Le bel obscur - Caroline Lamarche
Cadre Rouge
Parution : 22 août 25
Pages : 240
Isbn : 9782021603439
Prix : 20 €
Présentation de l'éditeur
Alors qu’elle tente d’élucider le destin d’un ancêtre banni par sa famille, une femme reprend l’histoire de sa propre vie. Des années auparavant, son mari, son premier et grand amour, lui a révélé être homosexuel. Du bouleversement que ce fut dans leur existence comme des péripéties de leur émancipation respective, rien n’est tu. Ce roman lumineux nous offre une leçon de courage, de tolérance, de curiosité aussi. Car jamais cette femme libre n’aura cessé de se réinventer, d’affirmer la puissance de ses rêves contre les conventions sociales, avec une fantaisie et une délicatesse infinies.
Caroline Lamarche vit à Liège. Son œuvre témoigne d’un éclectisme et d’une hardiesse renouvelés de livre en livre. Elle a notamment obtenu le prix Rossel avec Le Jour du Chien (Les Éditions de Minuit) et le Goncourt de la nouvelle pour Nous sommes à la lisière (Gallimard). Elle signe avec Le Bel Obscur son retour au roman.
Caroline Lamarche

Photo Francis Leboutte
Poète, nouvelliste, romancière, autrice de textes pour la scène, de pièces radiophoniques et d’écrits sur l’art, Caroline Lamarche a obtenu le prix Rossel pour son premier roman Le jour du chien (Minuit, 1996), le prix Europe de l’ADELF pour Dans la maison un grand cerf (Gallimard 2017) et le Goncourt de la Nouvelle pour Nous sommes à la lisière (Gallimard, 2019). Derniers livres parus : Tetti, la sauterelle de Vincent, dessin Pascal Lemaître (L’Ecole des Loisirs, 2021), L’Asturienne (récit, les Impressions nouvelles, 2021).

Photo Francis Leboutte
Poète, nouvelliste, romancière, autrice de textes pour la scène, de pièces radiophoniques et d’écrits sur l’art, Caroline Lamarche a obtenu le prix Rossel pour son premier roman Le jour du chien (Minuit, 1996), le prix Europe de l’ADELF pour Dans la maison un grand cerf (Gallimard 2017) et le Goncourt de la Nouvelle pour Nous sommes à la lisière (Gallimard, 2019). Derniers livres parus : Tetti, la sauterelle de Vincent, dessin Pascal Lemaître (L’Ecole des Loisirs, 2021), L’Asturienne (récit, les Impressions nouvelles, 2021).
On me demande souvent si mes histoires sont “ purement imaginaires ”. Plutôt que de m’empêtrer dans ces justifications bizarres que le public ne réclame qu’aux auteurs féminins, j’affirme qu’elles sont un “ résultat ”, à savoir : Tout ce qui arrive, commence à exister à la suite et comme effet de quelque chose, avec un caractère durable. (Le Petit Robert).
Je ne me prononcerai pas sur le caractère durable de mes créations. Mais qu’il y ait, dans le moindre de mes actes, une tyrannie du résultat, et que ce résultat soit l’écriture, c’est un fait évident.
En attendant, place à la tyrannie d’Internet et bienvenue sur ce site, qui commencera à exister avec vous, à la suite et comme effet de quelque chose.
C L
Mon avis
C'est dans un vieux coffre qu'elle découvre un ancêtre oublié. Edmond est effacé dans l'arbre généalogique de la famille de sa mère. Tout ce que l'on sait c'est qu'il était ingénieur des mines comme beaucoup dans la lignée, qu'il est né en 1834 à Liège, mort le 15/06/1865 à Orléans. Une distinction de la ville de Liège lui avait été remise le 7/8/1863 pour avoir sauvé deux personnes de la noyade le 21 mars 1862.
Deux photos dont l'une où il est 'travesti', fardé.
Caroline Lamarche est interpellée par ce "fantôme" familial, perdu dans les ombres du souvenir, les secrets de famille. Un parallèle à sa propre histoire et son mari Vincent lui vient à l'esprit, lui aussi en bord de Meuse avait sauvé deux personnes de la noyade malheureusement sans vie, elles. Cet élément troublant l'a fait se pencher sur son histoire, en archiviste dans ses cahiers Clairefontaine.
Elle pense à la révélation de l'homosexualité de son mari, l'amour de sa vie, à son éducation, une phrase de sa mère qui lui avait dit 'Toi, ça n'a pas d'importance, ce qui compte c'est que les autres soient heureux". Une chose est certaine, elle est restée s'accrochant peut-être à un rêve, celui d'une maison qui vole et dont tout résiste - comme leur couple.
Elle a vécu avec Brian, Markus, Jerôme, Joâo, Nikolaï, les amants de son mari. Elle a cherché à comprendre à l'époque la place, la vie d'une femme d'homosexuel, cherchant des réponses en littérature; Virginia Woolf dans "Orlando", Oscar Wilde "De Profondis". Elle a fait des recherches sur l'homosexualité, les réseaux LGBT .
En croisant son histoire et l'histoire d'Edmond, elle se réfugie dans l'écriture par des détours, des chemins de traverses. C'est le récit d'une femme libre, indépendante qui a su se réinventer, s'affirmer.
Le texte est somptueux, une écriture d'orfèvre où chaque mot est pesé, mesuré, pensé. Une plume marquante, touchante, percutante nous racontant ses tourments et contradictions, pour trouver une manière d'habiter ce monde.
Un livre incontournable de cette rentrée.
Ma note : 9.5/10
Les jolies phrases
Quand les vivants se dérobent, il arrive que les morts viennent à votre secours.
Toi, ça n'a pas d'importance, ce qui compte c'est que "les autres" soient heureux.
Avant de tenter de le déchiffrer, je me suis dit que toute existence ressemblait à un brouillon. Année après année nous transformons à tâtons le minerai de notre propre destin sans jamais parvenir à l'or rêvé. La voilà, notre vie, notre seule vie. Raison pour laquelle nous en raturons parfois des pans entiers avec violence. Néanmoins, ils restent là, ces vestiges de nos essais et erreurs, illisibles mais bien présents.
Pourquoi ne pas agir comme si j'étais moi aussi aux portes de la mort puisque tout l'est, bêtes, plantes, insectes, glaciers ?
De nombreux fantômes circulent entre des archives lacunaires. Si j'en choisis un plutôt qu'un autre - ici la remarque amusée de ma mère - c'est comme on passe et repasse devant un puzzle, plaçant une pièce, puis une autre, découvrant peu à peu le motif. Ma mère, si expéditive pourtant, adorait les soirées consacrées à cette passion lente. L'image entamée pouvait rester durant des semaines inachevée sur la table du salon. Chaque personne de passage rajoutait une pièce ou se contentait d'observer quel coin de ciel ou de frondaison s'était comblé, quel animal avait trouvé sa patte ou sa tête, quelle maison son toit ou sa porte. Ma récolte d'éléments offre autant d'entrées qu'un puzzle de mille pièces. La main du lundi n'est pas la main du jeudi, ni celle du matin aussi leste que celle du soir, mais toutes finissent par relier entre elles les couleurs et les formes. Sur ma table, je déplace ces fragments ancestraux que j'ai sortis de leur relégation comme on va chercher, un jour de pluie, la boîte contenant l'image aux pièces mélangées. Il suffit que je les rapproche pour que se révèlent des motifs qui se trouvaient déjà là.
Ma mère, championne de l'éducation genrée, m'avait instruite en ces termes : 'Qu'un homme trompe sa femme, c'est normal, qu'une femme le fasse, c'est dégoûtant.' Ma grand-mère plus modérée, avait lâché un jour : 'Dommage qu'on ne puisse épouser une femme, ce serait quand même plus simple'.
On peut se tromper jusqu'à quarante ans, après on n'a plus le temps, il faut prendre la bonne décision.
J'ai décidé que ma vie irait désormais comme on respire, comme on nage, comme on chante si on est une fourmi.
Raconter est la plus intime manière d'être intime. Le récit remplace le lit.