La nuit au cœur - Nathacha Appanah ♥♥♥♥♥
La Blanche
Parution : 21/08/25
Pages : 288
ISBN : 9782073080028
Prix : 21 €
Prix Femina 2025
Prix Goncourt des Lycéens 2025
Prix Renaudot des lycéens 2025
Présentation de l'éditeur
De ces trois femmes, il a fallu commencer par la première, celle qui vient d’avoir vingt-cinq ans quand elle court et qui est la seule à être encore en vie aujourd’hui.
Cette femme, c’est moi. »
La nuit au cœur entrelace trois histoires de femmes victimes de la violence de leur compagnon. Sur le fil entre force et humilité, Nathacha Appanah scrute l’énigme insupportable du féminicide conjugal, quand la nuit noire prend la place de l’amour.
Natacha Appanah
Elle descend d'une famille d'engagés indiens de la fin du XIXe siècle, les Pathareddy-Appanah. Elle passe les cinq premières années de son enfance dans le Nord de l'île Maurice, à Piton. Elle travaille d'abord à l'île Maurice comme journaliste pour "Le Mauricien" et "Week-End Scope".
En 1998, elle vient s'installer en France, à Grenoble, puis à Lyon, où elle termine sa formation dans le domaine du journalisme et de l'édition et poursuit sa carrière de journaliste dans la presse écrite et en radio. Son premier roman, "Les Rochers de Poudre d’Or" (2003), qui raconte l’épopée des travailleurs indiens engagés c'est-à-dire venus remplacer les esclaves dans les champs de canne à sucre à l’île Maurice, lui vaut le prix RFO du Livre 2003.
Son second roman, "Blue Bay Palace" (2004), est contemporain: elle y décrit l'histoire d'une passion amoureuse et tragique d'une jeune employée indienne d'un hôtel de luxe pour touristes, à l'égard du fils de son patron. Histoire qui cristallise les différences de classe et de caste. "Le Dernier Frère" (2007) a reçu plusieurs prix littéraires dont le prix du roman Fnac 2007, le prix des lecteurs de L'Express 2008, le prix de la Fondation France-Israël. Il a été traduit dans plus de quinze langues.
En 2013, les éditions Payot ont publié "Indigne" d'Alexander Maksik, le roman qu'elle a traduit de l'américain. Paru en 2016, son roman "Tropique de la violence" est issu de l'expérience de son séjour à Mayotte où elle découvre une jeunesse à la dérive. Ce roman remporte le tout premier prix Femina des lycéens, le premier Prix Patrimoines 2016, le Prix France Télévisions 2017, le Prix du roman métis des lecteurs 2017 et le Prix du roman métis des lycéens 2017.
Son roman "Le ciel par-dessus le toit" figure sur la première sélection du prix Goncourt 2019. "Rien ne t'appartient" (2021) obtient le Prix des libraires de Nancy – Le Point 2021. Elle publie en 2023 un récit personnel, "La Mémoire délavée", où elle évoque ses souvenirs d'enfance ainsi que ses ascendants.
Elle obtient en 2025 le Prix Femina pour son roman "La Nuit au cœur".
Source : Babelio
Son écriture puissante et précise nous secoue, nous dérange et bouleverse. Elle nous éclaire sur la spirale de la violence qui mène au féminicide et touche malheureusement de trop nombreuses femmes.
Mon avis
C'est un récit bouleversant, une enquête qui lie trois femmes, trois destins, trois histoires vraies, trois effacements. Trois femmes qui courent, qui luttent et dont seule Natacha est vivante pour témoigner de leur souffrance.
Natacha Appanah est une survivante, elle est la seule à pouvoir témoigner et nous décrire de manière presque chirurgicale la progression insidieuse de l'emprise, qui mène à l'indicible.
Dans une pièce imaginaire, elle rassemble 3 bourreaux pour les réunir et reprendre le pouvoir, inverser les rôles, elle les oblige à écouter le silence et les tient à la merci de son histoire qu'ils vont devoir entendre. Elle les réduit à des initiales, il y a :
MB le maçon
RD le chauffeur
HC le journaliste poète.
C'est tout en pudeur, avec une langue retenue, vibrante et intense qu'elle redonne visibilité et réhabilite trois destins effacés. Trois femmes qui un jour ont dû courir pour essayer d'échapper à la violence de leur mari, seule l'autrice est là pour en témoigner.
Elle a enquêté sur le décès de Chahinez Daoud brûlée vive par son mari en mai 2021 mais aussi sur l'histoire de sa cousine décédée en décembre 2000 à l'île Maurice.
C'est un acte de mémoire, de résistance d'une intensité bouleversante, un récit intime mais tellement universel.
Natacha, Emma et Chahinez avaient toutes les trois un conjoint qui disait les aimer avec pourtant la seule obsession de vouloir les tuer. Comment en arrive-t-on à accepter l'inacceptable ? Pourquoi accepte-t-on d'être humiliée, soumise, brutalisée par l'homme qui dit vous aimer?
Une lecture indispensable, un réel engagement littéraire, un prix amplement mérité.
Prix Femina 2025
Prix Goncourt des Lycéens 2025
Prix Renaudot des lycéens 2025
Roman coup de cœur - coup de poing
Les jolies phrases
L'âge est un privilège et vieillir est une chance, dit-on.
Grâce à l'écriture, je pouvais aller partout, vivre d'autres vies que la mienne, tester plusieurs rapports au monde.
Être adulte c'est arrêter de souffler des bougies sur un gâteau, c'est cesser d'attendre des gestes d'affection, c'est se moquer de ces rituels.
Le soir, je la sens, à mesure que j'approche de la maison, je la sens, cette peur physique et morale. C'est quelque chose à éprouver, cette sensation d'une grande main froide qui se pose sur son cœur, ce liquide noir qui envahit son esprit, ce fatras grouillant dans son ventre, le gouffre imprévisible que représente la nuit.
Parfois me vient cette vérité simple : j'ai à peine écrit depuis que je vis avec lui, depuis six ans. Je pourrais devenir folle à cette pensée, qui pulvérise le sens même de ce que je croyais être mon existence. Je ne comprends pas comment j'en suis arrivée là, comment je vis une vie minable qui est l'exact opposé de celle dont je rêvais.
Sommes-nous réduites à ça devant un homme qui veut notre mort : parler, convaincre avec les mots, avec ce que nous avons, tout donner sauf notre cœur battant ? Rien n'a d'importance à ce moment-là, sauf le cœur.
La violence dans un couple. L'engrenage qu'est cette violence. Les rets qui nous emprisonnent, nous serrent. La fine ligne qui sépare amour/dépendance/emprise. Courir pour échapper à l'homme. La peur des derniers instants. La peur que les femmes ont des hommes. Peur de son père, peur de son mari, de son frère, de son oncle, de son cousin, de l'homme croisé dans la rue. Être réduite à rien, au silence, malgré toute son éducation et ses études et ses paroles et son ambition d'émancipation. Devenir une proie. Ne pas reposer en paix.
Il faut dire ces choses là parce que si parfois il nous arrive de retourner vers nos bourreaux, c'est aussi vers nous-mêmes que nous retournons, vers ce seul nous que nous connaissons, vers ce seul corps que nous sachions faire exister désormais.


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