lundi 16 janvier 2023

La dérive des sentiments - Bernard Caprasse ♥♥♥♥♥

 La dérive des sentiments   -    Bernard Caprasse  ♥♥♥♥♥





























Weyrich éditions
Plumes du Coq
Parution : 28/04/22
Pages : 384
Isbn : 9782874896910
Prix : 18 €


Présentation de l'éditeur



À sa naissance, Héloïse est rejetée par son père. Cet aristocrate campagnard la rend responsable de la mort de son épouse lors de l’accouchement. Affectée d’un pied bot, l’enfant l’apprivoisera pourtant.

Pour lui trouver un prétendant que ne rebute pas son handicap, il convie à une fête somptueuse le gratin de la noblesse. Quelques jeunes gens supputent l’étendue de sa fortune, mais rien ne se passe comme prévu…

Entre passions et manipulations, drame et rédemption, l’histoire d’Héloïse de Sterpigny et de sa famille traverse tout le vingtième siècle.



L'auteur













Photo Le Soir

Avocat successivement au Barreau de Bruxelles et de Marche-en-Famenne (1972-1996), Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Marche-en-Famenne (1985-1986), Conseiller communal de Vielsalm (1976-1978 et 1983-1986), Conseiller provincial du Luxembourg (1977-1987), Député Permanent du Luxembourg (1979-1981), Gouverneur de la Province de Luxembourg (1996- 31/01/2016).

Auteur de commentaires scientifiques dans le "Journal des Tribunaux du Travail" et d'une vingtaine de textes, notamment destinés au Conseil provincial du Luxembourg.

Le dernier s'intitule "Brêves mémoires du futur : pour la génération Z "

Bernard Caprasse effectue ses trois dernières années d'humanité au Collège d'Alzon à Bure. Interne rentrant chez ses parents vingt-quatre heures une fois toutes les trois semaines.

Le sport, la lecture et le théâtre seront ses dérivatifs.

Le théâtre le passionne, il jouera successivement dans "L'Aiglon" d'Edmond Rostand , "Meurtre dans la cathédrale" de T.S Eliot, "Les Cyclones" de Jules Roy. La mise en scène était assurée par le Père Gaston, sous la supervision de Bernard Faure qui incarnera de longues annnées le personnage de Monsieur Zigo à la RTBF.

Cette réminiscence de la prime jeunesse n'est pas innocente dans le choix du genre littéraire, le théatre, plustôt que le roman par exemple, pour évoquer le thème du "Gouverneur oublié".


Source : Service du Livre Luxembourgeois


Mon avis

Héloïse de Sterpigny voit le jour en octobre 1921.  Cette nuit devait être heureuse, le fruit de cet amour si grand entre la Comtesse Barbara Valensky et Jean de Sterpigny. Malheureusement elle fut tragique. Barbara décède en couches, donnant la vie à une petite fille, comble du malheur affligée d'un pied bot.

Pétrifié de douleur et de chagrin, Jean de Sterpigny rejette la faute à sa fille la rendant responsable.  Il refuse de voir l'enfant et de s'en occuper.

Madame Lescrenier, la voisine, fermière de son état, va la prendre en charge contre une pension.  Elle va l'élever comme sienne, mais au premier anniversaire de la petite, n'en pouvant plus de la situation, va demander à Jean de Sterpigny d'assumer. S'il ne s'en occupe pas, elle ne le souhaite plus non plus dans ces conditions. Soit il va au bout de son raisonnement et l'abandonne vraiment, ou elle vient lui présenter une fois par semaine afin qu'il la voie grandir.

Au fil du temps, une complicité va naître et Héloïse va finir par apprivoiser son père qui va l'aimer d'un amour inconditionnel.

Héloïse grandit, se forge un caractère fort, elle ne baisse jamais les bras malgré son handicap et va toujours de l'avant.  Elle réagit avec force et courage face au mépris et à la méchanceté des autres. A l'école tout d'abord lorsqu'elle entend qu'on la surnomme "boitillon" puis plus tard auprès des siens dans la noblesse n'intéressant personne de son rang.  

Le temps passe et nous voici après la libération, son père va organiser une chasse à courre et un grand bal, il est prêt à tout pour le bonheur de sa fille,  pour trouver un prétendant de son rang à sa fille, son stratagème échoue, grosse déception, mépris encore.   

Femme moderne, travaillant avec son père.  Héloïse aime se promener auprès du peuple, avec sa voiture, elle aime aller visiter les marchés aux bestiaux.  C'est là qu'elle tombera follement amoureuse d'un marchand, Louis Taverneux, n'ayant qu'un seul Dieu, celui de l'argent, de la richesse et du pouvoir.

Jean de Sterpigny y vit l'occasion de rendre sa fille heureuse, un mariage d'amour pour Héloïse qui tournera malheureusement au fiasco.

C'est un roman de femmes que nous propose Bernard Caprasse sur presqu'un siècle, il est d'ailleutrs divisé par un prologue et trois autres parties reprenant les prénoms de Barbara, Héloïse, Charlotte et Esmeralda.  Ces femmes sont au coeur de cette saga, elles sont influentes, modernes, indépendantes et résilientes.  Le fil conducteur est Héloïse et sa descendance en suivant son fils Bertrand.

Ce roman se passe en grande partie dans nos Ardennes mais vous propose aussi de voyager à Leuven, Bruxelles, en Suisse mais aussi en Amérique du Sud, il nous permet de traverser le siècle et les événements historiques de notre pays comme par exemple de manière rapide la guerre dans les Ardennes (plus développée dans le magnifique "Le cahier orange" que je vous conseille vivement), l'après guerre, mai 68, la scission de l'université de Leuven et le "Wallen Buiten", la situation complexe de Molenbeek dans les années 70.   

C'est passionnant, riche comme le vocabulaire.  La plume est sensible et belle.  L'écriture est fluide et les chapitres courts rendent la lecture prenante, les pages tournent de manière rapide.  Bernard Caprasse a le don de raconter, de captiver.

Un roman qui dépeint à merveille sur le thème de l'amour et de la trahison, la société de l'époque, le milieu rural et celui de la bourgeoisie.  La psychologie des personnages est bien développée, chaque personnage ou presque a un côté obscur mais aussi un autre lumineux.

Coup de coeur pour moi.

Ma note : ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases

Le bonheur absolu existe-t-il ?  Un bonheur que rien ne viendrait contrarier, pas même les aléas vulgaires du quotidien.  Un bonheur linéaire, pur, cristallin comme un torrent de montagne épargné par les souillures de l'homme.

La hantise de terminer vieille fille rôdait.  Le célibat subi, à moins d'être veuve, se vivait comme une expiation de tares affectant le physique et le caractère. Il convenait de se marier jeune, de faire des enfants dans la vigueur des années fertiles.  Pauvres femmes que l'amour dédaignait, elles traversaient l'existence, le dos accablé de propos compatissants, ironiques ou méchants.  Le mal n'épargnait ni les dames de la noblesse ni les bourgeoises auxquelles leur milieu réservait des commentaires d'une cruauté ciselée.

La mélancolie était un loisir de riches. Elle n'excusait pas l'abandon d'un enfant.


Les ragots sont plus rapides que les lièvres.


Je t'ai aimé plus que tout! La dérive des sentiments m'a conduite à te haïr. Aujourd'hui, c'est pire, tu m'indiffères.


Dans notre milieu, les moqueries sous cape, les réprobations, le rejet, pas que dans notre milieu d'ailleurs. Pour moi aussi, c'est compliqué. Des siècles de traditions, d'obligations. On se marie entre soi.  Crois-moi ces règles ont leur raison.  C'est curieux, elles sont à la fois hypocrites et fondées. 

Ton père, c'est pire qu'un fantôme, les fantômes au moins apparaissent de temps en temps.

D'ailleurs, le grand mérite des pauvres, c'est de permettre aux riches d'exister.

La vérité dévoyée par la jalousie est pire que le mensonge.  Faire mal est sa raison d'être. 

L'existence pouvait être si simple en acceptant que l'amour n'en fût pas.

Fuir c'est ma seule chance de survivre.  C'est un réflexe animal.

Fuir est un enfermement. Sans répit, le fugitif est aux aguets. Il craint d'être reconnu, redoute les trahisons, apprend les bruits, scrute les visages, se méfie de ce qui dans l'air paraît anormal et plus encore des calmes trompeurs.  Livré à lui-même, il dépend pourtant des autres.  

Le crime fait des victimes dont on ne parle pas.  C'est mieux ainsi.  La mère de l'assassin, la soeur du violeur, les enfants d'un monstre vivent leur souffrance dans le secret. À quoi sert-il de les tirer de l'anonymat à moins qu'ils ne décident eux-mêmes d'en sortir ?  À certains, on ne laisse pas le choix.  Ils se retrouvent par procuration au banc des accusés.  Des coupables en pointillés, mère peu maternelle, père absent...  Proies d'un voyeurisme avide de la désolation des autres.

Dire la vérité est difficile. On a rarement le choix du moment, et le choix des mots est une épreuve. 


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1 commentaire:

Jacqueline a dit…

Bonsoir Nathalie
Je viens de terminer La dérive des sentiments ..... grâce à toi, j’ai découvert un roman magnifique, riche par l’histoire, les personnages, l’écriture....Un beau moment de lecture.....