Feu le vieux monde - Sophie Vandeveugle
Denoël
Parution : 10 mai 2023
Pages : 176
Isbn : 9782207178157
Prix : 17 €
Présentation de l'éditeur
« L’aube s’ouvrit sur un ciel de fumée. La ville, entourée de collines qui la regardaient, semblait bien frêle là-dessous, presque prise en étau, et n’avait plus pour horizon que ce ciel anthracite qui, à mesure que se levait un soleil de feu, s’orangeait. »
La petite ville de Bas-les-Monts a subi la mobilisation de ses jeunes et vit, depuis, au rythme des avions et sous la menace.
L’ennemi est d’une inhabituelle envergure, la ligne de front se déplace au gré des vents : en ce nouvel été caniculaire, ce sont d’effroyables incendies que les appelés combattent. Séparés de leurs familles, Nino, Joseph, le Moineau et les autres découvrent la camaraderie de la troupe et les limites de la docilité. Sous les frondaisons de la forêt suppliciée, le règne animal paie lui aussi un lourd tribut à cette guerre moderne…
Ardente et engagée, cette fable confie à la jeunesse la capacité de lucidité, le pouvoir de l’indignation et la volonté d’inventer l’avenir.
L'autrice
Née à Tournai en 1998, diplômée en lettres, aujourd’hui étudiante en journalisme, Sophie Vandeveugle est une autrice belge.
Elle a remporté en 2021 le Prix Jeune Audiberti pour sa nouvelle "D’une nuit l’autre", et le Prix Fintro 2023 en littérature francophone pour son premier roman "Feu le vieux monde".
Elle vit à Tournai.
Elle a remporté en 2021 le Prix Jeune Audiberti pour sa nouvelle "D’une nuit l’autre", et le Prix Fintro 2023 en littérature francophone pour son premier roman "Feu le vieux monde".
Elle vit à Tournai.
Mon avis
Nous sommes à Bas-Les-Monts, une petite ville qui vit sous la menace. Des avions passent, c'est la guerre... Les jeunes de 18 à 40 ans ont été mobilisés. C'est Montiel qui dirige une vingtaine de jeunes dont Nino, Joseph, le Moineau et trois camions. La menace c'est l'été, la belle saison que l'on craint aujourd'hui tellement les températures montent, la menace c'est le feu que l'on traque, que l'on essaie de vaincre tout autour de la ville espérant qu'il ne la gagne pas.
Les incendies font rage, la ligne de front se déplace sans cesse au gré des vents. Le feu laisse peu de répit à ces jeunes qui apprennent à se connaître, mesurant les limites de chacun. Les femmes ne sont pas sans reste, certaines s'engagent, d'autres organisent la résistance, apportent des vivres aux soldats du feu.
Ce récit c'est un peu la révolte de l'état de notre monde, une façon de faire de la résistance, de dénoncer les nombreux travers de notre société. Si le monde part en fumée c'est aussi et surtout le faute de l'homme qui ne respecte pas toujours le vivant, qui au prix d'élevage intensif déboise, fait de la culture intensive, tue petit à petit les ressources de dame la terre.
Une écriture engagée sur le constat de l'état de notre monde, une façon de dire la révolte mais aussi de susciter des réflexions pour que l'on agisse, que l'on change le vieux monde en autre chose. Une prise de conscience , l'envie de réinventer un avenir; C'est lucide, dur, très dur mais tellement réaliste. Dire, constater ce que font nos politiques est une chose mais c'est agir, changer de stratégie que nous souffle ce magnifique premier roman.
L'écriture est magnifique, oserais-je dire flamboyante, ardente. Un texte fort à découvrir d'urgence. Essentiel.
Ma note : 9.5/10
Les jolies phrases
L’aube s’ouvrit sur un ciel de fumée. La ville, entouré de collines qui la regardaient, semblait bien frêle là-dessous, presque prise en étau, et n’avait plus pour horizon que ce ciel anthracite qui, à mesure que se levait un soleil de feu, s’orangeait. Sous l’épais nuage, les monts s’alignaient, couverts de bois et de champs qu’interrompaient par endroits quelques fermes isolées ; on aurait dit une longue mer immobile d’où surgissaient de hautes vagues sans jamais chuter sur l’écume florissante. La nuit, sans crainte des voleurs, toutes fenêtres ouvertes, avait été longue : depuis plusieurs semaines il ne pleuvait pas et demeurait, impitoyable, une chaleur de désert qui gardait l’air toujours brûlant et sec. Une chaleur à coller, à suer au moindre effort et à ne rien faire, aussi. L’herbe partout où l’on y marchait craquait, semblait sur le point de s’émietter, jaune et courte : les premiers volets des bâtisses de Bas-les-Monts s’ouvrirent sur des balcons et des parterres où fanaient les fleurs, tête basse, que l’on ne pouvait plus arroser.
Le ciel était toujours opaque, il ressemblait aux poumons encrassés des fumeurs de longue durée et Bas-les-monts n'en paraissaient que plus vulnérable.
Les feux brûlaient davantage que les terres, il brûlait un monde : les vies par milliers se changeaient en une fumée recouvrant les villes, comme pour rappeler à la multitude humaine le massacre qui avait cours là-bas, sans certitude qu’elle comprenne jamais quoi que ce soit – parmi ceux qui s’apitoyaient sur le sort des êtres qu’ils appelaient « bête », combien se moquaient des morts moins spectaculaires, ou plus dissimulées ? Combien, à la justice, préfèrent la complaisance ? Aux yeux des hommes, il n’est souvent de victimes, de martyrs, que celles et ceux sous les projecteurs.
La ville pouvait bien regarder où elle voulait, partout le ciel l'enrobait d'une perpétuelle couche fumeuse qui semblait lui dire : "Regarde, ville : à tes usines fumantes, faux poumons d'acier aux alvéoles d'argent, ont succédé les feux de tes grandes espérances de vie; Regarde, ville : tes forêts brûlent comme ont trop brûlé tes usines et les corps par milliards, l'air partout ne sera bientôt plus que touffeur et les cieux, cendre."
La ville pouvait bien regarder où elle voulait, partout le ciel l'enrobait d'une perpétuelle couche fumeuse qui semblait lui dire : "Regarde, ville : à tes usines fumantes, faux poumons d'acier aux alvéoles d'argent, ont succédé les feux de tes grandes espérances de vie; Regarde, ville : tes forêts brûlent comme ont trop brûlé tes usines et les corps par milliards, l'air partout ne sera bientôt plus que touffeur et les cieux, cendre."
Travailler, toujours travailler... Au fond, ce n'est pas le travail qui me dérange, c'est que ce soit une condition pour vivre, mais même pas une garantie d'y arriver dignement. Et le fait aussi qu'il n'importe pas que ça ait du sens, du moment que ça rapporte. Enfin, pas à nous, naturellement.
Souvent, aussi, je me dis que c'est à force de devoir travailler, gagner de l'argent pour vivre, pour manger, que les gens n'ont plus le temps de réfléchir.
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