dimanche 30 octobre 2016

Voici venir les rêveurs

Voici venir les rêveurs

Imbolo Mbue

Couverture du livre Voici venir les rêveurs



Belfond
Traduit par Sarah TARDY
Parution le 18 août 2016
300 pages
Prix 22 euros


Présentation de l'éditeur

Drôle et poignante, l'histoire d'une famille camerounaise émigrée à New York. Porté par une écriture à la fraîcheur et à l'énergie exceptionnelles, un roman plein de générosité, d'empathie et de chaleur sur le choc des cultures, les désenchantements de l'exil et les mirages de l'intégration. Un pur joyau, par une des nouvelles voix afropolitaines les plus excitantes du moment.


L'Amérique, Jende Jonga en a rêvé. Pour lui, pour son épouse Neni et pour leur fils Liomi. Quitter le Cameroun, changer de vie, devenir quelqu'un. Obtenir la Green Card, devenir de vrais Américains.
Ce rêve, Jende le touche du doigt en décrochant un job inespéré : chauffeur pour Clark Edwards, riche banquier à la Lehman Brothers.

Au fil des trajets, entre le clandestin de Harlem et le big boss qui partage son temps entre l'Upper East Side et les Hamptons va se nouer une complicité faite de pudeur et de non-dits.

Mon avis

C'est un premier roman.  Une belle découverte.  Imbolo Mbue est camerounaise, elle nous parle de Limbé, de son pays, de sa culture africaine et du rêve américain.

Jende Jonga est arrivé à New York il y a trois ans.  Il est venu pour fuir la pauvreté de son pays et avoir de quoi épouser dignement sa promise Neni.  Tout le monde est pauvre à Limbé et l'horizon est bouché, difficile de s'élever dans cette société et Jendé veut donner le meilleur à sa famille, une autre vie.

Son épouse Neni et leur fils Liomi viennent enfin le rejoindre.  Neni a un visa d'étudiante, elle veut devenir pharmacienne, c'est son rêve car seul l'éducation leur permettra de sortir de ce monde.

Jende vient grâce à l'aide de son cousin de trouver une place de chauffeur.  Il travaillera pour Clark Edwards et sa famille, un directeur de Lehman Brothers.  Il gagnera plus d'argent et espère obtenir sa green card.  Tout semble donc de bonne augure , mais la réalité est toute autre.  Ils vivent à Harlem dans un tout petit appartement, une chambre grouillant de cafards.  Cela ne décourage pas Jende et Neni car ici en Amérique tout peut changer, c'est bien un noir qui est devenu Président, non... tous les espoirs sont permis.  Ils essaient de mettre de l'argent de côté, bien qu'au pays, sa famille le sollicite sans cesse.

Et arrivera la crise financière avec la faillite de Lehman Brothers, tout basculera alors...

J'ai aimé découvrir la famille de Jendé, des personnages attachants, bien décrits.  L'auteur nous fait partager les us et coutumes du Cameroun, sa gastronomie bien présente. La  nostalgie du pays, ses racines, un pays qui est idéalisé et décrit de façon magnifique.

On partage aussi la vision des immigrés de l'Amérique. Neni est absolument prête à tout dans l'espoir de donner une vie meilleure à ses enfants et de rester sur le sol américain.

Ce sont de courts chapitres, qui mettent en parallèle la fâmille de Jendé et celle de Clark ; la famille américaine, riche, vivant dans l'opulence et manquant sans doute de l'essentiel : les valeurs familiales, le bonheur. L'écriture est dynamique, imagée, parfumée, gourmande.

On s'attardera aussi sur les conséquences de la crise financière dans le quotidien des américains.

J'ai pris énormément de plaisir à la lecture de ce premier roman que je vous conseille vivement.

Un régal. Une plume à suivre.

Coup de coeur.





Les jolies phrases

Dans mon pays, pour devenir quelqu'un, il faut déjà être quelqu'un quand vous naissez.  Si vous ne venez pas d'une famille riche, ce n'est pas la peine d'essayer.  Si vous ne venez pas d'une famille qui a un nom, ce n'est pas la peine d'essayer.   Regardez Obama, monsieur. Qui est sa mère ? Qui est son père ? Ce ne sont pas des gens importants du gouvernement.

Je crois que tout est possible quand on est américain.

La police sert à protéger les Blancs, mon frère.  Peut-être aussi les femmes noires et les enfants noirs, mais pas les hommes noirs.  Jamais les hommes noirs.  Les hommes noirs et la police sont comme l'huile de palme et l'eau.

Je te l'ai déjà dit et je te le dirai toujours : l'école, il n'y a que ça pour les gens comme nous.  Si nous ne réussissons pas à l'école, nous n'avons aucune chance de nous en sortir dans ce monde.

Les bonnes choses n'arrivent qu'à ceux qui honorent la bonté des autres.

Pourquoi cinq chambres alors qu'il n'y avait que deux enfants ?  N'avaient-ils pas compris que qu'elle que soit sa fortune, on ne peut dormir que dans un lit à la fois ?

Être dans la même classe que des Blancs, travailler pour eux, leur sourire dans le bus était une chose ; mais rire et bavarder avec eux, faire attention à bien prononcer chaque mot pour ne pas s'entendre dire qu'ils avaient du mal à comprendre son accent en était une tout autre.

Être pauvre en Afrique, cela n'a rien d'exceptionnel.  Tout le monde ou presque est pauvre là-bas.  La honte d'être pauvre n'est pas la même là-bas.

Pourquoi les gens qui travaillent dur devraient-ils se sentir coupables d'avoir de l'argent simplement parce que d'autres n'en ont pas autant ?

On ne fait pas que ce qui nous rend heureux dans la vie.  Il faut penser aux autres, aussi.

J'ai peur aussi, Neni. Tu crois que je n'ai pas peur ? Mais est-ce que la peur a déjà fait quelque chose pour quelqu'un ?

C'est la peur qui nous tue, Leah, dit Jende.  Parfois, il nous arrive de mauvaises choses, mais la peur est encore pire.  C'est la leçon que j'ai apprise de cette vie.  C'est la peur qui nous tue.

Elle décide de se battre pour ses enfants et pour elle-même, car quiconque partout loin de chez lui ne pouvait revenir sans avoir amassé une fortune ou réalisé un rêve.


Le mariage, reprit Fatou, on veut toutes ça.  Mais une fois que tu l'as, il t'apporte tout ce que tu veux pas.

Le problème était l'infinité de chances qu'ils allaient manquer, cet avenir que son propre père avait failli refuser.  Elle décida de se battre pour ses enfants et pour elle-même, car quiconque partait loin de chez lui ne pouvait revenir sans avoir amassé une fortune ou réalisé son rêve.

Les boulons là qui tiennent ton cerveau en place, dit-il en pointant un doigt sur sa temps, ils se sont desserrés, pas vrai ?

Quand on est parent, c'est difficile de ne pas penser tout le temps à son enfant.

Tous ces gens qui disent partout qu'il faut accepter le vie telle qu'elle est, je ne sais pas comment ils font.

Comme cela est triste de traiter nos amis dans le besoin comme nous traitons nos ennemis. D'oublier que chacun de nous pourrait un jour devoir également chercher un toit.








1 commentaire:

Le marque-page a dit…

Tout à fait d'accord avec toi, Nathalie, un vrai coup de coeur! A bientôt!