Julliard
Parution : 25 août 2022
Pages : 320
Isbn : 9782260055037
Prix : 21 €
Présentation de l'éditeur
Peine des Faunes nous plonge dans la vie quotidienne d’une famille tanzanienne en 1986. Rébecca élève huit enfants. Sa fille aînée, Maggie, rêve d’étudier à l’université. Mais Rébecca entre en lutte contre une compagnie pétrolière sur le point d’exproprier les habitants de son village natal. Son départ précipité fait brutalement basculer le destin de Maggie et pose la première pierre d’une tragédie familiale s’étirant sur cinq générations.
De la Tanzanie des années quatre-vingt à l’Écosse contemporaine, Peine des Faunes est une ode poétique à la fragilité de la condition humaine et un urgent plaidoyer pour le vivant. Tissant ensemble les thématiques féministe et environnementale, Annie Lulu brosse une galerie de portraits de femmes inoubliables, dont le combat pour la liberté et la justice finira par être récompensé.
Annie Lulu
Crédit photo:
©Francesco Gattoni
©Francesco Gattoni
Mon avis
Tout commence en Tanzanie en 1986 pour se terminer en Ecosse en 2047. On voyage avec cette saga qui nous raconte l'histoire de cinq générations. Dans son deuxième roman, Annie Lulu nous réserve bien des surprises tant par le fond que par la forme. C'est la confirmation de cette écriture flamboyante, magnifique que j'avais découverte avec "La mer Noire dans les grands lacs"
Rebecca est une villageoise illettrée qui a épousé un marchand, elle est mère de huit enfants. Sa fille aînée, Margaret, lui a appris à lire. Maggie termine le lycée avant d'étudier à l'université, chose très rare pour une fille en Tanzanie. Elle est fiancée à Jay. Tout semble tracé pour elle mais malheureusement tout va basculer car Rebecca doit absolument se mettre en route pour rejoindre son village d'origine et porter main forte à sa mère Omra.
En effet, ses terres natales sont menacées par une compagnie pétrolière qui veut expatrier les habitants pour y faire passer "le serpent" , un oléoduc qui détruirait tout sur son passage, la faune en particulier. Elle doit prêter mains fortes dans ce combat.
Durant son absence, son mari rentre de voyage avec un collègue négociant en épices et son fils Samuel. C'est lui que le père donnera en mariage à Margaret, voyant pour elle un beau parti, le confort et la sécurité, le meilleur qu'un père puisse donner à sa fille. C'est sans appel malgré les protestations de Margaret qui un peu trop impatiente à brûler les étapes avec Jay en l'absence de sa mère faisant basculer son destin et c'est une tragédie familiale qui s'étirera sur cinq générations.
J'ai envie de vous parler de Jina, la première fille de Rebecca, de sa soeur Viviane qui naîtra quatre ans plus tard et des autres mais je préfère vous laisser découvrir leur histoire, préférant vous exposer les différentes thématiques du roman.
C'est un récit engagé, un plaidoyer pour le vivant, l'écologie et le changement climatique mais pas que. Annie Lulu met en avant la maternité, l'amour maternel, les conséquences de nos actes provoquant l'effet papillon, la culpabilité enfuie en soi, la foi dans l'animal et notre rapport à lui.
Une réflexion revenant à plusieurs reprises m'a fait beaucoup réfléchir :
"Je suis mère. Je ne mange pas les enfants des autres mères. Je ne peux rien manger qui a eu une mère"
L'idée que si on mange du sang, de la viande engendre la violence. Un vrai combat que d'être en phase avec la nature.
Il y a aussi les réflexions sur le pouvoir des hommes sur le corps des femmes, les violences conjugales, la destruction de la culture matriarcale et la domination masculine, ce désir de possession en lien avec la violence animale.
L'urgence écologique a également une grande place dans ce récit. L'urgence de prendre des mesures radicales pour sauver nos espèces, c'est là que le récit prend une allure de dystopie qui déstabilise un peu mais apporte son sens pour la suite du récit.
C'est un combat pour la liberté et la justice.
L'écriture d'Annie Lulu est très belle, différente de son premier opus mais tout aussi addictive. Elle nous montre ici un autre registre très réussi.
Oh je pourrais encore vous dire beaucoup de choses sur ce magnifique roman de la rentrée que je vous invite à découvrir au plus vite.
Vous l'aurez compris, c'est un gros coup de ♥
Les jolies phrases
Je suis une mère. je ne mange pas les enfants des autres mères. Je ne peux rien manger qui a eu une mère.
Ecoute-moi bien, ma fille : personne n'a à m'autoriser quoi que ce soit, tu m'entends ? Quoi que ce soit ! Si tu te laisses faire par un homme, l'amertume et la laideur s'empareront de toi.
L'alphabet romain apprivoisé était pour elle une nurserie stellaire d'où sortaient des colonnes de gaz ardent, prêtes à former la concrétion de matière qui serait une étoile, un livre, une naissance.
Prendre ce dont on a besoin pour subsister, c'est une chose, Rébecca, contre laquelle personne ne peut aller. Mais ce n'est pas ce que font les hommes et encore moins leurs femmes. Tu es partie vivre à la ville. Tu sais de quoi je parle.
Si tu n'aimes pas le prix de la liberté, ma fille, tu ne mérites pas d'être libre.
Elle voulait rétablir l'équilibre. Changer le scénario de toutes ces grandes narrations où la femme meurt à la fin, se tue puisqu'elle n'est bonne qu'à mourir et qu'au fond si Mouchette meurt noyée, si Jeanne de Domrémy terrible pucelle d'Orléans meurt sur le bûcher, si Ophélie meurt suicidée, comme Virginia Woolf, comme Sylvia Plath ou bien meurt libre aux côtés d'un homme qui n'est pas son mari, comme cette Bessie Smith dont parlait tout le temps Jina, c'était un peu de leur faute, comme c'était un peu de celle de Margaret. Tout à coup, tout lui apparut clairement. Les histoires du soir de Nynaya pointaient dans la même direction onirique. Viviane regarda autour d'elle, scruta le monde dans lequel elle vivait. Qui donc y meurt ? Et qui les tue ? La réponse fut sans hésitation.
Le monde ne change pas, ma fille. Le fermier aime sa vache de tout son coeur. Il lui donne un nom et des caresses, il la soigne quand elle est malade, il l'éduque et la domestique, la laisse manger dans sa propre écuelle, l'exhibe fièrement devant ses voisins. Pourtant chaque année il égorge ses veaux pour être le seul à pouvoir boire du lait de sa vache et se fabrique des sandales avec leur peau. Et quand elle n'en peut plus d'enfanter pour rien ou simplement quand il est pris d'un caprice, c'est elle qu'il tue, il la mange et distribue des morceaux de sa femelle bien-aimée à tous ceux qui paient le prix. Aucune différence.
Les hommes sont les êtres les plus cruels qui aient jamais été créés. Où que tu regardes dans ce monde, s'il y a du sang ou de la souffrance, c'est qu'il y a un homme. Ils nous tuent, ils nous violent, ils nous battent, ils nous mentent, ils nous humilient, ils font la même chose à toutes les femelles qui habitent sur terre, qu'on soit leur vache, leur mère, leur fille ou leur femme. Et il est rare que des femmes tuent comme les hommes, très rare, Jina. Partout où des gens ont été exterminés, c'était d'abord par des hommes. Partout où des villages ont brûlé, c'était par des hommes. Et notre grand malheur, ma fille, c'est que nous avons besoin d'eux pour faire des enfants...
.. L'irréparable ne doit pas nous pousser à mourir, mais à vivre et à vivre radicalement différemment. Vivre est la seule garantie d'anéantir un jour ce qui nous tue ou bien a failli nous tuer. Vivre est le seul moyen que, quelqu'un, une femme, ait un jour la possibilité de tuer la mort.
Aucun homme n'est une île, un homme c'est tous les hommes, nous avons besoin les uns les autres.
2 commentaires:
Félicitations Nathalie pour tes publication qui sont inspirantes et me donne l’envie de découvrir ces auteurs. Régine Je joue pour Annie Lulu
Hello Régine, merci pour ton message mais je ne peux malheurement pas valider ta participation, ton commentaire devait se trouver sous le post concours . Nathalie
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