mardi 21 septembre 2021

La vie rêvée des hommes - François Roux ♥♥♥♥♥

 La vie rêvée des hommes  -   François Roux ♥♥♥♥♥




























Albin Michel
Parution : 02 juin 2021
Pages : 320
Isbn : 9782226455734
Prix : 19.90 €


Présentation de l'éditeur

À travers le récit d’un amour interdit, François Roux, auteur du Bonheur national brut, livre une fresque poignante. De 1944 à nos jours, deux êtres affrontent l’opprobre familiale, les ravages du conformisme social, le passage douloureux de la clandestinité à la légalité... La vie rêvée des hommes ou la chronique historique et intime de la condition homosexuelle.


Mon avis

"La vie rêvée des hommes", c'est une très belle histoire d'un amour compliqué, mais c'est aussi à travers le romanesque l'occasion de parcourir l'Histoire de 1944 à nos jours.  

Le droit de s'aimer lorsqu'on est du même sexe, ce n'est pas toujours simple même aujourd'hui, alors imaginez en 1944 !

C'est la fin de la guerre, nous sommes à Paris, deux hommes Stanley l'américain et Paul le français vont vivre ensemble une semaine inoubliable !  Un amour, une passion , sept jours qui seront pour Paul le point de bascule et la découverte de lui-même, de sa nature, le départ de l'acceptation.

Pas facile d'assumer dans les années 40, être homosexuel est considéré comme une tare, une dégénérescence, une maladie.  On en a peur comme de la consanguinité, de l'alcoolisme ou de la toxicomanie.  La répression est grande, les méthodes radicales : lobotomie ou castration chimique.

On va entendre tour à tour la voix de chacun. Stanley aux Etats-Unis, plus sûr de lui, il n'hésite pas à s'afficher plus ouvertement au fil du temps, à s'assumer. Paul, de l'autre côté de l'Atlantique en Bretagne, qui a du mal à s'accepter, à s'affirmer, il va se marier et fonder une famille afin de se fondre dans la société.  Cette situation ne lui convient pas vraiment mais le regard des autres, les préjugés l'empêchent de s'épanouir pleinement.

Les deux hommes ne vont cesser de correspondre durant ces années. 

Ce roman nous permet de vivre l'évolution du regard de la société concernant l'homosexualité. Il nous permet d'essayer de comprendre la frustration et les souffrances de ne pouvoir s'aimer au grand jour, de devoir se cacher avec un sentiment de honte infligé par notre société au fil du temps.  La difficulté de subir les injures, la répression, l'homophobie malheureusement encore trop souvent présente.

On va suivre le point de départ à Manhattan du mouvement reconnaissant petit à petit  le droit aux gays de passer de la clandestinité au grand jour,  le chemin sera long passant par la période Sida, l'événement d'Act Up et l'arrivée du Pacs.

C'est un récit poignant, un bel hymne à l'amour.  C'est passionnant, bien documenté.  Un livre que je n'aurais sans doute pas lu sans ma participation au jury Filigranes.  Merci à Marc et son équipe pour cette magnifique lecture.  

Un livre à lire absolument pour comprendre la différence et permettre plus de tolérance et  permettre à chacun de s'aimer ouvertement.

C'est un coup de coeur ♥♥♥♥♥



Les jolies phrases

Le vrai mensonge est celui qu'on se donne à soi-même, pas celui qu'on donne aux autres.

Il ne voulait ni se mentir à lui-même ni rassurer sa solitude.  Il s'estimait plus fort que cela, il se voulait libre dès lors qu'il est soumis à un ordre qui le muselle et le contraint à des accommodements qui vont à l'encontre de sa nature.

Stanley avait révélé à Paul quelque chose de prodigieux que personne d'autre n'aurait pu lui faire découvrir.  Ce n'était pas seulement le fait de coucher avec quelqu'un du même sexe qui l'avait bouleversé, cela tenait à la personne même de son Américain.  Leur rencontre, bien qu'essentiellement charnelle, avait réconcilié Paul avec lui-même, avec ses pulsions mais aussi avec son esprit, il avait inscrit son désir dans une légitimité inconcevable avant de le connaître.  Désirer Stanley, l'aimer de toutes les façons dont ils s'étaient aimés n'était plus un crime avec un homme tel que lui, ce n'était ni sale, ni avilissant, ni contre-nature, contrairement à l'opinion que la conscience publique en avait - à commencer par le Paul d'avant guerre.  Stanley, en raison de son côté inaccessible et brillant, l'avait fait grandir et se respecter davantage. Il l'avait d'une certaine façon allégé du poids que constituait l'épreuve de naître différent, dans une région déjà encline au secret, où l'exposition de soi et de ses démons intérieurs relevait presque du péché.

Et si l'homosexualité était réellement un fléau social comme venait de le proclamer le gouvernement, une tare au même titre que l'alcoolisme, la toxicomanie, la prostitution ?

Je suis différent des autres hommes, mon fils.  Je voulais que tu le saches.  Je n'en suis ni fier, ni honteux, c'est comme cela, il n'y a rien à y faire.

Tu n'as pas à me juger.  Non pas parce que je suis ton père mais parce que je n'ai rien choisi de ce que je suis.  (...)  J'espère seulement que tu auras le courage d'essayer de me comprendre.

Du jour au lendemain, Paul était devenu un rôdeur, un clandestin, un hors-la-loi, ce qui était loin de lui déplaire finalement : le goût de l'interdit pimente toujours les choses qu'elle que soit leur nature.  Il vivait aussi cette situation comme une manière de contrarier les pressions morales d'une société qui lui gâchait l'existence; pour lui et tous les autres comme lui, c'était le moyen d'entrer en résistance contre un système de répression invétéré.

Oui, est-ce que tu as déjà eu des gestes d'affection pour un mec quand il y avait des gens autour de vous ?  Est-ce que tu as déjà pris la main d'un homme ou roulé un patin à un type même si tous tes voisins trouvaient ça scandaleux ?  Moi je l'ai fait et j'en suis fier.  Je me suis fait tabasser à cause de ça mais ça n'a pas suffi à me calmer.  Au contraire, ça m'a donné la rage, tu comprends?  Ici vous passez votre temps à vous cacher pour faire des choses.

On le sait, ce ne sont pas les lieux en eux-mêmes qui fixent la mémoire, c'est grâce aux émotions qui y sont rattachées que nous pouvons garder tenace en nous le souvenir des choses.

L'homosexualité est un état parfaitement naturel, c'est même un état de fait, une manière de vivre, nous devons apprécier notre sexualité pour ce qu'elle est, sans jamais nous sentir inférieurs ou coupables.  Notre but ultime est d'atteindre une vie totalement libérée !  Et nous y parviendrons.

La répétition est un ennemi impitoyable du bonheur.

C'est ce que les parents devraient normalement, donner à leur enfant l'impression qu'ils sont capables de le défendre envers et contre tout, de l'aimer, d'être fiers de lui, de l'élever, tu entends, papa, de l'élever, c'est-à-dire de le porter beaucoup plus haut qu'il ne pourrait le faire tout seul, c'est à ça que servent les parents, à faire grandir leur enfant, au sens le plus beau du terme.  






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