lundi 12 décembre 2016

La suture - Sophie Daull

La suture

Sophie DAULL





Philippe Rey
Date de parution : 25/08/2016
ISBN : 978-2-84876-537-2
Format : 14,5 x 22 cm
Pages : 208
Prix : 17.00 €

Présentation de l'éditeur

Alors qu’elle vient de perdre Camille, sa fille de seize ans, Sophie Daull se penche sur le passé de sa mère, Nicole, une femme mystérieuse, disparue elle aussi, il y a trente ans. Munie de maigres indices – quelques lettres et photos tenant dans une boîte à chaussures –, elle entreprend de déchiffrer les lieux et paysages où Nicole a vécu, les visages qu’elle a connus, et tente de reconstituer ainsi une existence troublante.

À larges aiguillées joyeuses, poétiques ou bancales, l’auteure va coudre passé et présent, fiction et réalité, grand-mère et petite-fille, dans ce roman en forme d’enquête généalogique, qui vagabonde dans la France de l’après-guerre jusqu’aux années 80.

Se dessine ainsi la figure de Nicole, dont la frêle beauté et la timidité intriguent, porteuse d’une énigme qu’elle semble elle-même ignorer, chahutée depuis l’enfance par les rudesses d’une vie sans ménagement. Nicole, que le lecteur débusquera avec émotion derrière ses larges lunettes et la fumée de ses Gitanes…


Mon avis

Que j'étais impatiente de le lire, et bien contente que ma binôme me le propose en LC.  J'avais adoré la plume de Sophie Daull dans son premier roman, très dur mais magnifique "Camille, mon envolée"

Sophie Daull a vécu un autre drame dans sa vie, celui de perdre Nicole, sa maman dans des conditions tragiques alors qu'elle avait à peine dix-neuf ans.  Elle a perdu sa fille Camille de seize ans.  Ni l'une, ni l'autre n'ont pu se connaître et l'auteure a envie de les rapprocher, de les coudre, de les suturer.  C'était pour elle une suite logique d'écrire ce Livre.


  • Sophie n'a gardé de sa maman que très peu de choses, une petite boîte à chaussures contenant en tout et pour tout :  une série de photos noir et blanc petit format à bord dentelé, sans date, ni légende.
  • deux photos de classe
  • des vignettes de missel (communion)
  • sept cartes postales
  • des bulletins de paie
  • une lettre manuscrite en partie effacée
  • une cassette en partie inaudible vieille de dix ans contenant un entretien entre sa soeur et sa mère
C'est tout  !  Avec ces maigres indices, elle va essayer de retracer la jeunesse de sa maman, la face cachée dont elle ne parlait jamais.

On commence par la vie de ses grands-parents : Charlotte et Victor , juste avant la naissance de Nicole.

Une enquête où réalité et fiction se chevauchent car il fallait remplir les vides.  

De nombreux parallèles sont mis en évidence avec Camille.  Besoin, nécessité de se forger une histoire.  

J'ai apprécié l'écriture magnifique mais avoue ne pas avoir été "embarquée" dans cette quête de ses origines.  J'ai été très touchée par contre par la résilience dont fait preuve Sophie Daull.

Toujours continuer, avancer, se reconstruire en reprisant, en suturant ses deux drames personnels.

Ma note : 8/10



Les jolies phrases

On dirait un énoncé de problème de maths avec les trains qui déraillent et des robinets qui fuient.  Sauf que là, ce sont des vies qui fuient et des destins qui déraillent.

Quand les gens sont morts, on vous dit de qui ils étaient nés.

Elle n'a que le mérite de brûler quelques mots, qui m'incendient les soirs de cafard, aux puits de forage de l'encre fossile. Ca me fait durer sans elles, ça me les garde au chaud.

En roulant j'ai mesuré à quel point je n'avais pas appris grand-chose, combien les coins de voile soulevés retombent aussitôt en poussière, en cendres, en pellicules indéchiffrables qui figent tout dans un éternel sépia crasseux.

Je les examine à en avoir les yeux qui pleurent, comme si la larme acide et rageuse qui tomberait de mon iris sur l'argentique allait agir comme un nouveau révélateur, faisant surgir de force une date, un nom. Mais rien.

J'ai comme un engourdissement de la pulsion généalogique, une paralysie de l'obsession chronologique.

Cette rue est comme la nervure selon laquelle nous raccommoder.

La mort de ma mère, je la vois comme un entraînement à celle de Camille.

Le chapitre coquetterie ouvert, je tire le fil; je sais déjà que c'est celui de la bobine de fil noir, mais tant pis, il est passé dans le chas.

Bientôt une autre preuve, vivante et tout aussi incontestable, arrondira son ventre.  C'est moi qui vais germer dans l'hiver, accidentelle ou désirée selon les versions, accrochée et mûrissante à l'heure des noix et des endives, pour naître dans le plein milieu de l'été suivant, sous le soleil exactement.

En un mot, ils tirent le diable par la queue, comme je tire sur l'aiguille, au risque de froncer le tissu, de casser le fil, pour aller au bout de ma suture.

J'écris ça : "Je suis devenue la mère de ma mère." Dans l'autre livre, celui en bleu pour Camille, j'écrivais : "Je suis devenue l'enfant de la fille."  Matrices en vrac. Généalogies en toc.

C'est notre lecture commune avec Julie des Petites Lectures de Scarlett







1 commentaire:

Anonyme a dit…

Une jolie lecture qui ne pouvait pas atteindre l'intensité de Camille... ce texte-là était juste ... indescriptible !