mardi 7 mai 2024

La frontière des oubliés - Aliyeh Ataei

 La frontière des oubliés  -  Aliyeh Ataei



























Gallimard
Collection du monde entier
Parution : 14/03/2023
Trad. du persan par Sabrina Nouri
Préface d'Atiq Rahimi
Pages : 160
ISBN : 9782073006745
Prix : 18 €

Présentation de l'éditeur

Neuf récits composent La frontière des oubliés et retracent le parcours de l’écrivaine, depuis sa fuite, enfant, de la frontière afghane pour se bâtir une vie à Téhéran. Dans chacune de ces vignettes de vie qui se font écho, elle brosse le portrait de ses compatriotes exilés, des « frontaliers », souvent des femmes, qui portent tous des traces de la guerre, des plaies profondes marquées par des balles invisibles. À chaque rencontre, elle s’interroge sur la violence, l’exil et l’identité. En s’imprégnant de son propre vécu, Aliyeh Ataei embrasse ici plus largement le sort de tous ceux qui ont hérité des « chromosomes-douleurs », se faisant l’écho de leurs voix si peu audibles.

La frontière des oubliés nous fait découvrir une nouvelle plume puissante venue d’Iran. De son style clair et tranchant, Aliyeh Ataei dévoile des vérités qui secouent, et bouleversent.



Aliyeh Ataei

Aliyeh Ataei est une écrivaine, nouvelliste, romancière, poétesse et activiste féministe iranienne.

Née de parents afghans, elle grandit à Darmian, une région frontalière entre la province du Khorasan du Sud en Iran et la province de Farah en Afghanistan.

Diplômée du lycée de Birjand, en Iran, elle poursuit ses études à l'Université d'art de Téhéran d'où elle obtient un master of arts en écriture de scénario.

Elle écrit pour plusieurs magazines tels que Hamshahri, Tajrobeh, Saan et Nadastan. Ses nouvelles ont également été traduites et publiées dans plusieurs magazines anglais parmi lesquels Michigan Quarterly Review et Guernica.

Avec cinq livres publiés en Iran (depuis 2012), où elle a reçu plusieurs prix dont le prestigieux Mehregan-e-Adab en 2014, elle est traduite pour la première fois en français en 2023 avec "La frontière des oubliés" ("Kursorkhi", 2021).

Largement inspirée par son enfance et de sa propre errance entre deux pays qui se déchirent, ses textes racontent l’expérience du seuil et disent comment les blessures invisibles de l’exil se transmettent de génération en génération.

son site : https://www.aliyehataei.com/

Aliyeh Ataei nous en parle



Mon avis


J'ai découvert Aliyeh Ataei grâce à l'Intime Festival de Namur, cette jeune femme m'avait émue en nous racontant son premier livre traduit en français.  Je viens enfin de le lire en prévision d'une nouvelle rencontre à la foire du livre de Bruxelles. 

A travers neuf récits très personnels, elle nous brosse le portrait de ses compatriotes comme elle exilés.  Elle est née à la frontière irano-afghane, entre deux terres, deux pays qui avaient le même territoire, qui étaient unis par la même langue.   Difficile d'avoir une identité propre lorsque se mêlent l'amour et la haine, le sentiment d'avoir un corps Afghan qui est proscrit en Iran, l'âme Iranienne bannie en Afghanistan.

Difficile pour ce peuple meurtri par les guerres (les russes, les Moudjahdines, les américains, les talibans) de trouver leur identité. Difficile pour les exilés de trouver leur place, elle a quitté sa terre mais comme beaucoup d'exilés de la seconde génération se retrouve sans pays, beaucoup d'exilés ne maîtrisent même plus leur langue persane.

Partant de son vécu, elle nous raconte neuf récits de 1986 à 2017 (1365 à 1396 dans le calendrier persan) pour nous faire comprendre la réalité de ce peuple frontalier, leurs sacrifices, leurs souffrances, leurs réalités, leurs luttes et espoirs. 

On comprend l'asservissement du peuple, des femmes en particulier, elle écrit pour la liberté des femmes.  Un témoignage indispensable qui nous fait comprendre ce qui se passe réellement là-bas, le déchirement d'un peuple qui perd son identité.

Le récit est magnifiquement écrit, la langue est très belle, touchante, intense.  A l'aide de métaphores, elle nous fait comprendre les conséquences de la guerre (particulièrement le chapitre relatant l'invasion de scorpions bruns).  C'est intelligent, les mots sont vraiment bien choisis.  Un témoignage essentiel intense qui secoue et bouleverse.

Ma note : ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases

Une femme n'est pas seulement une femme au Moyen-Orient ; c'est le pétrole même de la région, qui prend feu et qui enflamme.  Jusqu'au jour où le pétrole circulera sous cette terre, elle brûlera de l'intérieur. Et les droits des femmes continueront à n'être que duperies pour tout obtenir sauf leur dignité et respect.

C’est à la condition des femmes que l’on mesure la santé d’une nation.


La guerre modifie l’équation de l’amour : ce sont deux lignes parallèles qui se suivent jusqu’à l’éternité sans jamais se croiser. Quand la guerre emporte celui que tu aimes c’est comme si la balle qui vient percer ton cœur ne s’arrêtait jamais.

Lorsque l'on a compris très tôt qu'un humain peut en tuer un autre, il se peut que l'on ne ressente plus rien face à la mort. 

Quel exilé n'est pas hanté par le désir de retrouver son chez soi, même misérable ? 

Pour moi, il n'y avait pas de distance. Etait-ce parce que l'Iran est voisin de l'Afghanistan? Peut-être avais-je adopté l'Iran ou peut-être était-ce lui qui m'avait adoptée. En tout cas, je voyais l'exil comme un café amer dont l'amertume rassure, et l'exilé heureux comme celui qui se dissout dans son nouveau pays tel le sucre dans la tasse, lui apportant de la saveur.

J'ai peine à croire que les histoires racontées dans ces pages soient les miennes et que je puisse encore après tant d'infortunes trouver les mots pour dire au monde à quel point la guerre continue de nous meurtrir, de nous chasser, de nous anéantir.  Les frontières nous blessent et les coupables de ces crimes restent impunis.  Nous sommes ceux qui vivent et ceux qui vendent la frontière.  Nous sommes tout cela. 

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