JC Lattès
Parution : 18 août 2021
Pages : 300
Isbn : 9782709668644
Prix : 20 €
Présentation de l'éditeur
Anna Gauthier mène une existence à l’abri des tourments entre sa pharmacie, sa villa surplombant la mer et sa famille soudée.
Dans un climat social inflammable, un incident survient et son fils Léo, lycéen sans histoire, se retrouve aux prises avec la justice. Anna assiste impuissante à l’écroulement de son monde, bâti brique après brique, après avoir mesuré chacun de ses actes pour en garder le contrôle.
Qu’advient-il lorsqu’un grain de sable vient enrayer la machine et fait voler en éclats les apparences le temps d’un été ?
À travers un portrait de femme foudroyant d’intensité et d’émotion, Un tesson d’éternité remonte le fil de la vie d’Anna et interroge en un souffle la part emmurée d’une enfance sacrifiée qui ne devait jamais rejaillir.
L'auteure
Mon avis
Anna Gauthier est pharmacienne, elle a épousé Hugues, attaché culturel à la mairie et leur fils Léo de 18 ans est un étudiant brillant qui doit passer le bac dans quelques semaines.
Ils occupent une superbe villa surplombant la mer, font partie de la société reconnue du coin, ont de nombreux amis. Ils comptent dans la vie de la bourgade. On vient de proposer à Anna d'intégrer un poste important dans une société bio tech, récompense de nombreux efforts et sacrifices depuis des années pour elle qui vient d'un milieu social très modeste.
Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, l'avenir semble enfin serein sauf que ... un tout petit grain de sable va chambouler tous ces espoirs.
Un matin tout bascule, la gendarmerie sonne à la porte aux aurores et embarque Théo menotté sans la moindre explication !
D'un seul coup tout s'effondre !
Incompréhension, injustice, colère , commence ainsi le combat d'une mère.
Léo est confronté à l'univers carcéral, sa violence, son manque d'humanité. Tout ce monde décrit par Valérie Tong Cuong avec un réalisme effarant : les cris, les odeurs, les parloirs, la promiscuité, la violence.
Anna va se battre comme une lionne pour sauver son fils, cet élément va faire ressurgir son passé, les traumas enfouis, tout ce pourquoi elle a voulu être qui elle est.
Ce roman à la plume sensible, chirurgicale, juste c'est celui du déterminisme social, celui de la souffrance d'une mère qui depuis son enfance n'avait que deux alternatives accepter ou se battre, être dominante ou dominée.
Elle avait choisi de refouler ses blessures, ses manques, d'être et de paraître, de s'élever socialement envers et contre tout.
Valérie Tong Cuong décortique avec finesse et brio la psychologie complexe de l'être humain. C'est fulgurant ! A lire de toute urgence.
Encore un joli coup de coeur ♥♥♥♥♥
Les jolies phrases
L'accomplissement d'Anna Gauthier s'est fondé sur la combinaison de deux principes : éliminer autant que possible l'incertitude et donner à voir ce qui est attendu.
Ma fille, ne vise pas trop haut si tu n'as pas le bon arc.
Ce qu'elle a en tête, ce n'est pas cette scène d'un gamin excité qui semble fasciner le pays en entier, c'est Léo assis seul, dos au mur.
Elle sait depuis toujours que chaque être humain porte en lui d'indicibles secrets. Il lui arrive parfois lorsqu'elle marche dans la rue, d'être piquée par cette idée et de ne plus penser qu'à cela, à chaque visage croisé : quel secret portes-tu, toi, et toi aussi, et toi encore. Quelle honte, quel crime, quel mensonge ? ces masques au poids variable, personne ne les ôtait jamais entièrement, elle en était persuadée. Jusqu'à sa mort, chacun conservait sa part d'inavouable, qu'il s'agisse de se protéger ou de protéger autrui, qu'il soit victime ou coupable.
La porte de l'autre monde vient de s'ouvrir en grand, comme elle s'ouvre à ceux qui savent la puissance des rôles et des masques.
Anna avait éprouvé l'ivresse de l'alpiniste approchant le sommet de l'Everest et contemplant la courbure de la terre, le corps épuisé mais plus vivant que jamais. Ainsi, quelque vingt-cinq ans après s'être libérée de ses chaînes, poursuivait-elle encore son ascension !
La vérité, c'est qu'elle s'était faite pour eux. Ce n'était qu'une représentation supplémentaire dans le théâtre de son existence : elle s'appliquait à montrer aux autres ce qu'ils voulaient voir et cela fonctionnait. Il y avait un prix à payer bien sûr, c'était épuisant de se surveiller, de chercher constamment dans l'oeil d'autrui la validation de ses efforts, épuisant de surmonter la crainte lancinante d'être rattrapée par le passé, mais à force de pratique, c'était devenu un état naturel, cette hypervigilance, une ligne de crête qu'elle suivait avec la certitude de servir un enjeu vital.
D'où Anna venait, le monde n'était pas régi par des règles mais par la loi du plus fort, et le plus fort contrôlait par la peur. Les règles apparaissaient comme des balises sur son chemin, une rampe à laquelle elle pouvait se tenir pour grimper plus vite.
N'a-t-il pas toujours su que cette amitié comportait des limites ? N'est-il pas responsable de les avoir ignorées ? A la seconde où ils ont pénétré dans la cour du lycée, il est devenu évident que Tim en serait le roi. Tim était le fils de, Tim possédait l'assurance innée que confère l'argent lorsqu'il coule à flots, autour de lui on se pressait, on cherchait à lui plaire, on espérait être l'élu(e)n la petite amie ou le meilleur ami - et on prétendait être une bande de copains égaux en droits et en devoirs, alors qu'une indéniable et pesante hiérarchie organisait les relations. Lorsque Léo avait décroché cette place de choix, celle du meilleur ami, il était implicite qu'elle comportait une servitude; Implicite aussi qu'il ne serait rien de plus, un simple satellite gravitant autour du soleil, et c'est sûrement pour cela qu'elle lui avait échu, les autres ne se seraient pas contentés de jouer les seconds rôles, mais à lui, cela paraissait correct, il serait le Sam de Frodon, le Robin de Batman. Il avait laissé Tim déguiser son sentiment de supériorité en générosité, usant et abusant du portefeuille parental.
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