jeudi 4 mai 2023

Le numéro un - Mikhaïl Chevelev

 Le numéro un - Michaïl Chevelev















Gallimard
Du monde entier
Parution : 05/01/23Trad. du russe par Christine Zeytounian-Beloüs
Pages : 176
Isbn : 9782072968600
Prix : 18 €


Présentation de l'éditeur


En 1984, Vladimir est convoqué dans les bureaux de la police soviétique pour une banale affaire de marché noir. Il pensait en ressortir quelques minutes plus tard, son amende acquittée, mais c’était compter sans les mystérieuses méthodes du KGB. Quelques années plus tard, cette affaire qu’il croit derrière lui le rattrape de façon inattendue, bouleversant sa vie à jamais.
Vladimir n’est pourtant pas au bout de ses surprises. En 2018, il est contacté par un certain David Kapovitch, New-Yorkais d’origine russe. La ressemblance entre les deux hommes est troublante. Pourraient-ils avoir un lien de parenté ? Leurs destins vont en tout cas se mêler, pour le meilleur comme pour le pire.
Empruntant aux codes du thriller, Le numéro un tend un redoutable miroir à la société russe contemporaine qui n’a rien à envier à celle de l’ère soviétique. Le nouveau roman de Mikhaïl Chevelev mêle enquête politique et interrogation sur la filiation, tenant en haleine jusqu’à la toute dernière page.

Mon avis

Vladimir Luovitch a 25 ans en 1984, étudiant en traduction, il est convoqué dans les bureaux de la police soviétique pour une petite histoire de marché noir (vente de pneus) , un délit très courant à l'époque de l'URSS pour survivre.  Il espère payer une amende et en ressortir mais pas de chance, un jeune capitaine aspirant du KGB s'en mêle.  

Il signera des papiers qui changeront à jamais sa vie.

Les années passent et peu à peu il oublie ce document et la peur s'estompe car les choses changent, on parle de 'Glasnost' 'Perestroïka', d'une autre vie, l'espoir domine.

2018 Moscou. Vladimir décroche son téléphone, un numéro inconnu ..., c'est Marina une ancienne collègue qui le contacte car sa fille Macha a un jeune stagiaire américain en visite qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau.  Il se nomme David Kapovitch et est à la recherche de son père d'origine russe. Marina pense que peut-être Vladimir connaît des gens de sa famille et pourrait l'aider !

À l'issue de ce coup de fil, Vladimir se replonge dans son passé, commence alors un thriller, un documentaire, un roman d'espionnage, en fait un vrai page turner.

Une écriture haletante, percutante qui nous décrit l'évolution de la société russe.  Mikhaïl Chevelev décrit l'ex URSS, le KGB et ses méthodes et surtout la peur !

'La seule chose qui leur permet de nous contrôler, c'est la peur.'

Il nous décrit le système russe basé sur la corruption, le blanchiment des capitaux.  On ressent la plume journalistique, le vécu de l'auteur journaliste opposant vivant en Russie.

À travers la recherche de filiation, David va découvrir son pays d'origine et ses travers.  C'est passionnant, excellement bien écrit, une fois commencé, impossible de le poser.

Une très belle découverte.

Ma note : 9.5/10


Les jolies phrases

Le véritable malheur de l'économie russe, c'est qu'elle repose sur la corruption. Détournements de fonds et dessous de table, fausses factures et blanchiment : voilà sa vraie nature, ses principaux mécanismes et, peut-on dire son but essentiel.


Bien des années ont passé, oui bien des années avant que je ne comprenne une vérité toute simple. Ils ne savent rien sur nous. Rien du tout. A part ce que nous leur racontons. Sur nous-mêmes et sur les autres. Et toutes ces légendes sur leurs yeux qui sont partout et leur omniscience diabolique ne sont que du bluff, un mythe, un appeau à moutons. La seule chose qui leur permet de nous contrôler, c'est notre peur.


Une envie d'oublier au plus vite. On éprouve quelque chose d'approchant après un cauchemar, quand on comprend enfin que ce n'était qu'un rêve, sans arriver à croire jusqu'au bout que ce n'était pas réel.


La vie est faite d'imprévus, mais en y regardant de plus près, on s'aperçoit souvent que c'est dans l'ordre des choses. Mais je te comprends, bien sûr, changer brusquement de mode de vie, ce n'est pas facile. Mais tu es jeune et ça t'ouvre de belles perspectives d'avenir qui continueront à profiter à tes petits-enfants. Tu as peur de prendre une autre nationalité ? Mais pourquoi ? Le monde a changé, et il continue de changer encore plus, les frontières sont devenues une simple formalité.

...La meilleure chose que j'aie faite dans ma vie, c'est confier mon destin au peuple juif, maintenant au moins quelqu'un se soucie de moi.


Il nous semble seulement, à nous citoyens de Russie, que nous vivons tous dans des mondes différents. Dans l'un, les oligarques, les ministres et les députés avec leurs villas sur la chaussée Roublev, leurs Ferrari, leurs Lamborghini, leurs jets privés, leurs yachts à Saint-Tropez et leurs hôtels particuliers à Londres. Et dans l'autre, les gens ordinaires : ouvriers, ingénieurs, enseignants, médecins ou autres dont le souci principal est de tenir le coup jusqu'au prochain salaire mensuel.
C'est une impression trompeuse.
De multiples liens existent entre nous dont le réseau forme ce qu'on appelle l'économie russe. C'est un gâteau commun que mangent les retraités aussi bien que les oligarques. Et si quelqu'un rafle une trop grosse part, c'est que quelqu'un d'autre est condamné à se serrer la ceinture.

C'est sous cette forme qu'elle est née du chaos des années 1190. Et telle elle est demeurée jusqu'à aujourd'hui.  Ce n'est dû ni au hasard ni à une quelconque fatalité historique qui condamnerait la Russie à vivre dans l'escalvage.  Non ! Derrière chaque affaire louche liée au trafic de nos ressources, chaque privatisation douteuse de nos biens nationaux, chaque compte offshore aux racines bien de chez nous se trouvent des individus concrets.
Ils soutiennent qu'ils sont simplement des bénéficiaires de la libre économie russe.  Mais le peuple leur a trouvé un autre qualificatif, celui de suceurs de sang.  Espérons qu'un jour un tribunal indépendant aura aussi son mot à dire à leur sujet, conformément aux articles du Code pénal qu'ils ont enfreints. 

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