histoire d’une femme face à son corps et à son impuissance. Sans fard, elle raconte à travers le destin de sa narratrice une expérience que tant de femmes aujourd’hui endurent souvent sans en parler : les examens cliniques répétés, les curetages, bilans sanguins et autres analyses, la honte sociale face aux autres, celles ayant réussi à devenir mères, les familles heureuses qu’on envie, le malaise des proches autour, le couple qui s’étiole et la mort qui revient. Elle dit l’isolement et l’obsession folle, mais aussi le courage et la foi qu’elle ira puiser en elle et dans son couple pour se relever. Car malgré la douleur, c’est un texte aussi puissant que lumineux que l’auteur signe ici ; la formidable histoire d’amour d’un couple que le sort frappe sans abattre, le portrait d’une mère empêchée mais non moins femme, qui fera triompher la vie.

Mon avis

C'est un premier roman inspiré de sa propre histoire que nous propose Maud Jan-Ailleret.  Un roman émouvant, puissant et lumineux qui aborde un sujet tabou : le désir de devenir parents, et surtout la difficulté à pouvoir procréer.

Laure et Antoine sont amoureux, cela ne date pas d'aujourd'hui, cela fait dix-sept ans d'amour.  Orphelins tous les deux, Laure sait depuis toujours qu'elle veut devenir mère à son tour.

La vie est belle, tout se passe pour le mieux au niveau professionnel, ils viennent d'emménager dans un nouvel appartement, il ne manque qu'une chose pour que leur bonheur soit complet, l'enfant tant attendu pour fonder une famille.

Le parcours du combattant commence, il sera semé de multiples embûches..

Fausse-couche, donner la mort au lieu de donner la vie, examens médicaux pour comprendre; le sort s'acharne, maladies génétiques, handicap, faire son deuil, penser à l'adoption,  ce sont les sujets abordés dans ce roman.

Ce roman nous parle des difficultés mais surtout nous fait comprendre la douleur, la solitude, les émotions ressenties par chacun dans le couple.

Déception, colère, questionnement, mais pourquoi le sort s'acharne-t-il autant?  Le sentiment d'injustice, la solitude, l'incompréhension et les maladresses involontaires des proches qui en essayant de les réconforter blessent souvent sans s'en rendre compte.

Maud Jan-Ailleret nous fait vraiment entrer dans la tête de Laure et nous transmet beaucoup d'empathie,à la lecture j'ai vraiment fort ressenti les émotions.

Autre thématique difficile; comment faire le deuil d'un mort que l'on ne peut pas enterrer lors d'une primo fausse-couche ?

L'espoir est présent et est un fil conducteur.

 "Ce projet d'enfant, c'est mon espoir.  Sans espoir je vois bien que je m'éteins, je m'éteins."

"Le plus important c'est de ne pas renoncer à être heureux"  , c'est ce que nous dit l'auteure. J'ai aimé ce passage qui reste l'essentiel, se plonger dans ses passions pour avancer, pour se réaliser.

Passé le stade de la révolte, l'acceptation, faire le deuil et envisager l'adoption, un autre parcours difficile.

Une lecture difficile, j'avoue avoir laissé couler les larmes à plusieurs reprises  mais jamais l'auteure ne tombe dans le pathos. Au contraire, c'est lumineux, porteur d'espoir.

L'écriture est magnifique, la plume est fluide, légère, maîtrisée avec beaucoup de justesse et de pudeur.

Magnifique !

Un coup de ♥


Les jolies phrases

C'est toujours la même chose, on se réveille à 35 ans pour faire un enfant et on s'imagine que ça va marcher dans la minute. Mais on n'est pas sur Amazon avec livraison garantie dans neuf mois, Madame.

Ménager nos parents qui nous ont autrefois ménagé.

A cet instant précis, nos regards parlent mieux que nos bouches qui préfèrent rester closes plutôt que de risquer d'être maladroites.

La vie est douce lorsqu'un nouveau monde est à portée de mains.

Ce que nous avons traversé l'un sans l'autre nous a bouleversés et pourra nous réunir comme nous éloigner.

Comment fait-on le deuil d'un mort qu'on ne peut pas enterrer ?

Ce projet d'enfant, c'est mon espoir.  Sans espoir, je vois bien que je m'éteins, que je ne suis plus la même.  Je n'aime pas cette fille sans espoir.

J'ai l'impression qu'avec mes grossesses écourtées, on m'a arraché des mains un cadeau qu'on venait de me faire, qu'on a bafoué mes droits.

Soit on coule, soit on se bat, mais on ne peut pas se laisser glisser comme ça.  Pas nous, c'est complètement absurde, on s'aime tant.

Ensemble on va mettre des couleurs dans tout ce gris.  Vivons, créons, faisons-nous du bien.

Dire qu'on n'arrive pas à faire des enfants relève pour elles d'un aveu de faiblesse qui se doit d'être tu.  L'exposer au public est impensable.  Terriblement tabou.

La gaieté, crois-moi, c'est le secret des courageux.

Quelqu'un de solide, qui contrôle et qui réussit tout, ça n'existe pas.  Le vrai courage, c'est d'accepter.  Faut accepter maintenant, Laure ! Ça fait mal, je sais.  Souvent c'est au prix d'une fêlure ou d'une blessure qu'on avance.

Dans l'abandon de nos peines, nos corps se libèrent.

La tristesse devrait rester tue pour contrer le mauvais sort.

Bah quoi, Daddy, Maman dit que Laure veut un bébé mais que les bébés ne tiennent pas dans son ventre.  Elle dit que c'est comme les fleurs qu'on fait pousser, il y en a qui deviennent très belles et d'autres qui ne poussent jamais.

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