L'arbre à paroles
Parution : mai 2022
Pages :123
Isbn : 9782874067259
Prix : 14 €
Présentation de l'éditeur
Personne, au petit matin, ne redoutait un massacre des hommes par les rivières. Une crue, oui, l’eau dans les caves. Mais pas ça.
Vesdre est le récit poétique d’une tragédie, la mise en mots d’un traumatisme pour la mémoire de ceux qui périrent, et pour ceux qui luttent encore dans les vallées meurtries.
Luc Baba
Mon avis
La Vesdre c'est une rivière prenant sa source dans les Hautes Fagnes, alimentant le barrage d'Eupen. Elle traverse la vallée, la région de Pépinster, Trooz. C'était pour Luc Baba l'occasion de s'installer au calme loin de la ville.
Durant sept années, il vivait paisiblement au bord de la Vesdre, conscient que de temps à autre, un peu d'eau dans les caves était une éventualité mais jamais il n'avait imaginé que tout pouvait tourner au cauchemar.
Il nous décrit minutieusement, heure par heure, minute par minute les terribles inondations dévastatrices et meurtrières des 14 et 15 juillet 2021.
Ce qu'il a vécu nous est conté avec grâce et poésie, il choisit à merveille les mots décrivant l'inimaginable.
La pluie, l'eau putride, le cours qui gonfle et emporte tout sur son passage brisant des vies, emportant tous les souvenirs perdus à tout jamais. Avec lui on ressent, enfin on peut commencer à imaginer ce que ces victimes ont éprouvé, vécu.
C'est d'une force incroyable, puissant. J'ai ressenti la peur, la solitude, l'isolement, senti les odeurs, enduré la puissance des flots dévastateurs.
Ce texte est juste magnifique, splendide, indispensable aussi pour dépasser ce traumatisme. Un texte rendant hommage à ceux emportés par les eaux, à ceux qui ont tout perdu.
Un petit bijou à lire absolument.
Immense coup de ♥
Les jolies phrases
La rivière s'est couchée dans mon lit.
La nuit c'est pire, la nuit se mélange à la Vesdre comme un café noir dans la boue.
Personne, au petit matin, ne redoutait un massacre des hommes par les rivières. Une crue, oui, l'eau dans les caves. Mais pas ça.
La bibliothèque aux milliers de pages agonise éventrée sous mâchoir de fauve. Les mots sont crachés nus, marne baveuse, lisier des songes. L'encre est dissoute et les muses disloquées.
On dirait que des centaines de tambours protestent sous la terre. Quand la paix reviendra, j'écouterai un violon, je n'aurai plus ni disques ni lecteur ni radio. Il faudra que des musiciens jouent dans les rues, mais il n'y a plus de rues !
Et sur l'étagère... Un objet se trouvait sur l'étagère, à gauche, un souvenir. je ne sais plus ce que c'était.
Quand on n'est plus gardien des objets, on devient sage, parait-il. Il reste à garder la vie, la lumière, le peu de joie, le sourire. Si c'est vrai, cette maudite crue est une fabrique de sagesse. Oui, mais j'ai mal quand même de toutes les petites choses en papier ou en bois qui racontaient leur histoire tout bas dans les meubles du salon.
Et les montres de mes grands-pères, arrêtées.
Quant à l'objet sur l'étagère, à gauche, il me semble que c'était le petit Chaplin en bois qu'elle m'avait offert.
Quand on n'a plus de porte, il faut une porte étrangère.
Une bulle avec de la musique, une bulle où ça va mieux, le temps de reconstruire, une musique, du café, une couverture et quelques plaisanteries autour de la soupe qui sera bonne car nous la partagerons.
La rivière se réveillera dans un lit comme les enfants qui n'ont pas fait exprès de briser la vaisselle, et nous ramasserons les débris.
Le passé cherche toujours à voler nos crayons pour dessiner les prochains pas. Enfant tyrannique, le passé.
Je pense au chaud d'une maison, à la clarté des jours où le bonheur s'invite. Le temps suffit-il à ne plus avoir peur de la pluie ? Est-ce qu'il érode les traumatismes comme les rivières érodent le schiste ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire