mercredi 2 octobre 2024

Amiante - Sébastien Dulude ♥♥♥♥♥

 Amiante  -  Sébastien Dulude  ♥♥♥♥♥




























La Peuplade
Parution : 15 août 2024
Pages : 224
Isbn : 978-2-925416-17-3
Prix : 20 €


Présentation de l'éditeur



Thetford Mines, ville phare de l’industrie de l’amiante québécoise, été 1986. Steve Dubois, neuf ans, et le petit Poulin, dix ans, s’abandonnent aux plaisirs de l’amitié. La belle saison est rythmée d’aventures sur les hauts terrils et d’évasions à travers les paysages mi-forestiers mi-lunaires. Les journées des deux inséparables s’écoulent dans l’oisiveté et l’innocence, sur leurs vélos ou allongés dans leur cabane parmi les pins. Or, l’année 1986 est riche en tragédies, et l’une d’entre elles affecte le cours de la vie de Steve comme nulle autre. Cinq ans plus tard, on le retrouve en proie à son obsession : reconstituer son paradis évanoui.



Maniant une langue précise et sensuelle, Sébastien Dulude fait le récit d’une jeunesse fragile et inflammable dans un American Dream ouvrier en perte d’élan.



La mine, c’est la violence sur certains parents, puis la violence sur certains enfants ; la mine, c’est l’isolement des enfants, et l’isolement, c’est l’ennui, et l’ennui, c’est la violence qui m’a enlevé mon ami.



FINALISTE | Prix Wepler-Fondation La Poste
FINALISTE | Prix Première Plume
FINALISTE | Prix littéraire Le Monde 2024

Sébastien Dulude

Né à Montréal en 1976, Sébastien Dulude a grandi dans le quartier Mitchell à Thetford Mines de six à seize ans. Écrivain et éditeur, il est l’auteur de trois recueils de poésie dont ouvert l’hiver (La Peuplade, 2015). Amiante est son premier roman.










Mon avis

C'est un premier roman très intimiste, un récit initiatique d'une grande beauté que nous offre le québécois Sébastien Dulude.

Nous sommes à Thetford Mines, dans les Appalaches, une ville phare de l'industrie de l'amiante, le village d'enfance de Steve Dubois, 9 ans au début du récit.  Son père est chauffeur dans la mine, sa mère est soumise, dépressive.  Steve est seul, il roule dans sur son bicycle dans le quartier, un paysage particulier avec les dombes (terrils) et les pinèdes aux alentours.  Intrigué par un camion de déménagement, la famille Poulin s'installe.  Il va rencontrer le petit Poulin, le fils, Charlélie qui deviendra son meilleur ami, son inséparable.

Avec Charlélie, il fait les 400 coups, découvre son identité rejetée par le père, construit un refuge dans les pinèdes, une cabane.  C'est l'insouciance de l'enfance, les bonbons à la cerise, les jeux d'enfants, et les premiers émois de jeunesse.

Nous en sommes en 1986, année de mutiples catastrophes avant le drame qui se prépare.  Steve et Charlélie ont un carnet des catastrophes, ils semblent fascinés par la mort, ils collent les articles de presse, c'est l'hélico de Balavoine qui s'écrase dans le désert, la navette Challenger qui explose en plein vol, Tchernobyl ...

"Je me nourris du bon feu", la première partie sur l'insouciance de l'enfance, cette amitié exclusive qui permet d'oublier la violence de la mine, la violence du père et ses rapports compliqués avec ce fils qu'il semble ne pas aimer.

Le drame suite à un désaccord et cinq ans plus tard on retrouve Steve , dans la seconde partie "J'éteins le mauvais feu", c'est l'adolescence, fini l'insouciance, "amiante" c'est aussi l'ami qui hante Steve, le manque, le poids des regrets, la honte, la solitude, un autre apprentissage de la vie.  C'est aussi Starmania qu'il écoute en boucle, les souvenirs de l'amitié perdue.

Un texte d'une beauté extrême, savoureux car agrémenté du parler québecois.  L'écriture est poétique, sensible, délicate.  Elle est sensorielle, visuelle parfois brûlante et rude.

Amiante c'est aussi un très beau roman d'atmosphère.  Une très belle découverte de cette rentrée littéraire.

Ma note : 9.5/10

Les jolies phrases

Nous nous marrions à ravir : j'étais du genre à ruminer mes obsessions, et lui à tenter à tout prix de concrétiser les siennes. Au fil des journées que nous passions désormais invariablement ensemble, j'ai appris que pour le petit Poulin, une cabane n'était jamais terminée, que pour le petit Poulin, un désir ne restait jamais inassouvi.

C'était quoi un meilleur ami, est-ce que j'ai une meilleure amie, est-ce que j'ai des amis, les garçons, les filles, ce sera qui, quand, Charlélie n'est pas dans la piscine où je nage, mon père n'entre plus dans ma chambre, je n'irai plus au bois. Aucune phase n'embrasse l'absence, ni l'instable.  Mon meilleur ami m'a dit salut et il est parti.  Il m'a donné un bracelet de fille que j'ai gardé caché.  Je ne veux plus porter tout ça, je veux m'envoler. 

La saison avait sécrété tous ses sucs. Le lourd feuillage des arbres bruissait de nonchalance, la faune était grasse. Tout semblait recouvert d’une infime brume de lait. Les vapeurs légères de nos corps transitaient dans l’air, échangées contre les caresses de la brise. La mine se taisait.

Le réservoir d’essence est toujours plein. Rien n’a brûlé. Comme cette ville, ma peine ne brûlera jamais. Elle survit aux coups, aux morts, à l’amour.

Avoir Cindy à mes côtés me donne l'impression d'avoir enfilé son perfecto de cuir noir, qui me procure toute l'assurance du monde.  Sa chaleur dans la chaleur m'est toujours parfaitement ajustée, un jet de lumière amie du creux du foyer, un éclat d'antre, une explosion bienveillante dans la mine.  

Si je ne crains plus un mort, pourquoi persisterais-je à en aimer un autre?  Je déteste, et aime, en vain.  Je ne m'habitue ni au manque ni à la sécurité. 

1 commentaire:

eimelle a dit…

un premier roman prometteur! Noté !