mardi 27 juillet 2021

L'été sans retour - Giuseppe Santoliquido

 L'été sans retour   -   Giuseppe Santoliquido




















Gallimard - la Blanche
Parution : 20 mai 2021
Pages : 272
ISBN : 9782072915758
Prix : 20 €



Présentation de l'éditeur


« La vie se gagne et se regagne sans cesse, à condition de se convaincre qu’un salut est toujours possible, et de se dire que rien n’advient qui ne prend racine en nous-mêmes. »

Italie, la Basilicate, été 2005. Alors que le village de Ravina est en fête, Chiara, quinze ans, se volatilise. Les villageois se lancent à sa recherche ; les jours passent, l’enquête piétine : l’adolescente est introuvable. Une horde de journalistes s’installe dans une ferme voisine, filmant le calvaire de l’entourage. Le drame de ces petites gens devient le feuilleton national.
Des années après les faits, Sandro, un proche de la disparue, revient sur ces quelques mois qui ont changé à jamais le cours de son destin.
Roman au suspense implacable, L’été sans retour est l’histoire d’une famille maudite vivant aux marges du monde, confrontée à des secrets enfouis et à la cruauté obscène du cirque médiatique.

Mon avis

C'est un roman magistral que je vous invite à découvrir au plus vite.

Bienvenue dans le village de Ravina, dans le Basilicate au Sud de l'Italie, un petit village rural où l"on est attaché à la terre et à la nature.  

Chaque année le premier dimanche de juin, c'est jour de fête "la frisella" se prépare. 

Cela devait donc être jour de fête pour les jeunes du village.  Marianna, Lucia, Chiara, Franco et Fabrizion devaient s'y retrouver ... mais Chiara une ado de 15 ans, la cousine de Lucia Serrai a disparu.

L'émotion est grande et tout le village se mobilise pour la retrouver.  Il faut savoir qu'il n'y a que 400 mètres entre le domicile de l'adolescente et celui de sa cousine.  

Commence alors une enquête mais surtout un immense déballage médiatique qui va mettre ce fait divers au coeur de toutes les chaumières italiennes.  Les médias n'hésitent pas à diffuser en direct sans scrupules des informations concernant cette affaire sans se préoccuper de malmener et c'est peu dire, de souiller la famille concernée... car c'est une famille déchirée qui va être donnée en pâture, rien ne va être respecté... les secrets de la famille Serrai vont devenir le "feuilleton de l'été".

C'est Sandro Lucano qui de retour au village quinze ans après le drame se souvient et nous raconte sa version des faits.  Lui qui après avoir été choyé, aimé par la famille Serrai qui l'avait recueilli, famille qu'il considérait comme la sienne , avait été rejeté, banni  par des hommes vivant avec des oeillères et souffrant d'intolérance.

Ce récit est porté par une plume somptueuse, lyrique.  Une écriture magnifique qui nous décrit l'attachement à la terre, la nature somptueuse véritable personnage de l'histoire, qui nous décrit une ambiance particulière.  Mais aussi une plume qui avec beaucoup de profondeur nous présente les sentiments et la noirceur de l'être humain.  L'homme est complexe, partagé entre l'amour de ses proches, sa famille et ce qu'il est possible de faire pour les sauvegarder. 

C'est un livre d'atmosphère, un peu comme un thriller où la tension grimpe au fur et à mesure que se dévoilent l'intrigue, les faits et se dessine la profondeur de l'âme des protagonistes mais aussi l'amour et le travail de la terre, son asservissement.

Un roman qui nous parle aussi d'obéissance et de soumission, de la surmédiatisation, du traitement de l'information au sensationnalisme sans respect, sans pudeur obnubilé par la course à l'audimat et de la fascination du téléspectateur avide de se repaître du malheur des autres.

C'est enfin le rejet, la solitude et l'exclusion du narrateur.

L'écriture et la construction de ce récit sont extraordinaires.  Une plume qui m'a emportée.

A découvrir absolument.

Ma note :  immense coup de coeur ♥♥♥♥♥

Les jolies phrases

Le mal, cher monsieur, ça germe n'importe où, répliqua-t-il.  C'est même ce qui pousse avec le plus de
facilité, à la ville comme à la campagne, chez les jeunes de la maison de correction comme chez les braves gens dans votre genre.  Peut-être pousse-t-il même chez vous, entre les murs de votre maison douillette. Allez savoir.


Un monde vide, un monde de rien, sans plus d'interaction ni désir, avait chassé un monde d'amour et de tendresse. 

Aucune pensée n'est jamais juste.  Totalement pure.  Au fond, nous ne sommes qu'ombres et doubles-fonds, qu'écheveaux à débrouiller.

Le vrai solitaire est celui qui vit à l'abri de toute espérance.

Votre désinvolture, à vous autres Méridionaux, disait-il, c'est votre meilleure arme pour affronter le monde.  Le secret c'est de ne jamais la perdre, cette désinvolture, ou de la retrouver quand elle a été perdue. 

La jalousie, c'est le seul vrai mal incurable.

Pendant qu'elle fulminait, la rage ôtait tout ressort à son visage et je me souviens d'avoir pensé que la solidarité dans la haine était la pire des épouvantes, car elle vous transforme une poignée d'honnêtes gens en bourreaux impitoyables.

La vie est un tribunal permanent.  Et le plus rude des procureurs, c'est notre imagination, notre capacité à affabuler, à procéder par raccourcis, par supputations.  Dieu merci l'imagination n'est pas toujours secondée par l'intelligence, sinon le malheur des hommes serait encore plus grand.

L'accusation, la plupart du temps, ce n'est rien d'autre qu'un moyen de diversion. Ça permet de nous arroger des vertus par opposition, des vertus dont la plupart du temps nous sommes dépourvus.  En salissant autrui, on pense le priver de lumière et, par ricochet, briller un peu soi même.  Le pire, c'est que cette façon de faire nous permet de nous sentir mieux !  Elle rend heureux, du moins sur le moment?  Et comme nous sommes tous, à tour de rôle, accusé et accusateur, on ne se départit jamais vraiment d'une forme de complaisance assez malsaine à l'égard de ceux qui nous blâment.  Ce qui fait la différence, au bout du compte, c'est le degré où certains portent le vice, et la limite que nous posons à notre complaisance.

La réputation est un bien précieux, fantasque, y toucher c'est prendre le risque de la perdre à jamais.

Au fond, qu'est-ce que l'humanité si elle ne s'arrime pas, ne fût-ce qu'une fois, à un acte de liberté ?

Est-ce que l'amour doit forcément déboucher sur quelque chose d'autre que de s'aimer ?

La douleur d'autrui est un aliment bien maigre, elle se digère vite fait.

La vie, au fond, se résume à une question de choix, de décisions prises et d'autres repoussées.  À chaque fois, c'est comme si le destin rebattait les cartes de nos vies avant de les redistribuer.  





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