dimanche 12 juin 2016

La part des flammes - Gaëlle Nohant ♥♥♥♥♥

La part des flammes

Gaëlle Nohant

La Part des flammes


Le livre de Poche 34052
552 pages
Date de parution: 09/03/2016
EAN / ISBN: 9782253087434
Prix : 8.60 €


Résumé


Mai 1897. Pendant trois jours, le Tout-Paris se presse à la plus mondaine des ventes de charité. Les regards convergent vers la charismatique duchesse d’Alençon. Au mépris du qu’en-dira-t-on, la princesse de Bavière a accordé le privilège de l’assister à Violaine de Raezal, ravissante veuve à la réputation sulfureuse, et à Constance d’Estingel, qui vient de rompre brutalement ses fiançailles. Dans un monde d’une politesse exquise qui vous assassine sur l’autel des convenances, la bonté de Sophie d’Alençon leur permettra-t-elle d’échapper au scandale ? Mues par un même désir de rédemption, ces trois rebelles verront leurs destins scellés lors de l’incendie du Bazar de la Charité.





Une langue d’une beauté parfaite, veloutée et élégante, des destins peu communs et l’exploration passionnante d’un monde oublié. Une fresque flamboyante. Bernard Babkine, Marie France.
Prix du Livre France Bleu / Page des Libraires 2015.

L'auteur

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Née à Paris en 1973, Gaëlle Nohant vit aujourd’hui à Lyon. La Part des flammes est son deuxième roman après L’Ancre des rêves, 2007 chez Robert Laffont, récompensé par le prix Encre Marine. Elle est également l’auteur d’un document sur le Rugby et d’un recueil de nouvelles, L’homme dérouté.

Source : son blog

Elle nous en parle


Mon avis


Paris mai 1897, la Comtesse Violaine de Raezal, jeune veuve veut trouver une place dans le plus grand bazar de Charité qui aura lieu rue Jean-Goujeon durant trois jours.  C'est l'endroit où la noblesse aime être vue, il faut absolument en être.

Elle rencontrera la Duchesse Sophie d'Alençon qui n'est autre que la plus jeune soeur de Sissi l'impératrice d'Autriche lors de ses visites dans un sanatorium et sera engagée pour le comptoir n°4.
Elle y rencontrera Constance d'Estingel qui vient de rompre la promesse de mariage avec son fiancé le jeune et fougueux écrivain, journaliste Lazlo de Nérac.  En effet, troublée par cette promesse d'amour et de liberté, sous le poids de l'éducation religieuse, elle rompra et se consacrera aux autres, devenir dame patronnesse pour le salut de son âme.

Ces trois femmes vont sceller à jamais leur destin le 4 mai 1897.  Il y a une foule énorme cet après-midi car le nonce apostolique doit venir et l'essentiel est d'être là, d'être vu.  Le hangar est étroit.

Un appareil cinématographe, nouveauté de l'époque est en démonstration.  il est alimenté par de l'éther, matière dangereusement inflammable et le drame arrive.  En quelques secondes le bazar est la proie des flammes, c'est horrible, la panique, tout s'embrase.  La plume de Gaëlle Nohant est très forte, on a l'impression d'être prisonnier de ce brasier, de ressentir la chaleur, les odeurs, la panique, tout cela semble réel.

Lazlo sera dépêché sur place pour y couvrir l'événement pour la presse.  Il est hanté par Constance qu'il sait à l'intérieur.


   

    

Ensuite toujours l'horreur, les victimes, les corps carbonisés à reconnaître, les grands-brûlés recueillis entre autres par Madame Du Rancy, les actes de bravoures dont en particulier ceux de Joseph, le chauffeur de la Duchesse d'Alençon. 

C'est un récit historique extrêmement bien documenté auquel des personnages fictifs ont été ajoutés.  J'ai vraiment eu le sentiment de vivre les événements en direct.

La condition de la femme fin dix-neuvième est un élément central du roman.  C'est incroyable de voir comme elle appartenait à son mari qui décidait tout pour elle.  Si elle n'avait pas la même vision des choses que celui-ci , ou au moindre écart de conduite, on ne faisait pas dans la dentelle et pour un oui, pour un non on l'internait estimant qu'elle souffrait d'hystérie.  Elle était alors livrée, abandonnée corps et âme au médecin, ben oui c'était ça le début de la psychiatrie.

La place de la religion est importante.  Le désir de rédemption qui est la finalité absolue passe par le don de soi et l'aide aux pauvres et aux malades. 

La place de l'honneur et de ses codes est également mise en avant, c'était le temps des duels.

La plume est élégante, fluide et précise.  Quelle minutie et multiples détails et précisions, le récit est magnifiquement documenté. Un récit qui dépeint la société où la place de la femme est réduite à être la possession de son mari, sa chose. Sa seule issue, sa rédemption  se trouve dans le don de soi pour les autres. Magnifique, sublime, flamboyant.

Ma note : 9.5/10  c'est le livre qui a été retenu pour le mois de mai par le jury des lecteurs.

En bonus, l'avis de Julie des Petites lectures de Scarlett



Les jolies phrases

Il se remit à tousser de plus belle, vomissant le sirop sanglant de ses poumons avec un visage tordu de souffrance.  Toute sa personne se dressait dans une dernière révolte contre le mal qui le consumait.  L'envie de vivre s'était réfugiée dans cette rage qui convulsait son corps cachectique et provoquait la toux meurtrière, comme on brave l'ouragan qui va vous emporter.

Dans ce monde, il n'est pas de bonheur possible.  Le croire est une illusion.

Violaine se laisse prendre dans le courant, certaine d'aller vers sa mort, fermant les yeux pour les rouvrir avec peine, paupières gonflées par la fumée et la chaleur, les poumons emplis de l'odeur de la chair brûlée, mettant toute son énergie à ne pas tomber, surtout ne pas tomber, tomber c'est mourir, avance, n'aie pas peur -sa peur était si forte qu'elle pouvait la tuer.

S'il était irréel qu'une créature aussi raffinée que l'homme pût frire comme une côte de boeuf, le voir de ses propres yeux, c'était mordre par surprise dans le fruit de l'arbre de la connaissance.  Un poison entrait dans la tête et le corps, qui vous changerait à jamais.

Elle avait de la chance d'avoir gardé une chevelure intacte à l'exception de quelques mèches et d'une longue bande brûlée derrière la tempe droite. Les cheveux restaient ce trésor des femmes qui nourrissait la rêverie érotique des hommes, qui serpentait le soir venu au bas de leurs reins, que les peintres habillaient de lumière et les poètes d'assonances luxueuses.  Une femme sans cheveux était une hérésie, une magicienne au mécanisme éventré.

Son mariage relevait donc d'une erreur d'aiguillage, il n'en avait été que le passager attendant de descendre en gare.

Vous me sauvez, Mary, quand je suis près de vous je sens les ombres noires de ma mélancolie se dissoudre dans votre vivacité, et votre audace me rappelle un temps où la solitude n'était pas une ennemie mais un infini de liberté.

Les pages 434 à 436 sont magnifiques.

Vous prenez pour de l'amour ce qui n'est que l'emballement de la chair, le péché vous égare.

En la faisant évader, ses anges gardiens avaient brûlé les chemins qui menaient à son passé.  Il y avait au fond d'elle un continent perdu distillant une nostalgie puissante qui débordait sur le papier.

Cet amour est une écharde, avait répondu Constance.  Quand je crois l'oublier, il se rappelle douloureusement à moi.

Violaine de Raezal se disait que s'il était un bonheur possible sur cette terre, on ne pouvait y accéder qu'en laissant mourir certaines choses en soi.  Toutes ces choses lourdes et encombrantes qui étaient un grenier plein d'objets cassés et poussiéreux que l'on osait mettre au rebut, mais qui arrêtaient la lumière.


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ahhh ! Comme je suis heureuse de voir qu'il t'a plu autant qu'à moi <3

nathalie vanhauwaert a dit…

J'étais contente de le lire en voyant qu'il t'avait plu. C'est vrai qu'on aurait pu en faire une LC. ♥☺♥

Marguerite a dit…

Ah ! Je suis ravie de voir qu'il t'a plu :)
Et d'avoir entendu depuis Gaëlle Nohant en parler à Marche, il me plait encore plus...