C’est durant la réception internationale de La Plus Précieuse des marchandises que Jean-Claude Grumberg perd Jacqueline son épouse.
Depuis, jour et nuit, il tente de lui dire tout ce qu’il n’a pas pu ou pas osé lui dire. Sans se protéger, ni rejeter ce qu’il ne peut ni ne veut comprendre, il dialogue avec la disparue.
Incrédulité, révolte, colère se succèdent. Dans ses propos en cascades, réels ou imaginaires, qui évoquent la vie de tous les jours, Grumberg refuse de se raisonner, de brider son deuil. Les jeux de mots, l’humour, l’ironie, l’autodérision n’y changent rien.
Dans ce livre, où alternent trivialité et gravité, entre clichés et souvenirs, l’auteur dit la difficulté d’exprimer ce qu’il ressent.
Jean-Claude Grumberg fait son livre « pour et avec » Jacqueline, exaltant l’amour et l’intimité de la vie d’un couple uni pendant soixante ans.
Jean-Claude Grumberg est l’auteur d’une vingtaine de pièces de théâtre, dont Demain une fenêtre sur rue, Rixe, Les Vacances, Amorphe d’ottenburg, Dreyfus, Chez Pierrot, En r’venant d’Expo, L’Atelier, l’Indien sous Babylone, Zone libre, L’Enfant do, Rêver peut-être. Il est aussi l’auteur de Marie des grenouilles, pièce de théâtre pour la jeunesse créée en 2003 par Lisa Wurmser.
L’ensemble de son œuvre théâtrale est disponible aux éditions Actes Sud/Papiers qui ont également publié un recueil de ses pièces en un acte aux éditions Babel.
Il a reçu le prix du Syndicat de la critique, le prix de la SACD, et le prix Plaisir du théâtre pour Dreyfus, le prix du Syndicat de la critique, le grand prix de la Ville de Paris et le prix Ibsen et le Molière pour L’Atelier, ainsi que le Molière du meilleur auteur et le prix du théâtre de l’Académie française pour Zone libre et le Grand Prix de la SACD 1999 pour l’ensemble de son œuvre.
Rixe, créé en 1968 à Amiens dans une mise en scène de Jean-Pierre Miquel, est présenté en 1971 à la Comédie-Française dans le cadre du cycle Auteurs nouveaux dans une mise en scène de Jean-Paul Roussillon, avant d’être repris en en 1982 au Petit-Odéon. Au même programme figure Les Vacances dans une mise en scène de Jean-Paul Roussillon.
Amorphe d’Ottenburg est créé en 1971 au Théâtre National de l’Odéon par les Comédiens-français, dans une mise en scène de Jean-Paul Roussillon et entre au répertoire de la Comédie-française en 2000 dans une mise en scène de Jean-Michel Ribes. Sa dernière pièce L’Enfant do a été créée en 2002 au théâtre Hébertot dans une mise en scène de Jean-Michel Ribes.
Outre l’adaptation de La Nuit tous les chats sont gris (Babel /Actes Sud), qu’il a lui-même adapté pour le théâtre, il a également adapté Le Chat botté de Ludwig Tieck, Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller (Molière de la meilleure adaptation), Les Trois Sœurs d’Anton Tchekhov, et Encore une histoire d’amourde Tom Kempinski (Molière de la meilleure adaptation) et Conversation avec mon père d’Herb Gardner.
Source : Le seuil éditions
Mon avis
C'est difficile parfois d'exprimer ce que l'on ressent, encore plus lorsque l'on perd l'être aimé, chéri, adulé pendant près de soixante ans. Ironie de la vie et de la mort, c'est lorsque le succès est au rendez-vous avec "La plus précieuse des marchandises" - que je vous conseille vivement - que Jean-Claude Grumberg perd sa muse, son amour, sa raison de vivre, celle avec qui il a partagé sa vie : Jacqueline, son épouse.
Depuis, la douleur de l'absence ne le quitte pas. Il veut prolonger son contact avec Jacqueline, ne pas l'oublier, et pour la garder avec lui, pour rester en sa compagnie il entreprend ce magnifique récit. Un sublime récit sur le deuil, qu'il refuse et ne peut accepter.
Ce texte est universel, c'est un cri d'amour, l'amour de sa vie avec ses joies, ses regrets, sa honte de ne pas avoir su sauver celle qu'il aime et aimera jusqu'à son dernier souffle.
Il nous parle de l'absence, impossible d'imaginer et à accepter, des manques éprouvés physiquement, charnellement, sensuellement. Il écrit pour lui rendre une place dans son oeuvre, il refuse l'oubli.
Il nous raconte leur vie, leur rencontre, le devoir de mémoire des proches disparus, l'atelier, sa vie d'acteur, d'auteur, sa dépression après le succès de "L'atelier". Il nous crie sa rage de ne pas avoir réussi à sauver Jacqueline, en l'empêchant de fumer, ses remords de ne s'être focalisé que sur le premier cancer, les poumons et d'avoir négligé le reste.
Il hurle sa rage, son désespoir, sa honte, sa douleur. L'ironie de la vie qui lui donne le succès lorsque Jacqueline s'en va le jour de l'anniversaire de leur fille Olga.
Un texte magnifique à découvrir au plus vite.
Ma note : 9/10
Les jolies phrases
Quand le passé devient trop présent, il est grand temps d'oublier le futur.
Ils te portent dans l'escalier. Ils t'arrachent à la vie en te portant en triomphe.
L'amour qui cependant résista, surmonta, et surmonta même l'usure, la fameuse usure des couples dont nos contemporains nous ont rabattu les oreilles. Ni usure, ni ennui, jamais, jamais au grand jamais, durant ces soixantes ans passées collés l'un à l'autre, agrafés pour ainsi dire dans le même pli creux, jamais, jamais on ne s'est ennuyé, ne fût-ce qu'une seconde; toujours captivés par l'autre, toujours discutant, se disputant, se réconciliant, échangeant toujours.
A certains moments, sans que rien m'y prépare, seul ou en compagnie, la honte, la honte s'abat sur moi et m'accable, chassant la douleur et le chagrin. La honte de qui ? La honte de quoi ? La honte de vivre encore alors que tu ne vis plus ? La honte du lâche qui accepte d'être au monde sans toi ? La honte de l'impuissant qui n'a rien pu faire pour toi ? La honte de celui qui, n'ayant rien pu faire, tente avec ses écrits dérisoires de te maintenir vivante sur le papier griffoné?
Depuis que tu es partie, je suis comme un enfant envoyé en colo pour le reste de sa vie , avec des moniteurs incompétents, condamné à vivre ainsi, en vacances, sans fin, comme un enfant abandonné parmi d'autres enfants abandonnés.
C'est pourquoi j'écris, j'écris pour faire ce qu'il me reste à faire, ce que je crois savoir faire, pour te retenir, pour te garder encore, pour garder l'être aimé qui s'éloigne inexorablement, happé par les trous noirs du temps qui passe et qui efface ta douceur et ta beauté.
Moi j'écris comme d'autres édifient des monuments pour honorer la mémoire de leurs disparus. Je tente ainsi d'ériger du bout de ma plume un palais de papier accessible à tous ceux qui n'ont pas eu la chance de te connaître, donc de t'aimer.
Avec l'espérance de vie qui s'allonge, divorcez le plus tôt possible. Ne vous attachez pas, résistez ! Ne laissez pas l'autre devenir une moitié pour vous. On souffre trop, on souffre trop quand cet autrre devenu une partie de nous s'arrache à nous. Quittez-vous, quittez-vous avant que l'amour soit trop fort. Changer de partenaire, profitez de votre jeunesse, partouzez, échangez, visionnez des films pornos, mais ne restez pas à vous aimer.
Le pain du deuil se mange seul et se mâche longtemps tant il est dur à déglutir.
Ce fut cette nuit-là que je découvris qu'on n'écrivait pas pour gagner sa vie, qu'on écrivait pour crier sa douleur ou son amour, sa joie ou son désespoir, ou les deux. Et depuis je n'ai jamais pu revenir en arrière et écrire quoi que ce soit "pour gagner ma vie", ou la tienne.
La douleur ; la douleur chasse le moindre souffle de joie, mais cette douleur m'est précieuse, si elle venait à disparaître elle aussi, je la regretterais. Cette douleur est la rançon du bonheur partagé. Cette douleur témoigne de ton absence. J'aime cette douleur. Elle me rappelle la joie de t'avoir connue et la peine infinie de t'avoir perdue.
Je pense, vois-tu, que c'est le premier avis sans frais que le propriétaire de la planète, quel qu'il soit, qu'il existe on non, adresse à ses locataires peu scrupuleux. Locataires qui pensent être devenus eux-mêmes les propriétaires et qui se conduisent sur la planète comme chez eux, c'est-à-dire comme des sagouins, des salopards disons, pour ne pas insulter les espèces. Des locataires qui pillent les sols, coupent les arbres, tuent les animaux, liquident les espaces verts, font de plus en plus de saccages sur cette planète qui fut conçue pour Adam et Eve et qui abrite aujourd'hui neuf milliards d'individus, tous susceptibles d'attraper et de propager le corona. Le proprio a tous les droits, il peut nous virer, nous envoyer nous faire voir ailleurs, sur Mars ou Vénus. C'est d'ailleurs incroyable et troublant que nous soyons à deux doigts d'aller visiter Mars et dans l'incapacité de trouver un traitement pour stopper et faire cesser cette saloperie.
Du même auteur j'ai lu
Et vous recommande vivement. Cliquez sur la couverture pour avoir accès vers l'article
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire