jeudi 5 avril 2018

Un monde sur mesure - Nathalie Skowronek

Un monde sur mesure    -      Nathalie Skowronek

Un monde sur mesure

Grasset
Parution : 08/03/2017
Pages : 198
EAN : 9782246863335
Prix : 18 €
Prix numérique : 12.99 €

Présentation de l'éditeur

« Des marchés où s’était épuisée notre arrière-grand-mère aux magasins de prêt-à-porter montés par nos parents, tout nous ramenait aux tailleurs juifs des shtetls de Pologne.
Quatre générations plus tard, on ne se fournissait plus dans le Sentier, à Paris, mais chez d’invisibles intermédiaires qui ramenaient la marchandise du Bangladesh, du Pakistan ou de Chine. Qu’importait la provenance des pièces, qui les avaient confectionnés et comment, nous devions reconnaître parmi les vêtements entassés les articles susceptibles de plaire. Il fallait être rapide, choisir juste. Nous prenaient de cours ces nouvelles enseignes qui ouvraient dans toute l’Europe. Le shmattès yiddish allait bientôt disparaître. »
 
N. S. 

Au cœur de l’histoire familiale de la narratrice, le vêtement : d’un côté le magasin de son inconsolable grand-mère, peuplé des fantômes de la Shoah, de l’autre les flamboyants qui, tournant le dos à la tragédie, jouent le jeu de leur époque avant d’être dépassés par le succès. Entre eux, une jeune femme veut exister sans renier ses origines et les évoque avec une acuité sensible. La fin d’un monde, et peut-être la vraie fin du Yiddishland.

L'auteure


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Nathalie Skowronek est née à Bruxelles en 1973. Après des études de lettres, elle travaille dans l’édition puis pendant sept ans dans le prêt-à-porter pour femmes. Elle revient à la littérature en 2004 en créant la collection « La Plume et le Pinceau » pour les éditions Complexe. Elle publie son premier roman à trente-sept ans. Ses livres touchent aux questions des origines, au poids des milieux, à la mémoire et à la transmission, elle y réfléchit avec le souci du monde contemporain.


Depuis 2016, elle enseigne à l'Atelier des écritures contemporaines de La Cambre/École nationale supérieure des arts visuels. Elle anime également l'atelier d'écriture du club Antonin Artaud, un centre de jour pour adultes souffrant de difficultés psychologiques.


Nathalie Skowronek est l'auteur de deux romans, « Karen et moi » (Arléa, 2011) et « Max, en apparence » (Arléa, 2013), et d'un essai, « La Shoah de Monsieur Durand » (Gallimard, 2015).

Son quatrième livre, « Un monde sur mesure », est paru en mars 2017 aux éditions Grasset.



Mon avis

Nathalie Skowronek était finaliste du Prix Rossel 2017 (Le Goncourt Belge) avec ce récit qui nous raconte un pan de l'histoire de sa famille arrivée chez nous dans les années 20 en provenance de Pologne.

Au départ, Lily, l'arrière-grand-mère, originaire d'une lignée de tailleur juif, vend ce qu'elle peut sur les marchés de Charleroi.  A l'époque, il est vrai que le savoir faire couture est transmis de génération en génération et permet souvent à un juif de redémarrer avec un peu de tissu, du fil et une aiguille.

Ses grands-parents ouvriront des magasins dans la rue de la Montagne à Charleroi, d'abord "Le Palais de la fourrure", puis Vogue et Guedalia, de féroces concurrents toujours à la recherche de l'article phare voué au succès éphémère de la mode.

Ses parents Tina et Octave ouvriront plusieurs magasins entre autre Veldstraat à Gand.

En route pour l'histoire de la mode.  On en apprend des choses intéressantes tout en les liant aux références littéraires : la création des grands magasins avec de nombreuses références à Zola "Au bonheur des dames", la fièvre acheteuse, les créations d'emplois, l'invention de la première machine à coudre par Samuel Singer en 1851, une des plus grandes entreprises internationales, les ateliers          (référence à la pièce de Grumberg), le début du prêt à porter (ready to wear 1895) en opposition au sur mesure usité jusque là.

Avec Nathalie Skowronek et sa famille, on arpente "Le Sentier" à Paris, quartier des grossistes où la famille se fournissait jusqu'à l'arrivée des chinois dans les années 96 dans le quartier Popincourt.  Ils casseront les prix et amèneront d'autres méthodes, début d'un grand changement.

La plume est truffée de références littéraires, Zola, Proust, Flaubert, Cohen, Annie Ernaux.  L'écriture est très documentée, peut-être un peu trop pour ce qu'au départ je pensais être un roman, rendant un peu moins fluide le côté narratif.  On se rapproche en effet par moments du genre documentaire, ce qui est très bien aussi car franchement on ne perd pas son temps, on découvre un monde.

On notera que Nathalie, la narratrice sera en fonction des époques le "Je", "l'enfant" lorsqu'elle remonte dans le temps et deviendra "Sencha" lorsqu'elle parle de ses sept années dans le prêt à porter, secondant sa mère Tina, l'intrépide Don Quichota.

J'ai aimé qu'elle retourne ensuite sur les différents lieux de narration à la recherche de ce qu'ils étaient devenus, un peu nostalgique ne retrouvant malheureusement plus les lieux de son enfance.

Une belle découverte que je vous recommande vivement.

Ma note : 8.5 /10


Les jolies phrases

Ce continuum était notre religion : tailleur, machine à coudre, juif, se refaire, s'enfuir, tout cela faisait partie pour nous d'une seule et même histoire.

A porter l'attention sur le double sens de sweat, on comprend qu'il a beaucoup à voir avec l'idée de peine.  Impossible de ne pas penser que sweatshop alliant efficacité et main-d'oeuvre corvéable à souhait ( pas même pour le prix d'une bouche à nourrir), les Allemands ont créé un modèle dans le genre - Arbeit macht frei, n'est-ce-pas ? -, Auschwitz, du verbe schwitzen; cousin du sweat anglais, où l'on comprend qu'il est toujours question de sueur.

Nous étions tout à tour pionniers ou suiveurs, pestant lorsque nous étions copiés, prenant un air innocent lorsque nous avions copié.

Le made  in China n'appelait pas à mille développements; dans ma tête, il était venu remplacer le savoir faire du shetl.

Au final, on demande aux codes de l'habillement de dire à notre place qui on est, d'où on vient, à quoi on aspire.

Ce qui laisse entendre que partir c'est trahir, et que vivre c'est tuer l'autre.

Ce qui comptait c'était d'occuper le terrain, de faire impression.  Mais la première impressionnée c'était moi, la débutante, qui pour se donner une consistance dont elle se croyait dépourvue s'était persuadée de sa vocation à embrasser le métier de commerçant.







3 commentaires:

Anne a dit…

Je suis en retard dans mes lectures de Nathalie Skowronek, je n'ai lu que Karen et moi. Celui-ci m'attend (un de plus...)

Marilyne a dit…

Ah, c'est le dernier de l'auteure que je n'ai pas encore lu; chaque lecture m'a plu ( avec un grand coup de coeur pour " Karen et moi ". Tu es enthousiaste, ça me frustre ;-)

nathalie vanhauwaert a dit…

J'ai Max en apparence dans ma PAL depuis un moment, et j'i vraiment envie de lire "Karen et moi". Nathalie Skowronek était l'invitée des Nuits d'Encre, elle est d'agréable compagnie, elle est passionante et a vraiment des choses très intéressantes à transmettre. Une très belle rencontre.