samedi 14 mai 2016

Chaque seconde est un murmure Alain Cadéo ♥♥♥♥♥

Chaque seconde est un murmure
Alain Cadéo



Mercure de France
Collection bleue
Parution 08/04/2016
144 pages
118 x 185 mm
ISBN : 9782715243491 
Prix : 14,00€

Présentation de l'éditeur


Depuis deux ans, ou un peu moins, ou une éternité, je marche, je prends des trains, des bus, je fais du stop, je m'agrippe à la route comme un scarabée vert ayant replié ses élytres. Je croise les humains, parle à peine avec eux, je ne suis pas très liant. Il m'arrive parfois de rester un ou deux jours en leur compagnie, mais, c'est plus fort que moi, je repars assez vite. C'est curieux, je n'ai aucune mémoire. Ou plutôt j'ai des trous, grands et veloutés comme des ailes de phalènes. J'avance et tout s'efface derrière moi.

Après un accident de voiture, le jeune Iwill a rompu toute attache familiale. Il va désormais au hasard des routes. Lorsqu'il arrive à Luzimbapar, il rencontre Sarah et Laston. Le couple vit coupé du monde, entouré d'une meute de chiens féroces. Pendant que Laston creuse des tunnels sans fin dans une ancienne mine de cuivre, Sarah confie à Iwill un cahier sur lequel il devra consigner sa vie, instaurant un pacte tacite : il s'en ira une fois le cahier achevé... Une étrange relation s'installe entre eux : ses hôtes inquiètent Iwill autant qu'ils le fascinent. Mais Iwill est-il vraiment libre de ses mouvements, les chiens le laisseraient-ils partir sans broncher s'il le décidait?

L'auteur nous en parle





Mon avis


Merci à Martine Cadéo et aux éditions Mercure de France pour ce petit bijou. J'avais adoré Zoé, il en est de même pour ce nouvel opus. Alain Cadéo est vraiment un orfèvre des mots, il a le don de les assembler et d'en faire à chaque fois un récit merveilleux.

Iwill devient un homme à l'âge de dix-neuf ans, suite à un accident de voiture. Il y a perdu Catherine, son amie de coeur, celle qu'il avait rencontrée à l'âge de quatorze ans, celle qui le comprenait vraiment lui, ce grand échalas rouquin, écorché, devenu bègue au point que pour s'exprimer il murmurait.

Les mots se bousculent dans sa tête, il aime les écrire dans son carnet - six lettres . Il a un toc, il compte les lettres de ceux-ci.

Au lendemain de l'accident, il étouffe, prend un sac et marche au gré du vent. Il fuit. Il est en quête de liberté. Il avance. Ses pas l'emmèneront chez Laston et Sarah à Luzimbapar, un couple étrange coupé du monde vivant reclus avec une meute de chiens. Il sera accueilli, un pacte l'autorisera à partir lorsque Iwill aura rempli un grand cahier de comptes noir.

L'écriture pour gagner sa liberté... Un livre initiatique.

J'ai adoré cette plume fluide, riche, vraiment magnifique. Alain Cadéo est un poète et un orfèvre des mots. Son écriture est sensible, sensuelle. On se laisse porter par la beauté des mots s'envolant tels des papillons sortant de leur cocon. Splendide.

Un récit rempli de sincérité et d'humanité. C'est un vrai régal, une friandise dont on en redemande.

Chaque mot est choisi avec précision comme un joaillier. Alain Cadéo taille dans le brut pour en faire un diamant scintillant de mille feux.

J'en redemande. Un méga coup de coeur.

Ma note : ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases

J'ai bien senti, depuis longtemps, que les mots que les humains échangent ne sont qu'un lointain reflet d'une émotion quelquefois impossible à formuler.  Aussi bien prononcés soient-ils, les mots ne sont que bredouillements, balbutiements d'adolescents vaniteux, bègues du coeur  comme moi ou défaillants.  Le vrai, l'intense, la parole intouchable, c'est le mystère de ceux qui frôlent l'absolu.

Tu es suffisamment riche pour m'offrir un peu de toi même.  Ce sera mon cadeau, ce sera le meilleur de ton passage ici. Sarah, c'est un bloc de pain d'épices et, loin d'incarner l'innocence, elle a la lourdeur des secrets, le velouté de l'interdit.  Elle est la mûre promesse d'une chair offerte comme la bouche d'un volcan assoupi.

Oui, une vie ça ne pèse pas lourd quand on veut la mettre en mots, mais si tu tombes sur un regard compatissant, c'est comme un glacier qui n'en finit pas de fondre.  Et alors là, toute ton existence te file entre les mains.

C'est terrible d'aimer des gens qu'on ne supporte pas plus de trois jours.

Alors, moi aussi, un jour, d'une certaine manière j'ai fini par me taire, me taire ou me tarir, ou l'inverse, trop riche et pas assez de mots.  Je suis devenu bègue.

Et puis un jour le débit s'est bloqué. (...) Le torrent s'est arrêté net et je me suis retrouvé tout bredouillant, comme un lavabo à moitié bouché qui gargouille, avec autant de choses à dire qu'avant, mais tout sortait au ralenti.

Il ne faut jamais rien promettre aux enfants.  Je parle là des tout-petits. Leur imaginaire est immense et vos cadeaux d'adultes seront toujours un mauvais troc.

Rien n'est plus beau pour moi que le sourire d'une gamine dont on devient le chevalier servant. Accompagner l'imaginaire, le précéder parfois, arriver à réaliser ce qui brille le plus dans la tête d'un enfant, c'est quand même un peu plus fort que de fourguer un truc en plastique dégueulasse reproduit à l'identique sur des millions d'étagères, imposant sa loi d'adulte et leurs désirs préfabriqués.

Ça voulait dire en plus que chaque minute de ta vie est peut-être la dernière que tu peux en faire un petit chef d'oeuvre au lieu d'en faire un truc brouillon stupide et dégueulasse.

Les mots, je les voyais ainsi, à la fois durs, tendres, rouleurs et palpables, pleins de nuances infinies. Tellement riches et purs que pour les approcher on ne pouvait que balbutier.  et la suite de la page 116  magnifique.

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