dimanche 16 novembre 2014

Bye Bye Elvis Caroline De Mulder **** 8/10

 
Bye Bye Elvis     


Actes Sud
Août, 2014
11,5 x 21,7
288 pages
ISBN 978-2-330-03594-5
prix indicatif : 20, 00€


Quatrième de couverture


Graceland, 16 août 1977, Elvis Presley disparaît et laisse derrière lui des millions d’adorateurs éperdus. Crépuscule du Roi du Rock. Jusqu’à la fin, la longue fréquentation du désastre ne lui avait pas fait perdre toute sa candeur.
Dix-sept ans plus tard, Yvonne entre au service de John White, un vieil Américain au physique fragile. Elle va passer vingt ans à ses côtés, tissant une relation de dépendance avec cet homme dont elle ne sait rien et qu’elle s’efforce de sauver d’une fin misérable. La vie de White et celle d’Elvis s’entrelacent, dessinant des créatures identiques dans leur difformité et leur isolement. Entre les deux, il est possible qu’un lien existe – à moins qu’ils ne se soient croisés que dans ce roman…
Portrait impitoyable et tendre en miroir d’une fiction, Bye Bye Elvis est un roman mélancolique et venimeux, rythmé par une métrique impeccable


L'auteur



Caroline De Mulder est née à Gand en 1976.  Elle se partage entre Namur et Paris.  En 2010, elle publie son premier "Ego Tango" qui est récompensé par le Prix Victor Rossel.  En 2012, elle publie son second roman "Nous les bêtes traquées" aux Editions Champs Wallons.  Son troisième roman "Bye Bye Elvis" est quant à lui publié chez Actes Sud.


Elle nous parle de son livre video



Mon avis

J'avais lu avec beaucoup d'intérêt "Ego Tango", Prix Rossel 2010, à l'époque le premier roman de Caroline De Mulder. J'en garde une écriture particulière, un style hors du commun.  "Nous les bêtes traquées" attend son tour dans ma PAL.  Lorsque "Bye Bye Elvis" est paru, il m'a semblé tout naturel de le lire.  L'originalité et l'écriture particulière sont toujours de mise; j'ai vraiment apprécié.

Le livre met en parallèle deux destins; celui d'Elvis et d'un vieil  américain John White.

Ce roman est une biographie fiction qui débute à Graceland le 16 août 1977.  Le roi du rock vient de s'éteindre et des millions de fans veulent lui rendre un dernier hommage.  C'est à ce moment qu'Yvonne, qui vient de perdre son mari, sonne à la porte de John White, un vieil américain excentrique.  Elle rentrera à son service pour le soigner.

Chapitre après chapitre, nous basculerons alternativement d'un homme à l'autre, une gymnastique un rien perturbante au départ que l'on oubliera bien vite par la force de l'écriture, aussi bien pour l'un comme pour l'autre, même si la vie du King et l'écriture un peu "rock" m'ont un peu plus passionnée et donné l'envie d'avancer plus vite.  Mais on se rendra compte un peu plus tard que les deux parcours sont indissociables.

Je ne suis absolument pas fan d'Elvis, mais j'avoue qu'en cours de lecture mon intérêt pour le personnage n'a fait que grandir.  Au delà de l'aspect largement connu du grand public, Caroline De Mulder s'attache surtout à la personne "intérieure", sa grande solitude et déconstruit avec brio le mythe, la légende. 

Ce beau jeune homme gracieux qui quitte la pauvreté pour la gloire, qui devient une superstar en un temps record. Il mettra vingt années pour se détruire et dépérir.  Il restera à tout jamais l'enfant orphelin qui ne s'est jamais remis du décès de sa mère.  Sa gloire le transformera physiquement et moralement, ses transformations physiques exprimant sa solitude et son mal être.  Cette question sans réponse qu'Elvis a dû se poser continuellement : était-il aimé pour lui ou pour l'image qu'il représentait?

J'ai aimé et trouvé intéressant la construction du roman sur cet homme enfant qu'il est resté toute sa vie, pris au piège de son image, d'un manager avide qui lui faisait faire n'importe quoi, navets au cinéma, chansons sans goût parfois, pour le plaisir de ses fans, de toute une armée de personnes à ses basques et à son portefeuille, une famille pas très top qui profitait de ses largesses.  Lui qui voulait à tout prix être aimé.
 
...car la pauvreté, ça vous poursuit sous forme de parents faméliques, de parasites, de piques assiettes qui portent votre nom.


Comment rester soi-même si on est fragile, je n'ai pu m'empêcher de mettre son destin en parallèle à celui d'un autre roi, celui de la pop, Michael Jackson.

A côté de tout cela, Yvonne soigne et accompagne ce mystérieux John White. Un américain fragile, bizarre, dont le corps est détruit,  malade.  Très riche au départ et puis sans le sou par la suite. Quel est donc le lien mystérieux qui l'unit à Elvis.  L'un est la lumière, l'autre l'ombre.  Yvonne est sous son emprise, son esclave.

"Pour lui, j'étais sa mère, en moins jeune.  Dans la vie, j'étais son ombre, sa main droite, j'étais ses yeux et, de plus en plus souvent, sa tête.  J'étais sa voix quand nous sortions.  J'étais son pilulier. Sa canne.  Sa montre.  Quand j'ouvrais les tentures j'étais le soleil, et j'étais la nuit quand je les fermais.  Son nid quand je le bordais.  Mais pour moi il était quoi au juste."


Deux parcours attachants, une belle découverte de la rentrée.

Ma note 8/10

Les jolies phrases

Par quel miracle se souvient-on le mieux des souvenirs lointains.  Sont-ils gravés plus profond quand l'esprit est encore neuf.  Est-ce qu'à cause de l'usure et des blessures qui lui tannent le cuir, la marque perd ensuite de sa force et de sa clarté. Au point que, pour les années les plus récentes, on finit par ne plus savoir qui est qui, et si on a aimé ou pas, tout se précipite dans le même brouillard, le temps passe de plus en plus vite.

La lucidité, c'est en plein où ça fait mal un méchant coup de néon, et sur la vitre de la lampe on voit jusqu'aux mouches les fers en l'air et elles pensaient toucher le soleil les pauvres mignonnes.

Nous vivons aveuglément, d'air pur et d'eau fraîche.  Deux boiteux qui s'appuient l'un sur l'autre.  Nous sommes à la merci d'un rien, un rien peut nous emporter.

Dire que tout allait bien, que nous vivions comme des rentiers, l'argent poussait sur les arbres et il s'en allait gentiment par les fenêtres, mais sans plus, ni cris, ni drames.

Qu'on l'accuse de vulgarité le blesse affreusement : non il n'est pas vulgaire, clame-t-il à tout propos, c'est la musique, c'est le rythme qui veut ça, ces mouvements-là précisément s'emparent de son corps.  Et d'ailleurs les Noirs jouent et chantent comme lui depuis toujours, et tout le monde s'en fout pas mal.  Quant il chante du rock'n'roll, il ne parvient pas à garder les yeux ouverts et ses jambes ne tiennent pas en place, c'est comme ça, où donc est le mal.
 
Elle est seule et mangée par la peur que quelque chose n'arrivera à son petit.  Que les femmes le déchirent de leurs ongles, que les femmes le battent, le défigurent, que la foule le tue.

D'ailleurs la laideur s'atténue avec l'âge, attire moins les yeux et tout le monde sait que ça devient au fond de moins en moins important, et ça se perd, comme la beauté, dans l'informe magma de la chair mollissante.

La gloire c'est le soleil des morts, mais pour les vivants c'est à peine un éclair, ça déchire le ciel et plus rien de rien, le noir, la nuit, le silence....
 
Il déteste Las Vegas.  La seule chose que, plus jeune, il y avait aimée, c'était qu'on n'y distinguait pas la nuit du jour.
 
Rapace jusqu'au bout des ongles, ladre à tondre les œufs et à ne pas donner les coquilles, négociateur féroce, et tout ça pour le bien d'Elvis qu'avant lui tant de salauds avaient baisé ! - il ne précise jamais lesquels.

3 commentaires:

Delphine-Olympe a dit…

Ce livre m'avait intriguée, à la fin de l'été, lorsqu'on en avait pas mal parlé dans la presse. Je pense que j'attendrai de le trouver en bibliothèque...

Eve a dit…

Je l'ai commencé et n'ai pas eu du tout envie de poursuivre !

denis a dit…

Je note ce livre