jeudi 17 juin 2021

Ce que nous confions au vent - Laurent Imai Messina ♥♥♥♥♥

Ce que nous confions au vent   -  Laura Imai Messina



















Albin Michel
Traduit de l'italien par Marianne Faurobert
Parution : 31 mars 2021
Pages : 288
Isbn : 9782226450289
Prix : 19.90 €


Présentation de l'éditeur



Sur les pentes abruptes du mont Kujira-yama, au milieu d’un immense jardin, se dresse une cabine téléphonique : le Téléphone du vent. Chaque année, des milliers de personnes décrochent le combiné pour confier au vent des messages à destination de leurs proches disparus.

En perdant sa mère et sa fille, emportées par le tsunami de 2011, Yui a perdu le sens de sa vie. C’est pour leur exprimer sa peine qu’elle se rend au mont Kujira-yama, où elle rencontre Takeshi, qui élève seul sa petite fille. Mais une fois sur place, Yui ne trouve plus ses mots...

C’est un endroit réel qui a inspiré à Laura Imai Messina ce magnifique roman. Ode à la délicatesse des sentiments, Ce que nous confions au vent est une puissante histoire de résilience autour de la perte et la force rédemptrice de l’amour. 

L'auteur

Laura Imai Messina vit au Japon depuis 15 ans et travaille entre Tokyo et Kamakura, où elle vit avec son mari japonais et ses deux enfants. Docteur en littérature comparée, elle a écrit plusieurs livres sur la culture japonaise. Ce que nous confions au vent est son premier roman traduit en français.



Mon avis 

C'est un très beau roman que nous propose Laura Imai Messina, un roman universel qui touchera chaque lecteur car nous avons tous quelqu'un qui est parti trop tôt, à qui on n'a pas eu le temps de dire au revoir.

Il est inspiré d'un lieu réel situé dans le Nord du Japon, le petit village d'Ôtsuchi dans la préfecture d'Iwate - c'est la région la plus dévastée par le tsunami du 11 mars 2011.  Un retraité, Monsieur Itaru Sasaki a installé dans son jardin dominant la mer, une cabine téléphonique. 

  "Kaze no denwa" ce qui signifie le téléphone du vent.  

Un téléphone qui n'est pas raccordé mais qui permet aux personnes ayant perdu un proche de communiquer avec eux pour entamer un processus de deuil. Au Japon, le culte des disparus est important, on l'évoque souvent.

Dans le roman, Yui a perdu sa fille et sa maman lors du tsunami, elle anime une émission à la radio et vit enfin survit plus exactement aujourd'hui à Tokyo.  Elle a entendu parler de cette cabine dans le jardin de Guardia Bell et décide de s'y rendre...

Lors de sa première visite, elle y rencontre Takeshi Fujita, un chirurgien papa d'une petite fille vivant à Tokyo, il a perdu son épouse. Ils vont prendre l'habitude de se rendre à Guardia Bell ensemble très régulièrement.  C'est un long voyage qui dure sept heures par trajet...  

Ils vont prendre le temps de se parler, de se confier, de créer des liens de plus en plus forts.  Ils se comprennent, au fil des mois deviennent amis,  indispensables l'un pour l'autre mais c'est difficile de quitter sa douleur et de se donner le droit au bonheur.

Les rencontres avec le propritétaire Monsieur Suzuki et d'autres personnes se rendant sur les lieux sont riches et chaleureuses.  Ce lieu est devenu très important pour Yui qui n'hésitera pas au péril de sa vie de s'y rendre pour le protéger à l'approche d'un typhon.

Un très beau roman qui nous parle du deuil et de son processus mais surtout de résilience.  C'est lumineux, magnifique.

La plume de Laura Ima Messina est douce, empreinte de délicatesse, de respect.  Elle est très poétique.  Elle nous parle d'un lieu magnifique, un endroit permettant à de nombreuses personnes de trouver la paix en laissant des paroles à leur défunt se laisser emporter par le vent.

Un très joli coup de coeur ♥♥♥♥♥


Un très beau reportage est disponible sur Arte en cliquant sur ce lien 













Les jolies phrases

Pour les enfants, le bonheur est dans les choses concrètes.  Un petit train dépassant d'un panier, l'emballage d'une part de gâteau ou une simple photographie les montrant au centre de l'attention, les yeux de toute la famille rivés sur eux.

A l'âge adulte, tout se complique.  Le bonheur, ce sont le succès, la carrière, un homme ou une femme qu'on aime, toutes choses relatives, complexes.  Qu'il existe ou non, le bonheur devient essentiellement un mot.

Yui n'aurait pu l'expliquer concrètement, mais il y avait sur son visage une ombre infime - elle devait porter la même - la marque de ceux qui restent et renoncent à toute émotion, même à la joie, pourvu qu'ils n'aient à souffrir du chagrin des autres.

Même si le temps passe, le souvenir de ceux qu'on a aimés ne vieillit pas.  C'est nous qui vieillissons.

On accepte mieux les fous tant qu'on n'est pas vraiment certain de leur folie.

Il n'y a rien à dire de ceux qu'on ignore tout. Ceux dont on ignore tout n'ont plus aucune importance.

Dans ce lieu de confinement, Yui avait fait cette découverte importante : il suffit de ne plus parler d'un homme pour l'éliminer à jamais.  C'est pourquoi on doit se souvenir des histoires, parler avec les gens, parler des gens ; écouter les gens parler d'autres personnes, et même dialoguer avec les morts s'il le faut.

D'une certaine manière, nous construisons nos vies en miroir de celles des autres. La mort, c'est différent. Tout le monde y réagit à sa manière...

L'amour le plus fort est celui qui se passe de toute explication.

Qu'ils meurent tous les trois nous a convaincus que rien de ce qu'on aurait pu faire n'aurait changé quoi que ce soit : ça devait se terminer comme ça.

On reste parents, même quand nos enfants ne sont plus là.

L'amour, c'est comme la thérapie, ça ne fonctionne que quand on y croit.

Pour moi, tous les adolescents sont l'incarnation de ce principe surréaliste...

Le deuil, lui avait dit une fois Yui, est un drôle de plat qu'on doit manger tous les jours, un fricot fait de petits riens et patiemment ingéré : un jour un quignon de pain, un grain de riz, le lendemain le jaune éclatant du citron. La digestion était lente. 

Elle le savait à présent : la vie use ; avec le temps, qui façonnent l'histoire de chacun, qui suscitent le désir d'aller chercher plus loin pour voir ce qu'elle recèle. 

Yui comprit que la tristesse conserve toujours des traces de joie ; que nous gardons gravée en nous l'empreinte de ceux qui nous ont appris à aimer, à être tour à tour heureux et malheureux ; de ces personnes rares qui ont su nous montrer comment y voir clair dans nos sentiments, comment repérer les zones hybrides, celles qui nous rendent vulnérables mais aussi différents - uniques et différents. 




1 commentaire:

Philippe D a dit…

J'aime la couverture toute en simplicité, j'aime le titre et ce que tu en dis, ton coup de coeur me fait bien envie...