Faisait partie des sélections du prix du Roman Fnac de la rentrée 2013
Un véritable coup de coeur
Valentina d'Urbano Traduit de l'italien par Nathalie Bauer
Le bruit de tes pas
Date de parution : 5 septembre 2013
ISBN : 978-2-84876-341-5
14,5 x 22 cm
240 pages
19 €
Résumé
« La Forteresse », 1974 : une banlieue faite de poussière et de béton, royaume de l’exclusion. C’est là que grandissent Beatrice et Alfredo : elle, issue d’une famille pauvre mais unie, qui tente de se construire une vie digne ; lui, élevé avec ses deux frères par un père alcoolique et brutal. Presque malgré eux, ils deviennent bientôt inséparables au point de s’attirer le surnom de « jumeaux ».
Mais ce lien, qui les place au-dessus de leurs camarades, tels des héros antiques, est à la fois leur force et leur faiblesse. Car, parallèlement à la société italienne, touchée par la violence des années de plomb, leur caractère, leur corps et leurs aspirations évoluent. Chez Beatrice, qui rêve de rédemption et d’exil, l’amitié initiale se transforme peu à peu en amour sauvage, exclusif. Chez Alfredo, fragile et influençable, le désespoir s’accentue.
Drames familiaux, désœuvrement, alcool et drogue, tout semble se liguer pour détruire les deux jeunes gens. Et, quand l’héroïne s’insinue dans la vie d’Alfredo, Beatrice, tenace, ne ménage pas ses forces pour le sauver, refusant de comprendre que la partie est perdue.
Le bruit de tes pas est le récit de ces quinze années d’amitié et d’amour indéfectibles. Un premier roman âpre d’une sobre poésie, une voix qui perdure longtemps dans l’esprit de son lecteur.
Notes de l'éditeur
Publié après avoir gagné le concours « Io scrittore », remarqué par la presse, Le bruit de tes pas a été sélectionné par plusieurs prix du premier roman.
« Avec son incipit foudroyant, Le bruit de tes pas attire l’attention et force l’admiration par sa construction habile, la fluidité de sa narration et la capacité de son auteur d’incarner ses personnages et leur milieu. »
La Repubblica
« Jeune romancière animée par une rage puissante, Valentina D’Urbano façonne avec talent des personnages émouvants. Cette néoréaliste nous offre un drame privé de rédemption. Alfredo et Bea, les héros dévastés de son premier roman, sont des “jumeaux” au sens radical et inéluctable du terme, tels que le Heathcliff et la Catherine desHauts de Hurlevent. »
La Lettura
« Des débuts littéraires salués par l’éditeur comme “un petit tour de magie”, une histoire de détérioration et d’abandon dure, sèche, tranchante et captivante. »
L’Espresso
Je commencerai cette critique par la première citation du livre qui le résume assez bien "Même le dernier des minables a besoin d'une histoire".
Le livre débute le 24/06/1987. C'est l'enterrement d'Alfredo, il avait 20 ans. Béatrice est présente. On les appelait les jumeaux. C'est une histoire d'amitié et d'amour qui a duré 15 ans.
Béa et Alfredo vivent en Italie, dans une cité un peu spéciale : des logements squattés où si vous ne restez pas chez vous, le soir même vos affaires peuvent être mises dehors et un autre occupant peut avoir pris la place.
Nous sommes dans un quartier romain où même la police n'ose pas venir, ce quartier se nomme La Forteresse.
C'est à l'âge de huit ans que Béatrice a fait la connaissance d'Alfredo, par le biais de son frère Francesco. Alfredo et ses frères sont régulièrement battus par leur père qui est continuellement ivre et dangereux. Alfredo a atterri à la Forteresse quand il avait cinq ans, sa mère est morte en couches dans la misère.
A partir de ce moment, Alfredo est régulièrement accueilli chez Béa et ses jeunes parents (lorsque Béa est née, sa mère avait 16 ans, son père 19).
Nous sommes dans les années 70, des désespérés, des rebuts de la société avaient afflué ici, donné la vie au quartier et mis au monde des enfants à l'avenir on ne peut plus sombre.
Béa et Alfredo sont inséparables. A 16 ans, elle aimerait tant qu'il la voit autrement, pas comme une soeur, pas comme sa meilleure amie, autrement.... Alfredo a une amoureuse mais il va la larguer pour Béa.
Puis commence la descente aux enfers, la drogue. Béa quitte son travail pour lui, elle lui donnera tout par amour mais un moment elle dira "Heureusement il est en vie. Au moins, je vais pouvoir le tuer de mes propres mains."
Un livre sur les sentiments, ou la peur de les exprimer, c'est si difficile de dire "je t'aime".
Un livre où l'on exprime que l'amour de l'autre peut passer par l'abandon de soi, vivre pour l'autre et non pour soi. C'est bouleversant, et comment aimer l'autre peut aussi être accepter sa mort...
Un livre sur les sentiments profonds, comment la haine ressentie de son vivant était peut-être en fait un signe d'amour.
Ce livre m'a touché , l'écriture y est en finesse, délicate, parfois crue et directe mais que c'était beau et émouvant.
Un livre découvert pour la rentrée littéraire dans les sélections du prix du roman fnac.
9.5/10
Les jolies phrases
Les murs ne servent à rien quand c'est contre soi-même qu'on doit se protéger.
Parfois on oublie les choses qu'on a vécues. On les laisse de côté parce qu'elles semblent infantiles, absurdes, on les abandonne, on les refoule. Puis un événement vient les ramener à votre mémoire. Et la vision de la réalité se modifie.
La facilité avec laquelle on s'habitue à la mort d'un être est épouvantable. On sait qu'on ne le reverra pas. Ce n'est pas qu'il est parti : on ne peut nourrir le moindre espoir de le retrouver par hasard. On sait qu'il n'y a aucune coïncidence de ce genre. C'est tellement abominable que ça nous donne envie de hurler.
Il encaissait sans réagir. Cet immonde alcoolo ne se rendait pas compte que ses fils n'avaient pas le courage de se révolter mais qu'ils avaient été capables de le tuer.
On avait sucé la haine avec le lait de nos mères. A l'âge des premiers pas, on avait appris que l'Etat c'est l'ennemi. Le traître. Et la police, son ours domestiqué. On était incapables d'établir une distinction, on était contaminés.
J'avais 16 ans et je n'arrivais pas à comprendre Alfredo. Je ne comprenais pas non plus le chagrin que je lui causais. Il avait beau être malheureux, souffrir comme une bête, il continuait de pardonner, de pardonner à tout le monde. Les êtres qu'il aimait le plus - son père et moi - étaient ceux qui le faisaient le plus souffrir. Mais je voulais qu'il soit entièrement à moi. Je pensais que son amour était un dû.
Jamais je n'avais éprouvé autant de haine qu'à cet instant. Et jamais je n'avais éprouvé autant d'amour que pour lui, à cet instant.
Ce n'est pas parce que les gens ne sont pas comme on voudrait qu'on cesse de les aimer. Cette façon de te faire du mal... Je déteste ça. Tu me fais mal à moi aussi.
Alfredo était vraiment tombé amoureux de Paola. Mais moi, je faisais partie de lui, et l'instinct de conservation l'emporte toujours sur l'amour.
Désormais on était plus unis que jamais. Et pourtant au fond de nous, dans un recoin inaccessible, on s'était égarés, dissous, dissocier. La fissure qui avait caractérisé mes relations depuis des années s'était approfondie, elle avait creusé un fossé. On était ensemble tout en étant éloignés, sur deux planètes différentes.
On n'avait pas de raison de vivre, on était pas capables d'en trouver une. On vivait, un point c'est tout.
Nous aurions dû être heureux. Nous aurions dû vivre notre vie. Au lieu de nous efforcer, agrippés l'un à l'autre, de ne pas mourir.
C'était la première fois que je faisais quelque chose pour moi, que je déposais le fardeau énorme que je trimballais. C'était ma vie, je devais la vivre à ma guise, je n'arrivais plus à être le prolongement de quelqu'un. Je voulais être Béa, pas Béa et Alfredo. Juste Béa.
1 commentaire:
Elle a une qualité d'écriture que j'aime beaucoup, et, tu liras peut-être ma chronique demain, son nouveau livre me semble encore meilleur que celui-là, qui était déjà très bon (surtout pour un premier roman !)
Enregistrer un commentaire