samedi 16 février 2019

Une bouche sans personne - Gilles Marchand

Une bouche sans personne    -  Gilles Marchand

Prix de Littérature - Kiwanis

Aux forges de Vulcain
Parution : 25 août 2016
Pages : 282
ISBN : 9782373050134
Prix : 17 €

Présentation de l'éditeur

Un comptable se réfugie la journée dans ses chiffres et la nuit dans un bar où il retrouve depuis dix ans les mêmes amis. Le visage protégé par une écharpe, on ne sait rien de son passé. Pourtant, un soir, il est obligé de se dévoiler. Tous découvrent qu’il a été défiguré. Par qui, par quoi? Il commence à raconter son histoire à ses amis et à quelques habitués présents ce soir-là. Il recommence le soir suivant. Et le soir d’après. Et encore. Chaque fois, les clients du café sont plus nombreux et écoutent son histoire comme s’ils assistaient à un véritable spectacle. Et, lui qui s’accrochait à ses habitudes pour mieux s’oublier, voit ses certitudes se fissurer et son quotidien se dérégler. Il jette un nouveau regard sur sa vie professionnelle et la vie de son immeuble qui semblent tout droit sortis de l’esprit fantasque de ce grand-père qui l’avait jusque-là si bien protégé du traumatisme de son enfance.
Léger et aérien en apparence, ce roman déverrouille sans que l’on y prenne garde les portes de la mémoire. On y trouve les Beatles, la vie étroite d’un comptable enfermé dans son bureau, une jolie serveuse, un tunnel de sacs poubelle, des musiciens tziganes, une correspondance d’outre-tombe, un grand-père rêveur et des souvenirs que l’on chasse mais qui reviennent. Un livre sur l’amitié, sur l’histoire et ce que l’on décide d’en faire. Riche des échos de Vian, Gary ou Pérec, lorgnant vers le réalisme magique, le roman d’un homme qui se souvient et survit – et devient l’incarnation d’une nation qui survit aux traumatismes de l’Histoire.

L'auteur



» Un funambule sur le sable « – Dealer de lignes


Gilles Marchand est né en 1976 à Bordeaux.

Batteur dans un groupe de rock, il se tourne vers l’écriture de nouvelles en 2010. Son premier roman, Le Roman de Bolaño en 2015 aux éditions du Sonneur, est écrit en collaboration avec Éric Bonnargent, et suscite l’enthousiasme des libraires et des lecteurs du romancier Roberto Bolaño.

C’est avec son premier roman solo qu’il rencontre un grand succès : Une bouche sans personne est publié en 2016. D’abord sélectionné parmi les « Talents à suivre » par les libraires de Cultura, il remporte le prix Libr’à Nous, le Coup de cœur des lycéens du Prix Prince Pierre de Monaco en 2017 et le prix du meilleur roman francophone Points Seuil en 2018.

Son deuxième roman, Un funambule sur le sable, publié en 2017, est un succès et impose cet écrivain original, qui mêle réalisme magique et humanisme, comme l’héritier de Boris Vian, Romain Gary et Georges Perec.

En 2018, il recueille les nouvelles qu’il a publiées dans divers collectifs aux éditions Antidata au sein d’un seul volume, qu’il étoffe d’inédits : Des mirages plein les poches. Ces textes reçoivent le prix du premier recueil de nouvelles de la Société des Gens de Lettres.




Mon avis

Thomas est comptable, il a 47 ans, il passe ses journées dans les chiffres et depuis dix ans ses soirées dans le bar de Lise dont il est secrètement amoureux, c'est devenu un rituel. Il y rencontre ses amis Thomas et Sam.  Un disque des Beatles, le plus souvent, un morceau qu'on écoute et nos amis ont pris l'habitude de combler ensemble leur solitude.

Thomas écrit un roman dont il parle peu.  Ecorché de la vie suite à un accident, il parle de ses deux enfants perdus - enfants qu'il n'a jamais eu...

Sam, orphelin a atterri dans ce bar depuis la mort de son père, étrangement depuis peu il reçoit régulièrement des lettres de ses parents disparus...

Notre narrateur quand à lui, porte toujours une écharpe autour du cou quelque soit la saison cachant des cicatrices... Un soir, par maladresse, il renverse son café brûlant.  Le liquide s'échappe dans son cou et sur l'étoffe qui l'entoure.  Troublé, il rentre chez lui.

Ses amis lui disent qu'entre amis on peut tout se dire.  C'est peut-être le moment de se libérer de son lourd secret.  En effet, peu à peu une brèche s'ouvre et notre narrateur va peu à peu nous raconter son histoire , le tout au départ d'une photo jaunie, celle de papi Pierre-Jean.

Le récit semble léger d'apparence, loufoque , fantasque par moments. mais détrompez-vous il est beaucoup plus profond.

Il nous raconte entre autre comment on récolte les nouilles en carrière, ce qui se passe dans son immeuble suite au décès de la concierge pour la gestion des déchets.  Ceux-ci s'accumulent dans la cage d'escalier comme son lourd fardeau qui, au plus il se libère de son secret, au plus profond des strates de souvenirs il creuse, obligeant à creuser une galerie pour se rendre chez lui comme au plus profond de son âme.

C'est étrange au plus il se livre, au plus le bar se remplit, de plus en plus de monde vient pour l'écouter.   Bienvenue dans le monde de l'imaginaire, de l'absurde, un monde ressemblant étrangement à celui de Boris Vian, une filiation qui correspond à mon sens à merveille à l'auteur.

J'avoue m'être un peu perdue dans cet univers décalé durant la lecture, me demandant où Gilles Marchand voulait m'emmener mais il le savait lui, il m'a mené comme un funambule (oui je sais c'est facile - second titre de l'auteur) sur un fil tendu auquel je me suis accrochée jusqu'au bout du récit.  Croyez-moi il savait exactement où il voulait nous mener.  Et au final j'en suis enchantée.

Avec poésie, extravagance, l'imaginaire de Gilles Marchand nous parle dans ce premier roman très réussi du poids des secrets, de la solitude et de l'amitié.

Une belle découverte au final, le second "Un funambule sur le sable" a rejoint ma PAL car j'ai vraiment envie de connaître l'univers de cet auteur.

Ma note : 8/10



Les jolies phrases

Ce morceau, cette ambiance, je prends conscience que nous avons tous nos secrets, nous sommes effectivement ici chez nous.

Je me souviens qu'après ces siestes tu me proposais d'aller au café, parce que les amis c'est ce qu'il y a de plus important dans la vie, et que les amis c'est dans les cafés qu'on les trouve.

L'Histoire n'est pas juste.

L'écharpe m'a permis de masquer cette différence.  Elle soulève d'autres questions mais il est plus facile de vivre avec des questions qu'avec une différence.

J'ai trouvé mon écharpe comme un voile qui transforme la réalité.

La présence de tous ces anonymes me permet de me détacher de ce que je leur raconte. A travers eux, mon histoire devient 'une histoire".  C'est peut-être ce dont j'avais besoin pour avancer.

C'était l'école qui me renvoyait le plus le reflet de ma différence.

Ne pas s'encombrer de la réalité, transformer son présent pour oublier son passé.

Le discours d'adieux c'est la main du noyé qui se dresse une dernière fois à la surface de l'eau parce qu'il sait que dans quelques instants si l'on parle encore de lui, ce sera uniquement au passé.

Nous avançons et nous jetons au rebut tout ce que nous estimons inutile, tout ce qui nous embarrasse.  Nous pensons faire place nette, mais au final, nous ne faisons que déplacer, éloigner.

C'est peut-être ce dont j'avais besoin pour avancer.  Je ne suis qu'une bouche, une espèce de lien avec un autre temps qui se dépossède de ce qu'il a sur le coeur.  Mon histoire leur appartient et se mêle à leurs propres souvenirs.

2 commentaires:

Anne-Marie Bougret a dit…

Merci Nathalie pour cette découverte !

nathalie vanhauwaert a dit…

avec plaisir