mardi 2 novembre 2021

Enfant de salaud - Sorj Chalandon

Enfant de salaud - Sorj Chalandon










Grasset
Parution : 18 août 2021
Pages : 336
Isbn : 9782246828150
Prix : 20.90 €


Présentation de l'éditeur

Depuis l’enfance, une question torture le narrateur :
- Qu’as-tu fait sous l’occupation ?
Mais il n’a jamais osé la poser à son père.
Parce qu’il est imprévisible, ce père. Violent, fantasque. Certains même, le disent fou. Longtemps, il a bercé son fils de ses exploits de Résistant, jusqu’au jour où le grand-père de l’enfant s’est emporté : «Ton père portait l’uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud ! »
En mai 1987, alors que s’ouvre à Lyon le procès du criminel nazi Klaus Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son père sommeille aux archives départementales du Nord. Trois ans de la vie d’un « collabo », racontée par les procès-verbaux de police, les interrogatoires de justice, son procès et sa condamnation.

Le narrateur croyait tomber sur la piteuse histoire d’un « Lacombe Lucien » mais il se retrouve face à l’épopée d’un Zelig. L’aventure rocambolesque d’un gamin de 18 ans, sans instruction ni conviction, menteur, faussaire et manipulateur, qui a traversé la guerre comme on joue au petit soldat. Un sale gosse, inconscient du danger, qui a porté cinq uniformes en quatre ans. Quatre fois déserteur de quatre armées différentes. Traître un jour, portant le brassard à croix gammée, puis patriote le lendemain, arborant fièrement la croix de Lorraine.

En décembre 1944, recherché par tous les camps, il a continué de berner la terre entière.
Mais aussi son propre fils, devenu journaliste.

Lorsque Klaus Barbie entre dans le box, ce fils est assis dans les rangs de la presse et son père, attentif au milieu du public.

Ce n’est pas un procès qui vient de s’ouvrir, mais deux. Barbie va devoir répondre de ses crimes. Le père va devoir s’expliquer sur ses mensonges.

Ce roman raconte ces guerres en parallèle.

L’une rapportée par le journaliste, l’autre débusquée par l’enfant de salaud.

Sorj Chalandon


Après trente-quatre ans à Libération, Sorj Chalandon est aujourd’hui journaliste au Canard enchaîné. Ancien grand reporter, prix Albert-Londres (1988), il est l’auteur de neuf romans et Enfant de salaud sera le dixième, tous parus chez Grasset. Le Petit Bonzi (2005), Une promesse (2006, prix Médicis), Mon traître (2008), La Légende de nos pères (2009), Retour à Killybegs (2011, Grand Prix du roman de l’Académie française), Le Quatrième Mur (2013, prix Goncourt des lycéens), Profession du père (2015), Le Jour d’avant (2017) et Une joie féroce (2019).


Mon avis

Dans "Profession du Père", Sorj Chalandon nous parlait de la mythomanie de son père, un homme qui voulait l'éblouir et qui l'aveuglait en réalité.  Ce père est décédé en 2014 dans un hôpital psychiatrique.

En 2020 il trouve un extrait de casier judiciaire de son père et il apprend que celui-ci a été écroué à la fin de la guerre et déchu pendant cinq ans de ses droits civiques.

Sorj va alors découvrir qui était son père avant son existence, sa curiosité était déjà en éveil étant enfant, il se souvenait des mots très durs de son grand-père  :  "tu es un enfant de salaud, ton père a choisi le mauvais camp pendant la guerre, on l'a vu en uniforme allemand à Lyon", ce père qui se présentait comme un grand résistant était un traître ! , il a en réalité porté cinq uniformes différents en quatre années. 

Sorj mène l'enquête et il la transpose dans ce roman en 1987 en parallèle au procès de Klaus Barbie qu'il avait suivi à l'époque pour son journal.  Son père avait alors assisté au procès de ses chefs !

Un roman que Sorj aurait aimé écrire avant la disparition de son père, de celui qui lui a menti toute sa vie.  

Enfant de salaud car toute sa vie il a menti à son fils, il l'a laissé dans l'ignorance et n'a jamais eu le courage de lui dire la vérité.  

Un style plus journalistique qu'à l'habitude, c'est ma perception de ce récit qui pourtant très personnel n'a pas réussi à m'emporter et me donner les émotions dont j'ai l'habitude avec cet auteur.  Je pense être passée à côté.

Ma note : 7/10


Les jolies phrases

Il m'a expliqué que la guerre, c'était plus compliqué que dans les films.  Un jour on tuait les uns, et le lendemain on pouvait tuer les autres.  Il fallait faire attention avec les mots "ami" et "ennemi" parce que l'Histoire avait été écrite par les vainqueurs.

Il n'avait pas payé et je lui en voulais.  Payer, ce n'était pas connaître la prison, mais devoir se regarder en face.  Et me dire la vérité.  Il a comparu devant des juges, pas devant son fils.  Face à eux, il a hurlé à l'injustice.  Face à moi, il a maquillé la réalité.  Comme s'il n'avait rien compris, rien regretté jamais. 

Plus je lisais tes dépositions plus j'en étais convaincu : tu t'étais enivré d'aventures.  Dans penser ni à bien ni à mal, sans te savoir traître ou te revendiquer patriote.  Tu as enfilé des uniformes comme des costumes de théâtre, t'inventant chaque fois un nouveau personnage, écrivant chaque matin un autre scénario. 

Mais ces fausses confrontations avaient été un naufrage.  Il ne fallait plus que Barbie reparaisse. Sa présence transformait ce procès en cirque. Au lieu de témoigner, de raconter, de se souvenir, les victimes pleuraient des mots sans suite.  Le regard du nazi abîmait ce que nous avions à entendre.  Pour que les martyrs osent parler, il fallait le silence d'un bois désert.  

Oui, je suis un enfant de salaud.  Mais pas à cause de tes guerres en désordre, papa, de tes bottes allemandes, de ton orgueil, de cette folie qui t'a accompagné partout.  Ce n'est pas ça, un salaud. Ni à cause des rôles que tu as endossés : SS de pacotille, patriote d'occasion, Résistant de composition, qui a sauvé des Français pour recueillir leurs applaudissements.  La saloperie n'a aucun rapport avec la lâcheté ou la bravoure.

Pendant tout le procès Barbie, j'ai rêvé de suivre ton procès.  Pas pour te juger, pour t'écouter mieux et t'entendre davantage.  Pour que tu m'apprenes et que je comprenne.

C'est un vaincu jugé par les vainqueurs.  Si Barbie avait gagné la guerre, vous seriez tous à sa place !

Mais l'enfant n'a plus revu son père. Il est devenu jeune homme, puis homme, abîmé par cette absence et les silences du camp.  
- Alors on prend le deuil, et on ne le quitte plus jamais.  

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1 commentaire:

Philippe D a dit…

J'en ai lu un. Je pense que c'est le 4e mur et je n'ai pas aimé. Du coup, j'ai abandonné l'auteur. Je retenterai sans doute...