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Collection La bleue
Parution : 13 janvier 2021
Pages : 220
EAN : 9782234084223Prix : 19.50 €
Présentation de l'éditeur
Entre la Comédie Française et le Berry, entre la vie parisienne et la campagne désolée, maussade et pauvre, se joue dans Rideau noir – des années 1930 à 2021 – un sulfureux ballet de vie et de mort qu’orchestrent avec indifférence et mélancolie d’insaisissables fantômes de comédiens.
Le roman navigue du Conservatoire National d’Art Dramatique à un cimetière de village où l’on piège les filles trop différentes en passant par un atelier de menuisier où sont fabriquées de dangereuses amulettes.
On y verra aussi des mères en guerre avec leurs filles se déchirer avec haine, des spirites exsangues aux prises avec l’au-delà, des mages vouloir changer l’ordre des choses et des amants fous vivre enfin leur passion dans la mort.
C’est le théâtre, l’art théâtral, l’art tout court, qui permettent ici de défier la disparition, la mort, le destin. Et la raison. De renouer encore et toujours avec la renaissance et l’éternité.
La scène un fabuleux et inexploré laboratoire de tous les possibles, de toutes les modernités ? Un lieu où les héros et héroïnes de Rideau Noir apprennent à défier et exorciser à jamais la précarité de nos existences. Un lieu de magie où vie et mort se côtoient et s’épousent. Où n’existent plus ni vie, ni mort.
Fabienne Pascaud
Fabienne Pascaud dirige la rédaction de Télérama depuis 2006 où elle assure aussi la chronique théâtre. Elle est l’auteure de plusieurs livres sur Michel Bouquet (2001) et Ariane Mnouchkine (2005) chez Plon ; sur Les Deschamps-Makeieff (2010) et Jean-Michel Ribes (2019) chez Actes Sud. De 1985 à 1995, elle a été productrice de plusieurs émissions de théâtre sur feu Antenne 2 et FR3. De 1990 à 2008, elle est coauteur de nombreux documentaires diffusés sur Arte ou FR3 autour d’Antoine Vitez, Roger Planchon, Maria Casarès, Patrice Chéreau, Edwige Feuillère, Michel Bouquet, Peter Brook, Jean-Michel Ribes, Pierre Arditi, Ariane Mnouchkine. Rideau noir est son premier roman.
Mon avis
Mon avis
Un roman faisant partie de la sélection du prix Filigranes 2021. Je dois vous avouer que de prime abord, il ne m'attirait pas trop, quelle erreur ! une très belle surprise au final !
Une construction parfaite qui nous promène dans le temps, du Berry à Paris, de 1930 à nos jours.
L'univers théâtral est au centre du texte et même si j'adore ça, j'avoue que l'énumération des acteurs et metteurs en scène du passé ne m'a pas passionnée, un recensement qui plait sans doute aux érudits mais qui a un peu terni mon plaisir de lecture, c'est le seul bémol de ce roman passionnant !
Venons-en aux faits. Immersion complète dans le monde du théâtre en compagnie de trois femmes.
Laura, 21 ans en 1947, une jeune comédienne prestigieuse qui rafle trois premiers prix de la comédie française.
Irène, contemporaine, solitaire qui écrit pour le théâtre. Depuis toujours, elle est passionnée et attirée par l'invisible. En 2019, elle subtilise un vase funéraire dans un cimetière local du Berry, c'est celui de Laura Nuit.
Stéphanie est comédienne, elle joue son spectacle "Monstrueusement mère", inspiré d'un fait divers de 1947. Elle a du succès et elle aussi est attirée par le monde ésotérique.
Ces trois femmes ont eu des rapports mère/fille compliqués, et la personne qui va les réunir c'est Emile, un attaché de presse organisant chez lui des séances de spiritisme.
Avec ce petit monde, nous allons évoluer dans le temps, passé, présent s'entrecroisent et permettent petit à petit aux pièces d'un grand puzzle de s'emboîter les unes aux autres, un puzzle diabolique.
Ce roman c'est le rapport mère/fille au théâtre mais aussi la mort qui cotoie sans cesse la vie avec une dimension particulière celle du monde de l'occulte, spiritisme, sorcellerie au programme.
Le théâtre ne ressuscite-t-il pas sans fin la mort ? Les acteurs jouent sur scène des personnages qui ne meurent jamais car ils les réincarnent et rejouent encore la mort et encore.
"Rien ne mourait au théâtre. Les morts sans fin y triomphaient des vivants. Avant que les vivants sans fin n'y triomphent des morts. Tout était confondu."
J'ai pris du plaisir à la lecture de ce roman exigeant me demandant où l'auteur voulait en venir, et je n'ai pas été déçue. Un monde noir, obscur mais passionnant. J'ai beaucoup aimé retrouver l'ambiance des salles de spectacle, l'envers du décor. Un roman sortant de l'ordinaire.
À découvrir.
Ma note : 7.5/10
Les jolies phrases
Elle était entrée en théâtre comme une mystique entre en contemplation, s'offrant sans rien garder pour elle.
Emile était convaincu que depuis des millénaires le théâtre était un épicentre où se conjugaient la mort et la vie. Si le réel et la fiction s'y confondaient si bien, si la monstruosité et l'innocence n'y faisaient qu'un, sans que les frontières en soient décelables, pourquoi n'en serait-il pas de même du vivant et de l'enfui ? La fin, la chute, l'enfer pourraient être assurément domptés dans ce prodigieux maelström si on savait bien l'explorer, s'emballait maintenant Emile. Pourquoi n'avait-on jamais tenté de se servir des théâtres comme des laboratoires où observer, asservir et vaincre enfin la mort ? et pour faire de l'énergie de la scène un authentique tremplin vers l'infini ? Les comédiens et leurs personnages n'y étaient-ils pas morts et ressuscités des milliards de fois...
Acteur, il n'existait après tout que par procuration, par personnages interposés. C'était un imposteur. Il ne vivait rien, ne créait rien.
Il voulait en même temps lui suggérer, d'âme à âme, avec la rapidité de l'éclair, que le théâtre sans fin ressuscitait les morts. Qu'il était impossible d'y mourir vraiment. Que la scène était un lieu d'apparitions-disparitions toujours renaissantes. Un lieu d'éternité au monde. Il fallait juste savoir s'y abandonner, s'y laisser couler.
Celui qui domine pas sa trouille, il est foutu. La sorcellerie, c'est la peur. Ça commence par là, mon gars. Si tu flanques la pétoche à l'autre, t'as le dessus. Le temps qu'il réagisse, il est coincé. C'est pour ça qu'il faut se préparer à tout, pour jamais, toi, avoir peur. Jamais.
Rien ne mourait au théâtre. Les morts sans fin y triomphaient des vivants. Avant que les vivants sans fin n'y triomphent des morts. Tout était confondu. Comme nulle part ailleurs.
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