Daniel Crozes
Rouergue
Format : 15 x 24
octobre 2015
240 pages
18,50 €
ISBN 978-2-8126-0978-7
Présentation de l'éditeur
Durant l’été 70, un adolescent passe ses vacances dans la ferme d’un oncle, perdue dans une vallée de l’Aveyron. On y travaille encore à l’ancienne, les journées sont laborieuses, le mode de vie archaïque et les mœurs rudes, mais le garçon s’attache à ce monde à l’agonie, dont l’oncle est l’un des derniers survivants…
Dans ce très beau roman aux tonalités autobiographiques, Daniel Crozes fait revivre les campagnes d’autrefois et nous fait partager l’émotion d’un monde disparu.
Mon avis
Un adolescent de quinze ans, l'été 1970, passe l'été à la campagne chez son oncle Kléber et Marie.
Marie, sa tante a cinquante et un ans, elle en fait vingt de plus, usée par l'attente durant la guerre. Elle a épousé Kléber en 1939, elle avait vingt ans. Cinq semaines plus tard, Kléber sera mobilisé. Elle le retrouvera seulement en juin 1945. Enceinte lors de son départ, elle fera une fausse couche et fera le deuil de la maternité.
Kléber et Marie sont pauvres. Nous sommes dans la France rurale. Ici pas de chauffage, pas d'eau courante, aucun confort dans cette petite exploitation agricole. Notre ado aide son oncle pour les travaux de fenaison, à l'ancienne avec une faucheuse antique de 1914 tirée par deux boeufs. Pas de tracteur. Il prendra pourtant plaisir à vivre cette expérience à la dure à la campagne.
Il se rapprochera énormément de Kléber, ils deviendront complices. Il aimera aussi récolter les confidences de Kléber sur la guerre, comprendre cette période dont on refuse de parler chez lui.
Les stigmates de la guerre sont toujours présents à Verhnes. De lointains cousins occupent le Verhnes du milieu et celui d'en haut. Malgré les années, des tensions sont toujours vives. Ils étaient collabos ou partisans du régime de Vichy durant la guerre.
Nostalgie et souvenirs, l'été 70 c'est aussi le tour de France, Merckx, le début du camping à la ferme, la recherche des traditions du passé mais aussi la solidarité du monde rural lorsque la santé de Kléber fera défaut.
J'ai pris beaucoup de plaisir dans cette lecture. Une écriture agréable, poétique. Daniel Crozes est un amoureux de la terre et des traditions, cela se sent. Un roman du terroir qui se penche sur le souvenir et les rancoeurs de la seconde guerre.
Ma note : 7.5/10
Les jolies phrases
Cette crème au chocolat, nous la dégustâmes lentement et en silence. C'était un délice. Elle avait le goût des plaisirs vrais et simples.
Raymond l'approuva pour la soutane, affirmant qu'un chanoine sans soutane était déclassé et n'inspirait même plus le respect. Représentez-vous des gendarmes sans uniforme à un carrefour : ils passeront pour des clampins ! Ils pourront siffler, personne ne s'arrêtera!
Que de querelles stupides, de paroles fielleuses mais, surtout, de blessures jamais refermées!
L'honneur vaut plus que tout l'or du monde.
Les discussions avec Kléber avaient renforcé ma curiosité par rapport aux conditions de détention de mon père dans l'Allemagne d'Hitler. Je me promettais d'interroger mon oncle dès la semaine suivante mais je me demandais, déjà, ce qui m'attendait. Car j'avais découvert en quelques jours le fanatisme et ses dérives sanglantes, le cynisme, la violence politique, la cruauté et la lâcheté humaines, l'immoralité des profiteurs.
Certes, c'était un homme d'autrefois, en marge du progrès, mais les principes qui prévalaient à l'époque de sa jeunesse dans certaines familles paysannes en avaient décidé ainsi. Quoique cette situation le handicapât aujourd'hui, elle ne lui enlevait pas ses qualités humaines. En quelques semaines seulement, il était devenu le grand-père que j'aurais souhaité connaître, interroger, écouter, entourer d'affection.
En chemin, je songeai à l'agriculture telle que l'avaient pratiquée mes grands-parents, que j'avais découverte grâce à mon estivage aux Vernhes. Elle disparaissait sous les assauts d'une révolution qualifiée de silencieuses mais efficace, modernisant les campagnes avec des machines et des races sélectionnées. Ce monde que j'avais adopté le temps d'un été était à l'agonie.
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