jeudi 4 novembre 2021

Vent debout - Aurélie Giustizia ♥♥♥♥♥

Vent debout - Aurélie Giustizia  ♥♥♥♥♥










Cent Mille Milliards
Parution : septembre 2021
Pages : 162
Isbn : 9782850711732
Prix : 15 €


Présentation de l'éditeur



« Je passe pourtant incognito dans les rues de la ville, j’évite les crottes de chien et les crachats comme si j’étais une grande dame mais je laisse la place libre à qui veut s’asseoir, je dis pardon quand on me bouscule, je rentre en dernier dans le bus. Je ne suis pas faite pour vivre à la surface. Trop de règles à suivre, trop d’exceptions à suivre, trop de gens à suivre, trop de flèches à suivre, trop de marche à suivre. Trop d’alarmes, pour les portes mal fermées, pour la carte oubliée, trop de klaxons pour la voiture mal garée, pour le vélo trop lent dans la montée. Trop d’odeurs en même temps, de camions puants, de pipis flottants. Trop de lumières vertes pour beugler oui, de rouges pour brailler non, trop de marteaux piqueurs qui font trembler le cœur, trop de cris aussi. Vous comprenez, je n’ai pas la force pour feindre, pour arpenter la ville sans apparente blessure. »

Dessin couverture : © Pascal Valty.

L'auteure





Photo Cent mille Milliards

Aurélie Giustizia est Belge. Elle est née en 1982.

Vent debout est son premier roman publié en France.







Mon avis

C'est un petit ovni littéraire de qualité que nous propose Aurélie Giustizia.  Un premier roman très bien écrit, maîtrisé, brillant.  Il y a de la fantaisie, c'est parfois loufoque en apparence mais cette pépite permet de se mettre réellement dans la peau de quelqu'un hors normes, quelqu'un d'invisible pour notre société.

Il suffira de lire la première phrase pour être emporté dans l'univers d'Aurélie.

C'est l'histoire de Léonie qui nous est contée.  Léonie n'a pas eu de chance à la naissance, abandonnée à sa couveuse, puis à l'orphelinat, sans amour, elle va très vite devoir apprendre à survivre.

Elle sera finalement adoptée à l'âge de sept ans par un couple d'aveugles, logique somme toute il n'y a qu'eux qui peuvent s'intéresser à elle car on ne la voit pas !  

Elle croisera bien Louis à la maison de retraite mais il y a toujours l'abandon, c'est sa marque de fabrique.

Pas facile de survivre, d'exister lorsqu'on est transparent.  Tant d'amour à donner qu'elle va devoir s'inventer un monde parallèle pour ne plus rien percevoir de la réalité bien sordide parfois !  Elle parle aux objets qui le lui rendent bien ou pas !

Léonie c'est un peu quelqu'un qui se sent à côté de sa vie, qui n'a jamais reçu le mode d'emploi et qui ne sait comment faire pour se sentir vivante.

'Vent debout' dénonce aussi le patriarcat, parle de solitude, de manque d'amour, de trahison et surtout d'amour à donner à tout prix.

C'est fantaisiste, différent, une liberté de narration, une ambiance, un style à découvrir.

Alors soyez curieux !

Ma note : 9.5/10 

Les jolies phrases

Une première main posée sur un enfant de seconde main, vous comprenez, ça peut décongeler n'importe quel steak. 

Une école. Un docteur. Une pharmacie.  Une église.  Une salle des fêtes. Une ferme. Un home. Un crématorium.  Un cimetière.  Tout le nécessaire à couture pour une vie à l'abri des regards, et, tout à la fois, au su de tous.  Une vie en points de croix, prenant sa source au creux des lits en cellules uniques, s'achevant au creux des urnes en poussière antique.  Á peine la durée d'un flash, suffisamment long tout de même pour avoir le temps de voter à droite et de payer ses impôts. 

Nous avions en commun de nous trouver enfermés.  Voilà le propre de cette vie : on enferme les enfants parce qu'ils n'y connaissent rien mais comprennent tout, et les vieux parce qu'ils ont tout compris mais n'y connaissent plus rien. 

Il arrive que les idiots ne le soient pas assez pour ignorer leur incapacité à être intelligents.  

Parfois, il vaut mieux zéro rêve qu'un seul qui vous écorche, aussi cruelle que je vous paraisse, en cet instant. 

Nous sommes tous debout, pieds collés, sur un immense escalator qui monte et monte encore.  Au sommet, le vide.  Dessous lui, après une longue chute, un panier usé : c'est le Panier à Vieux.  Quand nous atterrirons sur tous ces corps chiffonnés, nous glousserons ensemble en regardant vers le haut et nous prierons très fort pour en voir tomber d'autres. Et il en tombera. 

Á présent j'ai bien chaud alors, comment expliquer le froid? Comment expliquer que l'on n'a pas chaud de la même manière si on a eu froid avant ? Ça donne envie de frôler les épaules des gens roses et de crier qu'il existe, tout à côté, un  monde bleu où les gens ont froid, que ce n'est pas météorologique, que c'est existentiel et que c'est rès grave.  Pourquoi parler du beau temps et ne pas parler du temps mauvais, celui qui fait des morts un peu partout, des morts qui vous disent bonjour tout en étant morts, des morts de froid?  Vous savez, c'est comme ça que je vis ma vie : stupéfaite de la douleur, sciée, traversée par elle et puis rien de rien?  

L'encrier dans le ciel a été renversé depuis longtemps mais je ne dors toujours pas.  Je sais déjà que les heures seront longues, que ma pensée ira où elle le voudra, avec moi derrière elle, le souffle court. 

J'ai toujours estimé que la gentillesse était une forme de faiblesse.  Être gentil.  Les gens se lancent des compliments comme des balles de tennis mais tirent d'autres balles au creux des dos tournés. Vous ne pensez tout de même pas que les gens pensent ce qu'ils vous disent?

Les sadiques perdent en plaisir si les victimes abdiquent, alors j'acquiesce sans sourciller. 






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