samedi 3 juillet 2021

C'était génial de vivre - Marceline Loridan-Ivens/ David Teboul et Isabelle Wekstein-Steg ♥♥♥♥♥


C'était génial de vivre - Marceline Loridan-Ivens  ♥♥♥♥♥

David Teboul et Isabelle Wekstein-Steg












Les Arènes
Parution : 10 juin 2021
Propos recueillis par David Teboul
et Isabelle Wekstein-Steg
Pages : 184
Isbn : 979-10-375-0276-6
Prix : 15 € au profit de la Fondation pour la mémoire de la Shoah


Présentation de l'éditeur



« Dans les camps, il y a ceux qui survivent et ceux qui ne survivent pas. Il y a ceux qui reviennent et ceux qui ne reviennent pas. Personne ne sait pourquoi. C’est quelque chose qui vient du ciel. Il y a des anges, forcément. Je le crois. J’ai toujours eu deux anges avec moi. Je les ai toujours. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Peut-être parce qu’il fallait que je revienne. Il fallait que je dise ce que d’autres ne diraient pas, que j’écrive ce que personne n’écrirait. Je ne sais pas. Je n’y suis pour rien. »

Quelques semaines avant de mourir, Marceline Loridan-Ivens, déportée à Auschwitz-Birkenau à quinze ans dans le même convoi que Simone Veil, s’est confiée à David Teboul et Isabelle Wekstein-Steg. Ceci est son dernier récit.

Je suis tout à fait heureuse de parler avec vous, parce que j’ai toute confiance en vous. J’ai essayé de vous donner le meilleur de moi, en toute honnêteté. Il y a longtemps que je n’ai pas parlé comme je vous ai parlé à vous deux, car j’ai toute confiance. L’un sans l’autre, non. Ensemble, oui, absolument.
— Marceline Loridan-Ivens

Les bénéfices de ce livre seront reversés  à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

David Teboul

David Teboul est cinéaste, photographe et vidéaste. Il a réalisé des installations et plusieurs documentaires, dont Yves Saint Laurent, 5 avenue Marceau 75116 Paris, devenu un livre (La Martinière, 2002), Mon amour (tourné en Sibérie  en 2016) et Hervé Guibert, la mort propagande (2021). Il a publié L’Aube à Birkenau (Les Arènes) en 2019,  un récit inédit et intime dans lequel Simone Veil lui raconte son enfance, sa déportation et l’importance de cette épreuve dans sa vie.


Isabelle Wekstein-Steg

Isabelle Wekstein-Steg est avocate, fondatrice du cabinet WAN Avocats, et réalisatrice. Elle est engagée dans  la défense des droits humains, et en particulier la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et pour la mémoire des génocides. Elle intervient en banlieue depuis 2004 pour lutter contre les préjugés en milieu scolaire. Elle a réalisé plusieurs documentaires, et coréalisé Les Français c’est les autres (2016) et Quand l’hôpital retient son souffle (2020).

Mon avis

Marceline Loridan-Ivens nous a quitté en septembre 2018 à l'âge de 90 ans.  Des entretiens avec David Teboul et Isabelle Wekstein-Steg les deux dernières années de sa vie ont permis l'écriture de ce très  touchant témoignage.  

Marceline nous raconte sa vie, celle de sa famille, elle troisième enfant née en 1928, sa plus tendre enfance, son arrestation et déportation à l'âge de 15 ans.  Sa rencontre avec Simone Jacob alias Simone Veil, l'autre rescapée de Birkenau.

Elle nous parle de ses engagements après la guerre, ses combats mais surtout de sa reconstruction, de son amour de la vie.  

Ce qui m'a le plus particulièrement touchée c'est la difficulté pour ceux qui sont restés de croire et d'écouter les témoignages des survivants.  Il est vrai qu'il est difficile de croire l'indicible. 

J'admire sa force, sa lutte pour retrouver foi en la vie, retrouver l'humanité, la compassion et la tendresse.

Un témoignage émouvant, lumineux qui est indispensable, à lire pour ne pas oublier.

Je retiens qu'il est indispensable de garder en soi quelque chose de l'enfance.

"Je n'ai jamais quitté le camp...le vrai camp ne s'en va jamais.  Il est au fond de moi."
 
et cette phrase bouleversante "Au retour, beaucoup de survivants ont voulu des enfants.  Pas moi.  J'ai dominé mon corps pour ne pas en avoir.  ... pour éviter que cela ne recommence."

A lire de toute urgence

♥♥♥♥♥

Les jolies phrases

Ce que j'ai vécu était inimaginable.  Et puis voilà, je trouve que c'était génial de vivre.

Ne jamais perdre son enfance, la  nourrir.

Moi, j'ai écrit : " C'est presque un bonheur de savoir à quel point on peut être malheureux dans la vie. "

J'étais l'une des plus jeunes du camp.  Contrairement à d'autres, je n'étais pas mariée, je n'avais pas d'enfants, je n'avais pas de fiancé.  Je n'avais rien vécu.  Quelques mois auparavant, j'étais une gamine dormant chez ses parents.  Et voilà qu'il fallait tenir, survivre. Il fallait survivre le plus longtemps possible devant cette cheminée qui crachait sa fumée jour et nuit.

J'étais si jeune et si vulnérable.  Je ne connaissais rien à la vie et j'apprenais trop vite.  Je savais tout de la mort et rien de l'amour.

La mort était complètement entrée dans nos vies.  Mes camarades tombaient sans cesse autour de moi.  Chacune pensait que, tôt ou tard, elle allait mourir.  Nous en avions oublié ce que c'est que le deuil.  Pleurer la mort d'une autre nous aurait fait mourir. Il fallait à la fois tout voir et ne rien voir.

Pour continuer à vivre, il faut oublier, sinon on meurt.

Chez les déportés survivants, les souvenirs sont parfois incertains.  Il faut les prendre comme ils viennent.  Moi, je suis sûre de mes souvenirs.  Je me souviens de mes mauvaises actions autant que des bonnes.  Je n'oublie rien des circonstances .  Je n'ai pas honte de parler de ce que je crois avoir commis de mauvais et même d'atroce.  Ce qui est mal est aussi important, et même plus important que ce qui est bien?  Je me dis souvent : "Tu as été bonne une fois, mais tant de fois tu as été du mauvais côté, tu as commis des saloperies".  Il y avait tant d'occasions au camp de commettre des saloperies.  Les travaux épouvantables que j'ai dû accomplir à la fin m'apparaissent aujourd'hui comme des saloperies, même si je n'avais pas le choix.  J'ai creusé des trous pour brûler les Hongroises, je n'avais pas le choix et je l'ai fait. J'avais le sentiment de commettre le mal, car c'était une façon de participer à la mort des autres.  Certaines filles ont dit non.  Elles sont parties à la chambre à gaz.  Moi, je n'ai pas dit non.

Je commençais à comprendre la règle d'or : si tu supportes l'humiliation, tu vivras, si tu ne supportes pas, tu crèveras. 

La souffrance du camp était si énorme qu'elle a effacé tout le reste.

Quand je suis revenue, j'étais morte.  Il fallait que je retrouve mon âme.

Je ne crois toujours pas en Dieu.  En même temps, je sais qu'on en a toujours besoin.  C'est notre seul garant et c'est une chose terrible à dire.  Je crains que d'autres horreurs ne nous attendent et je ne pense pas que les religions nous protègent. 

Je n'ai jamais quitté le camp. (...) Le vrai camp ne s'en va jamais.  Il est au fond de moi. Je ne crains personne et, pourtant, toute forme d'autorité me fait trembler.

L'horreur, la vraie, c'est la déportation.  C'est d'être confronté si jeune au pire de l'humanité.

Au retour, beaucoup de survivants ont voulu des enfants.  Pas moi.  J'ai dominé mon corps pour ne pas en avoir.


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