vendredi 12 septembre 2025

Le bel obscur - Caroline Lamarche

 Le bel obscur  -  Caroline Lamarche




















Seuil
Cadre Rouge
Parution : 22 août 25
Pages : 240
Prix : 20 €

Présentation de l'éditeur


Alors qu’elle tente d’élucider le destin d’un ancêtre banni par sa famille, une femme reprend l’histoire de sa propre vie. Des années auparavant, son mari, son premier et grand amour, lui a révélé être homosexuel. Du bouleversement que ce fut dans leur existence comme des péripéties de leur émancipation respective, rien n’est tu. Ce roman lumineux nous offre une leçon de courage, de tolérance, de curiosité aussi. Car jamais cette femme libre n’aura cessé de se réinventer, d’affirmer la puissance de ses rêves contre les conventions sociales, avec une fantaisie et une délicatesse infinies.

Caroline Lamarche vit à Liège. Son œuvre témoigne d’un éclectisme et d’une hardiesse renouvelés de livre en livre. Elle a notamment obtenu le prix Rossel avec Le Jour du Chien (Les Éditions de Minuit) et le Goncourt de la nouvelle pour Nous sommes à la lisière (Gallimard). Elle signe avec Le Bel Obscur son retour au roman.







Caroline Lamarche




 Photo Francis Leboutte


Poète, nouvelliste, romancière, autrice de textes pour la scène, de pièces radiophoniques et d’écrits sur l’art, Caroline Lamarche a obtenu le prix Rossel pour son premier roman Le jour du chien (Minuit, 1996), le prix Europe de l’ADELF pour Dans la maison un grand cerf (Gallimard 2017) et le Goncourt de la Nouvelle pour Nous sommes à la lisière (Gallimard, 2019). Derniers livres parus : Tetti, la sauterelle de Vincent, dessin Pascal Lemaître (L’Ecole des Loisirs, 2021), L’Asturienne (récit, les Impressions nouvelles, 2021).



On me demande souvent si mes histoires sont “ purement imaginaires ”. Plutôt que de m’empêtrer dans ces justifications bizarres que le public ne réclame qu’aux auteurs féminins, j’affirme qu’elles sont un “ résultat ”, à savoir : Tout ce qui arrive, commence à exister à la suite et comme effet de quelque chose, avec un caractère durable. (Le Petit Robert).


Je ne me prononcerai pas sur le caractère durable de mes créations. Mais qu’il y ait, dans le moindre de mes actes, une tyrannie du résultat, et que ce résultat soit l’écriture, c’est un fait évident.

En attendant, place à la tyrannie d’Internet et bienvenue sur ce site, qui commencera à exister avec vous, à la suite et comme effet de quelque chose.

C L

Mon avis

C'est dans un vieux coffre qu'elle découvre un ancêtre oublié.  Edmond est effacé dans l'arbre généalogique de la famille de sa mère.  Tout ce que l'on sait c'est qu'il était ingénieur des mines comme beaucoup dans la lignée, qu'il est né en 1834 à Liège, mort le 15/06/1865 à Orléans.  Une distinction de la ville de Liège lui avait été remise le 7/8/1863 pour avoir sauvé deux personnes de la noyade le 21 mars 1862.

Deux photos dont l'une où il est 'travesti', fardé. 

Caroline Lamarche est interpellée par ce "fantôme" familial, perdu dans les ombres du souvenir, les secrets de famille.  Un parallèle à sa propre histoire et son mari Vincent lui vient à l'esprit, lui aussi en bord de Meuse avait sauvé deux personnes de la noyade malheureusement sans vie, elles.  Cet élément troublant l'a fait se pencher sur son histoire, en archiviste dans ses cahiers Clairefontaine.

Elle pense à la révélation de l'homosexualité de son mari, l'amour de sa vie, à son éducation, une phrase de sa mère qui lui avait dit  'Toi, ça n'a pas d'importance, ce qui compte c'est que les autres soient heureux". Une chose est certaine, elle est restée s'accrochant peut-être à un rêve, celui d'une maison qui vole et dont tout résiste - comme leur couple.  

Elle a vécu avec Brian, Markus, Jerôme, Joâo, Nikolaï, les amants de son mari.   Elle a cherché à comprendre à l'époque la place, la vie d'une femme d'homosexuel, cherchant des réponses en littérature; Virginia Woolf dans "Orlando", Oscar Wilde "De Profondis". Elle a fait des recherches sur l'homosexualité, les réseaux LGBT . 

En croisant son histoire et l'histoire d'Edmond, elle se réfugie dans l'écriture par des détours, des chemins de traverses.  C'est le récit d'une femme libre, indépendante qui a su se réinventer, s'affirmer.

Le texte est somptueux, une écriture d'orfèvre où chaque mot est pesé, mesuré, pensé.  Une plume marquante, touchante, percutante nous racontant ses tourments et contradictions, pour trouver une manière d'habiter ce monde.


Un livre incontournable de cette rentrée.

Ma note : 9.5/10

Les jolies phrases

Je suis persuadée que sans le trois, le deux s'effondre.

Quand les vivants se dérobent, il arrive que les morts viennent à votre secours.

Toi, ça n'a pas d'importance, ce qui compte c'est que "les autres" soient heureux.

Avant de tenter de le déchiffrer, je me suis dit que toute existence ressemblait à un brouillon.  Année après année nous transformons à tâtons le minerai de notre propre destin sans jamais parvenir à l'or rêvé. La voilà, notre vie, notre seule vie.  Raison pour laquelle nous en raturons parfois des pans entiers avec violence.  Néanmoins, ils restent là, ces vestiges de nos essais et erreurs, illisibles mais bien présents. 

Pourquoi ne pas agir comme si j'étais moi aussi aux portes de la mort puisque tout l'est, bêtes, plantes, insectes, glaciers ? 

De nombreux fantômes circulent entre des archives lacunaires.  Si j'en choisis un plutôt qu'un autre - ici la remarque amusée de ma mère - c'est comme on passe et repasse devant un puzzle, plaçant une pièce, puis une autre, découvrant peu à peu le motif.  Ma mère, si expéditive pourtant, adorait les soirées consacrées à cette passion lente.  L'image entamée pouvait rester durant des semaines inachevée sur la table du salon.  Chaque personne de passage rajoutait une pièce ou se contentait d'observer quel coin de ciel ou de frondaison s'était comblé, quel animal avait trouvé sa patte ou sa tête, quelle maison son toit ou sa porte.  Ma récolte d'éléments offre autant d'entrées qu'un puzzle de mille pièces.  La main du lundi n'est pas la main du jeudi, ni celle du matin aussi leste que celle du soir, mais toutes finissent par relier entre elles les couleurs et les formes.  Sur ma table, je déplace ces fragments ancestraux que j'ai sortis de leur relégation comme on va chercher, un jour de pluie, la boîte contenant l'image aux pièces mélangées.  Il suffit que je les rapproche pour que se révèlent des motifs qui se trouvaient déjà là. 

Ma mère, championne de l'éducation genrée, m'avait instruite en ces termes :  'Qu'un homme trompe sa femme, c'est normal, qu'une femme le fasse, c'est dégoûtant.' Ma grand-mère plus modérée, avait lâché un jour : 'Dommage qu'on ne puisse épouser une femme, ce serait quand même plus simple'. 

On peut se tromper jusqu'à quarante ans, après on n'a plus le temps, il faut prendre la bonne décision. 

J'ai décidé que ma vie irait désormais comme on respire, comme on nage, comme on chante si on est une fourmi. 

Raconter est la plus intime manière d'être intime.  Le récit remplace le lit.


Du même auteur j'ai lu

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mercredi 10 septembre 2025

La force de vivre - Laurent Astier

 La force de vivre   -  Laurent Astier














Rue de Sèvres
Parution : 23/04/25
Pages : 240
Isbn : 9782810201624
Prix : 29.90 €


Présentation de l'éditeur


Dès leur rencontre, une amitié forte va naître entre Cyril et Laurent. De celles qui font grandir et changer pour le mieux. L'un, extraverti et solaire, est l'opposé de l'autre, timide et sombre. Le lien qui les unit est pourtant indicible et inexplicable.

Laurent Astier raconte comment ce lien d'amitié perdure malgré la disparition de son ami emporté par la maladie.


Laurent Astier


Laurent Astier est né en 1975. Après un passage dans le jeu vidéo, il débute sa carrière d'auteur de bande dessinée en 2001 avec la trilogie d'anticipation Cirk. Pendant ces 17 années, il oeuvre essentiellement dans le genre polar et produit plus d'une vingtaine d'albums dont Gong, Aven, Cellule Poison, L'Affaire des Affaires, Comment Faire Fortune en Juin 40 et dernièrement Face au Mur. Après avoir exploré les pistes du western à l’aube du XXe siècle avec Emily, héroïne au caractère bien trempée dans la série en cinq tomes La Venin aux éditions Rue de Sèvre, il livre aujourd’hui La Force de Vivre, un album autobiographique sur l’amitié avec un grand A. Un récit lumineux et solaire malgré la perte d’un être cher.    Source : Rue de Sèvres





L'avis de mon mari



Après ses études réussies d’arts appliqués dans la Creuse, Laurent s’installe avec deux potes près de Châteauroux pour y démarrer une agence de pub.

C’est là qu’il rencontre Cyril, son voisin de palier en couple avec Evelyne.

Laurent et Cyril vont rapidement devenir amis. Ce qui les unit? Tout d’abord l’amour de la musique et ensuite comme Cyril est fou de moto, Laurent va s’y mettre mais sans grand succès.

C’est aussi grâce à Cyril que Laurent va rencontrer celle qui deviendra sa femme et mère de ses enfants, Virginie, Ninie pour les intimes.

Suite à une brouille avec ses potes, Laurent et Ninie décident d’aller s’installer à Paris. Un an plus tard; ils reviennent à Châteauroux et là c’est le choc.

Cyril a fort changé et avoue sa maladie à Laurent, une myasthénie, maladie rare du système immunitaire.

Cette histoire vraie que nous conte Laurent Astier est un témoignage fort, poignant et émouvant du combat de Cyril contre la maladie mais aussi le témoignage de cette amitié solide entre les deux hommes. Laurent sera aux côtés de son ami jusqu’à la mort de celui-ci (je ne révèle rien car le livre commence par sa mort).

Très original aussi la façon dont Laurent voit Cyril en super héros; d’ailleurs belle surprise en annexe mais je ne vous dis rien.



Un réel coup de cœur pour cet ouvrage tellement captivant et émouvant. A noter aussi l’utilisation des couleurs qui changent selon les circonstances; jaune/orange, verte, bleue et rose lorsque Cyril raconte sa maladie.


Sa note : Coup de ♥



dimanche 7 septembre 2025

Retour à Balbec - Renaud Meyer ♥♥♥♥♥

 Retour à Balbec   -   Renaud Meyer    ♥♥♥♥♥




















Buchet Chastel
Parution : 21 août 2025
Pages : 160
Isbn : 9782283040614
Prix : 19 €

Présentation de l'éditeur



Virtuose de renommée mondiale, Samuel Pakhchelian s'est lancé un nouveau défi : jouer toute l'oeuvre pour piano de Debussy au cours d'un marathon pianistique de douze heures. Mais le matin de son récital au Carnegie Hall de New York, il renonce, et disparaît de la scène musicale. Dix ans plus tard, Pakhchelian accepte l'invitation d'un festival situé du côté de Balbec, où il passait ses étés en compagnie de sa grand-mère, qui l'a élevé et avec laquelle il entretenait des liens intenses.

Il revient alors sur la plage de son enfance, et rencontre sur la terrasse d'un ancien hôtel une vieille dame qui ressemble étrangement à sa grand-mère. Celle-ci, de son côté, croit reconnaître en lui le petit Samuel, cet enfant aux yeux gris qui venait là autrefois en colonie de vacances. Une relation particulière va se nouer entre cette femme écrivain et le pianiste.

En situant son roman à Balbec, cette station balnéaire inventée par Marcel Proust pour A la recherche du temps perdu, l'auteur nous plonge, tout comme ses personnages, dans une dimension parallèle, un espace-temps suspendu.

Retour à Balbec célèbre, avec un véritable charme, le pouvoir des livres et de l'imaginaire qui sommeille en chacun de nous.


Renaud Meyer


Renaud Meyer a été journaliste avant de se consacrer à l'écriture et au théâtre. Auteur, depuis 2006, d'une cinquantaine de fictions radiophoniques diffusées sur France Inter, il a également publié trois romans.

Source : Buchet-Chastel 


Mon avis

Il est des livres, on ne sait pourquoi, qui vous enchantent et ne vous quittent plus laissant en vous un souvenir de lecture intense. Ce livre en fait partie, j'ai pris un réel plaisir à le découvrir.

Samuel Pakhchelian, pianiste virtuose avait disparu de façon mystérieuse de la scène musicale en pleine gloire. Impossible de le convaincre de remonter sur scène et pour lui d'avouer le lien fusionnel qui l'unissait à sa grand-mère, décédée lors de son dernier récital.  Son décès l'avait ébranlé, poussé à se retirer du monde. 

Dix ans plus tard, il accepte l'invitation d'un festival situé du côté de Balbec, où il passait tous ses étés avec sa grand-mère d'origine arménienne.  Naturellement il retourne sur la plage de son enfance, son rocher fétiche d'où il regardait la mer et retrouve ses souvenirs heureux.

Son regard est attiré par une vieille dame en terrasse, lui rappelant sa "Mayrig" (mère en arménien, surnom qu'il donnait à sa grand-mère).  Il l'aborde, elle pense bien se souvenir de lui, Samuel, "l'enfant aux yeux gris".  Exil, pauvreté, honte, des points communs avec son histoire, Samuel sympathise avec cette dame qui veut lui montrer un secret, un piano bien particulier, celui de Gabriel Fauré sur lequel il a composé son requiem.

Une belle relation se tisse entre Samuel et la vieille dame écrivaine. Il va revivre des souvenirs, reprendre goût à la vie et à la création.  La musique et la littérature sont mises à l'honneur.


J'ai aimé le parallèle avec l'univers de Proust, dont l'action se déroule à Balbec, lieu imaginaire de "La recherche" et celui de la musique mais aussi cette distorsion du temps qui nous emmène dans deux univers parallèles ouvrant une brèche dans le temps pour y vivre une autre vie.  

Oscillant entre réalité et monde onirique, la plume est belle, fluide et très agréable. 

Ce roman c'est aussi le pouvoir de la création, le pouvoir des arts comme la musique et la littérature . La frontière est mince entre la réalité et l'imaginaire.  Tout est possible et si le hasard n'existait pas, et si tout était vraiment écrit !

Le pouvoir des mots, de la musique qui permettent à Samuel d'explorer ses souvenirs, ses espoirs, ses rêves, de rechercher l'enfant en lui et ses liens affectifs.  Une jolie manière d'aborder la thématique du deuil, de la filiation.

C'est un gros coup de cœur , un enchantement, une de ses lectures où le temps s'arrête, où tout devient possible.

A découvrir au plus vite.

Ma note : ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases

Etait-il possible de s'échapper de sa propre existence, en se glissant dans une brèche du temps, afin d'y vivre une vie parallèle.

On ne sait faire que deux ou trois choses dans la vie, avait-elle ajouté.  Le reste n'existe pas vraiment.  Dans mon cas, la vie ne passe que par l'écriture.  L'écriture, jour et nuit. 

C'était un été de rien que pour elle et lui.  L'été tant attendu de la femme écrivain et de l'enfant aux yeux gris qui avait tant occupé son esprit à elle.  Ou bien l'été perdu de Samuel et sa grand-mère, ce grand soleil dans sa vie, qu'il ne pensait plus jamais revoir.  

Au fond, toutes les pages qu'elle avait écrites, ces milliers de pages, n'avaient peut-être jamais eu que ce seul but : ramener l'enfant aux yeux gris à la vie, le sortir d'entre les lignes, définitivement, pour le poser dans le lit du fils. 

Les mouettes sont comme les écrivains, libres et fragiles, prêtes à se faire foudroyer par le moindre orage.  Pas étonnant que Nina, le personnage inventé par Tchekov, ait rêver d'être une mouette. 

Notre adoration, l'un pour l'autre, était là bien avant nous, lui avait-elle dit, dans d'autres vies vécues par nous, des vies ignorées, en sommeil, et qui se sont réveillées à la faveur de notre rencontre .

Ce ne sont pas les histoires qui comptent.  Ça court les rues, les histoires. C'est la musique qu'il faut trouver.  Votre propre musique.  Faire sonner les phrases.  Et saisir une mélodie au vol.  Le reste est un jeu d'enfant. 

Elle trouve que la vie n'est décidément pas à la hauteur des livres et que ses rêves sont bien plus grands que la réalité. 

Pourquoi ne pas dire combien la vie est parfois pathétique et désolante, parce qu'on aimerait vivre de grandes histoires et que les nôtres nous paraissent toutes petites ?  Dire de quelle façon les livres nous sauvent de cette absence et nous délivrent des pesanteurs du monde. 







vendredi 5 septembre 2025

Il pleut sur la parade - Lucie-Anne Belgy

 Il pleut sur la parade  -   Lucie-Anne Belgy





















Gallimard
Parution : le 21 août 2025
Pages : 256
Isbn : 9782073112651
Prix : 20.50 €

Présentation de l'éditeur

« Jonas se fichait que je ne sois pas juive et il ne croyait pas à la conversion. Pour lui, être juif n’a rien à voir avec Dieu. Il faut naître comme ça, sinon tant pis. Il disait : “Juif, ce n’est pas une religion, c’est une façon d’avoir peur, tu ne peux pas l’apprendre dans un cours du soir.” »

Jonas et Lucie s’aiment. Lui est juif, elle non, mais il promet que c’est sans importance. Pourtant, elle comprend vite que pèsent sur lui des obligations qui les dépassent tous deux et auxquelles elle va devoir s’adapter. Quand leur fils Ariel naît, toute la famille est aux anges. Mais peu après son deuxième anniversaire, il commence à se montrer brutal avec les autres enfants, plongeant peu à peu le couple dans l’isolement. Pourquoi Ariel frappe-t-il ? Que dit cette violence de son histoire et de celle de ses parents ?
L’altérité est au cœur de ce roman drôle et tendre, qui porte un regard singulier sur cette furieuse tendance des enfants à ne pas être ce qu’on veut qu’ils soient.



Lucie-Anne Belgy











Photo F. Mantovani © Gallimard


Mon avis

C'est un magnifique premier roman que nous propose Lucie-Anne Belgy, un roman que j'ai dévoré tellement l'écriture est fluide, dynamique, remplie d'amour, alternant l'humour et la gravité.

Ce roman c'est l'histoire d'un couple mixte, Lucie est d'origine catholique, Jonas est juif.  Ils s'aiment et malgré l'opposition du père de Jonas très religieux, ils se sont mariés et sont devenus parents d'Ariel, un petit garçon très difficile.

Ariel est très intelligent, il s'intéresse à beaucoup de choses mais il ne supporte pas le bonheur de ses potes, il se sent différent et depuis tout petit, il frappe, bouscule ses compagnons, leur gâche le plaisir.  C'est compliqué pour Lucie et Jonas qui sont obligés de faire appel à Françoise , une psychiatre pour les aider à voir plus clair.

L'origine serait-elle de leurs différences d'éducation, de passé, de religion ?  Souffrirait-t-il d'un trauma, de non-dits, du poids du passé?  Ce n'est pas tout à fait le sujet mais c'est le point d'entrée qu'a choisi Lucie-Anne pour nous raconter la complexité de la judéité, d'un mariage mixte et nous aider à comprendre.

C'est ce que j'ai aimé, découvrir le poids des traditions, l'impact de cette judéité sur leur couple, choisir une religion, c'est un peu renoncer à l'autre.  Tout commence à la naissance d'Ariel, une lignée qui s'éteint car Lucie est goy, une Shikse et pour Jonas faire des enfants c'est un devoir des survivants.

"On dit que les mariages comme ceux-là créent une deuxième Shoah.  La disparition progressive des juifs par l'amour des femmes.  Je suis l'holocauste qui transforme des spermatozoïdes juifs en enfants goys."

Complexe, viendra ensuite le choix de la circoncision ou non, avec le poids du passé, du devoir pour Jonas, et faire un choix implique forcément à Lucie de renoncer aussi à son histoire.   

J'ai aimé ce roman car il m'a permis de mieux comprendre la culture juive, des fêtes, des rites dont le sens est parfois plus profond et de voir les choses autrement pour une non initiée comme moi.  Comprendre pour mieux vivre ensemble. 

Dans ce roman il y a beaucoup d'amour, celui des parents, de la culpabilité, un problème d'identité et de trauma générationnel.  C'est plaisant car l'humour est toujours présent, un roman qui se dévore vraiment et que je vous conseille vivement. 

C'est un coup de ♥ de cette rentrée;

Les jolies phrases

Pour eux, tu seras toujours une Shikse, une goy démoniaque qui a volé un gentil juif à une gentille juive.


Ce sont les gens qui disent des choses méchantes sur les Juifs, volontairement ou non.

Jonas se fichait que je ne sois pas juive et il ne croyait pas à la conversion.  Pour lui, être juif n'a rien à voir avec Dieu.  Il faut naître comme ça, sinon tant pis.  Il disait : '"Juif, ce n'est pas une religion, c'est une façon d'avoir peur, tu ne peux pas l'apprendre dans un cours du soir." 

Jonas est une somme de choses inutiles.
De futilités merveilleuses.


Jonas voulait qu’on se soutienne. Pronom réciproque, comme on s’embrasse, comme on se parle, comme on s’aime.
Je voulais qu’il me soutienne. Pronom réfléchi. Comme je m’apitoie, comme je m’attriste, comme je m’en fous de toi.
Finalement c’est lui qui gagne. On se quitte, pronom réciproque.


Faites des gosses bizarres, vous aurez des joies simples.

La glaise d'Ariel ne vient pas des carrières, mais de l'amour d'un juif qui s'est marié contre les siens et d'une catholique fautive de mal comprendre les peurs de l'homme qu'elle a épousé et de celui qu'elle a fait naître.  La glaise d'Ariel est un bourbier de culpabilité. 






mercredi 3 septembre 2025

Tant mieux - Amélie Nothomb

 Tant mieux    -   Amélie Nothomb






















Albin Michel
Parution : 20 août 2025
Pages : 288
EAN : 9782226465740
Prix : 19.90 €

Présentation de l'éditeur

« Tant mieux : la version joyeuse du sang-froid »
 
Amélie Nothomb


Pour la première fois, après son père dans Premier sang (2021) et Psychopompe (2023), Amélie Nothomb évoque sa mère, et le lien singulier qui les unissait.


Si vous voulez en savoir plus.  Perso, je l'ai visionné après la lecture !






Mon avis

Cela commence comme un conte cruel et pourtant Amélie n'a rien inventé, elle nous parle de sa maman, de son enfance, de ce qui l'a forgée, un récit puissant, profond.  Merci Amélie, à chaque roman on vous découvre de façon plus intime.

Adrienne a 4 ans, c'est la guerre, nous sommes en 1942, elle va devoir passer l'été chez bonne-maman de Gand. Il va falloir trouver un moyen de survivre car son été ressemble à un enfer.  

Au petit-déjeuner ce sont des harengs au vinaigre et un café au lait qui sont servis, impossible à avaler, la petite Adrienne vomi son repas, elle va être obligée de le remanger jusqu'au moment où elle le gardera ce repas.  Impensable et pourtant il va falloir s'adapter, enfermée dans sa chambre, une bassine d'eau croupie pour faire sa toilette, une cuillère en bois baptisée maïzena comme unique jouet, elle va prendre le parti du "Tant mieux", comme un mantra à chaque situation difficile, "Tant mieux", le mot magique pour en rire.

Adrienne découvre que Bonne-Maman ne vit que pour son chat baptisé "Pneu".  C'est à lui qu'elle réserve des mets de luxe, il est l'être le plus aimé, plus que ses enfants.  Adrienne a enfin  trouvé le moyen d'adoucir sa condition en partageant l'amour des chats !


Lorsque les vacances se termineront, elle retrouvera sa mère, lui racontera les horreurs vécues et comment grâce à Pneu, elle a amadoué l'aïeule.  Á ces mots, Adrienne verra sa mère tressaillir rien qu'à l'évocation des chats. 

Fait étrange, les chats du quartier disparaissent, un serial killer canin sévit et Adrienne comprend très vite que sa mère n'y est peut-être pas étrangère.... elle découvre la duplicité de sa mère mais qu'à cela ne tienne, elle a bien décidé de l'aimer. 

Dans ce récit, il y a aussi le pouvoir des mots, la rencontre de l'être aimé, l'amour, l'histoire d'une vie.  Le récit prend tout son sens quand Amélie reprend le récit à la première personne nous confiant la disparition de sa maman le 11 février 2024 à l'âge de 86 ans et son incapacité totale de la raconter auparavant.  

Un récit très fort, très personnel, un bel hommage à celle qui a forgé une partie de son caractère, magnifique témoignage d'amour.

Ma note : ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases

Les ans, ça vous change quelqu'un.  Toi aussi, quand tu auras mon âge, personne ne te reconnaîtra.  

Le charme d'un printemps (qui) ne survit pas à l'été.

Bonne-Maman est incapable d'aimer rien ni personne sauf les chats.  Au fond, c'est cela le pire.  Si vraiment elle n'avait rien aimé, j'aurais pu accepter.  Mais elle aimait et aime les chats.  C'est de l'amour à l'état pur.  Elle se donnait en spectacle devant ses enfants pour qu'elles sachent ce dont elles ne jouiraient jamais.  

Une menteuse qui signale son mensonge n'est plus une menteuse. 

Le calcul, l'orthographe, les leçons, cela servait à diriger sa pensée vers de l'inoffensif.

Comment pourrait-on s'accorder en profondeur avec les mystères du monde si l'on s'en remet à autrui, fût-ce la personne que l'on aime d'amour fou ? Le paradoxe, découvrait-elle, c'est que si l'on veut vraiment aider quelqu'un, la meilleure méthode consiste à s'occuper de son jardin.  A chercher à veiller sur celui de son voisin, on ruine celui-ci et le sien. 

L'aveugle-né ne peut imaginer une condition autre que la sienne.  Comment désirer ce que l'on ne conçoit pas ? 

Ça n'existe pas , le devoir d'aimer. Personne n'est obligé d'aimer

Du même auteur j'ai lu et chroniqué



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