jeudi 6 août 2020

Quand Dieu boxait en amateur - Guy Boley

Quand Dieu boxait en amateur   -   Guy Boley

Quand Dieu boxait en amateur

Grasset 
Parution : 29/08/2018
Pages : 180
Isbn : 9782246818168
Prix : 17 €

Présentation de l'éditeur

Dans une France rurale aujourd’hui oubliée, deux gamins passionnés par les lettres nouent, dans le secret des livres, une amitié solide. Le premier, orphelin de père, travaille comme forgeron depuis ses quatorze ans et vit avec une mère que la littérature effraie et qui, pour cette raison, le met tôt à la boxe. Il sera champion. Le second se tourne vers des écritures plus saintes et devient abbé de la paroisse. Mais jamais les deux anciens gamins ne se quittent. Aussi, lorsque l’abbé propose à son ami d’enfance d’interpréter le rôle de Jésus dans son adaptation de La Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, celui-ci accepte pour sacrer, sur le ring du théâtre, leur fraternité.

Ce boxeur atypique et forgeron flamboyant était le père du narrateur. Après sa mort, ce dernier décide de prendre la plume pour lui rendre sa couronne de gloire, tressée de lettres et de phrases splendides, en lui écrivant le grand roman qu’il mérite. Un uppercut littéraire.

Guy BOLEY

Guy Boley, au nom du père - RFI

Guy Boley est né en 1952. Après avoir fait mille métiers (ouvrier, chanteur des rues, cracheur de feu, directeur de cirque, funambule, chauffeur de bus, dramaturge pour des compagnies de danses et de théâtre) il a publié un premier roman, Fils du feu (Grasset, 2016) lauréat de sept prix littéraires (dont le grand prix SGDL du premier roman, le prix Alain-Fournier, le prix Françoise Sagan, ou le prix Québec-France Marie-Claire Blais). Son deuxième roman, Quand Dieu boxait en amateur (Grasset, 2018) a également remporté six prix littéraires et figurait sur la première liste du Prix Goncourt. 

Mon avis

Roman dont j'avais beaucoup entendu parler à sa sortie, c'est le prix du deuxième roman qui me donne l'occasion de le lire. 

C'est une auto fiction que nous propose Guy Boley.  Il rend ici un vibrant hommage à son père .

C'est à Besançon dans le quartier du dépôt, quartier des ouvriers et cheminots que l'auteur a grandi.  Il nous parle avec beaucoup de sensibilité de son père, de sa vie et de sa relation filiale.  C'est un témoignage d'amour, d'admiration envers son père René.

René Boley est né le 3 mai 1926 et décède le 8 octobre 1999 :  "Distance entre le lieu de sa naissance et celui de sa mort : 3 étages".

René a dû se construire en l'absence du père celui-ci "Paf ! Ecrasé, entre deux wagons, comme une crêpe, le pauvre !", ça on ne peut mal de l'oublier, l'auteur le mentionne assez dans son roman au point que cela pourrait énerver certains.

René enfant adore les mots, il lit beaucoup mais sa mère autoritaire a peur qu'il ne soit pas un homme ! et elle l'inscrit à la boxe !  A 14 ans il quittera l'école pour devenir forgeron car il faut un salaire !

L'auteur nous décrit le milieu ouvrier, le dépôt, la fin des machines à vapeur, l'évolution industrielle, la société après mai 68... jusqu'à nos jours.  Il note dans son carnet les mots trouvés dans son "Larousse illustré" qui ne le quitte pas, il aimerait tant rendre hommage à son monde, aux ouvriers du quartier.

C'est dans les yeux du fils que le père est "déifié" au sens propre comme au sens figuré car l'ami d'enfance de René, Pierre, Pierrot qui comme lui a l'amour des mots, de la lecture  mais pas les mêmes deviendra abbé !  A partir de ce moment il le nommera tendrement "père abbé", celui qui lui ouvrira la voie du théâtre amateur.  C'est au nom de leur amitié qu'il incarnera  Jésus dans "La passion du Christ" jouée chaque année à la paroisse du quartier.

La boxe, il sera tout de même champion de France amateur le 28 décembre 1952, ce combat, c'était pour plaire à sa mère, pour qu'elle soit fière de lui mais malheureusement elle ne verra pas son sacre.

Se battre, mener un combat pour le sport mais aussi dans la vie, pas simple de se construire seul, dans la pauvreté.

J'ai été séduite par la langue que j'ai trouvé très belle, poétique avec des envolées lyriques comme les opérettes qu'il écrivait pour amuser les gens du quartier.  Les mots sont percutants.  Le style est fluide, sensible, il laisse parler son coeur.  Néanmoins j'ai dû m'accrocher pour suivre le récit, certains passages sur l'Eglise m'ont perdue, c'est la langue et la beauté de l'amitié des deux garçons, la réalité de ce quartier et l'admiration infinie pour ce père qui m'ont récupérée.

Suis heureuse d'avoir découvert ce roman.

Ma note : 8.5/10

Les jolies phrases

On ne choisit pas son enfance, on s'acclimate aux pièces du puzzle, on bricole son destin avec les outils qu'on a sous la main, c'est ce qu'il se dit tout en se demandant encore si courette ça existe, mais sans y trouver de réponse. 

Quelque chose de l'infiniment petit révélant l'infiniment grand mais il ne la voit pas, perdu qu'il est dans l'insondable mystère des mots.  Il referme le livre, croise sa mère qui cire le couloir, se fait discret, marche sur la pointe des pieds pour ne pas salir et ne pas se faire repérer, descend les escaliers, déambule en rêvant le long du muret, puis s'assied sous les grands draps qui sèchent et contemple la courette en pensant que si courette est le diminutif de petite cour, on devrait dire ruette pour une petite rue alors qu'on dit ruelle.  Décidément, les voies de la grammaire, semblables à celles du Seigneur, lui sont impénétrables.

Ce n'est rien d'autre que ça, la boxe : adrénaline fleurdelisée sur liberté incandescante.  Une vie d'éclair et de rédemption, un naufrage sans radeau où celui qui se noie n'ira pas plus profond que le bleu du tapis.  Elle est bien loin de ce que d'aucuns en disent : sport violent où deux tas de viande abrutis se martèlent le visage.  La boxe n'est pas un jeu.  On joue à la raquette, on joue au ballon rond.  On ne joue pas à la boxe.  C'est pour ça qu'on l'appelle le noble art.  Car il faut de la noblesse, pour monter sur un ring.  Il faut même être artiste, pour bien savoir boxer.  La beauté du coup de poing demeure autant dans l'esquive du frappé que dans la dextérité du frappeur.  

C'est un quartier populaire, d'ouvriers et de cheminots, on y haie la boxe, l'opérette, le musette accordéon, on n'y lit quasiment pas, la culture est une affaire d'élégants, d'oiseaux, d'aristocrates.  Car lire est dangereux, ça instille dans les coeurs des mondes inaccessibles qui ne portent au fond d'eux qu'envies et frustrations ; ça rend très malheureux, quand on est gens de peu, de savoir qu'il existe, dans un ailleurs fictif, des vies sans rides, ni balafres, où les rires, l'argent, la paix, l'amour poussent aussi joliment que du gazon anglais.

Ils ont, chacun à leur manière, élégamment rempli leur journée de travail, l'un rougeoyant l'acier, l'autre blanchissant les âmes, martelant ce pour quoi ils sont faits, du mieux qu'ils le pouvaient, sur la petite enclume de leurs destins.

Parce ce que c'est incensé, le nombre de choses dont ça peut être champion du monde, un père ; le nombre de combats que ça a dû mener pour transmettre la vie, puis la porter, à bout de bras, de nos premiers pas à nos premiers ébats, en supportant son poids comme l'Atlas l'univers.




 

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