Alexandre Seurat
Rouergue
La Brune
août 2016
192 pages
18,50 €
ISBN
978-2-8126-1104-9
Mon avis
J'avais adoré "La maladroite" paru il y a un an chez Rouergue - mon billet est ici -. J'étais impatiente de retrouver la plume d'Alexandre Seurat.
Un décès celui du frère du narrateur - il était hanté par la Shoah - va dévoiler un secret de famille. Un lourd secret. Son arrière grand-père était administrateur de biens provisoire sous le régime de Vichy. Sa famille a banalisé les faits, c'était comme ça à l'époque ...
Une claque pour le narrateur, arrière-petit-fils de Raoul H. Il veut savoir qui il est vraiment.
Avec l'aide de son oncle d'abord, puis d'un universitaire, il va avoir accès aux archives, celle de l'inventaire du Commissariat Général aux questions juives.
Raoul H était Administrateur provisoire de biens et dépendait directement du Commissariat aux affaires juives, c'est toute l'organisation économique sous le régime de Vichy.
Les entreprises juives sont répertoriées à l'automne 40, une affiche jaune mentionne qu'elles sont juives. Ensuite l'administrateur de biens prend possession du bien, en dresse un inventaire, cherche un repreneur - c'est ce que l'on nomme l'aryanisation économique - et revend l'affaire.
"La liquidation des biens juifs ne fut pas une spoliation - comme le fut la liquidation des biens des congrégations religieuses au début du siècle -, elle fut une transmutation où les biens mobiliers ou immobiliers étaient convertis en espèces dont l'Etat français garantissait la propriété aux Juifs."
Il faut donc distinguer spoliation (le vol légal) du pillage - car à l'époque, spolier est un travail. (Article 7 - L'administrateur provisoire doit gérer en bon père de famille.)
A l'époque c'était comme ça. C'est horrible car en prenant le contrôle et en revendant les biens les familles étaient sans ressources, puis ce fut le Vel d'Hiv, la déportation et l'envoi dans les camps sans retour le plus souvent.
Le narrateur ressent le poids de la culpabilité de ses ancêtres, et rend aussi hommage aux victimes à travers deux cas précis.
Le sujet est fort, très bien documenté. Alexandre Seurat semble avoir trouvé son style dans le docu-fiction. Son écriture est très belle, allant à l'essentiel : un livre indispensable qui lui permet de revisiter le passé.
Ma note : 7/10
Les jolies phrases
Il faudrait refuser de dire d'accord, il faudrait chaque fois dire non, ça ne peut pas être comme d'habitude.
Il faut donc distinguer la spoliation (le vol légal) du pillage - car à l'époque, spolier est un travail; (art 7) L'administrateur provisoire doit gérer en bon père de famille.
Au fond, la Caisse des dépôts et consignations était devenue, après la guerre, comme un immense cimetière.
Il y a sûrement quelque part dans son corps -mais où ? - un endroit où fouiller pour trouver cette parole arrêtée, mais je n'arrive jamais à remonter tout à fait assez haut, tout à fait assez loin dans le corps de mon père pour qu'on parle, ce qui s'appelle parler.
Je voudrais pousser devant moi des mots qui diraient plus que je n'ai jamais dit, des mots qui seraient capables de nous soulever tous, je ne les trouve pas.
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