mercredi 19 mars 2025

La petite bonne - Bérénice Pichat ♥♥♥♥♥

 La petite bonne -  Bérénice Pichat  ♥♥♥♥♥




















Les Avrils
Parution : 28/08/24
Pages : 270
Isbn : 9782383110293
Prix : 21.10 €

Présentation de l'éditeur



Domestique au service des bourgeois, elle est travailleuse, courageuse, dévouée. Mais ce week-end-là, elle redoute de se rendre chez les Daniel. Exceptionnellement, Madame a accepté d’aller prendre l’air à la campagne. Alors la petite bonne devra rester seule avec Monsieur, un ancien pianiste accablé d’amertume, gueule cassée de la bataille de la Somme. Il faudra cohabiter, le laver, le nourrir. Mais Monsieur a un autre projet en tête. Un plan irrévocable, sidérant. Et si elle acceptait ? Et si elle le défiait ? Et s’ils se surprenaient ?


Bérénice Pichat




Bérénice Pichat est professeure des écoles au Havre. Passionnée d’histoire, elle raconte dans La Petite Bonne les répercussions intimes de la Grande Guerre dans la France des années 1930. Grâce à une alchimie parfaite entre prose et vers libres, elle tisse un huis clos bouleversant entre deux êtres que tout oppose hormis le poids du destin, et où la tension happe dans un crescendo envoûtant.




@ Chloé Vollmer-Lo



Mon avis

J'avais loupé cette petite merveille à la rentrée littéraire, que je suis heureuse de l'avoir découverte. 
C'est une véritable petite pépite, tant par sa forme originale que par son fond.

La petite bonne est sans nom, courageuse, corvéable à merci. Elle part chaque jour chargée de son lourd fardeau, brosses, balais, savons, serpillières, vinaigre, chiffons, de grand matin dans les demeures bourgeoises, de maîtres en maîtres, pour laver, récurer.  C'est son quotidien, exécuter pour les autres et lorsqu'elle rentre chez elle, elle subit la violence de son mari. 

Chez les Daniel il y a Blaise, un pianiste revenu des tranchées, de "presque cadavre" il est devenu le "chef-d'œuvre"  d'un chirurgien zélé.  Il a la gueule arrachée, des pinces au lieu des mains, les jambes coupées à la mi-hauteur.  Cela fait 20 ans qu'il vit au quotidien la solitude, le renoncement, l'humiliation permanente.   Sa femme Alexandrine, épouse fidèle, courageuse va pour la première fois accepter de sortir, de partir en week-end chez une amie suite à l'insistance de son mari. 

Elle va confier son mari à la petite bonne durant trois jours, c'est un huis clos qui nous est raconté de manière particulière mélangeant les vers libres (de petites phrases simples, sans ponctuation) et la prose plus descriptive avec des mots bien choisis.

L'ensemble fait merveille, apportant un rythme, une tension de plus en plus grande dans la narration.  Il y a de la poésie, la beauté de la langue traduisant les sentiments les plus profonds de la petite bonne, mettant en avant ses ressentis, son humanité.

Le récit est sublime. Bérénice Pichat à travers ses personnages traduit la lutte des classes, nous dépeint deux mondes tellement différents, une employée de maison et une gueule cassée et pourtant on se rendra compte à quel point ces deux-là ont des choses en commun. Ils vont s'apprivoiser, se mettre à nu, montrer leurs blessures car la petite bonne aussi mène une guerre pour survivre.

C'est vraiment magnifique, inattendu.  Un immense coup de cœur que je vous conseille vivement.






Les jolies phrases

Il avait tout perdu. Son autonomie, son corps et sa capacité à faire rêver en jouant du piano.  De son ancien lui, il ne restait plus qu'elle.  Elle pour le raccrocher au réel. 

Des choses dégoûtantes pour les autres
elle en voit trop
depuis toujours
C'est justement son métier
de rendre les choses présentables
ces choses répugnantes pour les autres
de les arranger
de les frotter
de les rendre brillantes
belles à nouveau

Depuis que l'obus l'a détruit, puis que leur couple a volé en éclats, Blaise a tout à fait cessé d'être un homme.  Jusqu'à l'arrivée de cette petite bonne qui le fait pleurer à nouveau. 

Elle le sèche 
du mieux qu’elle peut
partout 
dans les plis
sans pudeur
Elle n’existe pas longtemps
la pudeur 
quand on ne peut pas se laver 
ni s’essuyer tout seul
C’est un mot lointain 
un mot étranger 
qu’on n’utilise plus 
Il a eu du sens autrefois
On s’en rappelle avec un pincement
puis on l’oublie aussitôt
La pudeur a disparu
superflue

1 commentaire:

eimelle a dit…

pas repéré non plus, merci de le mettre en avant, il a l'air très bien fait!