Epoque - Laura Poggioli
Présentation de l'éditeur
Les failles de ces enfants sont pour Lara le miroir de ses propres addictions. Celles dont elle peut parler en riant, celles qui lui pèsent et qu'elle essaie régulièrement d'abandonner, celles plus honteuses qu'elle tait. Au fil des consultations, ses souvenirs refont surface.
Cinq ans plus tôt, Lara a eu une liaison avec son médecin. Pendant quelques semaines, elle s'est laissé prendre au piège, dans une frénésie de messages et de photos intimes. Jusqu'à perdre le contrôle.
Époque est un roman féroce et viscéral, celui d'une génération dévastée par les écrans.
Laura Poggioli
Née à Angers, d’origine italienne par ses grands-parents, Laura Poggioli tombe en amour de la langue russe au lycée. Elle poursuit son apprentissage à l’université en parallèle à ses études à Sciences-Po. Comme une évidence, son premier livre s’inscrit sur ce territoire-là. À son chevet, les recueils de Anna Akhmatova et Marina Tsvetaeïva, les deux grandes poétesses russes qu’elle aime autant pour leurs vers que pour leurs vies. Comme Marina Tsvetaeïva, elle fait reposer la sienne sur trois piliers : l’amour, la création, la famille. Âgée de 37 ans, elle est mère de trois enfants et vit à Boulogne- Billancourt. Bien sûr, Emmanuel Carrère est l’un de ses maîtres en écriture, avec, tout particulièrement, Un roman russe et Limonov.
Mon avis
Époque c'est un roman très actuel qui reflète notre société et nos addictions au numérique.
Réfléchissez un instant, quelle est en général une des premières choses faite le matin ? ou le soir avant d'aller dormir ? Je suis certaine que la majorité d'entre vous répondra jeter un œil sur mon téléphone.
Nous sommes devenus des esclaves de nos petits écrans! Alors imaginez ce que cela donnera sur les enfants et les adolescents.
Comme l'autrice, je repense à mon enfance sans écran si ce n'est que la télé, à un temps où on pouvait s'ennuyer, jouer dehors, s'occuper avec de vraies personnes. On a grandi comme ça sans écran et pourtant aujourd'hui on est devenu pour la plupart accro à nos téléphones portables.
C'est ce thème que Laura Poggioli aborde dans son roman mêlant habilement le je de l'autofiction pour son personnage (miroir ?) Lara et la troisième personne pour décrire les enfants, les ados ou le personnel médical ou accompagnant dans un centre d'addictologie d'un hôpital.
Lara est titulaire d'un master en psychologie, elle veut ouvrir un centre pour aider les jeunes addicts aux écrans à se réapproprier leur vie. Elle aussi a ses addictions, elle a été il y a cinq ans, victime de cyberharcèlement.
Dans ce récit docu-fiction, Laura Poggioli nous secoue, nous fait prendre conscience de la nécessité d'informer, d'agir pour réduire le temps passé sur écran, que nos comportements d'adulte, de parents ont de graves conséquences sur les enfants. N'avez-vous jamais été témoin de parents qui conduisent les enfants au parc et sont absents psychiquement car ont les yeux fixés sur leur téléphone, ou encore dans un resto ou un moment entre amis donnant dès le plus jeune âge un écran à leurs jeunes enfants. Les écrans qui changent le regard des jeunes se pensant entourés et en réalité de plus en plus seuls, isolés, désespérés.
Les réseaux prétendent ouvrir une fenêtre sur le monde alors qu'ils ne font que souder les barreaux d'une prison.
C'est bien documenté avec en parallèle l'histoire de Lara, victime de cyberharcèlement. Le livre se lit très vite, l'écriture est fluide, sensible, hyperréaliste, descriptive. L'autrice a un regard lucide sur notre monde, notre époque et présente aussi des solutions, information, sensibilisation, décrochage progressif d'une heure par jour avec une activité de substitution.
Un livre actuel à mettre dans un maximum de mains.
Ma note : 9.5/10
Les jolies phrases
Il y a les heures que les plus jeunes passent sur les écrans, mais aussi tous les moments pendant lesquels nous, parents, sommes davantage absorbés par nos smartphones que par leur quotidien.
Qui n'a jamais ressenti un malaise en arrivant au parc et en constatant que plusieurs adultes ont les yeux rivés sur leur portable au lieu d'échanger avec leurs enfants ? pour autant, ne le faisons-nous pas tous, parce que c'est plus fort que nous ? On le fait même quand on sait qu'il ne faudrait pas. On le fait même si on a lu des études sur les méfaits de tous ces moments où l'adulte est là sans être là, présent physiquement mais indisponible psychiquement.
Les réseaux prétendent ouvrir une fenêtre sur le monde alors qu'ils ne font que souder les barreaux d'une prison.
Le numérique a ce pouvoir inédit d'étendre ce mal-être à chaque instant puisque nos appareils nous suivent partout, tout le temps.
À l'hôpital, je cherchais des réponses. J'y ai trouvé un condensé de souffrance et d'anxiété, mais aussi de l'espoir et une profonde humanité. Des femmes et des hommes agités de questions. Juste des humains, en somme.
Les problèmes d'addiction et d'autodestruction prennent bien souvent leurs racines dans une simple volonté de supporter la douleur physique que provoquent les émotions.
Plus je stimule un enfant, plus je dois continuer de le stimuler afin d'avoir toute son attention.
De façon plus diffuse, le rapport aux corps des adolescents, tout particulièrement celui des jeunes filles, est altéré par leur usage des réseaux sociaux, générant de la dysmorphophobie - des pensées obsédantes sur un défaut imaginaire ou une légère imperfection de l'apparence physique - des troubles du comportement alimentaire, un recours précoce à la chirurgie esthétique. Comment pourrait-il en être autrement quand l'adulte que je suis ne peut s'empêcher de cliquer lorsque son fil d'actualités Facebook lui propose des articles sur des personnalités qui auraient mal vieilli ?
J'ai l'impression que chez tous ces jeunes les écrans ne font que rendre les peines plus intenses.
Entre ces murs, je repense souvent au sentiment de solitude qui m'enveloppait quand j'étais enfant. Je ne le sentais pas partagé, il m'appartenait. J'avais droit à l'ennui et au silence. Aujourd'hui, l'ultra-connexion digitale nous déconnecte paradoxalement les uns des autres, et le sentiment de solitude se fait sociétal.
Les suicides de plusieurs adolescents victimes de harcèlement scolaire ont mis en lumière l'effet amplificateur des réseaux sociaux à l'âge décisif de la construction sociale de l'identité.
Se faire toujours mal pour avoir moins mal.
Si vos enfants vous voient tout le temps sur votre téléphone, ils se disent que c'est ça devenir grand.
Le numérique a ce pouvoir inédit d'étendre ce mal-être à chaque instant puisque nos appareils nous suivent partout, tout le temps.
À l'hôpital, je cherchais des réponses. J'y ai trouvé un condensé de souffrance et d'anxiété, mais aussi de l'espoir et une profonde humanité. Des femmes et des hommes agités de questions. Juste des humains, en somme.
Les problèmes d'addiction et d'autodestruction prennent bien souvent leurs racines dans une simple volonté de supporter la douleur physique que provoquent les émotions.
Plus je stimule un enfant, plus je dois continuer de le stimuler afin d'avoir toute son attention.
De façon plus diffuse, le rapport aux corps des adolescents, tout particulièrement celui des jeunes filles, est altéré par leur usage des réseaux sociaux, générant de la dysmorphophobie - des pensées obsédantes sur un défaut imaginaire ou une légère imperfection de l'apparence physique - des troubles du comportement alimentaire, un recours précoce à la chirurgie esthétique. Comment pourrait-il en être autrement quand l'adulte que je suis ne peut s'empêcher de cliquer lorsque son fil d'actualités Facebook lui propose des articles sur des personnalités qui auraient mal vieilli ?
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