vendredi 28 mars 2014

Histoire d'un bonheur Geneviève Damas 9.5/10 ♥♥♥♥♥

Histoire d'un bonheur
Arléa
216 pages, 2014 
EAN : 9782363080431
20 euros


Résumé


Quel est le secret d’Anita Beauthier ? Sa vie de grande bourgeoise lyonnaise, réglée comme un métronome où rien n’est laissé au hasard, comme en témoigne son agenda rempli de choses à faire, tenir une maison, s’occuper de deux grands enfants, faire du shopping, voir ses amies, participer à un club de lecture, va peu à peu se déconstruire sous nos yeux. Il aura suffi d’une confidence de son fils, qui lui apprend qu’il aime un garçon, pour que son univers s’écroule. Vulnérable- on comprend qu’elle souffre de troubles bi-polaires- elle décide de se libérer de la camisole chimique qui, depuis longtemps, lui permet de renvoyer aux autres l’image d’une femme heureuse. Très vite, livrée à elle-même, elle ne contrôle plus rien et l’immense solitude dans laquelle elle se trouve la submerge d’un seul coup. Mais la confusion qui s’installe alors dans sa vie apporte avec elle une vraie lucidité. Que vaut l’apparente sécurité d’une famille lorsque les vraies blessures se font jour et que le hasard place sur votre chemin des inconnus qui, dans leur étrangeté, finissent par prendre une place plus importante vos proches ?
Rien ne prédestinait Anita Beauthier à rencontrer Nourredine, élève en décrochage dans un collège de la ville et à lier avec lui une relation faite de tendresse et de protection. Rien ne laissait penser non plus que Simon, beau-frère d’Anita et homme solitaire et taciturne rencontrerait Nathalie, la voisine d’Anita, abandonnée et trahie par son mari.
Histoire d’un bonheur est l’histoire de toutes ces rencontres improbables mais porteuses de vraies questions comme, qu’est ce que le bonheur ? Comment se libérer des conventions d’une vie toute tracée pour découvrir, peut-être, son propre chemin.
Geneviève Damas, dans ce roman choral, où chacun des personnages prend la parole et donne sa version de l’histoire, nous donne à lire une réflexion roborative, sur la vraie recherche de soi. C’est aussi un livre extrêmement drôle - on rit beaucoup- où elle s’attaque avec humour à tous les apriori et les clichés de notre société.

Geneviève Damas
Geneviève Damas
Comédienne et metteur en scène, Geneviève Damas a obtenu le Prix Rossel 2011 et le Prix des Cinq Continents de la Francophonie pour son premier roman, Si tu passes la rivière, publié chez Luce Wilquin. Elle vit à Bruxelles.
Elle a également publié son premier recueil de nouvelles "Benny, Samy, lulu et autres nouvelles" chez Luce Wilquin. (il fera l'objet de ma prochaine chronique)




Mon avis

Après avoir avec brio conquit bon nombre de lecteurs avec son premier roman "Si tu passes la rivière" (Luce Wilquin 2011), publié à 10.000 exemplaires, couronné de 4 prix littéraires dont le Prix Rossel 2011 et le Prix des 5 Continents de la francophonie 2012, revoici pour notre plus grand bonheur un second roman de Geneviève Damas : "Histoire d'un bonheur" chez Arléa.


Il n'y a pas de hasard, rien que de belles rencontres aurais-je envie de dire pour ce beau roman.  Le bonheur ne se construit-il pas à travers l'autre, au fil des rencontres.  N'est-il pas à portée de main alors que l'on le recherche bien loin ?  Des questions et tant d'autres.  Qu'est ce que le bonheur ? N'y-a-t-il pas lieu de se remettre en question pour le trouver ?  Il est où le bonheur ?  Le chemin de celui-ci ne passe-t-il pas par la recherche en soi ?

Anita Beauthier, bourgeoise BCBG, mariée depuis 30 ans à André, mari absent, absorbé par son travail. Deux enfants : Géraldine et Hervé.  Elle passe une soirée par mois avec son fils qui lui annonce avoir rencontré le grand amour : Jean-Luc.  Et catastrophe.  Qu'ai-je fait se demande Anita ?  Mon fils est malade, il ne veut pas se soigner. Tout s'effondre pour elle.
Anita laisse tomber ses médicaments, elle n'en a pas besoin car elle se dit heureuse.  Elle a son chien Wouki, sa véritable compagnie, tout va bien, pense-t-elle.  Son éducation l'a enfermée dans l'idée que "le bonheur est une succession de petits mensonges".

Elle va faire une rencontre improbable. Pour dépanner une copine, elle arrivera dans une école de devoirs de banlieue qui vient en aide à des enfants immigrés défavorisés.

Nourredine, 13 ans croisera sa route.  Un garçon marqué par la vie; le suicide de son père, la prison pour son frère et un destin noir tout tracé.  Tout les oppose et pourtant il y aura un déclic qui permettra à Nourredine de se révéler, de s'apercevoir que la vie, c'est pas si mal.  Anita sera le déclencheur à son insu de ce petit coin de lumière dont chacun a droit.

Deux autres beaux personnages entreront également en scène; Simon le beau-frère d'Anita, défiguré par un accident, pion dans le bahut de Nourredine, on le surnomme "gueule de freak".  Le bonheur, il se demande s'il y a encore droit.

Et enfin, Nathalie, la voisine, maman débordée de deux enfants sous relatine qui vient de se faire larguer.

Chacun dans ce roman choral donnera sa vision de sa réalité. Beaucoup d'émotion, d'empathie, de générosité, d'humour et d'humanité dans ce très beau récit.  Des rencontres improbables qui permettront sans doute de se faire une idée sur "l'histoire d'un bonheur'.

J'ai particulièrement aimé le fait que ces personnages quelconques, dotés d'une vie ordinaire aient pu m'éblouir et me donner cette générosité, un petit goût de bonheur.  J'ai apprécié le travail d'écriture de Geneviève Damas qui transpose l'oralité sur papier, on "entend" le langage parlé.  Très belle écriture.

Ma note  9.5/10


Les jolies phrases

C'est pourquoi aujourd'hui il faut dire non, lutter contre cette morosité ambiante, ce gris qui s'insinue partout autour de nous - sauf dans ma cuisine où c'est ravissant. Oui, il est possible de vivre heureuse, contente et épanouie et de le faire savoir. Oui, il est essentiel de rester positif et de s'attacher à la beauté qui nous entoure comme autant de bulles de bonheur.

Ce que le regard ne pouvait soutenir c'était le gâchis que, derrière le visage détruit, on pouvait percevoir la beauté qui en aurait émané si l'accident ne s'était pas produit.

Lorsque l'on vit en société, il me semble essentiel d'arrondir les angles, de travailler à une forme d'harmonie.  Ma mère nous a éduqués comme cela : "N'oubliez jamais que le bonheur est une succession de petits mensonges".  Il me semble que "l'arrangement de la vérité", est la base essentielle des relations entre les êtres et que cela permet la vie en société.

Le sport est une réponse au chagrin, Simon.  Quand tu mets ton corps en mouvement, tu évacues ton chagrin.

Il me semble qu'elle est très fatiguée ce soir, défaite comme moi, comme nous toutes,qui, après avoir porté le monde à bout de bras, nous voyons un jour, décrocher la fatale estocade, la vie qui nous revient en pleine face comme un boomerang, cette vie sans mémoire et sans gratitude,...

Ma vie, c'est de la merde t'entends, de la merde.  Quant tu nais dans un endroit de merde, ta vie, elle ressemble à l'endroit où tu es né. Mais toi, putain, tu n'es pas née dans la merde, alors, la merde, tu ne sais pas ce que c'est.

Si chaque fois j'attends d'être annoncé Mamita, je risque d'arriver au bout de la vie sans qu'il ne se soit rien passé!

Je me doute qu'elle ne doit pas trop kiffer quand on lui parle direct, Mamita;  Rien qu'à voir sa baraque où il n'y a que du doux et du clair, tu comprends ça.

Je voyais une autre vie, une vie où tout va lentement, où tu tournes autour de ce que tu attends tout doucement parce que tu sais qu'au bout du chemin ça finira bien par te sourire, où tu fais des efforts jour après jour comme une poignée de petits cailloux, où tu encaisses sans broncher pour finalement la rafler un jour comme tout le monde ta part de lumière.  La part à laquelle tu as droit.

Même ça commence à bien m'exciter, cette histoire, parce que j'en viens à penser que moi aussi, avec un peu de chance, je pourrais devenir quelqu'un si je le veux, y a pas que les autres que moi qui ont un avenir.  Napoléon, au départ, c'était un rien du tout, un immigré qui ne parlait pas le français, pas un Arabe quand même, mais un étranger qu'on ne regardait même pas.

...il n'y a pas que les enfants qu'on adopte, tu le dis souvent ça, les vieux aussi, on se les choisit.

Parce que ce n'est pas souvent que je peux rendre quelqu'un joyeux - juste pour moi.

Peut-être que, la vie, ce n'est rien d'autre que ça, écumer le monde en tous sens en cherchant désespérément le panneau qui vous indique la route pour chez soi.



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