JC Lattès
Parution : 02/01/20
Pages : 170
Isbn : 9782709650557
Prix : 18 €
Présentation de l'éditeur
« Je m’appelle Sylvie Meyer. J’ai 53 ans. Je suis mère de deux enfants. Je suis séparée de mon mari depuis un an. Je travaille à la Cagex, une entreprise de caoutchouc. Je dirige la section des ajustements. Je n’ai aucun antécédent judiciaire. »
Sylvie est une femme banale, modeste, ponctuelle, solide, bonne camarade, une femme simple, sur qui on peut compter. Lorsque son mari l’a quittée, elle n’a rien dit, elle n’a pas pleuré, elle a essayé de faire comme si tout allait bien, d’élever ses fils, d’occuper sa place dans ce lit devenu trop grand pour elle.
Lorsque son patron lui a demandé de faire des heures supplémentaires, de surveiller les autres salariés, elle n’a pas protesté : elle a agi comme les autres l’espéraient. Jusqu’à ce matin de novembre où cette violence du monde, des autres, sa solitude, l’injustice se sont imposées à elle. En une nuit, elle détruit tout. Ce qu’elle fait est condamnable, passable de poursuite, d’un emprisonnement mais le temps de cette révolte Sylvie se sent vivante. Elle renaît.
Un portrait de femme magnifique, bouleversant : chaque douleur et chaque mot de Sylvie deviennent les nôtres et font écho à notre vie, à notre part de pardon, à nos espoirs de liberté et de paix.
L'auteure
Née en 1967, Nina Bouraoui est romancière. Elle est notamment l’auteur de La Voyeuse interdite (prix du Livre Inter 1991), Garçon manqué, La Vie heureuse, Mes mauvaises pensées (prix Renaudot 2005), Standard, Beaux rivages et plus récemment le magnifique Tous les hommes désirent naturellement savoir, sélectionné par le prix Femina et le Prix Médicis. Ses livres sont traduits dans le monde entier. Otages a d’abord été une pièce de théâtre, un monologue, écrit pour le Paris des femmes avant que Nina Bouraoui écrive une nouvelle version, romanesque, « en hommage aux otages économiques et amoureux que nous sommes ».
Source JC Lattès
Source JC Lattès
Elle nous en parle
Mon avis
Sylvie Meyer a 53 ans, elle est mère de famille de deux garçons. Son mari l'a quitté il y a un an après 25 ans de vie commune, comme ça un matin, il lui a dit "Je m'en vais". Elle n'a rien dit, rien fait.
C'est à la première personne, par un monologue prenant qu'elle nous raconte son histoire.
Elle travaille à la Cagex, une entreprise dans le caoutchouc, depuis 21 ans. Victor Andrieu, son patron lui dit qu'elle est indispensable, qu'elle est son bras droit, alors sans rien dire, Sylvie se donne à fond dans son travail, ne compte pas ses heures supplémentaires. Un jour, son patron lui explique que l'entreprise est au bord du gouffre et il lui demande, à elle, son bras droit, la responsable des ouvrières, ses abeilles comme elle dit de lister le personnel, de le surveiller car il n'a pas le choix, il va falloir licencier. C'est la goutte d'eau qui va faire déborder le vase.
Sylvie a accumulé tant de choses depuis des années, elle subit tant de violences silencieuses, de non-dits sans jamais s'exprimer, elle a entassé, enfoui tant de choses, tant de tensions. Elle est comme une cocotte-minute, sous pression, prête à exploser.
Elle va exploser et tout va basculer...
C'est un roman féministe que nous propose Nina Bouraoui, un roman qui défend la liberté. Elle nous parle de la condition de la femme et des violences enfouies depuis l'enfance par notre héroïne.
Sylvie a refoulé plein de choses au fond d'elle, elle a tout accepté, enfoui, tu, voulu oublier sa rage envers l'homme mais là d'un coup elle l'exprime et cela va lui coûter cher , mais n'est-ce pas à ce prix que l'on trouve enfin la liberté ?
Ne sommes-nous pas parfois otages de nos vies ? de notre corps de femme, de nous-même, de notre passé comme Sylvie ? Elle a intériorisé toutes ses blessures jusqu'au moment où elle passe à l'acte.
Ce livre m'a interpellée sur la notion de liberté, notre liberté n'est-elle pas celle de faire des choix ? sans doute mais il faut vaincre la peur.
Un petit élément refoulé au fond de soi, l'intériorité, la peur de l'homme, d'être continuellement dominée, mais aussi l'amour, son manque qui crée des douleurs et des révoltes sont traités dans ce roman très intéressant.
L'écriture est tantôt fluide, proche de l'oralité , utilisant des métaphores, délivrant beaucoup de jolies phrases, tantôt fleuve , on se laisse emporter par les flots des mots qui rythment le récit créant une tension constante. Ce roman se lit extrêmement rapidement.
Ma note : 8.5/10
Les jolies phrases
...que je n'ai pas le temps pour le plaisir. Pas le temps. C'est une erreur, le plaisir étant l'une des façons d'échapper au réel.
On n'est pas libre sans amour, sans désir, pas du tout. On est prisonnier de son corps. On est prisonnier du monde. L'amour c'est la liberté.
Vous êtes une femme intelligente et bonne, c'est si rare la bonté de nos jours, chacun avance pour soi sans penser aux autres.
Heureuse ou malheureuse, grise ou saturée de lumière, une enfance ne s'oublie pas. On ne coupe pas les racines d'un arbre qui fleurit encore.
Parce que le travail, c'est quand même la soumission. On a beau dire, mais il y a un truc qui cloche. Bien sûr, au bout du travail, il y a le salaire, et avec le salaire il y a la liberté ; mais une liberté si limitée si on fait la balance.
Peu importe l'objet du désir. Le désir c'est se sentir exister. C'est la vie le désir. C'est l'élan, la force.
On nous fait croire que l'on est tous libres et égaux et que notre modèle est le meilleur des modèles, mais ce n'est que de la poudre aux yeux car finalement, nous les petits, on a aucun droit, sinon celui de se taire. Bien sûr on nous donne un travail, on nous fait confiance quand on est un peu plus malin qu'un autre, mais au final c'est toujours pareil, on se fait écraser par les plus forts, et on se tait car il faut bien bouffer ; alors on accepte, on continue, on suit la ligne toute tracée du berceau à la tombe, toujours dans l'humiliation, la main tendue, car on n'a pas les moyens de claquer la porte, et parfois on rêve de partir, de leur clouer le bec pour qu'il n'y ait plus d'humiliation car on a pu choisir, et le choix c'est la liberté. Et là elle existe la liberté, c'est pas juste une idée ou un joli mot, c'est comme l'histoire de l'oiseau dans sa cage : un jour on ouvre la porte, et s'il peut choisir, ce n'est pas évident qu'il se casse, pas évident du tout car c'est lui qui décide, le mieux pour lui, la petite cage avec ses graines et sa coupelle d'eau ou l'immensité du ciel et les corbeaux qui l'attendent pour le croquer, il réfléchira à deux fois le petit oiseau avant de glisser entre les nuages et d'embrasser l'azur. Et c'est normal. Il n'est pas bête le petit oiseau. Si la porte de la cage est ouverte et s'il reste il ne se sentira pas prisonnier, il aura choisi et ça change tout...
Le temps me domine et il a fini par gagner. Pas de temps pour moi, peu pour les autres, à peine pour la vraie vie, celle qui s'arrête enfin et qui vous permet de sentir le vent sur la peau; d'entendre le chant des oiseaux quand arrive le printemps, le temps de rêver aussi, à un autre avenir, pas meilleur, mais juste différent.
...ils ne s'aimaient plus, je le savais, mais ils faisaient tout pour que cela ne se voie pas, ce qui signifiait qu'ils aimaient plus leurs enfants qu'eux-mêmes.
Elle disait aussi qu'être conscient du malheur des autres donnait de la lumière à sa propre vie, que cela forçait à ne pas trop se plaindre, à se contenter de ce que l'on avait, même si ce n'était pas le paradis, il y avait des gens qui connaissaient l'enfer sur terre et ça, par respect, il ne fallait jamais l'oublier.
Le désir ne se tient jamais loin de la violence.
Personne au bout du compte ne vit pour soi. On a toujours besoin du regard de l'autre pour se sentir exister. C'est toujours l'histoire du cordon. On le coupe et très vite il faut en reconstruire un autre parce que le vide fait si peur.
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