lundi 3 mars 2014

Le bonheur conjugal Tahar Ben Jelloun 8.5/10



Couverture

Collection Blanche, Gallimard
Parution : 22-08-2012
368 pages, 140 x 205 mm
Achevé d'imprimer : 01-07-2012
Genre : Romans et récits
ISBN : 9782070138340

Résumé

Casablanca, début des années 2000. Un peintre, au sommet de sa gloire, se retrouve du jour au lendemain cloué dans un fauteuil roulant, paralysé par une attaque cérébrale. Sa carrière est brisée et sa vie brillante, faite d'expositions, de voyages et de liberté, foudroyée.
Muré dans la maladie, il rumine sa défaite, persuadé que son mariage est responsable de son effondrement. Aussi décide-t-il, pour échapper à la dépression qui le guette, d'écrire en secret un livre qui racontera l'enfer de son couple. Un travail d'auto-analyse qui l'aidera à trouver le courage de se libérer de sa relation perverse et destructrice. Mais sa femme découvre le manuscrit caché dans un coffre de l'atelier et décide de livrer sa version des faits, répondant point par point aux accusations de son mari.
Qu'est-ce que le bonheur conjugal dans une société où le mariage est une institution? Souvent rien d'autre qu'une façade, une illusion entretenue par lâcheté ou respect des convenances. C'est ce que raconte ce roman en confrontant deux versants d'une même histoire.


L'auteur



Nationalité : Maroc
Né(e) à : Fès , le 01/12/1944

Biographie :

Tahar Ben Jelloun (en arabe : طاهر بن جلون) est un écrivain et poète marocain de langue française.

Après avoir fréquenté une école primaire bilingue arabo-francophone, il étudie au lycée français de Tanger jusqu'à l'âge de dix-huit ans, puis fait des études de philosophie à l'université Mohammed-V de Rabat, où il écrit ses premiers poèmes — recueillis dans Hommes sous linceul de silence (1971).

Il enseigne ensuite la philosophie au Maroc. Mais, en 1971, suite à l'arabisation de l'enseignement de la philosophie, il doit partir pour la France, n'étant pas formé pour la pédagogie en arabe.

À partir de 1972, il écrit de nombreux articles pour le quotidien Le Monde.

En 1975, il obtient un doctorat de psychiatrie sociale. Son écriture profitera d'ailleurs de son expérience de psychothérapeute (La Réclusion solitaire, 1976).

En 1985, il publie le roman L'Enfant de sable qui le rend célèbre. Il obtient le prix Goncourt en 1987 pour La Nuit sacrée, une suite à L'Enfant de sable.

Tahar Ben Jelloun vit actuellement à Paris avec sa femme et ses enfants (Merième, Ismane, Yanis et Amine), pour qui il a écrit plusieurs ouvrages pédagogiques (Le Racisme expliqué à ma fille, 1997). Il est aujourd'hui régulièrement sollicité pour des interventions dans des écoles et Universités marocaines, françaises et européennes.

Le 1er février 2008, il reçoit des mains du Président de la République française Nicolas Sarkozy la Croix de Grand Officier de la Légion d'honneur.
Il est élu membre de l'Académie Goncourt, en remplacement de François Nourissier démissionnaire.

Source: Babelio

Mon avis

"C'était l'histoire d'un homme qui avait cru que les êtres humains changeaient, soignaient leurs défauts, consolidaient leurs qualités, devenaient meilleurs en se remettant en question.  Il gardait enfoui en lui l'espoir de voir un jour sa femme non pas docile et soumise, pas du tout, mais au moins conciliante et aimante, calme et rationnelle, bref une épouse qui partage et qui construise avec lui une vie de famille. c'était un rêve. Il faisait fausse route et accablait sa femme, oubliant d'admettre se part de responsabilité dans cette faillite."

Voilà une introduction qui déjà en dit long.

Un peintre marocain célèbre, Imane, début des années 2000 se retrouve dans un fauteuil suite à un AVC.  Il était au sommet de sa gloire et du jour au lendemain, il se sent frustré, diminué.  Sa vie bascule. Il est muré dans sa maladie et dresse le bilan de son mariage.

Nous sommes au Maroc en 2003, le mariage est une véritable institution et comme le dira Amina, l'épouse, dans la seconde partie "Chez nous on ne divorce pas, c'est une tradition."  Vous l'aurez compris un des sujets est le divorce.

Avec beaucoup d'habilité l'auteur nous conduit au centre du débat, il nous prend à partie.  Nous allons comme des amis du couple passer du temps avec eux, les écouter et se faire une opinion.  Très subtil, très intelligent car au final qui a tort, qui a raison ?  Bref un livre qui ne laissera pas indifférent, qui amène un grand questionnement sur le mariage.

Est-ce qu'un mariage entre deux personnes de classe sociale différente, avec une éducation différente, une grande différence d'âge, était amené à fonctionner ou était-ce perdu d'avance ?   Nos protagonistes ne se sont-ils pas laissé aveugler par l'amour tout simplement ?

Le mariage est-il une dépendance morale ou physique ?  Est-ce une affaire de pouvoir ?

Oh là là ... pas simple.  Pour se faire une opinion reprenons par la construction à deux voix du roman.

Lui :

Imane, peintre cultivé au sommet de sa gloire, Don Juan, sensible, charmeur, délicat, macho, angoissé, stressé...   Il nous livre son journal intime et fait le point.

Elle :

Amina, sur seulement un tiers de l'ouvrage nous crie sa haine, sa détresse mais aussi le poids des traditions, elle l'appelle Foulane - ce qui veut dire homme quelconque .  Cela nous dépeint son désarroi, la femme humiliée, trahie, dure, jalouse, possessive, dévalorisée, haineuse qui veut simplement EXISTER.

Mais exister par l'autre ou en écrasant l'autre?  Un livre qui questionne donc mais dont le style de l'écriture m'a secouée, interpellée avec beaucoup de poésie, de créativité dans l'écriture.


Ma note 8.5/10



Cette lecture était commune avec Jostein et son blog "Sur la route de Jostein", son avis se trouve   ici


Les jolies phrases

Son accident était physique, pas psychique.  Il n'était pas le peintre stressé et contrarié, mais un acrobate qui s'était brisé le corps dix mètres au dessous du fil.

C'était l'histoire d'un homme qui avait cru que les êtres humains changeaient, soignaient leurs défauts, consolidaient leurs qualités, devenaient meilleurs en se remettant en question.  Il gardait enfoui en lui l'espoir de voir un jour sa femme non pas docile et soumise, pas du tout, mais au moins conciliante et aimante, calme et rationnelle, bref une épouse qui partage et qui construise avec lui une vie de famille. C'était un rêve. Il faisait fausse route et accablait sa femme, oubliant d'admettre sa part de responsabilité dans cette faillite.

Il avait appris de sa mère qu'il ne fallait jamais se plaindre, d'abord parce que cela ne servait à rien et ensuite parce que ça ennuyait les autres.  La souffrance, il fallait l'endurer.

Une vie entre les mains des autres, est-ce encore une vie ?

Lorsque par malheur la maladie ou un accident vous frappe, votre entourage change brusquement de visage.  Il y a ceux qui comme des rats quittent le navire, ceux qui attendent la suite des événements pour aviser, et puis ceux qui restent fidèles à leurs sentiments et à leur comportement. Ceux-là sont rares et précieux.

Dessiner lui permettait de s'échapper, vivre autrement sa relation au monde.

De toute façon, mon fils, le principal c'est de se souvenir de ceux qui ne sont plus de ce monde; tant que l'on se souvient d'un être, il n'est pas mort, il vit dans vos pensées, notre mémoire, alors que vous veniez sur sa tombe ou pas, peu importe, mais que vous m'oubliiez totalement, ça, ce serait grave.  En attendant, vie la vie.

Quand la violence s'installe dans un couple, lui avait dit son ami, la vie en commun n'est plus possible; tout le reste n'est que rafistolage et mensonge à soi. Divorcer, alors, est la seule solution.

Elle n'était pas double, c'était la même personne qui réservait ce qu'elle avait de meilleur aux autres et ce qu'elle avait de pire à son mari.

La clandestinité donnait à leurs retrouvailles une joie particulière.  Ils disaient : "Nous sommes des voleurs ; notre bonheur est notre secret ; notre amour est notre survie; nous refusons être des naufragés; nous vivons cet amour et nous serons un jour des êtres inconsolables"

Je sais, se séparer est un déchirement. Il faut que toi même tu te persuades que c'est une bonne décision. Tes enfants te remercieront plus tard.  La mort aussi crée des déchirements, mais elle nous pousse à relativiser les choses.  La vie est un clin d'oeil, une étincelle, elle s'allume puis s'éteint.  Le temps est illusion.  On vit et on s'accommode de cette illusion. A un moment où on s'en va, tous les petits bobos ne sont rien.

L'amour n'est pas une décision ou une volonté. Il s'installe comme il nous quitte. Nous n'y pouvons rien.

1 commentaire:

Jostein a dit…

Ce n'est pas mon roman préféré de l'auteur. Mais c'est un habile questionnement sur le mariage. Je ne lis jamais les quatrièmes de couverture et enlisant le récit du peintre, je rêvais d'avoir la version de la femme. L'équilibre est respecté, pas en temps de parole, mais en terme de "défense". Dans l'échec d'un mariage, il y a toujours des responsabilités de part et d'autre.
Par contre j'ai dû rater quelque chose, parce que je lis dans bon nombre de chroniques que le peintre se nomme Imane. Pour moi, le peintre n'est pas nommé ( à part Foulane dans la seconde partie) et Imane est l'infirmiere.