mercredi 16 août 2017

Encore vivant - Pierre Souchon

Encore vivant       -   Pierre Souchon


Rouergue
La Brune
août 2017
288 pages
19,80 €
ISBN
978-2-8126-1434-7


Présentation de l'éditeur


Alors qu’il vient de se marier avec une jeune femme de la grande bourgeoisie, l’auteur, bipolaire en grave crise maniaco-dépressive, est emmené en hôpital psychiatrique. Enfermé une nouvelle fois, il nous plonge au cœur de l’humanité de chacun, et son regard se porte avec la même acuité sur les internés, sur le monde paysan dont il est issu ou sur le milieu de la grande bourgeoisie auquel il se frotte. Il est rare de lire des pages aussi fortes sur la maladie psychiatrique, vue de l’intérieur de celui qui la vit. Ce récit autobiographique est le premier livre publié par Pierre Souchon, journaliste au Monde diplomatique et à L’Humanité.

Mon avis

C'est réfugié sur une statue de Jaurès que Pierre est emmené pour l'Hôpital Psychiatrique, un endroit qu'il connaît malheureusement trop bien car il y avait fait un séjour lorsqu'il avait 20 ans.

A l'époque, il avait été diagnostiqué bi-polaire.

Pierre n'a aucune envie d'être là, il ne comprend d'ailleurs pas pourquoi il s'y trouve entouré de paranos, d'alcooliques, de toutes ses vies délitées, de cette misère humaine ..

Tout allait pourtant bien pour lui, il avait remonté la pente, était devenu journaliste, s'était marié à Garance, une fille de la grande bourgeoisie, lui; le fils de la terre, le paysan d'Ardèche.

Tout allait bien, il était stable et le toubib l'avait progressivement libéré de son traitement.  On n'a rien vu venir et une grosse rechute, une phase maniaco-dépressive avant d'en arriver là.

Pierre est un révolté social, attaché à ses origines, une famille pauvre de paysans de Serre de Barre, se retrouvant dans sa belle-famille riche, il va péter un câble et tout rejeter.

Il a la rage en lui, il se livre à nous, se met à nu pour nous faire vivre l'intérieur de sa maladie, sa bipolarité.  Il nous décrit avec humour souvent, sur un ton vif son quotidien mais aussi sa rage d'être toujours comme l'épiphyte du parc, le chêne vert sur le séquoia : SEQUOIA SEMPERVIRENS :  encore vivant !

Il nous parle abondamment de la lutte des classes, de la guerre sociale qu'il a fait sienne.  Ce n'est pas pour rien qu'il s'est réfugié sur la statue de Jaurès..

Les entretiens avec son père sont très touchants, il nous parle de l'histoire des paysans en train de mourir, des châtaigniers, des sangliers , de la nature beaucoup, mais aussi de ses ancêtres soldats de guerre du vingtième.

Il nous fait comprendre l'ambivalence existante entre la prise de conscience et le besoin de traitement et sa reconstruction mais aussi le rejet de l'institution psychiatrique.  Il attire l'attention sur l'étiquette que l'on colle ou le regard que l'on porte en général sur les maladies psychiatriques que l'on stigmatise.

C'est fort, c'est prenant, un premier récit autobiographique qui secoue et que je vous recommande.

Ma note : 8.5/10

Les jolies phrases

C'était terrible, d'être passé du côté d'une drôle de barrière dont on n'avait même jamais songé qu'elle existait.  La barrière des fous.  Celle qui nous séparait des autres, les normaux, eux dont la vie était belle.

Ca veut dire que si tu es toi-même, si tu exprimes vraiment ce que tu as en toi, ce que tu sens, tes projets, tes énergies, ben ça peut changer le monde.  Je crois vraiment qu'il faut d'abord commencer par soi avant de penser à changer le reste.  Si on n'arrive pas à se changer soi-même, à être soi-même, on ne peut pas avoir des projets pour des autres.

Parce que toi, et vous tous, ici les déchirés, vous la tenez trop serrée entre vos mains brisées, vous la portez, l'humanité.

L'urgence, c'est de travailler mieux plutôt que de travailler plus.

...  -Acceptez votre maladie, et ce qu'elle implique.
- Mais, c'est justement là que ça ne va pas, madame Ducis.  Je me suis entièrement construit sur l'inverse, c'est-à-dire contre l'acceptation.  Quand on milite, c'est pour changer les choses. Donc ça suppose qu'on croie au changement, à la possibilité de la trsnformation, et qu'on ne fige rien en l'état.  Qu'est-ce qu'on fait avec l'ordre social ?  On l'accepte ?  Je le vomis, l'ordre social.  Donc je me bats pour le transformer.

L'amour de ton fils comme refuge, la seule chose que ton mari ne pouvait pas te voler.  Il avait tout pris.


challenge rentrée littéraire 2017

1 commentaire:

Jostein a dit…

J'ai beaucoup aimé l'attitude du père, cachant ses émotions derrière l'humour.
Un récit courageux, explicite et émouvant