mercredi 8 septembre 2021

Soleil bas - Emilie Hamoir ♥♥♥♥♥

 Soleil bas  -   Emilie Hamoir  ♥♥♥♥♥
























Academia
Parution : 18 mai 2021
Pages : 144
ISBN : 978-2-8061-0589-9
Prix : 14.50 €

Présentation de l'éditeur

Il y a vingt ans, Rose a disparu, laissant ses enfants, Anna et Paul, seuls avec leur père Léo. Un jour de canicule, la sonnette de l'appartement d'Anna retentit. Son frère Paul, qui a coupé les ponts avec sa famille depuis longtemps, vient lui annoncer la mort de leur père. Anna revient dans la maison de son enfance, au bord de la forêt. Passé et présent s'entrecroisent. Qui étaient réellement ses parents et qu'est-il arrivé à Rose ?


Mon avis

C'est un très beau premier roman que nous propose Emilie Hamoir, auteur brabançonne.

Soleil bas c'est le moment à l'aurore ou au crépuscule où le soleil nous éblouit et nous empêche de voir correctement les choses qui nous entourent... où comme Anna, la narratrice, qui enfouit au fond d'elle ses souvenirs, ses ressentis.

Anna est solitaire, elle vit seule, repliée sur elle-même et n'attend personne.  Lorsque l'on sonne à sa porte le 6 juillet elle se dit qu'il s'agit d'une erreur.. ne réagit pas..  Le coup de sonnette est insistant, elle ouvre et se retrouve nez à nez avec Paul, son frère qu'elle n'a plus vu depuis plus de dix ans.

Il lui annonce le décès de Léo, leur père ! 

C'est le point de bascule pour Anna qui décide de retourner dans la maison de son enfance, qu'elle avait quitté deux ans plus tôt.

Elle apprend que le décès de son père n'est pas accidentel, un suicide ! elle ne peut le croire et l'accepter.

Mais petit à petit ses souvenirs d'enfance vont émerger.. petit à petit elle va les décoder, en comprendre le sens.. voir enfin ce qu'elle avait ignoré.

Anna va beaucoup repenser à Rose, sa maman qui avait disparu lorsqu'elle avait cinq ans, au départ à ce moment de son frère protecteur, Paul, celui qui était choyé et fusionnel avec Rose et qui soudainement la regardait avec des yeux noirs...  

C'est un roman en alternance de voix, où le passé et le présent s'entrecroisent qui nous est proposé.  Rose va nous raconter son histoire, de la rencontre avec Léo jusqu'à son départ.

La construction est très habile, car petit à petit les voiles vont se lever, les secrets vont émerger, les pièces du puzzle s'emboîter,  permettant à Anna et à Paul de comprendre que leur vie aurait été autre s'ils avaient su.

L'écriture est magnifique, ciselée.  La construction parfaite, chaque chapitre évoquant une couleur, une émotion, une étape.

On n'imagine pas à quel point les secrets de famille - même si c'est pour protéger - ont un impact multi générationnel, c'est une des thématiques dont nous parle Emilie avec brio.

D'autres thèmes sont abordés comme les relations mère-fille, mère-fils, la difficulté d'être mère dans une société qui en veut de plus en plus, l'emprise du mari et la perte de sa place dans la famille.

Un premier roman magnifique, tout en finesse et émotion.  A découvrir d'urgence.

Ma note :  coup de coeur  ♥

Les jolies phrases

Il y a des jours où tout est difficile, des jours à l'élastique qui s'étirent et se tendent jusqu'à l'entrée du soir et la perspective de la nuit.

Si je refoulais assez ma peine, peut-être aurait-elle l'idée de passer son chemin.  Comme les monstres qu'on choisit d'ignorer et qui, déçus de ne pas pouvoir se repaître de notre peur, retournent se cacher dans l'ombre.

Cacher, enlever ce que nos yeux ne peuvent plus voir, taire les empreintes de ceux qui sont partis, comme un garrot pour éviter que la blessure s'aggrave. 

L'année de mes cinq ans, ma mère avait disparu et cette absence avait changé nos vies irréversiblement.  Mes souvenirs de ce jour étaient confus mais la rupture était tout aussi nette et précise qu'une incision au scalpel. Mon père disait qu'elle ne reviendrait pas, comme les morts enterrés au cimetière.

Rose n'était pas prête à être mère.  Elle pensait qu'elle ne le serait jamais.  Elle ne pouvait pas, ne voulait pas être responsable de quelqu'un d'autre, encore moins d'un bébé ou d'un enfant.  Lui confier la vie d'un petit être n'était pas raisonnable.

Je n'étais pas suffisante pour qu'il reste, pas plus que je ne l'étais pour ma mère.

Chaque secret en annonçait un autre, les deuils et les disparitions s'emboîtaient, s'imbriquaient jusqu'à former un mur si compact qu'on ne voyait rien, juste de la douleur sans que l'on comprenne d'où elle venait.

Je mis tout en oeuvre pour protéger mes parents, pour leur enlever un peu du poids de leur chagrin.

Si nous ne nous réduisons pas à un corps, s'il subsiste encore quelque chose de nous quand rien de tangible ne nous retient à cette terre, un souffle, une âme, une voix, un sourire, un regard, la sensation d'une autre main dans la nôtre, j'espérai que ce quelque chose de mon père ne s'en irait pas trop loin, qu'il ne m'abandonnerait pas encore une fois. 

On dit que le silence est assourdissant, ça peut sembler bizarre, mais c'est vrai.  Parfois, on se surprend avec les mains sur les oreilles pour ne pas l'entendre.  On le fuit pour éviter qu'il nous entraîne avec lui comme dans un trou noir.  On a peur de ne plus jamais entendre la voix de ceux qu'on aime quand ils nous ont quittés.  On a surtout peur de l'oublier.  On a peur de ne plus être capable de rire, parfois on n'arrive même plus à parler.  Quand le silence et le vide ont pris toute la place.




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